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05/08/2021 | FRANCE | N°20/000695

France | France, Cour d'appel de Nouméa, 05, 05 août 2021, 20/000695


No de minute : 71

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 5 août 2021

Chambre commerciale

Numéro R.G. : No RG 20/00069 - No Portalis DBWF-V-B7E-REG

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 juin 2020 par le tribunal mixte de commerce de NOUMEA (RG no :18/226)

Saisine de la cour : 9 juillet 2020

APPELANT

M. [N] [O]
né le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 1] (DORDOGNE),
demeurant [Adresse 1]
Représenté par Me Frédéric DESCOMBES de la SELARL D'AVOCATS DetS LEGAL, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉS
>SAEM BANQUE CALEDONIENNE D'INVESTISSEMENT,
Siège social : [Adresse 2]
Représentée par Me Céline DI LUCCIO de la SELARL CABINET D'AV...

No de minute : 71

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 5 août 2021

Chambre commerciale

Numéro R.G. : No RG 20/00069 - No Portalis DBWF-V-B7E-REG

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 juin 2020 par le tribunal mixte de commerce de NOUMEA (RG no :18/226)

Saisine de la cour : 9 juillet 2020

APPELANT

M. [N] [O]
né le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 1] (DORDOGNE),
demeurant [Adresse 1]
Représenté par Me Frédéric DESCOMBES de la SELARL D'AVOCATS DetS LEGAL, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉS

SAEM BANQUE CALEDONIENNE D'INVESTISSEMENT,
Siège social : [Adresse 2]
Représentée par Me Céline DI LUCCIO de la SELARL CABINET D'AVOCATS BOISSERY-DI LUCCIO-VERKEYN, avocat au barreau de NOUMEA

M. [U] [U]
né le [Date naissance 2] 1963 à [Localité 2],
demeurant Hôtel [Établissement 1] - [Adresse 3]

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 5 juillet 2021, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,
Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller,
Mme Nathalie BRUN, Conseiller,
qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Philippe ALLARD.

Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO
Greffier lors de la mise à disposition : M. Petelo GOGO

ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par M. Petelo GOGO, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

PROCEDURE DE PREMIERE INSTANCE

Selon « convention de compte courant général no 229897.02013 » du 11 octobre 2010, la société Banque calédonienne d'investissement a consenti à la Société de distribution de fromage une ouverture de crédit en compte courant d'un montant de 25.000.000 FCFP destinée à « couvrir d'éventuels décalages de trésorerie et/ou d'assurer une partie du financement de ses besoins courants d'exploitation ».

Par acte du même jour, M. [O], associé et gérant de la débitrice, s'est porté caution solidaire de la Société de distribution de fromage au profit de la banque à hauteur de 12.500.000 FCFP en capital, plus intérêts, frais et accessoires, pour garantir le remboursement de toutes sommes dues au titre de l'ouverture de crédit en compte courant.

Par un autre acte du 11 octobre 2010, M. [U], associé de la Société de distribution de fromage, a souscrit un engagement identique.

Par acte sous seing privé du 15 octobre 2010, cette même banque a accordé à la Société de distribution de fromage un prêt no 21005154 d'un montant de 2.500.000 FCFP, remboursable en 48 mensualités constantes à compter du 15 novembre 2010.

Par acte du 15 octobre 2010, M. [O], associé et gérant de la débitrice, s'est porté caution solidaire de la Société de distribution de fromage au profit de la banque à hauteur de 1.250.000 FCFP en capital, plus intérêts, frais et accessoires, pour garantir le remboursement de toutes sommes dues au titre de ce prêt.

Par un autre acte du 15 octobre 2010, M. [U], associé de la Société de distribution de fromage, a souscrit un engagement identique.

