COUR D'APPEL DE NOUMÉA
Arrêt du 21 Mai 2015
Chambre Civile
Numéro R. G. : 13/ 300
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 1er Juillet 2013 par le Tribunal de première instance de NOUMEA (RG no : 11/ 1924)
Saisine de la cour : 23 Août 2013
APPELANTS
M. Jean-Noël X...
né le 23 Décembre 1946 à PORT-VILA (NOUVELLES-HÉBRIDES)
Mme Thi Kim Y... épouse X...
née le 6 Juin 1951 à HANOI (VIETNAM)
demeurant tous deux ...
Représentés par la SELARL MILLIARD-MILLION, avocat au barreau de NOUMEA
INTIMÉS
M. Dominique Z...
né le 31 Décembre 1957 à ORLEANS (45000)
Mme Chantal A... épouse Z...
née le 6 Août 1959 à SANTO (NOUVELLES-HÉBRIDES)
Tous deux demeurant ...
Représentés par la SELARL BENECH-PLAISANT, avocat au barreau de NOUMEA
Mme Marie Noëlle Y... B... C...
née le 10 Mai 1953 à NOUMEA (98800)
demeurant ...
Représentée par la SELARL BENECH-PLAISANT, avocat au barreau de NOUMEA
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 19 Mars 2015, en audience publique, devant la cour composée de :
M. Yves ROLLAND, Président de Chambre, président,
M. Jean-Michel STOLTZ, Conseiller,
M. Christian MESIERE, Conseiller,
qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Jean-Michel STOLTZ.
Greffier lors des débats : Mme Cécile KNOCKAERT
ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par M. Yves ROLLAND, président, et par Mme Cécile KNOCKAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
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PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE
L'immeuble dit " résidence Champagnat " situé rue Albert 1er Vallée des colons à Nouméa est une copropriété composée de 6 lots construits sur 3 niveaux.
Les lots 1 et 2, représentant chacun 1. 300/ 10. 000èmes de la copropriété, situés au 1er niveau en sous-sol, sont la propriété de Mme Marie-Noëlle Y... B... C...- D... et de M. Dominique Z... et de son épouse Mme Chantal A... (les consorts Z...- D...)
Les lot no3 (1. 950/ 10. 000èmes) et 4 (1850/ 10. 000èmes) situés en rez-de-chaussée sont la propriété de M. Jean Noël X... et de son épouse Mme Thi Kim Y... (les époux X...).
Les lots 5 et 6 représentent chacun 1 800/ 10. 000èmes.
Un règlement de copropriété a été établi le 8 août 1989 par Me E..., notaire, disposant notamment en son article 3 " aucune modification ne pourra être valablement apportée si elle n'a pas fait l'objet d'une décision régulièrement prise par l'assemblée générale des copropriétaires ".
Après une première procédure en référé engagée en 2010 dont ils ont été déboutés, les époux X..., par acte des 23 et 30 août 2011, exposant que les consorts Z...- D... avaient réalisé des travaux empiétant sur les parties communes sans autorisation de la copropriété et que ces travaux (construction d'une terrasse couverte et extension de l'appartement) leur avaient causé un important trouble de jouissance, ont fait citer ceux-ci devant le tribunal aux fins de les voir condamner, sous astreinte, à démolir les constructions édifiées par eux sur les parties communes sans autorisation et à leur payer une somme de 500 000 F CFP à titre de dommages-intérêts en réparation du trouble de jouissance subi, et ce, au bénéfice de l'exécution provisoire.
Les consorts Z...- D... ont conclu au débouté au motif qu'après avoir obtenu l'accord de la majorité des copropriétaires pour réaliser les travaux critiqués, une assemblée générale du 15 septembre 2010 les avait ratifiés.
Estimant la procédure particulièrement abusive, ils ont sollicité le versement des sommes de 500 000 F CFP et de 200 000 F CFP à titre de dommages-intérêts.
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Par jugement contradictoire du 1er juillet 2013 auquel il est référé pour plus ample exposé de la procédure ainsi que des faits, moyens et demandes, le tribunal de première instance de Nouméa a statué ainsi :
" Constate que les travaux contestés réalisés par M et Mme Z... et par Mme D... ont été autorisés par l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble " Champagnat " du 15 septembre 2010.
