La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/06/2021 | FRANCE | N°20/000675

France | France, Cour d'appel de Nouméa, 05, 10 juin 2021, 20/000675


No de minute : 48

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 10 juin 2021

Chambre commerciale

Numéro R.G. : No RG 20/00067 - No Portalis DBWF-V-B7E-REA

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 juin 2020 par le tribunal mixte de commerce de NOUMEA (RG no :18/543)

Saisine de la cour : 8 juillet 2020

APPELANT

M. [Y] [J]
né le [Date naissance 1] 1940 à [Localité 1],
demeurant [Adresse 1]
Représenté par Me Nicolas MILLION de la SELARL SOCIETE D'AVOCATS MILLIARD MILLION, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

S

AEM BANQUE CALEDONIENNE D'INVESTISSEMENT,
Siège social : [Adresse 2]
Représentée par Me Séverine LOSTE de la SELARL SOCIETE D'AVO...

No de minute : 48

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 10 juin 2021

Chambre commerciale

Numéro R.G. : No RG 20/00067 - No Portalis DBWF-V-B7E-REA

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 juin 2020 par le tribunal mixte de commerce de NOUMEA (RG no :18/543)

Saisine de la cour : 8 juillet 2020

APPELANT

M. [Y] [J]
né le [Date naissance 1] 1940 à [Localité 1],
demeurant [Adresse 1]
Représenté par Me Nicolas MILLION de la SELARL SOCIETE D'AVOCATS MILLIARD MILLION, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

SAEM BANQUE CALEDONIENNE D'INVESTISSEMENT,
Siège social : [Adresse 2]
Représentée par Me Séverine LOSTE de la SELARL SOCIETE D'AVOCATS JURISCAL, avocat au barreau de NOUMEA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 mai 2021, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,
M. Charles TELLIER, Conseiller,
Mme Nathalie BRUN, Conseiller,
qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Philippe ALLARD.

Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO
Greffier lors de la mise à disposition : M. Petelo GOGO

ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par M. Petelo GOGO, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

PROCEDURE DE PREMIERE INSTANCE

Par acte authentique du 2 mai 2005, la société Banque calédonienne d'investissement a consenti à la société Les Jariots, qui avait entrepris de réaliser un lotissement, une « garantie pour l'achèvement des travaux » conforme au décret no 51-1135 du 21 septembre 1951 à hauteur de 212.000.000 FCFP.

Le remboursement du prêt a été garanti par une hypothèque prise sur la parcelle qui était divisé.

Par le même acte, MM. [J], [A] et [W] se sont portés cautions solidaires de la société Les Jariots envers la banque à hauteur de la somme de 212.000.000 FCFP en principal, majorée des intérêts, commissions, frais et accessoires.

Par jugement du 14 décembre 2011, le tribunal mixte de commerce de Nouméa, a prononcé la liquidation judiciaire de la société Les Jariots, sur conversion d'un redressement ouvert le 2 mai précédent.

Selon ordonnance du 20 juin 2013, le juge commissaire à la liquidation judiciaire de la société Les Jariots a inscrit la créance de la société Banque calédonienne d'investissement concernant la garantie bancaire d'achèvement à titre chirographaire pour un montant de 29.569.050 FCFP.

Par arrêt du 6 octobre 2016, cette cour, statuant sur l'appel de M. [J], a confirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance du 20 juin 2013.

Selon requête déposée le 13 novembre 2018, la société Banque calédonienne d'investissement a attrait MM. [J], [A] et [W] devant le tribunal mixte de commerce de Nouméa pour obtenir leur condamnation au paiement d'une somme principale de 29.919.050 FCFP, outre intérêts légaux, en exécution de leurs engagements.

M. [J] s'est opposé à cette demande en excipant de la prescription de la demande et lui reprochant d'avoir perdu la garantie dont elle bénéficiait.

Par jugement en date du 12 juin 2020, la juridiction saisie a :
- déclaré non prescrite et, en conséquence, recevable l'action de la société Banque calédonienne d'investissement,
- débouté MM. [J] et [A] de leur demande respective au titre de l'article 2314 du code civil,
- condamné MM. [J], [A] et [W] à payer, solidairement entre eux, à la société Banque calédonienne d'investissement la somme de 29.569.050 FCFP avec intérêts au taux légal à compter du 16 août 2018,
- dit que ces intérêts pourront être capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil,
- débouté chacune des parties du surplus de ses demandes,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement en toutes ses dispositions, hors celles qui ont trait aux dépens,
- condamné MM. [J], [A] et [W], solidairement entre eux, à payer à la société Banque calédonienne d'investissement une indenmité de 250.000 FCFP au titre l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance, dont distraction au profit de la selarl Juriscal.

