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27/06/2013 | FRANCE | N°12/00154

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre sociale, 27 juin 2013, 12/00154


COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 27 Juin 2013

Chambre sociale

Numéro R. G. :
12/ 154

Décision déférée à la cour :
rendue le : 27 Mars 2012
par le : Tribunal du travail de NOUMEA

Saisine de la cour : 20 Avril 2012

PARTIES DEVANT LA COUR

APPELANTE

LA SOCIETE VALE INCO-NOUVELLE CALEDONIE, prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis52 Avenue Foch-Immeuble " MALAWI "- BP. 218-98845 NOUMEA CEDEX

représentée par la SELARL REUTER-DE RAISSAC

INTIMÉ >
M. Fabien X...
né le 09 Juin 1965 à ROANNE (42300)
demeurant ...-98803 NOUMEA CEDEX

représenté par la SELARL AGUILA-MORESCO

COMP...

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 27 Juin 2013

Chambre sociale

Numéro R. G. :
12/ 154

Décision déférée à la cour :
rendue le : 27 Mars 2012
par le : Tribunal du travail de NOUMEA

Saisine de la cour : 20 Avril 2012

PARTIES DEVANT LA COUR

APPELANTE

LA SOCIETE VALE INCO-NOUVELLE CALEDONIE, prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis52 Avenue Foch-Immeuble " MALAWI "- BP. 218-98845 NOUMEA CEDEX

représentée par la SELARL REUTER-DE RAISSAC

INTIMÉ

M. Fabien X...
né le 09 Juin 1965 à ROANNE (42300)
demeurant ...-98803 NOUMEA CEDEX

représenté par la SELARL AGUILA-MORESCO

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 Mai 2013, en audience publique, devant la cour composée de :

Jean-Michel STOLTZ, Conseiller, président,
Christian MESIERE, Conseiller,
François BILLON, Conseiller,
qui en ont délibéré,

François BILLON, Conseiller, ayant présenté son rapport.

Greffier lors des débats : Mikaela NIUMELE

ARRÊT : contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par Jean-Michel STOLTZ, président, et par Stéphan GENTILIN greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

Par contrat de travail à durée indéterminée pour la durée du chantier en date du 26 janvier 2006, M. Fabien X... a été embauché par la société GORO NICKEL, devenue VALE INCO, moyennant un salaire mensuel brut de 350 000 F CFP pour un poste de " Conseiller Ressources Humaines-Recrutement " et une qualification professionnelle d'" Agent de Maîtrise Assimilé CadreAM6 " (Accord collectif industrie).

Le contrat de travail indiquait qu'il " n'aura plus de raison d'être quand GORO NICKEL entrera en phase d'opération à compter de la fin du second semestre 2007 ".

Le contrat de travail de M. X... était prolongé après cette date sans qu'il soit converti en contrat à durée indéterminée.

Le 7 septembre 2009, M. X... se voyait finalement notifier son licenciement pour fin de chantier.

Par requête déposée au greffe le 10 mai 2010 complétée par des conclusions postérieures, M. Fabien X... a fait convoquer la Société VALE INCO devant le tribunal du travail aux fins suivantes :

- Constater le caractère discriminatoire de la différence de salaire entre le sien et celui de M. A... qui exerçait les mêmes fonctions que lui ;

- Requalifier la relation contractuelle de travail entre les parties en contrat à durée indéterminée ;

- Constater qu'il a fait l'objet d'un licenciement irrégulier et sans cause réelle et sérieuse ;

- Condamner la société défenderesse à lui verser les sommes suivantes :

* 4 376 388 F CFP au titre de l'indemnité pour licenciement illégitime,
* 1 150 000 F CFP au titre de réajustement de salaires,
* 500 000 F CFP à titre de dommages-intérêts pour refus abusif de CDI,
* 145 880 F CFP au titre de l'indemnité de licenciement,
* 200 000 F CFP au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.

Il soutenait que son contrat de travail devait être requalifié en contrat à durée indéterminée au motif que l'employeur n'avait pas respecté les dispositions concernant les contrats de chantiers du code du travail, selon lesquelles le contrat de chantier ne doit prendre fin qu'à l'issue du chantier, alors qu'en l'espèce l'entrée en production et donc la fin du recrutement n'était pas effective à la date de son licenciement le 10 août 2009.