Déboute M. et Mme X... de toutes leurs demandes.
Les condamne à payer à M. et Mme Z... et à Mme D... à chacun d'eux les sommes de cent mille (100 000) francs CFP à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de cette procédure abusive et de cinquante mille (50 000) francs CFP au titre des frais irrépétibles.
Les condamne aux entiers dépens. "
PROCÉDURE D'APPEL
Par requête déposée au greffe le 23 août 2013, les époux X... ont interjeté appel de cette décision signifiée le 25 juillet 2013.
Par mémoire ampliatif déposé le 26 novembre 2013, écritures auxquelles il est expressément référé pour le détail de l'argumentation et des moyens, ils sollicitent de la cour :
- de constater qu'ils sont propriétaires des lots 2 et 3 de la résidence Champagnat,
- de constater que la copropriété n'a jamais valablement été gérée par un syndic régulièrement désigné,
- de constater qu'aucune assemblée générale ne s'est régulièrement réunie sur un ordre du jour précis, pièces justificatives à l'appui,
- de constater que tant les époux Z... que Mme D... ont entrepris des travaux sur les parties communes de la propriété,
- de constater que les intimés ne peuvent se prévaloir d'une autorisation d'effectuer de quelconques travaux à la majorité de 5. 001/ 10. 000ème,
- d'infirmer la décision rendue en toutes ses dispositions,
- de juger que M. Dominique Z... et son épouse Chantal Z... devront démolir les constructions qu'ils ont édifiées sur les parties communes de la résidence Champagnat, lesquelles constructions portent atteinte à leur droit de propriété,
- de juger qu'une astreinte de 20 000 F CFP par jour de retard sera due par ceux-ci, passé un délai de 30 jours, après signification de la décision à intervenir,
- de juger, pour les mêmes causes, que Mme D... devra elle aussi démolir ce qu'elle a construit sous prétexte de protection de compteur électrique, sur les parties communes de la copropriété,
- de fixer à la même somme de 20 000 F CFP l'astreinte due par Mme D..., passé un délai de 30 jours, après signification de l'arrêt à intervenir, en cas d'inexécution,
- de les condamner solidairement à leur payer une somme de 300 000 F CFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile applicable en Nouvelle Calédonie,
- de les condamner solidairement en tous dépens, y compris le coût du constat de janvier 2010, avec distraction.
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Par conclusions en réplique déposées le 24 janvier 2014, écritures auxquelles il est expressément référé pour le détail de l'argumentation et des moyens, les consorts Z...- D... sollicitent de la cour :
- de confirmer la décision rendue en ce qu'elle a constaté que les travaux réalisés par Mme D... et M. et Mme Z... ont été autorisés par assemblée générale des copropriétaires de la résidence Champagnat le 15 septembre 2010,
- de débouter les consorts X... de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- de juger recevable et bien fondé leur appel incident,
- de condamner solidairement M. et Mme X... à payer, à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, :
à Mme D... la somme de 500 000 F CFP,
à M. et Mme Z... la somme de 200 000 F CFP chacun,
- de condamner solidairement M. et Mme X... à payer à M. et Mme Z... d'une part et Mme D... d'autre part, la somme de 200 000 F CFP au titre des frais irrépétibles d'instance et la même somme au titre des frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile de Nouvelle Calédonie,
- de condamner solidairement M. et Mme X... aux entiers dépens d'instance et d'appel dont distraction.
