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18/03/2013 | FRANCE | N°11/00172

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre civile, 18 mars 2013, 11/00172


Chambre Civile

Numéro R. G. : 11/ 00172

Décision déférée à la cour : rendue le : 06 Septembre 2010 par le : Tribunal de première instance de NOUMEA

Saisine de la cour : 04 Avril 2011

PARTIES DEVANT LA COUR

APPELANTS
M. Alain X... né le 01 Octobre 1943 à BAYONNE (64100) demeurant ...

Mme Somphit Y... épouse X... née le 08 Octobre 1967 à NAKHON NAYOK (THAÏLANDE) demeurant ...

Tous deux représentés par la SELARL DUMONS et ASSOCIES
INTIMÉS
M. Claude Z... né le 10 Mars 1952 à REIMS (51100) demeurant ...

M. Be

rnard A... né le 17 Février 1940 à SENS (89100) demeurant ...

Mme Nathalie B... née le 10 Mai 1967 à TOULOUSE (31000) dem...

Chambre Civile

Numéro R. G. : 11/ 00172

Décision déférée à la cour : rendue le : 06 Septembre 2010 par le : Tribunal de première instance de NOUMEA

Saisine de la cour : 04 Avril 2011

PARTIES DEVANT LA COUR

APPELANTS
M. Alain X... né le 01 Octobre 1943 à BAYONNE (64100) demeurant ...

Mme Somphit Y... épouse X... née le 08 Octobre 1967 à NAKHON NAYOK (THAÏLANDE) demeurant ...

Tous deux représentés par la SELARL DUMONS et ASSOCIES
INTIMÉS
M. Claude Z... né le 10 Mars 1952 à REIMS (51100) demeurant ...

M. Bernard A... né le 17 Février 1940 à SENS (89100) demeurant ...

Mme Nathalie B... née le 10 Mai 1967 à TOULOUSE (31000) demeurant ...

représentés par la SELARL LOUZIER-FAUCHE-CAUCHOIS
La Compagnie d'Assurances LE SOU MEDICAL, prise en la personne de son représentant légal dont le siège social est 10 Cours de Valmy-92800 PUTEAUX

représentée par la SELARL LOUZIER-FAUCHE-CAUCHOIS

LA SARL CLINIQUE MAGNIN, prise en la personne de son représentant légal dont le siège social est 1 rue du RP Roman-Vallée des Colons-BP. 64-98845 NOUMEA CEDEX

représentée par Me Valérie ROBERTSON

AUTRES INTERVENANTS
La Caisse de Compensation des Prestations Familiales des Accidents du Travail et de Prévoyance des Travailleurs de la Nouvelle-Calédonie et Dépendances, dite C. A. F. A. T, prise en la personne de son Directeur en exercice dont le siège social est 4, rue du Général Mangin-BP. L5-98849 NOUMEA CEDEX Activité : Organisme de sécurité sociale

représentée par Me Philippe GANDELIN
L'OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX-ONIAM, pris en la personne de son représentant légal dont le siège social est 36 Avenue du Général de Gaulle-Tour GALLIENI-93175 BAGNOLET CEDEX

représentée par la SELARL BOUQUET-DESWARTE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 Février 2013, en audience publique, devant la cour composée de :
Christian MESIERE, Conseiller, président, François BILLON, Conseiller, Thierry LEFEVRE, Vice-Président placé désigné par ordonnance du Premier Président en date du 30 janvier 2013 pour composer l'audience civile de la cour d'appel du 18 février 2013 qui en ont délibéré, Christian MESIERE, Conseiller, ayant présenté son rapport.