Il estimait aussi que son employeur avait utilisé abusivement le contrat de chantier à la place d'un véritable contrat à durée indéterminée, prolongeant ainsi son contrat de plus de deux ans par rapport à la date initialement prévue.

Il faisait valoir, qu'en conséquence, par application des règles régissant les contrats à durée indéterminée, la rupture devait s'analyser en un licenciement irrégulier et abusif et que ses demandes indemnitaires étaient justifiées, compte tenu du préjudice qu'il avait subi du fait de sa précarité.

Il soutenait, par ailleurs, qu'il avait sollicité à plusieurs reprises le réajustement de son salaire sur celui de M. A..., qui percevait mensuellement 50 000 F CFP de plus que lui, alors que celui-ci avait été recruté postérieurement aux mêmes fonctions, qu'il était moins diplômé et avait une expérience professionnelle moindre.

Selon lui, il avait été licencié et n'avait pas été embauché, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, au motif qu ¿ il gênait l'entreprise en raison de ses revendications salariales et qu'il avait été ainsi volontairement " placardisé ", afin de le contraindre à démissionner.

Il estimait également avoir fait l'objet de discrimination dans la mesure où il avait été proposé un contrat à durée indéterminée à M. A..., à la fin de son contrat de chantier.

La Société VALE INCO s'opposait à la requalification du contrat en faisant valoir que le requérant était recruté pour assurer le traitement des dossiers de recrutement sous sa responsabilité jusqu'à la finalisation et la clôture des dits dossiers et qu'elle ne pouvait présager de la date précise d'entrée en production au moment de la signature du contrat, ce qui était de nature à expliquer que la date mentionnée sur le contrat n'était qu'une date prévisible dans le cadre d'une activité aléatoire de construction d'usine.

Elle soutenait, par ailleurs, que le fait que le poste de M. X... soit lié à la production de l'usine ne signifiait pas pour autant que son contrat ne pouvait pas arriver à son terme avant la date d'entrée en phase de production de l'usine, dès lors que les missions qui lui avaient été attribuées étaient terminées.

Elle faisait valoir également que M. X... avait manifesté clairement, en juillet 2008, le souhait de terminer son contrat fin 2008 et qu'il n'avait jamais contesté que ses missions étaient arrivées à leur terme, se plaignant même de ne pas avoir assez de travail pendant son préavis lequel avait ainsi dû être écourté.

En conséquence, elle estimait son licenciement légitime.

Elle soutenait qu'elle n'avait pas fait preuve de discrimination dans les salaires en expliquant que le salaire de M. A... était le fruit d'une négociation, lors de son embauche, et que par ailleurs ce salarié avait une expérience de recrutement en Nouvelle-Calédonie plus importante que celle de M. X... ; qu'en conséquence, la différence de salaire qui était minime, compte tenu de l'ensemble des avantages et accessoires payées à M. X..., était justifiée.

Elle contestait aussi avoir fait preuve de discrimination en embauchant, à compter du premier janvier 2009, M. A... en contrat à durée indéterminée pour occuper les fonctions de conseiller recrutement et développement organisationnel, en faisant valoir qu'elle n'avait pas proposé le poste à M. X..., dans la mesure où celui-ci avait manifesté le souhait de partir pour des raisons personnelles et familiales et qu'il n'avait pas, en tout état de cause, les dispositions relationnelles attendues pour tenir un tel poste.

La Société VALE INCO soutenait ainsi que M. X... n'avait pas hésité à provoquer un incident avec la responsable du recrutement, Mme B..., qu'il avait menacée devant des collègues de travail et qu'il avait enfin fait preuve de manque de sérieux dans les dernier mois de son activité.

Elle concluait donc au rejet de toutes les demandes et faisait observer que M. X... ne justifiait pas de son préjudice concernant sa demande de crédit, pas plus que du comportement prétendument discriminatoire de son employeur, ajoutant qu'il avait perçu lors de son départ une prime de performance de 417. 662 F CFP.

Elle demandait la condamnation du requérant à lui verser la somme de 200 000 F CFP au titre des frais irrépétibles.

