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25/11/2021 | FRANCE | N°20/000557

France | France, Cour d'appel de Nouméa, 02, 25 novembre 2021, 20/000557


No de minute : 102

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 25 Novembre 2021

Chambre sociale

Numéro R.G. : No RG 20/00055 - No Portalis DBWF-V-B7E-RCX

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Mai 2020 par le Tribunal du travail de NOUMEA (RG no :18/198)

Saisine de la cour : 24 Juin 2020

APPELANT

LA PROVINCE SUD,
Siège : [Adresse 2]
Représenté par Me Franck ROYANEZ de la SELARL D'AVOCAT FRANCK ROYANEZ, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

Mme [R] [Y]
née le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 5],
d

emeurant [Adresse 4]
Représentée par Me Virginie BOITEAU de la SELARL VIRGINIE BOITEAU, avocat au barreau de NOUMEA

COMPOSITION DE LA...

No de minute : 102

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 25 Novembre 2021

Chambre sociale

Numéro R.G. : No RG 20/00055 - No Portalis DBWF-V-B7E-RCX

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Mai 2020 par le Tribunal du travail de NOUMEA (RG no :18/198)

Saisine de la cour : 24 Juin 2020

APPELANT

LA PROVINCE SUD,
Siège : [Adresse 2]
Représenté par Me Franck ROYANEZ de la SELARL D'AVOCAT FRANCK ROYANEZ, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

Mme [R] [Y]
née le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 5],
demeurant [Adresse 4]
Représentée par Me Virginie BOITEAU de la SELARL VIRGINIE BOITEAU, avocat au barreau de NOUMEA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 Octobre 2021, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe DORCET, Président de chambre, président,
M. François BILLON, Conseiller,
M. [J] [M],,
qui en ont délibéré, sur le rapport de M. François BILLON.

Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO
Greffier lors de la mise à disposition : M. Petelo GOGO

ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par Monsieur Philippe DORCET, président, et par M. Petelo GOGO, greffier auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************
PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

Mme [R] [Y], aide maternelle employée par la mairie de [Localité 3], a été agréée en 2013 par la PROVINCE SUD en qualité de famille d'accueil de mineurs ou de jeunes majeurs relevant de l'Aide sociale à l'enfance (ASE), trois mineurs lui ont été ainsi confiés.

Par arrêté de la PROVINCE SUD du 8 décembre 2016, son agrément a été renouvelé pour 3 ans pour l'accueil de trois mineurs ou jeunes majeurs relevant de l'ASE, quatre en cas de fratrie. Mme [Y] a ainsi accueilli quatre mineurs de 2016 à mai 2018 et depuis mai 2018, un seul mineur lui a été confié.

Mme [Y], affiliée à la CAFAT, a ainsi pu percevoir différentes indemnités, en application de plusieurs délibérations datées des 2 avril 2003, 26 novembre 2009 et 31 mars 2017 :

- une indemnité mensuelle d'accueil pour l'activité d'accueil calculée selon le nombre d'enfants accueillis et un pourcentage du salaire minimum garanti (SMG),

- une indemnité mensuelle d'entretien destinée à pourvoir aux besoins quotidiens de la personne accueillie,

- une indemnité annuelle de trousseau destinée à pourvoir aux besoins réguliers de la personne accueillie,

- une indemnité annuelle de Noël et un bon d'achat.

Par requête introductive d'instance enregistrée le 13 juillet 2018, Mme [Y] a fait convoquer la PROVINCE SUD devant le tribunal du travail de Nouméa aux fins de :
- juger qu'eIle exerce ses fonctions dans le cadre d'un service organisé sous la subordination de la PROVINCE SUD ;

- requalifier la relation contractuelle intervenue entre les parties en contrat de durée indéterminée et à temps complet ;

- juger qu'elle doit bénéficier de la qualification d'adjoint socio- éducatif, échelon 3 eu égard à son ancienneté, selon la grille de la direction des ressources humaines et de la fonction publique de Nouvelle-Calédonie (DRHFPNC) ;

- juger que son employeur doit revaloriser son salaire mensuel conventionnel à la somme de 288 368 F CFP pour 169 heures de travail ;

- condamner en conséquence la défenderesse à lui verser les sommes suivantes selon décompte arrêté au 30 juin 2018 :

- 5 231 142 F CFP au titre du rappel de salaires,
- 1 730 160 F CFP à titre de rappel sur primes pour travail habituel de nuit,
- 1 730 160 F CFP à titre de rappel sur congés payés,
- 294 137 F CFP à titre de rappel sur primes d'ancienneté,
- 1 126 224 F CFP à titre de rappel sur jours fériés,
- 6 449 760 F CFP à titre de rappel sur dimanches travaillés,
- 1 500 000 F CFP à titre de dommages intérêts en reparation du préjudice moral et financier,

le tout avec intérêts au taux légal et exécution provisoire, à hauteur de 50% des condamnations prononcées pour les créances indemnitaires ;

- ordonner à la défenderesse, sous astreinte de 20 000 F CFP par jour de retard à compter de la décision à intervenir, de régulariser les cotisations CAFAT et CRE ainsi que lui remettre les documents sociaux rectifiés ;

- condamner la défenderesse à lui verser la somme de 250 000 F CFP au titre des frais irrépétibles.

La PROVINCE SUD dans ses dernières conclusions du 6 mai 2019 a conclu au rejet de ces prétentions au principal motif que la convention dont Mme [Y] était titulaire n'était pas un contrat de travail.