PROCEDURE D'APPEL

Par requête déposée le 8 juillet 2020, M. [J] a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions transmises le 11 février 2021, M. [J] demande à la cour de :
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré ;
- déclarer irrecevables du fait de la prescription les demandes de la société Banque calédonienne d'investissement à son encontre ;
subsidiairement,
- le décharger de son obligation de caution ;
- débouter la société Banque calédonienne d'investissement de l'intégralité de ses demandes à son encontre ;
très subsidiairement,
- limiter à la somme de 20.665.050 FCFP la condamnation solidaire de M. [J] avec MM. [W] et [A] ;
- condamner la société Banque calédonienne d'investissement à lui payer la somme de 300.000 FCFP au titre des dispositions au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens dont distraction au profit de la selarl Milliard - Million.

Selon conclusions déposées le 8 janvier 2021, la société Banque calédonienne d'investissement prie la cour de :
- confirmer le jugement entepris en toutes ses dispositions ;
- condamner M. [J] au paiement de la somme de 250.000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, dont distration au profit de la société Juriscal.

La clôture de la procédure est intervenue le 14 avril 2021.

SUR CE, LA COUR,

1) M. [J] argue de la prescription de la banque en observant que la procédure de liquidation judiciaire a été ouverte le 14 décembre 2011 de sorte que la prescription a été acquise le 14 décembre 2016.

D'une part, selon l'article 1206 du code civil, les poursuites faites contre l'un des débiteurs solidaires interrompent la prescription à l'égard de tous. D'autre part, l'article 2241 du code civil prévoit que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. La déclaration de créance étant assimilée à une demande en justice, il en résulte que la déclaration de créance faite par la société Banque calédonienne d'investissement entre les mains de la selarl Gastaud a interrompu les délais de prescription pour agir contre M. [J], caution solidaire.

Il est admis que l'interruption de la prescription se prolonge jusqu'à la clôture de la procédure collective.

M. [J] ne démontrant pas que la clôture de liquidation judiciaire était intervenue avant le 13 décembre 2013, c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté l'exception de prescription soulevée par celui-ci et déclaré recevable la demande en paiement.

2) M. [J] demande à être déchargé de son engagement en raison de la perte du bénéfice de la subrogation du fait de la banque intimée qui avait négligé son privilège.

L'article 2314 du code civil dont M. [J] sollicite l'application est ainsi rédigé : « La caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution. Toute clause contraire est réputée non écrite. »

En garantie de ses engagements, la société Les Jariots a « affecté et hypothéqué au profit de la banque » la parcelle de 7ha74a49ca qu'elle avait été autorisée à lotir.

L'admission de la créance à titre chirographaire démontre que la banque intimée ne s'est pas prévalue de sa garantie dans le cadre de la procédure collective. Elle ne le conteste pas.

M. [J] justifie que tous les lots n'avaient pas encore été commercialisés à la date de la déclaration de créance puisque les lots no 36, 44, 56, 61 et 63 ont été vendus sur adjudication, à la requête de la selarl Gastaud, ès qualités de liquidateur de la société Les Jariots, le 12 juin 2017 à la barre du tribunal de première instance de Nouméa (jugement d'adjudication du 12 juin 2017).

Toutefois la société Banque calédonienne d'investissement affirme qu'il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir déclaré sa créance à titre privilégié dès lors qu'elle était contractuellement tenue de consentir à la mainlevée totale de l'hypothèque au profit de chaque client acquéreur.