Par jugement du 27 mars 2012, le tribunal du travail de NOUMÉA a statué ainsi qu'il suit :

REQUALIFIE le contrat à durée indéterminée de CHANTIER en contrat à durée indéterminée ;

DIT que le licenciement de M. Fabien X... est dépouvu de cause réelle et sérieuse ;

CONSTATE la différence injustifiée de salaire entre M. X... et M. A... ;

CONDAMNE la Société VALE INCOà lui payer les sommes suivantes :

* DEUX MILLIONS DEUX CENT CINQUANTE MILLE (2 250 000) F CFP au titre de l'indemnité pour licenciement abusif,

* UN MILLION CENT CINQUANTE MILLE (1 150 000) F CFP au titre de réajustement de salaires,

* TROIS CENT SOIXANTE CINQ MILLE (365 000) F CFP à titre de dommages-intérêts pour refus de conclure un contrat à durée indéterminée,

* CENT QUARANTE CINQ MILLE HUIT CENT QUATRE VINGT (145 880) F CFP au titre de l'indemnité de licenciement ;

DIT que les sommes produiront un intérêt au taux légal, avec capitalisation en vertu de l'article 1154 du code civil à compter du jugement à venir s'agissant des créances indemnitaires et de la requête pour les créances salariales ;

DÉBOUTE M. X... du surplus de ses demandes ;

FIXE à TROIS CENT SOIXANTE QUATRE MILLE SIX CENT QUATRE VINGT DIX NEUF (364 699) F CFP la moyenne des trois derniers mois de salaire ;

RAPPELLE que l'exécution provisoire est de droit sur les créances salariales dans les limites prévues à l'article 886-2 du Code de Procédure Civile de la NOUVELLE CALÉDONIE ;

ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision à hauteur de 50 % des sommes allouées au titre des dommages-intérêts ;

CONDAMNE la société VALE INCO à payer à M. X... la somme de CENT TRENTE MILLE (130 000) F CFP au titre des frais irrépétibles ;

DIT n'y avoir lieu à dépens.

PROCÉDURE D'APPEL

Par requête enregistrée le 20 avril 2012, la Société VALE INCO a interjeté appel de la décision qui lui avait été notifiée le 30 mars 2012.

Dans son mémoire ampliatif déposé le 20 juillet 2012 et ses conclusions récapitulatives du 11 décembre 2012, la Société VALE INCO fait valoir, pour l'essentiel :

- que le premier juge a omis de prendre en compte que le recrutement de M. X... l'était dans la limite de son portefeuille d'affaires prévue contractuellemnt, la raison d'être de son poste étant : " d'assurer le traitement des dossiers de recrutement sous sa responsabilité jusqu'à la finalisation et la clôture des dits dossiers " ; qu'ainsi M. X..., qui avait en charge les recrutements à opérer pour les services techniques et laboratoire, et plus précisément ceux relatifs aux domaines suivants : " sûreté et protection ", " achats et contrats ", " hygiène et sécurité ", " port et logistique ", " qualité " et " Laboratoire ", avait traité la quasi intégralité des dossiers de recrutement qu'ils lui avaient été confiés dans le cadre de ce portefeuille et qu'en conséquence son poste n'avait plus de raison d'être ; que le premier juge a ainsi considéré, à tort, que la fin de contrat était indépendante de la date de fin de chantier et soumise de manière discrétionnaire au bon vouloir de l'employeur ; que la Société VALE INCO précise ainsi qu'il ne saurait être contesté que la phase de recrutement des différents postes nécessaires à la construction, puis à l'entrée en production de l'usine, n'était pas de son seul pouvoir mais au contraire liée à l'évolution du chantier ;
- que, contrairement au premier juge qui affirme que l'employeur a abusivement conservé le salarié au delà de sa mission, il est démontré, par les pièces versées au dossier, que M. X... avait plus de tâches fin 2008 qu'en septembre 2009, date de son licenciement et qu'ainsi, au moment de la convocation à l'entretien préalable prévu pour le 24 août 2009, M. X... avait effectué 95 % des recrutements qui lui avaient été confiés et, qu'à cette date, il admettait n'avoir pratiquement plus de missions en cours, ce qui devait conduire les parties à le dispenser d'effectuer son préavis ;

