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17/01/2022 | FRANCE | N°20/000095

France | France, Cour d'appel de Nouméa, 05, 17 janvier 2022, 20/000095


No de minute : 2/2022

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 17 Janvier 2022

Chambre commerciale

Numéro R.G. : No RG 20/00009 - No Portalis DBWF-V-B7E-QUF
Numéro R.G. : No RG 20/00014 - No Portalis DBWF-V-B7E-QVS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 4 octobre 2019 par le tribunal mixte de commerce de NOUMEA (RG no :2015/660)

Saisine de la cour : 14 janvier 2020
Saisine de la cour : 17 janvier 2020

APPELANTS

M. [V] [Z]
né le [Date naissance 2] 1980 à [Adresse 10],
demeurant [Adresse 7]
Représenté par Me F

rédéric DESCOMBES de la SELARL D'AVOCATS DetS LEGAL, avocat au barreau de NOUMEA

Mme [W] [H]
née le [Date naissance 3] 196...

No de minute : 2/2022

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 17 Janvier 2022

Chambre commerciale

Numéro R.G. : No RG 20/00009 - No Portalis DBWF-V-B7E-QUF
Numéro R.G. : No RG 20/00014 - No Portalis DBWF-V-B7E-QVS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 4 octobre 2019 par le tribunal mixte de commerce de NOUMEA (RG no :2015/660)

Saisine de la cour : 14 janvier 2020
Saisine de la cour : 17 janvier 2020

APPELANTS

M. [V] [Z]
né le [Date naissance 2] 1980 à [Adresse 10],
demeurant [Adresse 7]
Représenté par Me Frédéric DESCOMBES de la SELARL D'AVOCATS DetS LEGAL, avocat au barreau de NOUMEA

Mme [W] [H]
née le [Date naissance 3] 1962 à [Localité 9],
demeurant [Adresse 8]
Représentée par Me Pierre-Louis VILLAUME, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉS

M. [V] [Z]
né le [Date naissance 2] 1980 à [Adresse 10],
demeurant [Adresse 7]
Représenté par Me Frédéric DESCOMBES de la SELARL D'AVOCATS DetS LEGAL, avocat au barreau de NOUMEA

SELARL [D] [K],
Siège social : [Adresse 1]
Représentée par Me Lionel CHEVALIER de la SELARL LIONEL CHEVALIER, avocat au barreau de NOUMEA

Mme [W] [H]
née le [Date naissance 3] 1962 à [Localité 9],
demeurant [Adresse 8]
Représentée par Me Pierre-Louis VILLAUME, avocat au barreau de NOUMEA

M. [J] [A], représenté par de M. [T] [S], ès qualités de mandataire ad'hoc à la liquidation judiciaire
né le [Date naissance 6] 1972 à [Localité 11],
demeurant [Adresse 5]

M. [T] [S], ès qualités de mandataire ad'hoc à la liquidation judiciaire de M. [J] [A],
demeurant [Adresse 4]

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 22 novembre 2021, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,
Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller,
Mme Zouaouïa MAGHERBI, Conseiller,
qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Philippe ALLARD.

Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO
Greffier lors de la mise à disposition : M. Petelo GOGO

ARRÊT :
- réputée contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par M. Petelo GOGO, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

Procédure de première instance

Le 15 novembre 2010, M. [Z], M. [A] et Mme [H] ont constitué une société à responsabilité limitée dénommée Degasso, ayant pour objet l'exploitation de tous fonds de commerce de débit de boissons. Cette société a été immatriculée le 22 novembre 2010 et les associés ont été désignés en qualité de gérant.

Par jugement du 5 novembre 2012, le tribunal mixte de commerce de Nouméa, sur assignation du receveur des services fiscaux, a prononcé la liquidation judiciaire de la société Degasso, fixé la date provisoire de cessations des paiements au 5 février 2012 et désigné la selarl [K] en qualité de mandataire liquidateur.

Selon requête déposée le 30 juin 2015, la selarl [K], ès qualités, a recherché la responsabilité de M. [Z], de M. [A] et de Mme [H], et sollicité le prononcé de sanctions personnelles.

Par jugement en date du 6 mars 2017, M. [A] a été placé en liquidation judiciaire et, selon ordonnance du 29 mai 2017, M. [S] a été désigné en qualité de mandataire judiciaire ad'hoc à la liquidation judiciaire avec mission de le représenter dans l'instance introduite à son encontre par la selarl [K], ès qualités de liquidatrice de la société Degasso.