Par ordonnance du 3 octobre 2014, la clôture a été fixée au 31 janvier 2015.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la qualité de syndic de Mme D... :
Attendu que les époux X... soutiennent que Mme D... n'a jamais été un syndic normalement désigné de la copropriété ;
Attendu que les consorts Z...- D... font valoir en réplique :
- que l'article 17 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit la possibilité de désignation du syndic par l'accord des parties, cette désignation devant être soumise à la ratification de la première assemblée générale,
- que Mme D... a été désignée syndic bénévole par les copropriétaires qui ont ratifié cette désignation lors de l'assemblée générale du 28 mai 2008,
- que les époux X... qui participaient à cette assemblée générale de même qu'aux assemblées générales suivantes n'ont jamais contesté cette désignation ;
Sur quoi,
Attendu qu'aux termes de l'article 17 de la loi du 10 juillet 1965, le syndic de copropriété peut être désigné par le règlement de copropriété ou par tout autre accord des parties avant la première assemblée générale, ce choix étant ensuite l'objet d'une ratification de cette première assemblée générale ;
Qu'en l'espèce il résulte des pièces produites que Mme D... a été pressentie pour devenir syndic bénévole, que sa désignation a été mise à l'ordre du jour de la convocation des copropriétaires du 13 mai 2008 pour l'assemblée générale du 28 mai suivant et que l'assemblée générale à laquelle participait M. Jean-Noël X... a accepté à l'unanimité la désignation de Mme D... ;
Que les époux X... qui n'ont pas contesté le procès-verbal d'assemblée générale en temps utile ne sont pas fondés à remettre en question la légitimité de Mme D... comme syndic ;
Sur la ratification des travaux :
Attendu que les époux X... font valoir :
- qu'il est constant que le comportement des époux Z... et de Mme D... transgressent les dispositions du règlement de copropriété lequel rappelle en son article 3 qu'aucune modification ne pourra être valablement apportée si elle n'a pas fait l'objet d'une décision régulièrement prise par l'assemblée générale des copropriétaires,
- qu'en l'espèce, jamais la copropriété n'a régulièrement fonctionné et jamais la moindre assemblée générale n'a été régulièrement convoquée ni n'a régulièrement statué,
- que, s'agissant des époux Z..., il n'y a jamais eu d'accord en 2006 pour les travaux effectués par Mme Z..., et aucune assemblée générale spéciale n'a autorisé les travaux,
- que, s'agissant de Mme D..., celle-ci a construit une pergola là où le permis de construire prévoyait une armoire pour le compteur électrique et que là également aucune assemblée générale spéciale n'a autorisé les travaux ;
Attendu que les consorts Z...- D... font valoir en réplique :
- que les époux X... n'établissent aucune irrégularité de l'assemblée générale du 15 septembre 2010 et du procès-verbal établi,
- que le procès-verbal leur a été notifié régulièrement, qu'ils bénéficiaient d'un délai de contestation de deux mois dont ils n'ont pas usé,
- que la demande de démolition des époux X... est forclose faute d'avoir été intentée dans les délais légaux,
- que les travaux contestés avaient été autorisés avant leur exécution et ont été ratifiés par les copropriétaires à la majorité de 6200/ 10. 000èmes,
- que Mme D... n'avait même pas l'obligation de demander l'autorisation de l'assemblée générale dans la mesure où sa véranda date de 1977 ainsi qu'en attestent sa venderesse et le constructeur ; que, de ce fait, toute action est prescrite,
- qu'au demeurant, l'assemblée générale a régulièrement ratifié ces travaux,
- que les travaux réalisés respectent le règlement de copropriété ;
Sur quoi,
Attendu que l'article 19 du règlement de copropriété de l'immeuble dit " résidence Champagnat " dispose que pour être valablement adoptées, les résolutions concernant " l'autorisation donnée à certains copropriétaires d'effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble et conformes à la destination de celui-ci " doivent réunir un nombre de voix au moins égal à la majorité de celles appartenant à l'ensemble des copropriétaires ;
Qu'il n'est pas discuté que les travaux critiqués par les époux X... ressortissent à l'article 19 et devaient donc être approuvés par la majorité de voix appartenant à l'ensemble des copropriétaires ;
Attendu par ailleurs qu'il est de jurisprudence constante que lorsque des travaux sont soumis à autorisation de l'assemblée générale, celle-ci peut intervenir a posteriori ;
Attendu que le fait que certains des travaux critiqués aient pu faire l'objet d'accords entre certains copropriétaires ou d'un permis de construire ne permet pas de se soustraire à l'obligation d'obtenir une autorisation de l'assemblée générale ;