Par acte du 25 août 2011, M. [O] a cédé à M. [U] les parts qu'il détenait dans le capital de la Société de distribution de fromage. Aux termes de l'article 5.2 de cet acte, M. [U] s'est engagé à « rapporter la mainlevée des sûretés, au besoin en proposant aux établissements bancaires bénéficiaires toutes garanties équivalentes, dans un délai maximum de six mois à compter de la signature » de l'acte de cession et, dans l'hypothèse où il ne parviendrait pas à rapporter la mainlevée de l'une outre l'autre des sûretés, « irrévocablement, à garantir le cédant de l'intégralité des conséquences financières liées à la mise en oeuvre, à son égard, de(s) sûreté(s) dont la mainlevée n'aurai(en)t pu être rapportée. »

Par jugement du 4 juin 2012, la Société de distribution de fromage a été placée en
redressement judiciaire.

Par lettre du 20 juillet 2012, la Société Banque calédonienne d'investissement a déclaré sa créance au titre de ces deux concours entre les mains du mandataire judiciaire.

Le 26 novembre 2012, la Société de distribution de fromage a été placée en liquidation judiciaire.

Selon requête introductive d'instance déposée le 11 juin 2018, la société Banque calédonienne d'investissement a attrait MM. [O] et [U] devant le tribunal mixte de commerce de Nouméa pour obtenir l'exécution de leurs engagements respectifs.

M. [O] s'est opposé aux prétentions de la banque en arguant d'un manquement de la banque à son devoir de mise en garde, compte tenu du caractère disproportionné de ses engagements, en arguant d'un manquement à l'obligation d'information annuelle des cautions et en invoquant l'engagement pris par M. [U] à son égard.

Par jugement réputé contradictoire en date du 12 juin 2020, le tribunal mixte de commerce de Nouméa a :
- débouté M. [O] de ses demandes tendant à être déchargé de la totalité de ses deux cautionnements, à la déchéance de la banque de son droit aux intérêts contractuels en
application de l'article L 313-22 du code monétaire et financier et à l'octroi de nouveaux délais de paiement,
- condamné M. [U] et M. [O], ès qualités de cautions solidaires de la société de distribution de fromage, à payer solidairement entre eux à la société Banque calédonienne d'investissement les sommes suivantes :
au titre du découvert en compte courant no 22989702013 : 17.996.461 FCFP avec intérêts au taux contractuel de 4,24 % l'an à compter du 26 novembre 2012, et ce dans la limite, pour chacune des cautions, de la somme en capital de 12 500 000 FCFP plus intérêts,
au titre du crédit de trésorerie no 21005154 : 2.445.842 FCFP avec intérêts au taux contractuel de 4,1 % l'an à compter du 4 mai 2018 sur la seule somme de 1.968.635 FCFP, et ce dans la limite, pour chacune des cautions, de la somme en capital de 1.250.000 FCFP plus intérêts,
- débouté la banque du surplus de ses demandes,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement en toutes ses dispositions, hors celles ayant trait aux dépens,
- condamné MM. [U] et [O] solidairement entre eux, aux dépens de l'instance, dont distraction au profit de la selarl Boissery - Di Luccio - Verkeyn.

Les premiers juges ont retenu en substance :
- que les cautions ne garantissaient pas les indemnités de résiliation et pénalités réclamées par la banque ;
- que non seulement M. [O] était une caution avertie mais encore il faisait preuve de mauvaise foi en invoquant une disproportion de ses cautionnements, eu égard à l'importance de son patrimoine ;
- que la banque justifiait de l'exécution de son obligation d'information annuelle des cautions ;
- que l'engagement pris par M. [U] n'avait pas eu pour effet de décharger M. [O] de ses cautionnements au profit de la banque.

PROCEDURE D'APPEL

Selon requête déposée le 9 juillet 2020, M. [O] a interjeté appel de cette décision en intimant la société Banque calédonienne d'investissement et M. [U].

