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08/07/2021 | FRANCE | N°20/000365

France | France, Cour d'appel de Nouméa, 05, 08 juillet 2021, 20/000365


No de minute : 63

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

arrêt du 8 juillet 2021

chambre commerciale

Numéro R.G. : No RG 20/00036 - No Portalis DBWF-V-B7E-Q2L

Décision déférée à la cour : ordonnance de référé rendue le 18 février 2020 par le président du tribunal mixte de commerce de Nouméa (RG no :19/95)

Saisine de la cour : 2 mars 2020

APPELANT

S.A.R.L. CEDHEL, prise en la personne de son représentant légal en exercice,
Siège social : [Adresse 1]
Représentée par Me Sophie BRIANT de la SELARL SOPHIE BRIANT, avocat au barreau d

e NOUMEA

INTIMÉ

S.N.C. MAISON DE L'INCENDIE, DE L'EQUIPEMENT ET DE LA SECURITE (MIES), prise en la personne de son rep...

No de minute : 63

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

arrêt du 8 juillet 2021

chambre commerciale

Numéro R.G. : No RG 20/00036 - No Portalis DBWF-V-B7E-Q2L

Décision déférée à la cour : ordonnance de référé rendue le 18 février 2020 par le président du tribunal mixte de commerce de Nouméa (RG no :19/95)

Saisine de la cour : 2 mars 2020

APPELANT

S.A.R.L. CEDHEL, prise en la personne de son représentant légal en exercice,
Siège social : [Adresse 1]
Représentée par Me Sophie BRIANT de la SELARL SOPHIE BRIANT, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

S.N.C. MAISON DE L'INCENDIE, DE L'EQUIPEMENT ET DE LA SECURITE (MIES), prise en la personne de son représentant légal en exercice,
Siège social : [Adresse 2]
Représentée par Me Gustave TEHIO de la SELARL TEHIO, avocat au barreau de NOUMEA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 juin 2021, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,
Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller,
M. Charles TELLIER, Conseiller,
qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Charles TELLIER.
Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO
Greffier lors de la mise à disposition : Mme Cécile KNOCKAERT

ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par Mme Cécile KNOCKAERT adjointe administrative principale faisant fonction de greffier en application de l'article R 123-14 du code de l'organisation judiciaire, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

La SARL CEDHEL détient 25% des parts sociales de la SNC MIES et possède à ce titre un compte courant d'associé qui présente un solde débiteur.

La SNC MIES a fait assigner la SARL CEDHEL en référé devant le tribunal mixte de commerce de Nouméa par acte d'huissier du 1er octobre 2019.

Par ordonnance de référé du 18 février 20020, le président du tribunal mixte de commerce de Nouméa a condamné la SARL CEDHEL à payer à la SNC MIES la somme provisionnelle de 5.884.447 FCFP à valoir sur le solde débiteur de compte courant d'associé de la première dans les livres de la seconde, avec intérêts au taux légal à compter du 2 août 2019, a débouté la SARL CEDHEL de sa demande de délais de paiement, a dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes reconventionnelles de la SARL CEDHEL et a condamné la SARL CEDHEL à 150.000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens dont distraction au profit de la SELARL TEHIO.

PROCÉDURE D'APPEL

Par requête déposée le 2 mars 2020, la SARL CEDHEL a fait appel de l'ordonnance du 28 février 2020.