Tant Mme [H] que M. [Z] ont contesté avoir commis la moindre faute de gestion.

Par jugement réputé contradictoire en date du 4 octobre 2019, le tribunal mixte de commerce de Nouméa a :
- rejeté comme sans objet et mal fondée l'exception dilatoire de Mme [H],
- condamné M. [Z] à supporter le comblement de l'insuffisance d'actif de la société Degasso à hauteur de la somme de 6 500 000 FCFP,
- condamné Mme [H] à supporter le comblement de l'insuffisance d'actif de la société Degasso à hauteur de la somme de 6 500 000 FCFP,
- fixé la créance de la selarl [K] au passif de la liquidation judiciaire de M. [A] au titre du comblement de l'insuffisance d'actif de la société Degasso, à la somme de 10 000 000 FCFP,
- dit que toutes ces sommes sont payables entre les mains de la selarl [K], ès qualités de mandataire liquidateur de la société Degasso,
- prononcé une mesure d'interdiction de gérer à l'encontre de M. [A] pour une durée de quinze ans,
- débouté la selarl [K], ès qualités de liquidateur de la société Degasso, de ses demandes d'interdiction de gérer à l'encontre de M. [Z] et de Mme [H],
- débouté M. [Z] de sa demande de délais de paiement,
- débouté M. [Z] et Mme [H] de leur demande respective au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné M. [Z], Mme [H] et M. [A] en la personne de son mandataire liquidateur ad hoc, in solidum aux dépens de l'instance.

Les premiers juges ont principalement retenu :
- que M. [Z] qui avait validé le passif était mal venu à venir contester la créance de la CAFAT ou celle de Mme [H] au titre de son compte courant d'associé de sorte que l'insuffisance d'actif à prendre en compte s'élevait à 23 634 789 FCFP ;
- que l'insuffisance d'actif avait pour origine exclusive des fautes de gestion des anciens co-gérants, tenant à l'absence totale de comptabilité, à une poursuite d'activité abusive pendant près de deux ans, à une absence fautive de déclaration de cessation des paiements et au détournement par M. [A] d'une indemnité d'assurance ;
- que la révocation de Mme [H] et la démission de M. [Z] n'étaient pas de nature à les exonérer de toute responsabilité pour le passif accumulé avant ces cessions de fonction.

Selon requête déposée le 14 janvier 2020, M. [Z] a interjeté appel de cette décision en intimant la selarl [K], ès qualités, Mme [H], M. [A] et M. [S], ès qualités de mandataire ad hoc à la liquidation de M. [A].

Le 17 janvier 2020, Mme [H] a également interjeté appel de cette décision en intimant M. [Z], M. [A] et la selarl [K], ès qualités.

La jonction des deux instances a été ordonnée.

Aux termes de son mémoire ampliatif transmis le 9 octobre 2020, Mme [H] demande à la cour de :
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Mme [H] à supporter le passif de la société Degasso à hauteur de la somme de 6 500 000 FCFP ;
- constater que Mme [H] n'a commis aucune faute en lien direct avec le passif de la société Degasso ;
- débouter la selarl [K] et M. [Z] de l'intégralíté de leurs demandes à l'égard de Mme [H] ;
- condamner la selarl [K], ès qualités, à verser à Mme [H] la somme de 300 000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- statuer ce que de droit sur les dépens.

Aux termes de ses conclusions transmises le 1er mars 2021, M. [Z] demande à la cour de :
à titre principal,
- dire et juger que le passif allégué par la requérante ne saurait, en l'état, être assimilé à une insuffisance d'actif au titre de l'article L 651-2 du code de commerce ;
- évaluer le montant de l'insuffisance d'actif au jour où il sera statué sur la demande de condamnation ;
- constater que M. [Z] n'a commis aucune faute de gestion ;
- en tout état de cause, dire et juger que la selarl [K], ès qualités, n'établit en rien le lien de causalité entre les fautes de gestion prétendument commises et l'insuffisance d'actif alléguée ;
- débouter la selarl [K], mandataire liquidateur de la société Degasso, de l'ensemble de ses demandes à l'encontre du concluant ;
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la selarl [K], ès qualités, de sa demande d'interdiction de gérer à l'encontre de M. [Z] ;
à titre subsidiaire, si la cour venait à prononcer une condamnation à l'encontre de M. [Z],
- moduler largement à la baisse le montant des sommes qui seront mises à la charge de M. [Z] ;
- octroyer des délais de paiement sur vingt-quatre mois à M. [Z] pour s'acquitter de sa condamnation ;
en tout état cause,
- condamner la selarl [K], ès qualités, au paiement de la somme de 600.000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la selarl D et S Légal.