Aux termes de ses conclusions transmises le 14 mai 2021, M. [O] demande à la cour de :
à titre principal,
- recevoir l'appel formé par M. [O] ;
- dire et juger irrecevables les demandes formées par la société Banque calédonienne d'investissement à l'encontre de M. [O], faute d'avoir engagé son action avant la prescription acquise le 26 novembre 2017 ;
à titre subsidiaire
- infirmer le jugement entrepris ;
- constater que M. [O] n'était pas une caution avertie lors de la souscription de son engagement de caution ;
- dire et juger que la société Banque calédonienne d'investissement n'a pas apporté la preuve d'avoir mis en oeuvre tous les moyens pour respecter son devoir général de mise en garde ;
- dire et juger que la société Banque calédonienne d'investissement a dès lors manqué à son devoir général de mise en garde à l'égard de M. [O], à raison du caractère disproportionné de son engagement ;
- dire et juger que l'engagement de caution souscrit par M. [O] est disproportionné ;
- débouter la société Banque calédonienne d'investissement de l'ensemble de ses réclamations ;
à titre infiniment subsidiaire,
- constater que M. [U] est substitué à M. [O] dans ses obligations à l'égard de la banque ;
- dire en conséquence que si une condamnation devait être prononcée dans ce dossier, elle ne le sera qu'à l'encontre de M. [U], substitué à M. [O] et devant donc assumer, en ses lieu et place, le paiement des sommes dues à la banque ;
subsidiairement,
- condamner M. [U] à garantir M. [O] de toutes les condamnations qui seront prononcées à son encontre ;
à titre infiniment subsidiaire,
- octroyer à M. [O] des délais de paiement sur une durée maximale de 24 mois pour toutes sommes éventuellement mises à sa charge au profit de la société Banque calédonienne d'investissement ;
en tout état de cause,
- condamner la société Banque calédonienne d'investissement au paiement de la somme de
580.000 FCFP en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,
dont distraction au profit de la selarl D et S Légal.

Selon mémoire déposée le 1er mars 2021, la société Banque calédonienne d'investissement demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
- condamner M. [O] à lui payer une somme de 350.000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, dont distraction au profit de la selarl Boissery - Di Luccio - Verkeyn.

La requête d'appel a été signifiée le 16 juillet 2020 à M. [U] (acte remis à personne).

L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 juin 2021.

SUR CE, LA COUR,

1) M. [O] argue de la prescription de l'action de la banque à laquelle il reproche de ne pas avoir agi dans les cinq années qui ont suivi l'ouverture de la liquidation judiciaire de la Société de distribution de fromage.

Il est acquis que la déclaration de créance au passif du débiteur principal mis en procédure collective interrompt la prescription à l'égard de la caution et que cette interruption se prolonge jusqu'à la clôture de la procédure collective. En l'espèce, il est constant que la procédure collective n'était pas clôturée le 11 juin 2018 lorsque la requête introductive d'instance a été déposée de sorte que la banque était encore recevable à agir contre M. [O].

2) M. [O] qui se présente comme une caution non avertie, reproche à la banque de lui avoir fait souscrire des engagements disproportionnés et d'avoir failli à son obligation de mise en garde.

Préalablement à la souscription des engagements litigieux, M. [O] a renseigné une « déclaration de revenus et de patrimoine » qu'il a certifiée « sincère et véritable » dans laquelle il a fait état d'un revenu mensuel de 1.200.000 FCFP dont 400.000 FCFP au titre d'une « rémunération de gérance » et 800.000 FCFP au titre de revenus fonciers. Il s'est déclaré propriétaire d'une maison d'habitation à [Localité 3] d'une valeur de 150.000.000 F, acquise en 2000, pour laquelle il remboursait des mensualités de 130.000 FCFP jusqu'en 2015. Il a fait état d'un emprunt de 3.380.000 FCFP souscrit en 2009 qui générait des échéances mensuelles de 70.000 FCFP jusqu'en 2014 et d'un cautionnement de 3.600.000 FCFP. Il a enfin fait état de participations dans la SCI Kofala, propriétaire d'un immeuble d'une valeur de 150.000.000 FCFP, la SCI La Gardonnaise, propriétaire d'un immeuble de 150.000.000 FCFP, la SCI La Gabare, propriétaire d'un immeuble de 55.000.000 FCFP, et d'un appartement d'une valeur de 40.000.000 FCFP en Australie.

