La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/07/2021 | FRANCE | N°20/001025

France | France, Cour d'appel de Nouméa, 05, 01 juillet 2021, 20/001025


No de minute : 61

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 1er juillet 2021

Chambre commerciale

Numéro R.G. : No RG 20/00102 - No Portalis DBWF-V-B7E-RNB

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 septembre 2020 par le tribunal mixte de commerce de NOUMEA (RG no :19/330)

Saisine de la cour : 16 octobre 2020

APPELANT

S.A.R.L. BAC, représentée par son gérant en exercice,
Siège social : [Adresse 1]
Représentée par Me Nadine PIDJOT-ALLARD de la SELARL NADINE PIDJOT-ALLARD, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

SAEM SOCIETE IMMOBILIERE DE NOUVELLE CALEDONIE,
Siège social : [Adresse 2]
Représenté par Me Jean-Jacques DESWARTE de la SARL D...

No de minute : 61

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 1er juillet 2021

Chambre commerciale

Numéro R.G. : No RG 20/00102 - No Portalis DBWF-V-B7E-RNB

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 septembre 2020 par le tribunal mixte de commerce de NOUMEA (RG no :19/330)

Saisine de la cour : 16 octobre 2020

APPELANT

S.A.R.L. BAC, représentée par son gérant en exercice,
Siège social : [Adresse 1]
Représentée par Me Nadine PIDJOT-ALLARD de la SELARL NADINE PIDJOT-ALLARD, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

SAEM SOCIETE IMMOBILIERE DE NOUVELLE CALEDONIE,
Siège social : [Adresse 2]
Représenté par Me Jean-Jacques DESWARTE de la SARL DESWARTE-CALMET, avocat au barreau de NOUMEA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 31 mai 2021, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,
Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller,
Mme Zouaouia MAGHERBI, Conseiller,
qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Philippe ALLARD.

Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO
Greffier lors de la mise à disposition : Mme Cécile KNOCKAERT

ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par Mme Cécile KNOCKAERT adjointe administrative principale faisant fonction de greffier en application de l'article R 123-14 du code de l'organisation judiciaire, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************
PROCEDURE DE PREMIERE INSTANCE

Selon « règlement particulier de l'appel à candidatures », la Société immobilière de Nouvelle-Calédonie a lancé un appel d'offres restreint pour la conception et la réalisation de quinze logements de type collectif à [Localité 1] (projet [Adresse 3]), la date limite de remise des candidatures ayant été fixée au 4 juillet 2020.

Par lettre du 23 août 2017, la Société immobilière de Nouvelle-Calédonie a informé la société BAC que « sa candidature (avait) été retenue pour répondre à la consultation concernant le marché de mission de conception / réalisation pour l'opération Nahoata ».

Le 14 mars 2018, il a été procédé à l'ouverture des plis des trois candidats sélectionnés.

Dans son rapport d'analyse des offres du 16 mai 2018, la commission d'attribution a attribué 69 points au groupement GTNC, 82,4 points à la société BAC et 88,7 points à la société SM2L et a émis la proposition suivante :
« Le candidat SM2L est le mieux disant avec une note de 88,7/100.
Compte-tenu du dépassement du coût d'objectif, des améliorations possibles des projets, des interrogations soulevées à l'article 5 du présent rapport et des notes rapprochées entre BAC et SM2, il est proposé :
- De déclarer l'appel d'offre infructueux
- De lancer une phase de négociation avec les deux candidats les mieux classés : BAC et SM2L, afin d'atteindre le coût d'objectif fixé tout en répondant au mieux aux attentes et exigences de la SIC. »

A la suite de négociations menées conformément à la suggestion de la commission d'attribution, deux nouvelles offres ont été déposées par les sociétés BAC et SM2L et examinées par la commission d'attribution qui, lors de sa séance du 1er août 2018, a attribué 92 points à la société BAC et 92,9 points à la société SM2L. Dans son rapport d'analyse, elle a émis la proposition suivante :
« Les eux candidats ont répondu aux demandes émises dans le cadre de cette négociation et ont fait des propositions acceptables et très proches du coût d'objectif.
Le montant des deux offres corrigées et les notes sont proches mais l'entreprise SM2L reste la mieux disante.
Pour départager les deux candidats, leur notation SIC des dernières années a été analysée. Celle-ci favorise le candidat SM2L.
Il est donc proposé de retenir l'offre SM2L pour un montant de 325 930 841 F.CFP compte-tenu :
- de la qualité technique de l'offre,
- de la qualité technique du candidat. »

Par lettre datée du 3 août 2018, la Société immobilière de Nouvelle-Calédonie a informé la société BAC que son offre n'avait pas été retenue et qu'une indemnité de 1.000.000 FCFP lui avait été attribuée.