Dans des conclusions transmises le 28 avril 2021, la selarl [K], ès qualités, prie la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [Z], M. [A] et Mme [H] à supporter le comblement de l'insuffisance d'actif et prononcé à l'encontre de M. [A] une mesure d'interdiction de gérer d'une durée de quinze ans ;
- dire que M. [Z], M. [A] et Mme [H] ont commis des fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif constatée dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Degasso ;
- dire que la pluralité des fautes commises par chacun d'entre eux a concouru à la réalisation de l'insuffisance d'actif ;
- les condamner, en conséquence solidairement à supporter l'insuffisance d'actif, laquelle s'élève à la somme de 23 634 789 FCFP, sauf à parfaire ;
- condamner, compte tenu des manquements particulièrement graves relevés à l'égard de M. [A], à l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, et ce pour une durée de quinze ans ;
- ordonner l'exécution des mesures de publicités visées par l'article 325 de la délibération no 352 du 18 janvier 2008 portant mesures de procédure en matière de sauvegarde des entreprises ;
- condamner solidairement les appelants à payer à la liquidation de la société Degasso la somme de 500 000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner solidairement les appelants aux entiers dépens.

Dans des conclusions datées du 23 février 2020, le ministère public sollicite la confirmation du jugement entrepris.

La requête d'appel a été signifiée le 28 janvier 2020 à M. [A] selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile tandis qu'elle a été signifiée à la personne de M. [S], ès qualités, le 30 janvier 2020.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 juillet 2021.

SUR CE, LA COUR,

1) Le débat est circonscrit au principe d'une contribution de M. [Z] et de Mme [H] à l'insuffisance d'actif de la société Degasso et au montant de l'éventuelle contribution des trois anciens gérants. M. [Z] et Mme [H] contestent devoir contribuer de quelque façon que ce soit tandis que la selarl [K], ès qualités, poursuit, de manière indifférenciée, le paiement d'une somme de 23 634 789 FCFP.

Les dispositions du jugement entrepris relatives aux sanctions personnelles ne sont pas remises en cause.

2) Il résulte de la liste des créances arrêtées le 2 septembre 2013 par le juge-commissaire et de la situation du passif établie le 26 novembre 2020 que le passif définitivement admis s'établit à 45.114.503 FCFP.

Les contestations soulevées par M. [Z] quant au bien-fondé de l'admission des créances de la CAFAT ou de Mme [H] sont vaines compte tenu des effets attachés à l'admission de ces créances.

Il ressort de la comptabilité du mandataire liquidateur qu'une somme de 21.479.714 FCFP a pu être recouvrée. Dans ces conditions, l'insuffisance d'actif ressort à 23.634.789 FCFP.

3) Il est rappelé que :
- la dégradation des relations entre les trois fondateurs et co-gérants de la société Degasso avait conduit Mme [H] à solliciter, selon assignation en référé du 4 avril 2012, la révocation de MM. [Z] et [A] de leurs fonctions de gérant, la désignation d'un administrateur provisoire ainsi que la mise en oeuvre d'une expertise destinée à vérifier la régularité et la sincérité de la comptabilité de la société ;
- selon ordonnance du 21 mai 2012, le juge des référés a rejeté les demandes tendant à la révocation de MM. [Z] et [A] et à la désignation d'un administrateur provisoire mais a ordonné une expertise comptable ;
- lors d'une assemblée générale en date du 22 mai 2012, Mme [H] a été révoquée de ses fonctions de co-gérante ; cette résolution sera ultérieurement annulée, sur la requête de Mme [H], par un jugement rendu le 1er octobre 2014 par le tribunal mixte de commerce de Nouméa en raison d'un défaut de convocation de l'intéressée à l'assemblée générale ;
- concomitamment, à la suite du décès d'un client survenu dans la nuit du 7 au 8 avril 2012, une fermeture administrative de la discothèque exploitée par la société Degasso a été ordonnée ;
- l'établissement a été détruit dans un incendie dans la nuit du 14 au 15 avril 2012 ;
- par lettre datée du 10 juillet 2012, M. [Z] a démissionné de son mandat de gérant ;
- l'expert judiciaire, M. [S], a déposé un rapport daté du 15 janvier 2013 dans lequel il stigmatise l'absence d'orthodoxie de la comptabilité et des détournements d'actifs.