Par jugement du 26 mai 2020, le tribunal du travail de Nouméa a statué ainsi qu'il suit :

REQUALIFIE les relations entre Mme [R] [Y] et la PROVINCE SUD de Nouvelle-Calédonie en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet depuis le 1er juillet 2013 sous la qualification d'adjoint socio-éducatif échelon 3 ;

FIXE son salaire mensuel à la somme de 288 368 F CFP pour 169 heures de travail ;

CONDAMNE la PROVINCE SUD à verser à Mme [R] [Y] les sommes suivantes :

- 12 807 126 F CFP au titre des rappels de salaires de 2013 à 2018, y compris ceux concernant les dimanches et jours fériés travaillés ;

- 1 730 160 F CFP au titre des rappels de l'indemnité pour travail habituel de nuit entre 2013 et 2018 ;

- 1 730 160 F CFP au titre des congés payés dus entre 2013 et 2018 ;

- 294 137 F CFP au titre des rappels de primes d'ancienneté dues entre 2013 et 2018 ;

- 1 000 000 F CFP à titre de dommages intérêts en réparation de ses préjudices moral et financier ;

ORDONNE la remise des documents sociaux rectifiés, à régulariser auprès des organismes sociaux, et ce, sous astreinte de 10 000 F CFP par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

RAPPELLE que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la requête introductive d'instance, et que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter du jugement ;

RAPPELLE que l'exécution provisoire est de droit sur les créances salariales ;

ORDONNE l'exécution provisoire sur les créances indemnitaires à hauteur de la moitié ;

CONDAMNE la PROVINCE SUD à verser la somme de 150 000 F CFP à Mme [R] [Y], sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la PROVINCE SUD aux entiers dépens.

PROCÉDURE D'APPEL

Par déclaration enregistrée au greffe le 24 juin 2020, la PROVINCE SUD a interjeté appel de la décision.

Le mémoire ampliatif d'appel a été enregistré au RPVA le 24 septembre 2020.

Dans son mémoire récapitulatif enregistré au RPVA le 26 août 2021, elle fait valoir pour l'essentiel :

- qu'elle produit en appel la délibération ayant autorisé le président de la PROVINCE SUD à défendre les intérêts de la province dans la présente affaire ;

- que la requête de Mme [Y] relève de la compétence du juge administratif, la demande de requalification en contrat de travail étant en réalité une demande de réparation du prétendu préjudice subi du fait de son activité de collaborateur occasionnel du service public ;

- que l'activité de collaborateur occasionnel du service public n'est pas une activité professionnelle mais s'apparente à une activité volontaire non-salariée ;

- que subsidiairement, la cour ne pourra que constater l'absence de lien de subordination ;

- que Mme [Y] n'est pas fondée à demander à la cour d'appel de saisir le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'une question préjudicielle ; qu'en effet, la question posée n'invoque aucun moyen sérieux et la réponse à cette question n'est pas nécessaire à la résolution du litige ; que si la cour d'appel estimait cependant que la question préjudicielle devait être posée, il est demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de saisir le Conseil d'Etat au titre de l'article 205 de la loi organique no99-209 du 19 mars 1999 modifié relatif à la répartition des compétences et que la question soit reformulée ; qu'à défaut, il est demandé à la cour d'appel d'appliquer à Mme [Y] les dispositions, relatives à l'agrément des familles d'accueil et à l'organisation des placements familiaux prévues à la délibération modifiée no03-2003/APS du 2 avril 2003 et à la délibération du 31 mars 2017 ;

- que Mme [Y] ne peut prétendre à obtenir le statut de cadre socio-éducatif car elle ne justifie pas remplir les conditions de recrutement sur titre pour pouvoir prétendre à cette qualification ; qu'en outre, les missions d'un assistant familial qui recueille des enfants le temps d'une mesure d'assistance éducative n'ont rien à voir avec celles d'adjoint socio-éducatif ainsi qu'une précédente décision du tribunal du travail en date du18 août 2020 l'avait admis ; qu'en conséquence, la demande de Mme [Y] tendant à percevoir un salaire de cadre de catégorie C doit être rejetée, tout comme celle formée au titre d'un préjudice distinct qui n'est aucunement établi.

En conséquence, la PROVINCE SUD demande à la cour de statuer ainsi qu'il suit :

DECLARER la PROVINCE SUD recevable en son appel ;

In limine litis

RENVOYER Mme [Y] à mieux se pourvoir ;

DÉCLINER sa compétence au profit de la juridiction administrative de Nouvelle-Calédonie ;

Au fond,

À titre principal,

INFIRMER la décision déférée en toutes ses dispositions ;

DIRE ET JUGER que Mme [R] [Y] est infondée en l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions et l'en débouter purement et simplement ;

Si la cour l'estime nécessaire, poser une question préjudicielle au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie pour confirmer le statut de collaborateur occasionnel du service public de Mme [R] [Y],

Statuant à nouveau :

DIRE ET JUGER que Mme [R] [Y] possède un statut de collaborateur occasionnel du service public et qu'elle a perçu à ce titre toutes les indemnités et rémunérations auxquelles elle avait droit en vertu des délibérations de la PROVINCE SUD.