- que M. X... ne saurait prétendre avoir été victime d'une discrimination salariale au regard des conditions de rémunération de M. A..., lesquelles doivent être appréciées non pas au 01/ 01/ 2008 comme l'a fait le premier juge, mais à la fin de l'année 2008, soit après une année d'embauche afin d'intégrer, conformément aux dispositions de l'article Lp 142-1 du code de travail de Nouvelle-Calédonie, tous les avantages et accessoires payés, outre le salaire de base ; qu'ainsi, au 31/ 12/ 2008, M. X... a perçu une rémunération brute annuelle de 4 927 356 F CFP et M. A... une rémunération brute annuelle de 5 007 240 F CFP, soit une différence annuelle de 79 884 F CFP, ou 6 657 F CFP par mois ; que le premier juge, en refusant de prendre en compte la prime de performance (514 080 F CFP) de M. X... portée sur son salaire de janvier 2008 au titre du travail effectué en 2007, au motif que M. A... embauché en novembre 2007 ne pouvait toucher une prime de performance qu'en janvier 2009, a cependant omis pour retenir une différence mensuelle de 49 497 F CFP en défaveur de M. X..., de tenir compte de la différence salariale à l'embauche qu'il avait admis compte tenu de la situation du marché du travail et de la rareté des offres ; que M. A... bénéficiait, en tout état de cause, d'une expérience plus solide en matière de recrutement en Nouvelle-Calédonie ;

- qu'à titre subsidiaire, la somme due au titre du licenciement ne saurait excéder six mois de salaire (364 699 x 6 = 2 188 194 F CFP), que les dommages et intérêts accordés par le premier juge (365 000 F CFP) ne sont pas justifiés, M. X... ayant eu la ferme intention de retourner en métropole.

En conséquence, la Société VALE INCO demande à la Cour de statuer ainsi qu'il suit :

RECEVOIR l'appel de la société VALE NOUVELLE CALEDONIE, le dire juste et bien fondée ;

A titre principal :

REFORMER en toutes ses dispositions le jugement rendu le 27 mars 2012 par le Tribunal du Travail de NOUMÉA ;

En conséquence :

DÉBOUTER M. Fabien X... de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, plus amples ou contraires ;

A titre subsidiaire,

si par extraordinaire la Cour de céans venait à confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a considéré que le licenciement de M. X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse :

REFORMER le jugement rendu le 27 mars 2012 par le tribunal du travail de NOUMÉA en ce qu'il a alloué à M. X... la somme de 2 550 000 F CFP au titre de l'indemnité de licenciement et celle de 365 000 F CFP pour refus de conclure un contrat à durée indéterminée ;

En conséquence :

DIRE ET JUGER que l'indemnité de licenciement sera fixée à la somme de 2 188 194 F CFP ;

DÉBOUTER M. Fabien X... de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, plus amples ou contraires ;

En tout état de cause :

CONDAMNER M. Fabien X... à payer à la société VALE INCO NOUVELLE CALÉDONIE la somme de 350 000 F CFP sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure de Nouvelle Calédonie.

**************************

Par conclusions récapitulatives déposées le 21 janvier 2013, M. X... fait valoir, pour l'essentiel :

- que la société VALE INCO ne saurait prétendre que la mission de M. X... étant quasiment terminée, son licenciement pour fin de chantier serait valable ; qu'en effet la validité d'un licenciement pour fin de chantier est subordonnée à la mention dans le contrat de travail que ledit contrat est conclu pour un ou plusieurs chantiers déterminés ; qu'ainsi le fait qu'il soit simplement mentionné dans le contrat que le salarié devra " assurer le suivi de tout dossier de recrutement qui lui sera confié ", sans autre précision quant à la dénomination précise du chantier concerné, ne satisfait pas à l'obligation légale du licenciement pour fin de chantier ; que dès lors, M. X... ayant été affecté indistinctement à toute mission de recrutement qui lui serait confiée pendant la période de construction de l'usine et ce jusqu'à l'entrée en phase d'opération de celle-ci, la prétendue répartition des dossiers par département, qui n'était pas prévue au contrat de travail, résultait de la volonté unilatérale de la société VALE ; qu'ainsi, la date de licenciement était arbitraire, l'employeur appréciant seul le moment auquel les dossiers de recrutement étaient terminés ; que le recours particulièrement abusif de la société VALE INCO à un contrat de fin de chantier n'était pas approprié en l'espèce et que le contrat a été justement requalifié par le premier juge en contrat à durée indéterminée ;

- que la Société VALE INCO ne peut prétendre que M. X..., lors du compte-rendu de performance du 17 juillet 2008, a souhaité être licencié fin 2008, alors que cette demande n'était que subsidiaire et partait du constat qu'un contrat à durée déterminée ne lui serait pas proposé, d'autant plus que l'embauche de M. A... a été faite sans aucune offre de publication au sein de l'entreprise ;