4) A l'appui de son action en responsabilité, la selarl [K], ès qualités, se prévaut des fautes de gestion suivantes :
- poursuite abusive d'une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à une cessation des paiements,
- tenue irrégulière de la comptabilité de la société Degasso,
- absence de déclaration de l'état de cessation des paiements dans les délais impartis,
- détournement d'une prime d'assurance (M. [A]).

Dans ses développements relatifs à la poursuite abusive d'une exploitation déficitaire, le mandataire liquidateur reproche aux anciens gérants d'avoir « constitué une société et créé des charges sans bénéficier de fonds propres nécessaires à la réalisation de leur activité, laissé des dettes impayées dès la constitution de la société, engagé des dépenses sans aucune perspective commerciale sérieuse dès lors que le quartier excentré choisi pour l'exploitation ne permettait pas d'attirer une clientèle importante et surtout qu'ils ne bénéficiaient pas d'autorisation administrative permanente leur permettant d'exploiter un débit de boisson à des horaires compatibles avec l'exploitation d'une boîte de nuit, continué cette exploitation déficitaire sur plusieurs mois sans prendre les mesures qui s'imposaient, tout en utilisant les fonds de la société à leur bénéfice ou au bénéfice de sociétés dans lesquels ils étaient associés, de nombreux flux anormaux ayant été constatés, le tout dans un contexte de mésentente grave entre les trois associés gérants dès le début de l'activité ».

La comptabilité de la société Degasso était tenue par le cabinet Espace compta.

L'expert judiciaire commis le 21 mai 2012, M. [S], a observé que les comptes n'avaient pas été établis conformément aux normes comptables en ce que :
- l'intégralité des opérations n'avait été retranscrite (manque des achats et des ventes),
- la caisse sociale s'était trouvée créditrice à partir du mois de juillet 2012,
- certaines opérations n'étaient pas enregistrées au coût d'acquisition (véhicule BWM Z3),
- le stock de fin d'année n'avait pas été comptabilisé.

Ces éléments interdisent à M. [Z] de soutenir de façon benoîte que « la comptabilité de la société (avait) été établie ».

Ces irrégularités vont au-delà de défaillances techniques qui n'engageraient que la responsabilité du cabinet comptable. Non seulement, elles ne permettaient pas aux gérants d'avoir une connaissance exacte de la situation financière de la société Degasso, ainsi que l'ont rappelé les premiers juges, mais encore il ressort du rapport de M. [S] que ce défaut d'orthodoxie était l'expression des pratiques critiquables des gérants.

L'article L 123-12 du code de commerce prescrivant expressément la réalisation d'un inventaire annuel, Mme [H] n'est pas fondée à se retrancher derrière un manquement du cabinet comptable à son obligation de conseil pour excuser l'absence d'inventaire et donc sa propre défaillance. Plus généralement, il lui appartenait en sa qualité de gérante de s'enquérir de la tenue régulière de la comptabilité et la justification qu'elle oppose, tenant à ce qu'elle « n'avait pas accès aux comptes, aux factures de la société et ignorait les difficultés de trésorerie » n'est pas recevable dans la mesure où elle invoque sa propre incurie et que cette incurie constitue elle-même une faute de gestion. A cet égard, il peut être observé qu'exception faite de sa demande de désignation d'un expert judiciaire, présentée à une date où toute activité avait cessé, Mme [H] ne démontre pas avoir accompli la moindre démarche tant auprès des co-gérants que du cabinet comptable pour obtenir les informations qu'elle prétend n'avoir jamais eues.

Les trois gérants répondent de la faute de gestion que constitue la tenue irrégulière de la comptabilité.

L'expert judiciaire a relevé que les règlements par cartes bancaires étaient encaissés, aux lieu et place de la société Degasso, par la société After Thaï que contrôlaient MM. [Z] et [A], cette société honorant ultérieurement des factures de la société Degasso. Ces flux anormaux qui se sont traduits par une avance de trésorerie au profit de la société After Thaï engagent en premier lieu la responsabilité de MM. [Z] et [A] qui en ont été les bénéficiaires indirects. Elle engage aussi celle de Mme [H] puisqu'elle avait connaissance de cette pratique qui trouvait son origine dans sa propre interdiction bancaire, ainsi qu'elle le reconnaît à mots couverts dans un dire du 6 novembre 2012 : il doit au minimum être reproché à Mme [H] d'avoir toléré la poursuite d'une pratique répréhensible et préjudiciable à la société Degasso.