À titre subsidiaire,

INFIRMER la décision déférée en ce qu'elle a :

"Fixé son salaire mensuel à la somme de 288 368 F CFP pour 169 heures de travail,

Condamné la PROVINCE SUD à verser à Mme [R] [Y] les sommes suivantes :

- 12 807 126 F CFP au titre des rappels de salaire de 2013 à 2018 y compris ceux concernant les dimanches et jours fériés travaillés ;
- 1 730 160 F CFP au titre des rappels de l'indemnité pour travail habituel de nuit entre 2013 et 2018 ;
- 1 730 160 F CFP au titre des congés payés dus entre 2013 et 2018 ;
- 294 137 F CFP au titre des rappels de primes d'ancienneté dues entre 2013 et 2018 ;
- 1 000 000 F CFP à titre de dommages-intérêts en réparation de ses préjudice moral et financier ;

Ordonné la remise des documents sociaux rectifiés à régulariser auprès des organismes sociaux et ce sous astreinte de 10 000 F CFP par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

Rappelé que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la requête introductive d'instance et que les créances indemnitaires portant intérêts au taux légal à compter du jugement ;

Rappelé que l'exécution provisoire est de droit sur les créances salariales ;

Ordonné l'exécution provisoire sur les créances indemnitaires à hauteur de moitié ;

Condamné la PROVINCE SUD à verser la somme de 150 000 F CFP à Mme [R] [Y] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens" ;

NE PAS FAIRE DROIT à la demande d'ilIégalité de Mme [Y] ;

APPLIQUER les délibérations de la PROVINCE SUD pour déterminer le salaire perçu par la requérante ;

A défaut :

REFORMULER si nécessaire la question préjudicielle posée au tribunal administratif comme suit : "la délibération modifiée no 03-2003 /APS du 2 avril 2003, et la délibération no 28-2017 /APS du 31 mars 2017 (publiée au Journal Officiel de la Nouvelle-Calédonie du 25 avril 2017) relatives à l'agrément des familles d 'accueil et à l'organisation des placement familiaux sont-elles ou non illégales dans leurs dispositions relatives aux indemnités dues aux personnes agréées, au visa des articles 22-2 et 22-4 de la loi organique modifiée no 99-209 du 19 mars 1999" ;

En tout état de cause :

DIRE ET JUGER que Mme [Y] a perçu le salaire correspondant au droit applicable et qu'elle n'est pas fondée en ses demandes de rappel de salaire ;

DIRE ET JUGER que Mme [R] [Y] n'est pas fondée en ses demandes indemnitaires de rappel ;

DEBOUTER Mme [R] [Y] de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et financier ;

DIRE ET JUGER que Mme [Y] n'a pas été licenciée et qu'il n'y a pas lieu de condamner la PROVINCE SUD ;

DIRE ET JUGER qu'il n'y a pas lieu d'ordonner à la PROVINCE SUD de recalculer les états de services de Mme [Y] avec reconstitution de sa carrière et de son indice nouveau majoré ( INM) et des primes afférentes à son poste, année par année, et jusqu'à l'arrêt à intervenir ;

DIRE ET JUGER qu'il n'y a pas lieu de surseoir à statuer sur les demandes de rappel de salaires et accessoires de salaires ;

DIRE ET JUGER qu'en l'absence de sommes dues il n'y a pas lieu au prononcé d'intérêt au taux légal ;

DIRE ET JUGER qu'il n'y a pas lieu d'ordonner sous astreinte à la PROVINCE SUD de régulariser les cotisations CAFAT et CRE ainsi que remettre au salarié les documents sociaux rectifiés.

A titre infiniment subsidiaire,

DIRE ET JUGER en cas de requalification en relation de travail et de de requalification en cadre socio-éducatif, qu'il y a lieu de défalquer l'intégralité des indemnités perçues par Mme [Y] de la PROVINCE SUD depuis juillet 2013, soit la somme de 12 070 938 F CFP ;

DIRE ET JUGER qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire ;

En tout état de cause,

CONDAMNER Mme [R] [Y] à verser la PROVINCE SUD la somme de 800 000 F CFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction habituelle au profit de la SELARL d'avocats ROYANEZ.

**************************
Par mémoire en réponse avec appel incident enregistré au RPVA le 5 juillet 2021, Mme [Y] fait valoir pour l'essentiel :

- qu'elle demande à titre préliminaire à la PROVINCE SUD de justifier de son intérêt à agir et notamment de fournir aux débats la délibération ayant autorisé le président de l'assemblée de la PROVINCE SUD à agir dans la présente affaire ; qu'à défaut, l'appel sera déclaré irrecevable ;

- qu' un agent non titulaire dans un emploi permanent de la fonction publique, c`est-à-dire non fonctionnaire, relève systématiquement du droit du travail et qu'en conséquence le tribunal du travail est compétent ;

- que le contrat passé avec Mme [Y] ne peut s'analyser ni en un contrat administratif, ni en un statut de collaborateur bénévole du service public, les familles d'accueil étant placées sous la subordination hiérarchique de leur employeur ;

- que le législateur métropolitain a institué un véritable cadre juridique protecteur des droits des assistants familiaux, à l'instar de n'importe quel salarié, alors qu'en Nouvelle Calédonie il n'existe aucun cadre juridique concernant les assistants familiaux ;

- que la PROVINCE SUD qui refuse d'admettre que les assistants familiaux sont des salariés de droit commun, n'est pas fondée à qualifier leur contrat de travail de contrat administratif ou encore, compte-tenu de la relation particulière des familles d'accueil avec les mineurs placés, de collaborateurs bénévoles du service public ;

- que les premiers juges ont justement requalifié les relations existantes entre Mme [Y] et la PROVINCE SUD en un contrat de travail à durée indéterminée et à temps plein compte-tenu du lien de subordination résultant :

* de l'obligation de rendre compte et de respecter les consignes,

* de la participation obligatoire à des formations non rémunérées conformément à l'article 6 de la délibération modifiée no3-2003 du 2 avril 2003 relative à l'organisation des placements familiaux des mineurs relevant de l'aide sociale à l'enfance,

* du contrôle étroit de l'activité pratiquée, ab initio et à chaque renouvellement,

* du contrôle constant de l'employeur en cours d'exécution du contrat visant à s'assurer de la qualité de la prise en charge des mineurs,