Greffier lors des débats : Cécile KNOCKAERT

ARRÊT :- contradictoire,- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,- signé par Christian MESIERE, président, et par Stephan GENTILIN, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************
PROCEDURE DE PREMIERE INSTANCE
Par un jugement rendu le 06 septembre 2010 auquel il est renvoyé pour l'exposé de l'objet du litige, le rappel des faits et de la procédure, les prétentions et les moyens des parties, le Tribunal de Première Instance de NOUMEA, statuant sur les demandes formées par Mme Somphit Y... épouse X... et Mr Alain X..., d'une part, et par la CAFAT, d'autre part, à l'encontre de Mr Bernard A... (chirurgien), de Mr Clause Z... et Mme Nathalie B... (anesthésistes), de la société d'assurances " Le Sou Médical " et de la sarl. Clinique MAGNIN, aux fins d'obtenir :
* le paiement à Mme X... d'une somme 7. 926. 202 FCFP au titre de la réparation des préjudices subis,
* le paiement à Mr X... d'une somme 1. 155. 451 FCFP au titre de la réparation des préjudices subis,
outre la somme de 350. 000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
* le paiement à la CAFAT d'une somme 3. 343. 538 FCFP au titre des débours exposés,
outre la somme de 120. 000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
a :
* dit que la preuve n'est pas rapportée de l'existence de faute imputable aux Docteurs A..., Z... et B... et à la Clinique MAGNIN,
* débouté les époux X... et la CAFAT de toutes leurs demandes,
* débouté la société d'exploitation de la Clinique MAGNIN de sa demande présentée au titre des frais irrépétibles,
* condamné les demandeurs aux entiers dépens.
PROCEDURE D'APPEL
Par une requête enregistrée au greffe de la Cour le 09 novembre 2010, Mme Somphit Y... épouse X... et Mr Alain X..., ont déclaré relever appel de cette décision, signifiée le 10 octobre 2010.
Cette procédure a été enregistrée sous le numéro 2010/ 618.
Par une décision rendue le 28 mars 2011, le Premier Président a ordonné la radiation de cette affaire au motif que les appelants n'avaient pas déposé leur mémoire ampliatif d'appel dans le délai prévu par l'article 904 du Code de procédure civile.
Le mémoire ampliatif d'appel a été déposé le 04 avril 2011, ce qui a permis le rétablissement de l'affaire sous le numéro 2011/ 172.

Dans leur mémoire ampliatif d'appel et leurs conclusions postérieures, les époux X... demandent à la Cour :