- que la Société VALE INCO n'a formulé aucun grief à l'encontre de M. X... dans sa lettre de licenciement et que ce licenciement, compte-tenu de la requalification de son contrat en durée indéterminée, est abusif ;

- qu'en tout état de cause, le licenciement pour fin de chantier ne pouvait intervenir, alors que le chantier n'était pas terminé ; que la prétendue répartition des dossiers qui n'était pas prévue au contrat de travail et ne résultait que de la seule volonté de l'employeur ne lui permettait pas de le licencier alors que l'usine GORO NICKEL n'était pas entrée en phase de production comme le contrat le prévoyait ;

- que la discrimination salariale est établie et que le refus de réajuster le salaire de M. X... à celui de M. A... est patent ;

- que M. X... sollicite, à titre additionnel, que la somme due au titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif soit portée à la somme de 4 376 388 F CFP et que celle due au titre du refus de conclure un contrat à durée déterminée soit portée à 500 000 F CFP.

En conséquence, M. X... demande à la Cour de statuer ainsi qu'il suit :

DÉBOUTER la société VALE INCO de l'intégralité de ses demandes ;

CONSTATER que les parties sont liées par un contrat de travail à durée indéterminée ;

CONSTATER en tout état de cause, le caractère abusif du licenciement de M. X... ;

CONFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne le montant des dommages intérêts alloués à M. X... ;

CONDAMNER la Société VALE INCO NOUVELLE-CALÉDONIE à payer à M. X... la somme de 500 000 F CFP à titre de dommages et intérêts pour son refus abusif de conclure un contrat indéterminé ;

CONDAMNER la Société VALE INCO NOUVELLE-CALÉDONIE à verser à M. X... la somme de 4 376 388 F CFP au titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

CONDAMNER la Société VALE INCO NOUVELLE-CALEDONIE à payer à M. X... la somme de 250 000 F CFP au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile de Nouvelle Calédonie, outre les dépens, dont distraction au profit de la SELARL AGUILA-MORESCO, Avocat aux offres de droit.

**********************

L'ordonnance de fixation de la date de l'audience a été rendue le 6 mars 2013.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu que l'appel, formé dans les délais légaux, est recevable ;

De la discrimination salariale

Attendu que l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération à tous les salariés pour autant que ces salariés soient placés dans une situation identique, la différence de traitement devant reposer sur des éléments objectifs et pertinents dont la preuve incombe à l'employeur (Cass. Soc., 21 janvier 2009 et 20 juin 2001) ;

Attendu que la jurisprudence a été ainsi conduite à rappeler que constituent des éléments objectifs et pertinents de nature à justifier des différences de salaires ou de rang hiérarchique, l'ancienneté (Cass. Soc. 20 juin 2001), l'expérience et les diplômes si ils sont en relation avec les exigences du poste (Cass. Soc. 17 mars 2010), des fonctions différentes ou un niveau de responsabilité différent et l'existence d'un travail spécifique ou d'une contrainte supplémentaire ;

Attendu que si la société VALE INCO admet qu'elle est tenue d'assurer l'égalité des rémunérations entre tous les salariés placés dans une situation identique et que M. X... a été embauché, le 26 janvier 2006, en qualité de conseiller ressources humaines, pour une rémunération de 350 000 F CFP, alors que M. A... a été embauché, le 20 novembre 2007, pour le même poste dans le même département pour une rémunération de 400 000 F CFP, l'employeur soutient cependant que la prime de performance de M. X... versée au titre de l'année 2007 doit être prise en compte et que l'expérience en Nouvelle-Calédonie de M. A... était de nature à justifier cette différence ;

Attendu que c'est cependant, par de justes motifs que la présente décision entend se réapproprier, que le premier juge a retenu une différence mensuelle de 49 497 F CFP en défaveur de M. X..., après comparaison des salaires de M. X... et de M. A... perçus au cours de l'année 2008, sans prendre en compte la prime de performance (514 080 F CFP) versée au mois de janvier 2008 à M. X... au titre de l'exercice 2007 que M. A... recruté fin 2007 n'avait effectivement pas pu percevoir ;