* de la fourniture du matériel,

* de l'absence de risque économique,

* de l'intégration dans un service organisé ;

- que Mme [Y], faute de texte fixant un statut particulier des familles d'accueil dans le code du travail et de délibérations fixant leurs conditions de rémunérations, la Cour devra confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a appliqué le droit commun pour fixer la rémunération de cette salariée ;

- qu'ainsi, la requalification des missions exercées par Mme [Y] en adjoint socio-éducatif s'impose d'autant plus que la délibération no03-2003 du 2 avril 2003 modifiée relative à I'organisation des placements familiaux des mineurs relevant de l'aide sociale à l'enfance, ainsi que la délibération no 28-2017 du 31 mars 2017 relative à l'agrément des familles d'accueil et à l'organisation des placements familiaux sont illégales pour avoir été prises par la PROVINCE SUD, autorité incompétente en la matière s'agissant de la protection sociale laquelle relève de la Nouvelle-Calédonie sauf délégation donnée à la Province qui n'est pas rapportée ; qu'en conséquence, il est demandé à la Cour de saisir le tribunal administratif de Nouvelle Calédonie d'une question préjudicielle sur ce point.

En conséquence, Mme [Y] demande à la cour de statuer ainsi qu'il suit :

Vu les articles 22-2 et 22-4 de la Loi organique modifiée no99-209 du 19 mars 1999,

Vu l'appel incident,

DIRE ET JUGER l'appel irrecevable faute de délibération désignant le président de la province Sud pour agir,

CONSTATER l'absence de qualité à agir,

CONFIRMER le jugement rendu par le tribunal du travail en date du 26 mai 2020 en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il a :

- constaté l'existence d'un contrat de travail à durée indéterminée et à temps plein entre Mme [Y] et la PROVINCE SUD,

- requalifié en statut d'adjoint socio-éducatif de catégorie 3 le poste de Mme [Y],

- condamné la PROVINCE SUD au versement des sommes suivantes selon décompte arrêté au 30 juin 2018 :

- 5 231 142 F CFP au titre du rappel de salaires,
- 1 730 160 F CFP au titre de rappel sur primes pour travail habituel de nuit,
- 1 730 160 F CFP à titre de rappel sur congés payés,
- 294 137 F CFP à titre de rappel sur primes d'ancienneté,
- 1 126 224 F CFP à titre de rappel sur jours fériés,
- 6 449 760 F CFP à. titre de rappel sur dimanches travaillés,
- 1 500 000 F CPP à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice moral et financier ;

DIRE ET JUGER que les sommes dues produiront intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir pour les créances indemnitaires et a compter de la requête introductive pour les créances salariales ;

Y AIOUTANT et si par impossible la Cour d'appel estimait que Mme [Y] ne peut bénéficier du statut d'adjoint socio-éducatif,

DIRE ET JUGER que la PROVINCE SUD devra recalculer les salaires et primes dus à Mme [Y] compte-tenu du statut de cadre C ;

CONSTATER le licenciement sans cause réelle et sérieuse de Mme [Y] depuis le 30 octobre 2020 ;

CONDAMNER la PROVINCE SUD à régler à Mme [Y] les sommes suivantes :

- préavis : 2 mois : 430 000 FCFP + Congés payés sur préavis 43 000 F CFP,

- au titre de l'indemnité légale de licenciement: 1/10ème de 215 000 F CFP x 7 = 150 500 F CFP,

- dommages intérêts pour licenciement abusif : 12 x 215 000 FCFP = 2 580 000 FCFP ;

FAIRE droit en tout état de cause, à l'exception d'illégalité soulevée par Mme [R] [Y], concernant les délibérations modifiées no03-2003/APS du 02 avril 2003 et no28-2017/APS du 31 mars 2017 (publiée au Journal Officiel de Nouvelle-Calédonie du 25 avril 2017) relatives à l'agrément des familles d'accueil et à l'organisation des placements familiaux ;

SAISIR si nécessaire le tribunal administratif de Nouvelle Calédonie d'une question préjudicielle rédigée comme suit:

"la délibération modifiée no03-2003/APS du 02 avril 2003 et la délibération no28-2017/APS du 31 mars 2017 (publiée au journal Officiel de Nouvelle Calédonie du 25 avril 2017) relatives à l'agrément des familles d'accueil et à l'organisation des placements familiaux sont elles ou non illégales au visa des articles 22-2 et 22-4 de la loi organique modifiée no99-209 du 19 mars 1999" ;

SURSEOIR A STATUER dans l'attente de la décision du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie sur la question préjudicielle précitée,

ORDONNER à la PROVINCE SUD de recalculer les états de service de Mme [Y] [R] avec reconstitution de sa carrière et de son indice nouveau majoré (INM) et des primes afférentes à son poste, année après année, et jusqu'à l'arrêt à intervenir ;

SURSEOIR à statuer sur les demandes de rappel de salaires, et accessoires de salaires qui seront présentées par l'intimée ultérieurement ;

DIRE ET JUGER que les sommes dues produiront intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir pour les créances indemnitaires et à compter de la requête introductive pour les créances salariales ;

ORDONNER à l'employeur, sous astreinte de 20 000 F CFP par jour de retard à compter de la décision à intervenir, de régulariser les cotisations CAFAT et CRE ainsi que remettre au salarié les documents sociaux rectifiés ;

DEBOUTER la PROVINCE SUD de toutes demandes plus amples ou contraires ;

CONDAMNER la PROVINCE SUD à verser à l'intimée une somme de 300 000 F CFP au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ;

***************************
L'ordonnance de fixation de la date de l'audience a été rendue le 6 juillet 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION

De la recevabilité de l'appel de la PROVINCE SUD

Attendu que Mme [Y] demande, à titre préliminaire, à la PROVINCE SUD de justifier de son intérêt à agir et notamment de fournir aux débats la délibération ayant autorisé le président de l'Assemblée de la PROVINCE SUD à agir dans la présente affaire ; qu'à défaut, elle demande à la cour de déclarer son appel irrecevable ;

Attendu que la PROVINCE SUD produit dans le cadre du présent appel une délibération du 7 septembre 2020 habilitant la présidente de l'assemblée de la province Sud à défendre les intérêts de la province Sud devant les juridictions administratives et judiciaires, précisant en son article 2 que : "elle est habilitée au nom de l'assemblée de province, à interjeter appel devant la cour d'appel de Nouméa, du jugement no 20-77 rendu par le tribunal du travail de Nouméa le 26 mai 2020 dans le cadre de l'affaire l'opposant à Mme [R] [Y]" ;

Attendu en conséquence, que l'appel de la PROVINCE SUD est recevable ;

De la compétence du tribunal du travail

Attendu qu'il résulte de la lecture combinée des articles 879 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie et L 932-10 du code de l'organisation judiciaire, que "le tribunal du travail connaît des différends s'élevant à l'occasion de tout contrat de travail entre les employeurs et les salariés qu'ils emploient" ;

Attendu que la jurisprudence constante s'y rattachant rappelle que le fait pour un salarié d'être embauché par un organe administratif le fasse participer, dans l'exercice de ses fonctions, à une mission de service public, ne saurait faire obstacle aux dispositions de l'ordonnance du 13 novembre 1985 codifiée à l'article Lp. 111-3 du code du travail de Nouvelle-Calédonie, aux termes desquels celle-ci s'applique à tous les salariés du territoire et à tous les employeurs, privés ou publics, à l'exception des personnes relevant d'un statut de fonction publique ou de droit public (Tribunal des conflits, 28 avril 2003) ;

Attendu que Mme [Y] soutient qu'elle est liée à la PROVINCE SUD par un contrat de travail ; qu'il convient de relever que l'intégralité de ses prétentions sont fondées sur cette relation contractuelle salariée laquelle est contestée par la PROVINCE SUD qui fait valoir que Mme [Y] doit être considérée comme une collaboratrice occasionnelle du service public invitant ainsi la juridiction à décliner sa compétence au profit de la juridiction administrative ; qu'en conséquence, la cour doit au préalable déterminer si Mme [Y] est effectivement liée par un contrat de travail à la PROVINCE SUD et à défaut se déclarer incompétente pour apprécier les demandes financières formées ;

De l'existence d'un contrat de travail

Attendu qu'il appartient à celui qui se prévaut d'un contrat de travail d'en rapporter la preuve ; que selon les dispositions de l'article Lp. 111-2 du code du travail de Nouvelle-Calédonie, est considéré comme salarié, toute personne physique qui s'est engagée à mettre son activité professionnelle, moyennant rémunération, sous la direction et l'autorité d'une autre personne physique ou morale publique ou privée ; que le lien de subordination, élément essentiel de cette définition, est caractérisé par l'exécution d'un travail, dans un service organisé, sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que la qualification donnée par les parties à leur relation ne saurait s'imposer au juge qui doit rechercher l'existence du lien de subordination à partir des conditions réelles d'exercice de l'activité ;

Attendu que le statut des familles d'accueil est réglementé notamment par les délibérations de l'assemblée de la PROVINCE SUD suivantes :

- délibération no02-2003/APS du 2 avril 2003 modifiée relative à I'organisation des placements familiaux des mineurs relevant de l'aide sociale à l'enfance ;

- délibération no 10-769-2009/APS du 26 novembre 2009 portant revalorisation des indemnités d'entretien, de trousseau et de cadeau de Noël versées aux familles d'accueil de mineurs relevant de l'aide sociale à l'enfance ;

- délibération no 28-2017/APS du 31 mars 2017 modifiée relative à l'agrément des familles d'accueil et à I'organisation des placements familiaux portant abrogation de la délibération no 03-2003/APS du 2 avril 2003 ; que cette délibération a été prise, tout comme celle du 2 avril 2003, au visa de la délibération modifiée no 12-90/APS du 24 janvier 1990 prise pour l'application dans la province sud de la délibération cadre du congrès no49 du 28 décembre 1989 relative à l'aide médicale et aux aides sociales dont l'articles 38 précise que les modalités d'admission à l'aide sociale des enfants assistés et secourus sont fixées par une délibération des assemblées de province, l'article 39 ajoutant qu'une délibération du congrès de la Nouvelle-Calédonie fixera les conditions techniques d'agrément des structures d'accueil des enfants, les provinces étant compétentes pour délivrer les agréments et passer les conventions ;

Attendu qu'il en résulte que la personne est agréée à l'issue d'une instruction au cours de laquelle de nombreux justificatifs sont demandés et une enquête effectuée conformément au chapitre 1 de la délibération du 31 mars 2017 relatif à la procédure d'agrément des familles d'accueil, ce qui était déjà prévu au titre I de la délibération du 2 avril 2003 ; que la personne ainsi agréée est tenue à différents engagements vis-à-vis de la personne accueillie sous peine de voir son agrément suspendu ou retiré (article 7 et 8 de la délibération du 2 avril 2003 et articles 14 et 15 de l'ordonnance du 31 mars 2017) ; qu'outre l'obligation de discrétion prévue à l'article 25 de la délibération du 31 mars 2017, l'article 23 détaille précisément les obligations de la personne agréée (l'article 9 de la délibération du 2 avril 2003 précisait déjà des obligations) :