Attendu en l'espèce qu'il est établi par les pièces produites :
- que le 15 septembre 2010 s'est tenue une assemblée générale convoquée par Mme D..., syndic, dont l'objet était la ratification des travaux entrepris par les époux Z... et par Mme D...,
- que la ratification a été approuvée à la majorité des copropriétaires présents représentant 6200/ 10. 000èmes soit la majorité fixée par l'article 19 du règlement de copropriété,
- que les époux X... étaient absents mais que le procès-verbal leur a été notifié par LRAR datée du 16 septembre 2010 et expédiée le 20 septembre 2010,
- que les époux X... n'ont engagé aucune action en contestation des décisions de l'assemblée générale dans le délai de 2 mois fixé par l'article 42 de la loi de 1965 ;
Qu'en conséquence, les époux X..., qui n'établissent par ailleurs pas que d'autres travaux aient été réalisés postérieurement, ne sont pas recevables à venir contester les travaux régulièrement ratifiés ;
Que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a constaté que les travaux contestés réalisés par M. et Mme Z... et par Mme D... avaient été autorisés par l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble Champagnat du 15 septembre 2010 et a débouté M. et Mme X... de toutes leurs demandes ;
Sur la demande dommages-intérêts :
Attendu que les consorts Z...- D... forment appel incident et font valoir :
- que dès novembre 2006, les époux X... avaient donné leur accord de principe à ces travaux,
- qu'ils n'ont jamais contesté l'assemblée générale du 15 septembre 2010 à laquelle ils étaient convoqués,
- qu'ils ne subissent aucun préjudice du fait des travaux réalisés,
- qu'ils sont donc de mauvaise foi ce qui justifie leur condamnation à dommages-intérêts,
- qu'ils ont souffert de fatigue, ennuis et prostration du fait des agissements des époux X...,
- que Mme D... a souffert de troubles psychologiques établis par certificats médicaux ce qui justifie une indemnisation portée à 500 000 F CFP,
- que les époux Z... sollicitent la somme de 200 000 F CFP pour cette nouvelle procédure abusive ;
Attendu que les époux X... n'ont pas conclu sur cette demande ;
Sur quoi,
Attendu qu'il résulte de l'arrêt rendu par la présente cour le 18 janvier 2011 que les époux X... ont déjà à l'époque soutenu la même argumentation tant sur la désignation irrégulière de Mme D... comme syndic que sur l'irrégularité de l'assemblée générale du 15 septembre 2010 ;
Que l'arrêt a rappelé que la désignation de Mme D... n'avait pas été contestée en temps utile et que l'assemblée générale du 15 septembre 2010 avait ratifié les travaux critiqués ;
Que le tribunal a fait litière des mêmes moyens inchangés à nouveau soutenus devant lui ;
Qu'il faut constater qu'à nouveau devant la cour, sans même argumenter sur la motivation juridique qui a conduit à deux reprises au rejet de leur raisonnement, les époux X... se contentent de reprendre les mêmes moyens allant même jusqu'à dénier les documents qu'ils ont signés ou les réunions auxquelles ils ont pu participer sans les contester à l'époque ;
Que cette attitude qui traduit plus la persistance d'un conflit personnel que la défense légitime des droits est indéniablement fautive et génératrice d'un préjudice pour les copropriétaires confrontés depuis maintenant 6 ans à la remise en cause de leur situation ;
Que la cour, sur infirmation partielle, portera à la somme de 200 000 F CFP tant pour les époux Z... que pour Mme D... le montant des dommages-intérêts ;
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt déposé au greffe ;
Infirme la décision déférée sur le seul montant des dommages-intérêts et statuant à nouveau de ce chef ;
Condamne solidairement M. Jean Noël X... et Mme Thi Kim Y... épouse X... à payer à M. Dominique Z... et Mme Chantal A... épouse Z..., d'une part, Mme Marie-Noëlle Y... B... C...- D... d'autre part, chacun, la somme de deux cent mille (200 000) FCFP à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
Confirme pour le surplus le jugement déféré ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Condamne solidairement M. Jean Noël X... et Mme Thi Kim Y... épouse X... à payer à M. Dominique Z... et Mme Chantal A... épouse Z..., d'une part, Mme Marie-Noëlle Y... B... C...- D... d'autre part, chacun, la somme de deux cent mille (200 000) FCFP au titre de l'article 700 du Code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie ;
Les condamne en outre solidairement aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL d'avocats BENECH-PLAISANT SELARL, sur ses offres de droit.
Le greffier, Le président.