M. [O] fait valoir que ses déclarations étaient inexactes dans la mesure où il n'avait jamais perçu les revenus allégués, qu'il ne possèdait aucune participation dans les SCI La Gardonnaise et La Gabare, qu'il ne détenait que 50 % du capital de la SCI Kofala et que l'appartement situé à [Localité 4] ne lui appartenait pas.

Pour expliquer cette distorsion entre ses déclarations et la réalité de sa situation patrimoniale, il fait valoir que « dans le cadre des différents montages organisé par Monsieur [U], celui-ci a contraint Monsieur [O] à déclarer un patrimoine qui n'était pas le sien, ce qui a lui permis d'obtenir une autorisation de découvert et un prêt sur Sodifro. » En d'autres termes, M. [O], caution dirigeante, soutient, pour se soustraire aux engagements qu'il a pu souscrire envers la banque intimée, qu'il lui a sciemment menti sur sa situation personnelle, pour favoriser l'obtention de l'avance de crédit en compte courant et du prêt par la Société de distribution de fromage. Du fait de ce mensonge, que ne peuvent légitimer de prétendues pressions commises par M. [U], M. [O] est mal venu à reprocher à la banque une erreur d'appréciation de la disproportion de ses engagements.

En tout état de cause, les actifs détenus par M. [O], tels que reconnus dans le cadre de la présente instance, à savoir une maison d'habitation d'une valeur de 150.000.000 F et sa participation dans la SCI Kofala, étaient très largement supérieurs à l'ensemble de ses engagements qui n'excèdaient pas 30.000.000 FCFP, tant au titre de ses emprunts qu'au titre de l'ensemble de ses cautionnements [(130.000 x 5 x 12) + 3.380.000 + 3.600.000 + 12.500.000 + 1.250.000]: les cautionnements souscrits les 11 et 15 octobre 2010 ne faisaient courir aucun risque d'endettement à M. [O] en cas d'éventuelle poursuite. M. [O] est mal fondé à soutenir que la société Banque calédonienne d'investissement lui avait fait souscrire des cautionnements excessifs par rapport à ses revenus et patrimoine.

C'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté le moyen tiré d'un manquement de la banque à son devoir de mise en garde.

3) Ainsi que l'ont noté les premiers juges, l'engagement pris par M. [U], lors du rachat des parts sociales de M. [O], « de rapporter la mainlevée des sûretés » données par le cédant, n'a pas eu pour effet de décharger ce dernier des cautionnements des 11 et 15 octobre 2010, en application du principe de l'effet relatif des contrats.

4) M. [O] ne conteste pas le quantum de sa dette, tel qu'il a été arbitré par les premiers juges.

5) Lors de l'acquisition des parts de M. [O], M. [U] s'est expressément engagé à garantir celui-ci dans l'hypothèse où celui-ci serait poursuivi à raison des sûretés données. Sa garantie est due.

6) En dépit de l'ancienneté de sa dette et de l'exécution provisoire prononcée par le tribunal mixte de commerce, M. [O] n'a encore effectué aucun règlement. Il sollicite des délais de paiement mais il ne formule aucune proposition pour apurer sa dette, se contentant de se référer à ses revenus de l'année 2017.

Dans ces conditions, sa demande ne peut qu'être rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement déféré ;

Condamne M. [O] à payer à la société Banque calédonienne d'investissement une somme de 300.000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [O] aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la selarl Boissery - Di Luccio - Verkeyn.

Le greffier,Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : 05
Numéro d'arrêt : 20/000695
Date de la décision : 05/08/2021
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.noumea;arret;2021-08-05;20.000695 ?
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