" - concourir à son éducation dans les conditions appropriées à son âge et à sa situation, conformément aux prescriptions du projet individualisé défini à l'article 22 ;

- favoriser son développement et son épanouissement physique, intellectuel, affectif et moral ;

- lui offrir un cadre moral et matériel garantissant sa sécurité et sa protection ;

- concourir au maintien, voire au développement, de ses relations avec sa famille, dans le cadre défini par la direction de l'action sanitaire et sociale et, le cas échéant, l'autorité judiciaire ;

- lui permettre de trouver sa juste place parmi les personnes concourant à sa prise en charge au titre de l'aide sociale à l'enfance, notamment les autorités judiciaires et la direction de l'action sanitaire et sociale, ainsi que sa famille ;

- ne jamais utiliser de sanction corporelle ou fondée sur l'humiliation, ni procéder à toutes formes de menaces ;

- permettre toute visite à domicile, ainsi que toute rencontre avec la ou les personnes accueillies, sollicitée par la direction de l'action sanitaire et sociale ;

- prendre toute disposition nécessaire pour demeurer joignable dans un délai maximum de vingt-quatre heures " ;

Attendu que ces obligations sont reprises dans le contrat de séjour prévu à l'article 22 de la délibération du 31 mars 2017 lequel est ainsi rédigé :

"A l'occasion de chaque placement, il est conclu un contrat de séjour établi entre la personne accueillie lorsqu'elle est majeure ou les titulaires de l'autorité parentale lorsqu'elle est mineure, la personne agréée et la province Sud.

Ce contrat précise notamment le rôle de la famille d'accueil et celui de la direction de l'action sanitaire et sociale. Il fixe les conditions de l'arrivée de la personne accueillie dans la famille d'accueil et de son départ, ainsi que du soutien éducatif dont il bénéficiera. Il indique les objectifs du placement et précise la contribution des différentes parties à la mise en oeuvre du contrat de séjour et, lorsque la personne placée est un mineur non émancipé, au suivi du projet individualisé défini à l'article 22.

Le contrat de séjour reproduit les dispositions de l'article 23 relatives aux engagements inhérents à la fonction de famille d'accueil.

Il est porté à la connaissance des autres membres de la famille d'accueil" ;

Attendu que la délibération détaille également dans son chapitre 3 relatif à la formation, au suivi, au contrôle et aux indemnités des familles d'accueil, d'autres obligations tenant à la formation obligatoire (article 26) qui étaient déjà prévues dans la délibération du 2 avril 2003 (article 13), ainsi que le contrôle exercé par la direction de l'action sanitaire et sociale (déjà prévu au titre III de la délibération de 2003) détaillé à l'article 28 ainsi rédigé :

"La personne agréée fait l'objet de contrôles réguliers, pouvant avoir lieu de manière inopinée et destinés à s'assurer qu'elle continue de réunir les conditions et aptitudes requises pour l'accueil de personnes relevant de l'aide sociale à l'enfance" ;

Attendu enfin que l'article 31 de la délibération de 2017 précise de nombreuses autres obligations tenant aux informations devant être communiquées obligatoirement à la direction de l'action sanitaire et sociale, les articles 14 et 15 détaillant les sanctions pouvant être prises par le président de l'assemblée de province, sur proposition motivée de la direction de l'action sanitaire et sociale, qui vont de la suspension de l'agrément à son retrait (sanctions prévues aux articles 7 et 8 de la délibération de 2003) ;

Attendu en conséquence, qu'il est établi que la PROVINCE SUD a un pouvoir de désignation des personnes agréées par voie d'arrêté, un pouvoir de direction par l'intermédiaire de la direction sanitaire et sociale placée sous son autorité et un pouvoir de sanction à l'égard de la personne agréée qui perçoit une rémunération soumise à cotisations sociales ;

Attendu dans ces conditions, que la cour constate que Mme [Y] exerçait bien son activité de famille d'accueil sous la subordination de la PROVINCE SUD dans le cadre d'un service organisé moyennant une rémunération mensuelle imposée sans encourir de risque économique ; qu'en conséquence, cette relation contractuelle doit être qualifiée de contrat de travail à durée indéterminée (en l'absence d'un contrat écrit) à temps plein ; que la compétence de la juridiction judiciaire doit être retenue ;
De la qualification professionnelle et des demandes salariales

Attendu que Mme [Y] demande à bénéficier du statut d'adjoint socio-éducatif, échelon 3, pour prétendre percevoir un salaire mensuel de 288 368 F CFP, ce à quoi la PROVINCE SUD s'oppose en relevant que Mme [Y] ne justifie aucunement remplir les conditions exigées pour être recruté sur titre pour accèder à un tel statut ;

Attendu que Mme [Y] conteste qu'il lui soit fait application des délibérations de la PROVINCE SUD no03-2003/ APS du 2 avril 2003 et no28-2017/ APS du 31 mars 2017 qui fixent les indemnités perçues par les familles d'accueil, au motif de l'illégalité de ces délibérations prises par une autorité incompétente, en l'occurrence la PROVINCE SUD, alors que la protection sociale relève de la Nouvelle-Calédonie en application de l'article 22 de la loi organique modifiée no99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ; que Mme [Y] demande ainsi qu'une question préjudicielle soit transmise à la juridiction administrative rédigée comme suit :

"la délibération modifiée no03-2003/APS du 02 avril 2003 et la délibération no28-2017/APS du 31 mars 2017 (publiée au journal Officiel de Nouvelle Calédonie du 25 avril 2017) relatives à l'agrément des familles d'accueil et à l'organisation des placements familiaux sont- elles ou non illégales au visa des articles 22-2 et 22-4 de la loi organique modifiée no99-209 du 19 mars 1999 ? ;