Dans ses dernières écritures, à savoir des conclusions en réponse et récapitulatives déposées le 23 décembre 2020, la SARL CEDHEL demande à la cour de réformer l'ordonnance déférée, de constater que les sommes figurant au compte 455 correspondent au montant des traites de la société CEDHEL qui auraient dû être affectées dans un compte créditeur et débiteur divers, compte 467, de constater qu'en reconstituant les mouvements qui auraient dû être inscrits sur le compte 467, le compte courant d'associé de CEDHEL se trouve de facto créditeur à hauteur de 13.552.978 FCFP et subsidiairement de 2.442.150 FCFP, de constater que les affectations qui ont été faites sur ce compte courant d'associé sont erronées puisqu'elles mélangent les sommes concernant M. [O] en sa qualité d'ex-salarié et de gérant et les sommes concernant la société CEDHEL, de constater que le compte courant d'associé ou compte débiteurs et créditeurs divers, se trouve créditeur par reconstitution des sommes précitées, de dire et juger en conséquence qu'il existe une contestation sérieuse justifiant le débouté. Elle demande, à titre reconventionnel, de constater que la convention de trésorerie du 19 mai 2015 conclue entre les deux sociétés a été établie pour permettre à la société CEDHEL de régler les parts sociales au titre du prêt contracté avec la BCI, de constater que la société MIES a suspendu cette convention le 11 août 2017 mettant ainsi la société CEDHEL dans l'impossibilité de rembourser le prêt contracté alors que la convention ne prévoyait pas de possibilité de suspension, de constater que la dénonciation de la convention de trésorerie alléguée n'a pas été effectuée, l'assemblée générale du 29 septembre 2017 n'ayant pas adopté cette résolution, celle-ci n'ayant été adoptée que le 22 février 2018, de constater en tout état de cause que la convention de trésorerie prévoit que la dénonciation se fait sous un préavis de 30 jours par LRAR, procédure non suivie, la résolution étant donc inopposable, de constater que la lettre de suspension du 11 août 2017 prévoyait que la suspension était d'une durée déterminée jusqu'à amélioration de la trésorerie, de constater que la trésorerie de la société MIES s'est améliorée entre le 31 décembre 2017 et le 31 décembre 2018 puisqu'elle est passée de 4.423.630 FCFP à 10.062.924 FCFP, de constater, en conséquence, que cette convention de trésorerie doit être remise en vigueur et condamner la société MIES à lui payer la somme de 2.442.150 FCFP à titre de provision sur les avances de trésorerie, de constater que le compte courant d'associé de la société CEDHEL est créditeur. A titre subsidiaire et dans l'hypothèse où la cour considérerait qu'il n'y a pas lieu, en l'état, à reconstitution du compte 455 et/ou 467, elle demande à la cour de constater en tout état de cause que la société CEDHEL n'est pas en mesure, compte tenu de sa situation financière, de rembourser la somme réclamée laquelle ne doit pas prendre en compte les sommes concernant M. [O] à titre personnel, de constater qu'elle est de bonne foi, de constater que la société MIES est de mauvaise foi, dans le cadre d'un conflit plus général, en tout état de cause de renvoyer l'affaire au fond au visa de l'article 811-1 du code de procédure civile, et en conséquence de dire que la société CEDHEL bénéficiera d'un délai de grâce de deux ans, de condamner la société MIES à lui régler la somme de 450.000 FCFP au titre des frais irrépétibles de première instance, outre 350.000 FCFP en appel, ainsi qu'aux dépens d'instance et d'appel.

Dans ses dernières écritures, à savoir des conclusions récapitulatives déposées le 17 février 2021, la SNC MIES demande à la cour de confirmer l'ordonnance déférée, de débouter la SARL CEDHEL de ses demandes, de la condamner à 500.000 FCFP à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, de prononcer une amende civile et de la condamner à 800.000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, en ce compris les frais de saisie-arrêt du 13 mai 2020 avec distraction au profit de la SELARL TEHIO.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu que s'agissant d'une procédure en référé, c'est le critère d'existence d'une contestation sérieuse, au sens de l'article 809 du code de procédure civile, qui sera déterminant ;

Attendu que le premier juge a, en partie, fondé sa décision sur l'assertion que les comptes courant d'associé ne sauraient en aucune façon être débiteurs, une telle situation relevant en outre de dispositions pénales ; qu'il y a lieu de constater que cette interdiction, posée aux articles L. 225-43 et L. 225-91 du code de commerce, concerne les associés personnes physiques ; qu'en l'espèce, la SARL CEDHEL étant de toute évidence une personne morale, une telle interdiction ne s'applique donc pas par principe ; qu'une SARL peut donc se faire consentir un découvert en compte courant dans une SNC ; que le caractère illicite de la situation de découvert n'est donc pas évident ;

Attendu que le premier juge a motivé sa décision, par ailleurs, sur le fait que les contestations émises par la SARL CEDHEL font suite à l'approbation de cette situation par son gérant, M. [O], alors qu'il était lui-même co-gérant de la SNC MIES jusqu'à juin 2019, validant en outre ce compte courant d'associé lors des assemblées générales de la SNC MIES en tant que gérant de la SARL CEDHEL, associée minoritaire ; qu'il est également retenu que M. [O] a, le 2 août 2019, reçu sommation de payer en sa qualité de représentant légal de la SARL CEDHEL, sans émettre là encore la moindre contestation;

Attendu que selon contrat passé entre les parties le 19 mai 2015, la SARL CEDHEL dispose d'une convention de trésorerie à travers la SNC MIES qui "met à sa disposition des fonds qui lui seront remboursés sous forme d'avance moyennant intérêts" ; que l'objet de ce contrat était une mise à disposition de fonds pour le remboursement du prêt contracté auprès de la BCI pour l'acquisition des parts sociales de la SNC MIES au profit de la SARL CEDHEL ; que le remboursement était prévu comme intervenant à premières demandes et/ou à échéance convenue d'un commun accord ; que le taux d'intérêt applicable était le taux légal ; que le contrat prévoyait en outre la possibilité d'être dénoncé par l'un ou l'autre des parties à tout moment en respectant un préavis de 30 jours ;