L'examen des déclarations de créances démontre que la société Degasso n'a jamais honoré ses dettes sociales, ni ses dettes fiscales ; qu'en dépit du caractère primordial des livraisons de boissons, notamment de bières pour son activité, la société Degasso n'a plus honoré les factures de la société GBNC exigibles à compter du 31 janvier 2012.

La lecture du compte 512000 OPT, qui retrace l'évolution du compte bancaire ouvert au nom de la société Degasso à l'Office des postes, enseigne que ce compte a habituellement fonctionné en débit. Son solde débiteur était de - 1.350.980 FCFP au 31 décembre 2011.

Ce constat rend compte de difficultés de trésorerie anciennes et d'un état de cessation des paiements que le tribunal mixte de commerce de Nouméa a fixé au 5 février 2012.

Les gérants n'ont tiré aucune conséquence de cette situation puisque la procédure collective a été ouverte près de dix mois plus tard, à la demande du fisc. Les trois co-gérants, y compris Mme [H] qui exerçait encore les fonctions de gérante à cette époque, répondent de la faute de gestion que constitue leur inertie fautive ; cette faute a une incidence sur le montant du passif puisque l'activité au-delà du 5 février 2012 s'est notamment traduite par de nouvelles factures impayées.

La poursuite abusive d'une exploitation déficitaire également reprochée par les premiers juges aux trois gérants fait écho à ce constat relatif à la constitution d'un passif qui ne sera jamais honoré, dès le début de l'activité.

S'appuyant sur le travail de l'expert judiciaire, M. [Z] conteste toute poursuite d'une activité déficitaire en faisant valoir que « l'activité était structurement bénéficiaire ». Mme [H] affirme également que l'activité était bénéficiaire.

Sur la base des quantités de bières commandées et des marges habituellement pratiquées, l'expert judiciaire a chiffré à 14.000.000 FCFP « au moins » le chiffre d'affaires éludé. M. [Z] et Mme [H] s'accusent mutuellement d'avoir été malhonnêtes, M. [Z] observant, en s'appuyant sur une attestation établie par un ancien salarié, M. [C], que Mme [L] conservait dans un premier temps les recettes.

En l'absence de tout autre élément qui confirmerait que des recettes ont été détournées par l'un ou l'autre des co-gérants, la cour retiendra que la preuve de la réalisation de ce chiffre d'affaires est incertaine et qu'il n'est pas établi que l'activité était bénéficiaire. A défaut, il conviendrait de reprocher aux gérants d'avoir détourné des recettes ou, au minimum, d'avoir fait preuve d'une négligence coupable en ne mettant pas en place une organisation qui empêchait une dissipation massive des recettes.

La poursuite de l'activité de la société Degasso dans de telles conditions, alors qu'au surplus, une partie de sa trésorerie était détenue par une société tierce, ne pouvait conduire qu'à une aggravation du passif de la société et à un dépôt de bilan, l'incendie survenu dans la nuit du 14 au 15 avril 2012 ayant seulement précipité la chute inéluctable de la société.

Les multiples fautes de gestion commises par les gérants ont contribué à l'insuffisance de l'actif.

Les premiers juges ont entendu corréler le montant de la contribution de chacun des anciens gérants au comblement de l'insuffisance d'actif avec la gravité de leurs fautes respectives et ont écarté toute solidarité. Ce souci d'individualiser les condamnations n'appelle aucune réserve et l'arbitrage effectué par le tribunal mixte de commerce sera entériné par la cour.

M. [Z] ne fournissant aucun justificatif sur sa situation financière actuelle, il n'y a pas lieu de lui accorder des délais de paiement.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement déféré ;

Condamne in solidum M. [Z] et Mme [H] à payer à la selarl [K], ès qualités, une somme de 200.000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum M. [Z] et Mme [H] aux dépens d'appel.

Le greffier,Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : 05
Numéro d'arrêt : 20/000095
Date de la décision : 17/01/2022
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.noumea;arret;2022-01-17;20.000095 ?
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