De la question préjudicielle

Attendu cependant que la délibération cadre du congrès de la Nouvelle Calédonie no 49 du 28 décembre 1989 relative à l'aide médicale et aux aides sociales donne compétence aux provinces pour établir la règlementation en matière d'aide sociale à l'enfance par son article 38 ainsi rédigé :

" Les modalités d'admissíon à l 'aide sociale sont fixées par une délibération des assemblées de province",

l'article 39 précisant que :

"Une délibération du congrès de la Nouvelle-Calédonie fixera les conditions techniques d'agrément des structures d'accueil des enfants, les provinces étant compétentes pour délivrer les agréments et passer les conventions", délibération qui n'a jamais été prise ;

Attendu que par ailleurs, l'article 41 de ce même texte a prévu que :

" La personne ou l'établissement auprès duquel ont été placés par décision de l'exécutif provincial les mineurs confiés à la garde du service social provincial recevront une indemnité mensuelle représentative de tous les frais d'entretien du mineur. L'indemnité mensuelle représentative des frais d'entretien d'un mineur est fixée à 30 000 F CFP minimum. Elle est majorée de 18 % lorsque l'établissement accueillant le mineur a plus de 85 % de ses effectifs en placement par la province et sous réserve que les effectifs de l'établissement concerné dépassent le nombre de 15 mineurs. Toutefois, si la province compétente a institué un prix de journée, l'indemnité mensuelle est fondue dans l'indemnité compensatrice" ;

Attendu qu'on peut ainsi affirmer que la compétence de l'organisatíon du service de l'aide sociale à l'enfance a été déléguée de la Nouvelle-Calédonie à LA PROVINCE SUD, ainsi que le Conseil d'Etat a pu le relever dans son avis no 367.263 du 19 mars 2002 (section de l'intérieur) :

"La loi organique no99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie précisant en son article 47 que :

"I- Le congrès peut, à la demande d'une assemblée de province, donner compétence aux autorités de la province pour adapter et appliquer :

1o la règlementation en matière d'hygiène publique et de santé ainsi que de protection sociale",

il ressort que le congrès a pu donner, dans le respect des principes constitutionnels, compétence aux provinces pour adapter et appliquer la règlementation en matière de protection sociale ;

L'aide sociale à l'enfance telle qu'elle est actuellement organisée dans la province Sud et dans la Province Nord repose donc sur une délégation de compétence qui leur a été consentie par la Nouvelle-Calédonie" ;

Attendu en conséquence que la question préjudicielle sollicitée par Mme [Y] qui n'est pas nécessaire à la résolution du litige doit être rejetée, aucun élément juridique n'interdisant aux provinces d'instituer des indemnités relatives à la gestion de l'aide sociale à l'enfance dont elles ont la charge ;

De la requalification des fonctions d'assistant familial en adjoint socio-éducatif ou en catégorie C

Attendu que Mme [Y] entend que soient écartées les délibérations des 2 avril 2003 et 31 mars 2017 fixant les indemnités dues aux familles d'accueil afin d'être versée dans le corps des contractuels recrutés sur un emploi permanent de la PROVINCE SUD rémunérés sur la base de la grille indiciaire correspondant au statut d'adjoints socio-éducatif ou un emploi de catégorie C représentant un salaire brut de 288 368 F CFP par mois et bénéficier ainsi de manière rétroactive des rappels de salaires et de primes pour travail habituel de nuit, congés payés, ancienneté, jours fériés et dimanche travaillés, pour un montant total de 16 561 583 F CFP ;

Attendu que le statut particulier des personnels socio-éducatifs de la Nouvelle-Calédonie est prévu par la délibération no 338 du 13 décembre 2007 :

- art. 2 : Les fonctionnaires du cadre socio-éducatif de la Nouvelle-Calédonie sont soumis aux dispositions du statut général des fonctionnaires des cadres territoriaux ;

- art.16 : Selon leur formation, les adjoints socio-éducatifs exercent leurs fonctions dans l'une des spécialités suivantes :

* Aide médico-psychologique : ils exercent en structures sociales et médico- sociales une fonction d'accompagnement et d'aide dans la vie quotidienne. A ce titre, ils interviennent auprès d'enfants, d'adolescents d'adultes en situation de handicap que leur deficience soit physique, sensorielle, mentale, cognitive, psychique, résultant d'un poly-handicap ou d'un trouble de santé invalidant.

* Auxiliaire de vie : ils ont un rôle de soutien et d 'accompagnement social. A cet effet, ils exercent au domicile des personnes, en milieu scolaire, dans les structures sociales et médico-sociales ;

- art. 18 : Les adjoints socio-éducatifs sont recrutés sur titre, parmi les candidats justifiant :

* Pour la spécialité d'aide médico-psychologique : du diplôme d'Etat d'aide médico-psychologique ;

* Pour la spécialité d 'auxiliaire de vie :
- soit du diplôme professionnel d 'auxiliaire de vie sociale ;
- soit du certificat d 'aptitude aux fonctions d 'aide à domicile ;
- soit du titre professionnel d 'assistant de vie aux familles ;
- soit du titre professionnel d 'accompagnateur(trice) de vie.