Selon requête introductive d'instance déposée le 30 juillet 2019, la société BAC, affirmant avoir été victime d'un traitement inégalitaire en ce qu'il avait été fait application d'un critère qui n'avait pas été visé par le règlement de la consultation (la cotation SIC) et dénonçant la partialité du jury, a saisi le tribunal mixte de commerce de Nouméa d'une action en responsabilité dirigée contre la Société immobilière de Nouvelle-Calédonie.

La Société immobilière de Nouvelle-Calédonie s'est opposée à cette demande en observant que le marché conclu était un marché privé et en contestant toute rupture d'égalité et toute irrégularité.

Par jugement en date du 30 septembre 2020, la juridiction saisie a :
- débouté la société BAC de l'ensemble des ses demandes,
- condamné la société BAC à payer à la Société immobilière de Nouvelle-Calédonie une indemnité de 500.000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, dont distraction au profit de la sarl [X] - [K].

Les premiers juges ont principalement retenu :
- que la Société immobilière de Nouvelle-Calédonie qui s'était soumise aux règles applicables aux marchés publics avait spécifié qu'elle se réservait le droit de déroger aux règles qui lui paraissaient trop contraignantes et notamment que la cotation SIC serait prise en compte lors de l'analyse des offres ;
- que la défenderesse n'avait commis aucune faute en appliquant cette cotation ;
- que les règles convenues avaient été régulièrement appliquées ;
- qu'aucune discrimination n'était démontrée.

PROCEDURE D'APPEL

Selon requête déposée le 19 octobre 2020, la société BAC a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de son mémoire d'appel déposé le 14 décembre 2020, complété le 26 février 2021, la société BAC demande à la cour de :
- annuler le jugement déféré ;
- dire que le critère « cotation SIC » est discriminant dans la procédure de conception-réalisation de travaux ;
- dire l'éviction irrégulière de la société appelante ;
- condamner la Société immobilière de Nouvelle-Calédonie à lui payer la somme de 43.000.000 FCFP au titre de la perte de chance de réaliser des gains ;
- condamner la Société immobilière de Nouvelle-Calédonie à lui payer la somme de 30.000.000 FCFP au titre du préjudice subi ;
- condamner la Société immobilière de Nouvelle-Calédonie au paiement d'une somme de 500.000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, dont distraction sera ordonnée.

Selon conclusions transmises le 19 janvier 2021, la Société immobilière de Nouvelle-Calédonie prie la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré ;
- condamner la société BAC à lui verser la somme de 700.000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société BAC aux dépens de l'instance, dont distraction au profit de la sarl [X] - [K].

L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 avril 2021.

SUR CE, LA COUR,

1) A l'appui de son action en responsabilité, la société BAC invoque :
- la partialité du jury
- la prise en compte d'un critère discriminant, sans lien avec le marché projeté.

2) La société BAC dénonce le comportement adopté par un des membres du jury, Mme [A], qui aurait menacé un de ses associés durant la procédure de négociation.

Les premiers juges ont écarté ce moyen aux motifs que la thèse défendue par la société BAC ne reposait que sur une attestation établie par son propre gérant, c'est-à-dire sur un élément de preuve qu'elle s'était elle-même constitué.

En cause d'appel, elle n'apporte aucun nouvel élément de preuve sur la défiance qu'aurait manifestée ce membre de la commission d'attribution à son égard. Dès lors qu'il n'appartient pas à la cour de suppléer la carence de l'appelante dans l'administration de la preuve qui lui incombe, la demande d'audition d'un témoin sera rejetée et le moyen écarté.

3) La société BAC reproche à la Société immobilière de Nouvelle-Calédonie d'avoir manqué de transparence en départageant les deux dernières offres, la sienne et celle de la société SM2L, en fonction d'un critère, la « cotation SIC », qui n'avait pas été évoquée lors de l'appel d'offre.