Attendu, par ailleurs, que le premier juge a fait une juste appréciation de la cause, en relevant par des motifs également repris, qu'aucun élément objectif et pertinent de nature à justifier le maintien de la différence de rémunérations entre les deux salariés au premier janvier 2008 n'avait été produit par la Société VALE INCO ; que l'employeur n'est par conséquent pas fondé à critiquer ce point de départ pour le calcul de la différence salariale et qu'il appartenait à la société VALE INCO, qui soutient que le marché du travail l'a conduit à devoir recruter M. A... à un salaire supérieur à celui de M. X..., de tenir compte de son choix entrepreneurial pour revaloriser le salaire de M. X... qui avait plus d'ancienneté, était plus diplômé et plus expérimenté que M. A..., en dépit des allégations contraires de la société appelante ;

Attendu qu'il convient dés lors de confirmer purement et simplement le jugement entrepris et de condamner la Société VALE INCO à payer à M. X... la somme de 1150 000 F CFP correspondant au réajustement de son salaire de janvier 2008 au 6 décembre 2009, date de la fin du contrat de travail ;
De la régularité du licenciement et de ses conséquences

Attendu qu'il est de jurisprudence constante que, sauf à ce qu'il soit conclu dans les cas énumérés à l'article Lp 123-2 du code du travail de Nouvelle Calédonie (qui énumère les cas de recours limitatifs aux contrats à durée déterminée), le contrat de travail conclu pour la durée d'un chantier est un contrat à durée indéterminée, la mention dans le contrat de la durée prévisible n'affectant pas cette qualification (Cass. Soc., 7 mars 2007) ;

Attendu que l'achèvement d'un chantier constitue une cause de licenciement si le contrat a été conclu pour la durée de ce chantier (Cass. soc., 16 nov. 2005), peu importe que la durée estimée de ce chantier ait été mentionnée dans le contrat et que cette durée ait été dépassée (Cass. soc., 15 nov. 2006) ;

Attendu que le licenciement doit être exclusivement justifié par la fin du chantier visé, celle-ci devant être réelle, une simple réduction de l'activité d'un chantier qui subsiste n'étant pas une fin de chantier lorsqu'elle entraîne seulement une diminution même importante des travaux auxquels était affecté le salarié (Cass. Soc. 4 octobre 1989, 12 février 2002 et 16 novembre 2005) ;

Attendu que l'utilisation de ce type de contrat, dérogatoire au contrat habituel qu'est le contrat à durée indéterminée, doit être exceptionnelle et ne doit pas avoir pour finalité de déroger aux règles du licenciement des contrats indéterminées en maintenant le salarié dans une situation de précarité ;

Attendu qu'en l'espèce, l'employeur ne conteste pas que le contrat était à durée indéterminée mais soutient qu'il n'était conclu que pour la durée du chantier et qu'en conséquence le report du contrat était légitime, la cause du prolongement du terme du chantier étant liée à des aléas extérieurs à l'employeur ;

Attendu que la Société VALE INCO rappelle également qu'aux termes du contrat la liant à M. X..., il avait été prévu que la raison d'être du poste occupé par ce dernier était " d'assurer le traitement des dossiers de recrutement sous sa responsabilité jusqu'à la finalisation et la clôture des dits dossiers ", que la date prévisible d'entrée en production, initialement fixée à la fin du second semestre 2007, était purement indicative et qu'il avait été prévu par les parties que le poste n'aurait plus aucune raison d'être une fois que l'usine de GORO NICKEL serait entrée en phase de production ; que l'employeur soutient ainsi que M. X... ayant traité la quasi intégralité des dossiers de recrutement qui lui avaient été confiés dans le cadre de ce portefeuille, son poste n'avait plus de raison d'être et que le licenciement pour fin de chantier était parfaitement justifié ;

Attendu qu'il convient cependant de rappeler que le contrat de travail était effectivement intitulé " contrat de travail à durée indéterminée pour la durée du chantier de GORO NICKEL ", qu'il mentionnait que " le présent contrat sera résilié à la fin des tâches ou de la mission précisée au présent contrat ", et spécifiait tout spécialement dans des mentions encadrées et en caractères gras que : " ce poste est spécifiquement relié à la période de construction de l'usine hydro-métallurgique de GORO NICKEL et n'aura plus de raison d'être quand GORO NICKEL entrera en phase d'opération à compter de la fin du 2nd semestre 2007. La SAS GORO NICKEL devra donc procéder, à cette période, à la rupture du contrat de travail le liant à M. Fabien X... " ;