Attendu qu'il est par ailleurs constant :

- que le rôle d'une famille d'accueil ne peut être assimilé à un adjoint socio-éducatif dont la mission est d'apporter un soutien aux personnes, familles ou groupes en difficulté et de faciliter leur (ré)insertion sociale et de rechercher les causes qui compromettent leur équilibre psychologique, économique ou social ;

- que les conditions de travail d'un assistant familial ne sont ainsi pas comparables à celles d'un d'adjoint socio-éducatif : l'assistant familial exécute sa prestation à domicile et peut refuser d'accueillir un enfant et même solliciter la fin du placement de l'enfant chez lui alors que l'adjoint socio-éducatif travaille dans un établissement scolaire ou spécialisé avec des enfants qu'il ne choisit pas ; l'assistant familial n'effectue pas sa prestation la journée aux heures ouvrables, période pendant laquelle les enfants sont scolarisés mais le matin, le soir et les week-ends ;

- que les conditions de diplôme et de recrutement ne sont pas les mêmes.

Attendu qu'ainsi, Mme [Y], qui ne justifie nullement remplir les conditions de recrutement sur titre pour pouvoir prétendre à la qualification d'adjoint socio-éducatif, ne saurait solliciter la rémunération d'un adjoint socio-éducatif échelon 3, ni l'application de la convention collective du 10 septembre 1959 applicable aux personnels ouvriers et assimilés des services publics du territoire qui ne correspond aucunement à ses conditions de travail ; qu'elle relève bien des délibérations de la PROVINCE SUD no03-2003/ APS du 2 avril 2003 et no28-2017/ APS du 31 mars 2017 qui fixent les indemnités perçues par les familles d'accueil et qu'ayant perçu les indemnités prévues par ces textes, et qu'elle ne saurait prétendre au reclassement sollicité et au rattrapage demandé au titre des différents rappels indemnitaires formulés ; que le jugement entrepris doit ainsi être infirmé ;

De la demande de dommages et intérêts pour préjudice distinct

Attendu que Mme [Y] soutient que le préjudice causé par la précarité de sa situation professionnelle pendant cinq années doit être réparé par l'allocation à titre de dommages et intérêts d'une somme de 1 000 000 F CFP, voire de 1 500 000 F CFP pour s'en tenir au seul dispositif de ses conclusions ;

Attendu cependant que Mme [Y] a perçu régulièrement les indemnités qui lui étaient dues prévues par les dispositions règlementaires ; qu' il résulte des bulletins de salaire produits, que Mme [Y] et la PROVINCE SUD ont bien cotisé pour l'assurance maladie, en cas d'accident de travail et même pour la retraite et le chômage (taux de 4,54 %) ; que faute de démontrer la réalité de son préjudice, Mme [Y] doit être déboutée de sa demande à ce titre, ainsi que de celle relative à la rectification de ses bulletins de salaire ;

Du licenciement

Attendu que Mme [Y] soutient que la PROVINCE SUD a décidé de cesser brutalement de façon totalement abusive son contrat de travail en ne lui confiant pas de nouveaux placements d'enfants depuis le 30 octobre 2020 au prétexte qu'une plainte aurait déposée contre elle et qu'elle demande à ce titre que lui soient versées les sommes de 430 000 F CFP au titre du préavis, de 43 000 F CFP au titre des congés payés sur ce préavis, de 150 500 F CFP au titre de l'indemnité légale de licenciement et de 2 580 000 F CFP pour licenciement abusif ;

Attendu cependant que la PROVINCE SUD qui soutient qu'elle n'a aucunement retiré l'agrément de Mme [Y] est fondée à relever qu'elle n'est pas dans l'obligation de confier des enfants aux familles d'accueil agréées ;

Attendu que les circonstances avancées par Mme [Y] ne peuvent être assimilées à un licenciement et que si la PROVINCE SUD a n'a pas confié récemment à Mme [Y] de nouveaux placements, force est de constater que la PROVINCE SUD avait bien continué à lui confier des enfants entre la date de la requête introductive d'instance du 13 juillet 2018 et le 30 octobre 2020 ; qu'ainsi, le fait pour la PROVINCE SUD de s'être abstenue de confier récemment des enfants à Mme [Y] ne saurait être assimilé à un licenciement ;

Attendu que les demandes ainsi formées à ce titre par Mme [Y] doivent être rejetées ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt déposé au greffe,

Déclare les appels recevables ;

Infirme la décision entreprise en ses principales dispositions à l'exception des dispositions suivantes :

"REQUALIFIE les relations entre Mme [R] [Y] et la PROVINCE SUD de Nouvelle-Calédonie en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet depuis le 1er juillet 2013 ;

CONDAMNE la PROVINCE SUD à verser la somme de 150 000 F CFP à Mme [R] [Y], sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la Province Sud aux entiers dépens".

Statuant à nouveau :

Se déclare compétente pour connaître du litige ;

Rejette l'exception d'illégalité soulevée par Mme [R] [Y], concernant les délibérations modifiée no03-2003/APS du 02 avril 2003 et la délibération no28-2017/APS du 31 mars 2017 (publiée au Journal Officiel de Nouvelle-Calédonie du 25 avril 2017) relatives à l'agrément des familles d'accueil et à l'organisation des placements familiaux ;

Rejette la question préjudicielle au tribunal administratif formée par la PROVINCE SUD portant sur le statut de Mme [Y] de collaborateur occasionnel du service public ;

Déboute Mme [Y] de ses demandes tendant à qualifier ses fonctions en adjoint socio-éducatif et à bénéficier du salaire y afférent ;

Déboute Mme [Y] de toutes ses demandes salariales et indemnitaires et de remise de documents ;

Déboute les parties de leurs demandes contraires ou plus amples ;

Condamne Mme [Y] à verser à la PROVINCE SUD la somme de 200 000 CFP au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne Mme [Y] aux entiers dépens d'appel.

Le greffier,Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : 02
Numéro d'arrêt : 20/000557
Date de la décision : 25/11/2021
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.noumea;arret;2021-11-25;20.000557 ?
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