Attendu qu'il ressort de la lecture des procès-verbaux d'assemblées générales versées par les parties que le souhait a été clairement fait de mettre un terme à cette convention de trésorerie, par décision du 11 août 2017 validée en assemblée générale ordinaire le 29 septembre 2017 ; qu'à partir de ce moment-là, le caractère débiteur de ce compte a régulièrement été dénoncé lors des assemblées générales, sans qu'une solution ne semble avoir été trouvée ou en toute hypothèse mise en oeuvre ; que la SARL CEDHEL prétend que les avances prévues par la convention auraient été versées sur un compte 455, soit un compte courant d'associé, et non un compte 467, comme cela aurait dû être le cas s'agissant d'une convention de trésorerie ;

Attendu que ces éléments s'avèrent finalement inopérants dès lors que le caractère certain et exigible de la créance ne trouve pas sa justification dans le type de compte en cause, mais dans le simple fait que les parties pouvaient dénoncer unilatéralement la convention de trésorerie, qu'il apparaît que cela a été fait, que les sommes en débit sont donc assimilées à un prêt au taux légal dont la partie créancière avait loisir, en application de la convention, d'en solliciter le paiement ; que le fait qu'un accord n'a pu être trouvé sur la manière de combler ce solde débiteur n'est pas de nature à en annuler le caractère certain et exigible ; que la partie débitrice ne peut ainsi tirer argument du fait qu'elle n'aurait pas donné son accord pour le règlement des sommes dues en procédant, notamment au versement de dividendes ;

Attendu que la SARL CEDHEL soutient en outre qu'un certain nombre de sommes ont été imputées sur ce compte, notamment des salaires de M. [O] ; que pour autant, ces comptes ont été validés lors des différentes assemblées générales ainsi que l'a relevé le premier juge, la SARL CEDHEL étant associée et donc représentée lors desdites assemblées générales le 13 juin 2017, le 29 mai 2018 et le 26 avril 2019 ; que l'approbation des comptes empêche toute modification ultérieure ; que pour les justes motifs retenus par le premier juge, la contestation faite lors de l'instance ne peut donc être considérée comme sérieuse ;

Attendu que la SARL CEDHEL échoue dans sa démonstration visant à expliquer que la convention de trésorerie aurait dû être rétablie en application du contrat en cas de retour à meilleure fortune alors que le contrat précité ne comporte aucune clause explicite de cet ordre ; qu'en outre, du fait de l'approbation des comptes lors des différentes assemblées générales tenues à cet effet, il ne peut qu'être considéré que les tentatives de recomptage de sommes qui devraient être prétendument recréditées à son profit se heurtent à une contestation sérieuse ; qu'il ne sera donc pas fait droit aux demandes reconventionnelles de la SARL CEDHEL;

Attendu que le délai de grâce ne pourra être accordé compte tenu des délais nés de la longueur de la procédure et du fait que sans compte bancaire, ainsi qu'il ressort du procès-verbal de saisie-arrêt opéré par la SNC MIES, la SARL CEDHEL est dans l'incapacité de présenter un plan d'apurement raisonnable ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de renvoyer l'affaire au fond en application de l'article 811-1 du code de procédure civile afin qu'il soit statué sur la dénonciation de la convention de trésorerie, ainsi que l'a estimé le premier juge, aucune urgence n'étant en l'espèce démontrée ;

Attendu que l'ordonnance déférée sera en conséquence confirmée ;

Attendu que le seul fait d'utiliser les moyens de droit légalement mis à sa disposition ne suffit pas à démontrer l'intention de nuire indispensable à la caractérisation de l'abus de droit ; que le débouté de la SNC MIES s'impose quant à la demande au titre de la procédure abusive et de l'amende civile ;

Attendu que la SARL CEDHEL sera condamnée en appel à la somme de 350.000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile, somme qu'elle réclamait elle-même à son adversaire, acquiesçant donc au coût des frais irrépétibles de la procédure ;

Attendu que la SARL CEDHEL sera condamnée aux dépens, comprenant les frais de saisie-arrêt du 13 mai 2020, dont distraction au profit de la SELARL TEHIO ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l'ordonnance déférée ;

Déboute la SNC MIES de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et tendant à faire condamner la SARL CEDHEL à une amende civile ;

Condamne la SARL CEDHEL à payer à la SNC MIES la somme de 350.000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SARL CEDHEL aux dépens, comprenant les frais de saisie-arrêt du 13 mai 2020, dont distraction au profit de la SELARL TEHIO.

Le greffier,Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : 05
Numéro d'arrêt : 20/000365
Date de la décision : 08/07/2021
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.noumea;arret;2021-07-08;20.000365 ?
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