En premier lieu, il peut être observé que si le critère « cotation SIC » n'est pas énoncé dans l'article 5 du « règlement de consultation » qui prévoit que « le marché sera attribué au candidat qui a présenté l'offre la mieux disante conformément aux critères suivants :
- le prix des prestations (pondération 40 %)
- la valeur technique (pondération 60 %) »,
ce critère est mentionné dans le « Guide des procédures relatives aux marchés sur appel d'offres ouvert ou restreint (fournitures, prestations intellectuelles /de services, travaux) » dans les développements consacrés à « l'analyse multicritères » puisqu'il est indiqué :
« L'analyse multicritères permet de juger l'offre d'un candidat en notant le plus objectivement
possible la soumission dans son ensemble.
Chacun des critères étant affecté d'un coefficient de pondération préalablement chiffré, l'offre économiquement la plus avantageuse est évaluée globalement, au regard des critères qui ont été retenus. Cette méthode d'analyse, plus affinée, favorise ainsi le choix de l'entreprise « la mieux-disante ».
Le RPAO type, récemment intégré à la base qualité, s'inscrit dans cette démarche en proposant une pondération des critères « Prix (60%) » et « Valeur technique (40%) ». Une méthode de notation de ces deux critères ainsi que des sous critères de la valeur technique a été proposée pour les appels d'offres s'inspirant du nouveau RPAO. La cotation SIC, outil d'évaluation interne des fournisseurs, sera nécessairement prise en compte dans cette analyse multicritères. »

Surtout, il résulte du « procès-verbal d'analyse des offres no 2 de la commission du 01 août 2018 » que la société SM2L a obtenu un nombre de points (92,9) supérieur à celui de la société BAC (92) puisque les points attribués à chaque candidate ont été les suivants :

critèresBACSM2L
prix corrigé (40 points)4039
forme architecturale/qualité fonctionnelle (15 points)1314
principe constructif (10 points)910
insertion dans le site (10 points)66
performances thermiques, acoustiques, énergétiques (10 points77
planning études et travaux (10 points)1010
coordination des intervenants (5 points)55
total 9292
La société BAC ne démontre pas qu'elle aurait été lésée lors de l'attribution des notes, au regard de la qualité respective des projets des deux candidates.

En conséquence, l'application des deux critères visés par le « règlement de consultation » commandait d'attribuer le marché à la société SM2L qui avait soumis l'offre la mieux disante.

S'il est exact que les notes SIC 2016 et 2017 attribuées à chacune des sociétés sont mentionnées dans le « récapitulatif de la comparaison des offres » (§ 9 du rapport) et dans la proposition (§ 10), celles-ci n'ont eu aucun caractère décisif, comme l'explique la société intimée qui a précisé dans une lettre datée du 6 septembre 2018 :
« Les propositions financières des deux entreprises sélectionnées étaient très proches du coût d'objectif. Toutefois, l'offre mieux-disante, à savoir celle qui a obtenu la meilleure note technico-financière, présentait de meilleures garanties au regard de plusieurs éléments techniques tels que le coût d'entretien de l'ouvrage, la fonctionnalité des logements ou encore les conditions d'accès à la résidence. Enfin, comme le prévoit notre procédure d'achat, la cotation SIC, qui est utilisée en dernier recours lorsque des candidats présentent des offres qualitativement proches, a été très favorable à l'entreprise retenue. Cela a conforté le choix de son offre au détriment de la vôtre. »

Les cotations SIC ont simplement renforcé la conviction de la Société immobilière de Nouvelle-Calédonie que la société SM2L était le meilleur candidat, compte tenu de l'activité qu'avaient pu déployer les deux candidats sur d'autres chantiers en 2016 et 2017.

Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que les premiers juges ont conclu que la cotation SIC n'avait eu aucun caractère discriminant dans l'attribution du marché et qu'aucune faute ne pouvait être imputée à la Société immobilière de Nouvelle-Calédonie.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement entrepris ;

Condamne la société BAC à payer à la Société immobilière de Nouvelle-Calédonie une somme complémentaire de 400.000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la société BAC aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la sarl [X] - [K].

Le greffier,Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : 05
Numéro d'arrêt : 20/001025
Date de la décision : 01/07/2021
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.noumea;arret;2021-07-01;20.001025 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award