Attendu qu'en dépit de cette condition essentielle du contrat de travail, la Cour est conduite à constater que la société VALE INCO ne donne aucune information quant à la date d'entrée en production de l'usine initialement prévue à la fin du second trimestre 2007, admettant que la date ainsi prévue n'était qu'indicative et qu'elle a bien été repoussée, ce qui explique que M. X... n'a pas été licencié à la fin du second trimestre 2007 ;

Attendu que la société VALE INCO ne rapporte cependant aucunement la preuve que la phase d'opération de l'usine GORO NICKEL était acquise, le 7 septembre 2009, date du licenciement de M. X... ; que l'employeur, qui se limite ainsi à soutenir que le contrat pouvait être rompu avant la date d'entrée en production de l'usine dès lors que M. X... avait traité la quasi-totalité des dossiers de recrutements qui lui avaient été confiés, n'était pas fondé à licencier M. X... ;

Attendu que, sans qu'il convienne de suivre le premier juge dans son argumentation relative au grief fait à l'employeur d'avoir abusivement maintenu M. X... dans une situation de précarité en ne lui proposant pas de reclassement dans le cadre d'un nouveau contrat à durée indéterminée, force est de constater que la rupture du contrat de travail de M. X... est abusive et qu'elle ne répondait à aucune cause réelle et sérieuse, la lettre de licenciement n'invoquant aucun grief à l'encontre du salarié ;

Attendu que, par application des dispositions de l'article Lp 122-35 du code du travail de Nouvelle Calédonie, si le licenciement d'un salarié survient sans que la procédure requise ait été observée mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge impose à l'employeur d'accomplir la procédure prévue et accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire ; que si ce licenciement survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, en cas de deux ans ou plus d'ancienneté ; que lorsque l'ancienneté du salarié est inférieure à deux ans, dans ce cas de licenciement pour cause non réelle et sérieuse, l'indemnité octroyée par le juge est en fonction du préjudice subi et peut de ce fait être inférieure aux salaires des six derniers mois ;

Attendu que conformément aux dispositions de l'article Lp122-35 du code du travail de nouvelle Calédonie ainsi rappelées, de la jurisprudence, des pièces produites permettant d'établir un salaire moyen de 364 699 F CFP, outre la somme mensuelle de 49 497 F CFP retenue au titre de la discrimination salariale, de l'ancienneté de plus deux ans de M. X... (3 ans et 9 mois), de son âge (45 ans), du préjudice subi et des circonstances de la rupture, il convient de confirmer la somme de 2 550 000 F CFP retenue par le premier juge à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif, outre celle de 145 880 F CFP au titre de l'indemnité de licenciement dont le montant n'est pas contesté ;

Attendu qu'en revanche, la condamnation de la Société VALE INCO à verser à M. X... la somme de 365 000 F CFP retenue par le premier juge à titre de dommages et intérêts pour refus de conclure un contrat à durée indéterminée ne peut être confirmée, ce grief n'étant pas retenu par la Cour ; qu'en conséquence M. X... doit être débouté de sa demande visant à obtenir de ce chef la somme de 500 000 F CFP ;

Des autres demandes des parties

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de M. X... les frais irrépétibles qu'il a engagés pour la procédure d'appel et qu'il convient de lui allouer, à ce titre, la somme de 200 000 F CFP ;

Attendu qu'en matière sociale il n'y a pas lieu de statuer sur les dépens, la procédure étant gratuite en application de l'article 880-1 du Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire déposé au greffe ;

Déclare l'appel recevable ;

Confirme le jugement du tribunal du travail de NOUMÉA en date du 27 mars 2012, en toutes ses dispositions, à l'exception de celles relatives :

* à la requalification du contrat à durée indéterminée de chantier en contrat à durée indéterminée,

* à la condamnation de la Société VALE INCO au paiement d'une somme de 365 000 F CFP à titre de dommages et intérêts pour refus de conclure un contrat à durée indéterminée ;

Y ajoutant :

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Condamne la Société VALE INCO à payer à M. Fabien X..., pour la procédure d'appel, la somme de DEUX CENT MILLE (200 000) F CFP sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie.

Dit n'y avoir lieu à condamnation aux dépens en matière sociale, en application de l'article 880-1 du code de procédure civile de Nouvelle Calédonie.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/00154
Date de la décision : 27/06/2013
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.noumea;arret;2013-06-27;12.00154 ?
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