A cet effet, elle se prévaut de l' « engagement particulier de la banque en faveur des acquéreurs futurs » qui a été inséré dans l'acte du 2 mai 2005 et qui est rédigé comme suit :
« Les parties rappellent qu'aux termes de l'acte du 19 août 2004 ci-dessus énoncé dans l'origine de propriété, la BANQUE a prété à la société JARIOTS, une somme de CENT CINQ MILLIONS DE FRANCS CFP (105.000.000 F CFP) destinée au paiement du prix d'acquisition de la parcelle objet du lotissement. En garantie du remboursement de ce prêt,
inscriptions de privilège de vendeur et d'hypothèque conventionnelle ont été prises au bureau des hypothèques de Nouméa, le 27 août 2004 volume 2304 no 3 et 4.
Aussi, vis-à-vis des futurs acquéreurs des lots du lotissement en cours de réalisation par le client, sur les biens présentement donnés en garantie, il est expressément convenu que la Banque ne pourra pas exercer ses droits de privilège et d'hypothèques résultant tant de l'acte du 19 août 2004 que des présentes, à l'encontre des acquéreurs qui justifieront avoir rempli leurs obligations résultant de l'acte d'acquisition des lots du lotissement en cours de réalisation par le client, notamment par le versement de l'intégralité du prix de vente au compte ouvert dans ses livres.
En cas de défaillance d'un acquéreur, la banque ne pourra exercer son droit de préférence résultant de ses sûretés réelles, ainsi que l'action résolutoire lui profitant, qu'à concurrence seulement de la fraction du prix de vente restant due en principal et augmentée de tous intérêts, frais et accessoires.
Ces dispositions ne sont pas applicables en cas de résolution ou d'annulation de la vente, ou de prix de vente manifestement insuffisant ne permettant pas l'amortissement du prêt en garantie duquel les sûretés réelles ont été prises.
De plus, la banque s'engage irrévocablement à donner mainlevée des inscriptions lui profitant sur les lots vendus, dès que le prix correspondant aux lots à dégrever, en ce compris toutes révisions et accessoires éventuels, aura été intégralement payé par le client au lieu précité. »

Cette clause par laquelle la société Banque calédonienne d'investissement s'était engagée à « irrévocablement à donner mainlevée des inscriptions lui profitant sur les lots vendus » était destinée à ne pas entraver la commercialisation des lots en rassurant les candidats à l'acquisition que la complexité de la procédure de purge des hypothèques aurait pu dissuader. Sa mise en oeuvre n'était toutefois pas inconditionnelle puisqu'une réserve avait été stipulée en faveur de la banque dans l'hypothèse où « le prix de vente manifestement insuffisant ne permettait pas l'amortissement du prêt en garantie duquel les sûretés réelles avaient été prises » ; en outre, la mainlevée n'intervenait qu'après règlement de l'intégralité du prix par l'acquéreur des lots. Surtout, elle doit être mise en relation avec la propre obligation souscrite par la société Les Jariots de verser sur l'un des comptes ouverts dans les livres de la banque, identifiés dans l'article 2 de la convention de garantie, « toutes les sommes dues au client (c'est-à-dire la société emprunteuse) au titre de la vente » des lots dépendant du lotissement (article 1 de la convention).

L'obligation prise par la banque intimée de donner mainlevée de l'hypothèque n'avait de sens qu'autant que la société Les Jariots commercialisait les lots auprès de clients qu'elle avait démarchés et honorait ses propres engagements envers la société Banque calédonienne d'investissement. La situation est devenue tout autre avec l'ouverture de la liquidation judiciaire du lotisseur ; la selarl Gastaud a été investie de la mission de procéder à la réalisation des actifs selon les modalités prévues par le code de commerce et le produit de la vente des lots n'avait plus vocation à être déposé sur le compte ouvert à la société Banque calédonienne d'investissement.

En n'invoquant pas sa sûreté, la société Banque calédonienne d'investissement a perdu le droit préférentiel attachée à sa créance au titre de la garantie d'achèvement. M. [J] est fondé à soutenir qu'il a été privé de l'avantage que la subrogation était susceptible de lui procurer.

La société Banque calédonienne d'investissement ne démontrant pas que sa négligence n'avait causé aucun préjudice à M. [J] en ce que le produit de l'adjudication des lots o 36, 44, 56, 61 et 63 (36.840.000 F) n'aurait pas permis de rembourser tout ou partie de l'avance consentie au titre de la garantie d'achèvement, M. [J] sera entièrement déchargé de son engagement.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [J] de sa demande au titre de l'article 2314 du code civil, l'a condamné solidairement avec MM. [A] et [W] à payer à la société Banque calédonienne d'investissement la somme de 29.569.050 FCFP avec intérêts au taux légal à compter du 16 août 2018, l'a condamné solidairement avec MM. [A] et [W] au paiement d'une indemnité au titre l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

Statuant à nouveau,

Décharge M. [J] du cautionnement consenti le 2 mai 2005 au profit la société Banque calédonienne d'investissement ;

Condamne la société Banque calédonienne d'investissement à payer à M. [J] une somme de 250.000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Banque calédonienne d'investissement aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier,Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : 05
Numéro d'arrêt : 20/000675
Date de la décision : 10/06/2021
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.noumea;arret;2021-06-10;20.000675 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award