* d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
* de déclarer la Clinique MAGNIN, messieurs A... et Z..., madame B... responsables in solidum du préjudice subi par Mme Somphit X... lors de l'intervention chirurgicale du 19 novembre 2004,
* les condamner sous la même solidarité à leur payer les sommes suivantes :
1) au profit de Mme X... :
-500. 000 FCFP au titre de la tromperie sur la qualification réelle du Docteur A...,
-218. 698 FCFP au titre des dépenses de santé actuelles,
-603. 912 FCFP au titre de frais divers,
-1. 593. 592 FCFP au titre du préjudice fonctionnel temporaire,
-4. 800. 000 FCFP au titre des souffrances endurées,
-560. 000 FCFP au titre du préjudice fonctionnel permanent,
-150. 000 FCFP au titre du préjudice esthétique,
soit la somme totale de 8. 426. 202 FCFP,
2) au profit de Mr X... :
-155. 451 FCFP au titre des frais exposés,
-500. 000 FCFP au titre du préjudice d'accompagnement,
-500. 000 FCFP au titre du préjudice d'affection,
soit la somme totale de 1. 155. 451 FCFP,
* les condamner à leur payer la somme de 350. 000 FCFP au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens qui comprendront le coût de l'expertise médicale, avec distraction.
A l'appui de leurs prétentions, ils font valoir pour l'essentiel :
- qu'au mois de novembre 2004, Mme X... a été hospitalisée à la Clinique MAGNIN pour une ablation de la vésicule biliaire sous coelioscopie,
- qu'en effectuant la dissection, le Docteur A... a abîmé deux canaux, le cholédoque et le cystique,
- qu'à 12 heures 30, il a décidé d'opérer " à ventre ouvert " afin de réparer les dégâts occasionnés et de reconstituer la voie biliaire avec mise en place d'un " kher ",
- que les suites opératoires ont été tout aussi catastrophiques puisqu'elle a présenté une paralysie de la main droite consécutive à un défaut d'installation au niveau du bras et à la longueur de l'intervention (9 heures 30),
- que la surveillance des deux médecins anesthésistes qui se sont succédés aurait permis d'éviter cette complication,
- qu'au cours des années 2005 et 2006, elle a subi cinq hospitalisations d'une durée totale de neuf semaines, à NOUMEA, SYDNEY et BANGKOK, certaines en EVASAN, dont deux opérations lourdes, des mois de souffrances et une paralysie temporaire de la main droite,
- que l'expert judiciaire, le Docteur Philippe C..., a mis en évidence des anomalies (catherisation du cholédoque et non du canal cystique, paralysie radiale droite, clampage du drain de kher par erreur) mais a conclu que ces gestes imparfaits ne permettaient pas d'identifier une faute et qu'il s'agissait d'un accident médical rentrant dans le cadre de l'aléa thérapeutique,
- que le Docteur A... n'a jamais justifié du diplôme attestant une formation en coelioscopie,
- que le rapport d'expertise relève un certain nombre de fautes (qu'elle détaille) qui s'analysent comme une erreur de technique chirurgicale,
- qu'en effet, les canaux ont été sectionnés indûment mais en outre de manière trop courte (au ras du canal hépatique) pour permettre une réparation,
- que les conclusions de l'expert sur l'absence de faute sont en contradiction avec les éléments du dossier,
- qu'une incision maladroite et des gestes qui se sont révélés imparfaits constituent des fautes dans un domaine, la chirurgie, où pèse sur le praticien une obligation de sécurité de résultat,
- qu'en ce qui concerne les anesthésistes, le Docteur Z... a admis sa faute en reconnaissant ne pas avoir adapté la position de la patiente à la longueur de l'intervention,
- qu'en ce qui concerne la Clinique MAGNIN, le 26 novembre 2004, ressentant de vives douleurs elle a fait intervenir le Docteur A... qui a constaté que le drain avait été clampé ce qui avait entraîné la chute de la poche.
Par conclusions datées des 28 juin, 27 juillet 2011 et 13 novembre 2012, messieurs A... et Z..., madame B... et la compagnie d'assurance mutuelle Le Sou Médical demandent à la Cour :
* de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré non établie la faute des Docteurs A..., Z... et B... et par voie de conséquence a débouté les époux X... et la CAFAT de leurs demandes,
* de débouter la CAFAT de ses demandes,
à titre subsidiaire :
* de mettre hors de cause le Docteur B...,
* de réduire les demandes de la CAFAT,
* de condamner la CAFAT à leur payer la somme de 200. 000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Ils font valoir pour l'essentiel :
* que Mme X... a fait l'objet d'une indication opératoire de cholécystectomie dans la cadre d'un diagnostic de cholécystite aiguë relevant de l'urgence médicale avérée en raison d'un risque vital rapide,
- que les conditions de l'intervention ont été rendues difficiles par la variation anatomique du canal cystique dans un contexte inflammatoire aigu, qui n'ont pas permis de l'isoler visuellement du canal cholédoque, le geste sous coelioscopie ayant conduit à l'incision de ce dernier,
- que les experts judiciaires estiment que l'incision du cholédoque dans un tel contexte ne peut être considérée comme maladroite et qu'elle résulte d'une confusion admissible équivalente à un aléa thérapeutique,
- que constitue un aléa thérapeutique la réalisation en dehors de toute faute du praticien d'un risque accidentel inhérent à l'acte médical,
- que le risque de plaie biliaire est évalué à la hauteur de 37 % des cas constatés similaires au présent,
- que c'est parce que le risque de confusion entre le canal cystique et le cholédoque pouvant entraîner une section de ce dernier constitue un risque inhérent à l'intervention,
- que la complication survenue doit être considérée comme un aléa thérapeutique,
- qu'en effet, le critère permettant d'appréhender le geste comme une faute ou un aléa thérapeutique repose sur le risque inhérent à l'intervention,
- qu'enfin, les complications biliaires ultérieures sont liées à la pose d'une prothèse biliaire réalisée à SYDNEY et à ses complications septiques qui, en définitive, conduiront à la réalisation d'une dérivation biliaire à BANGKOK,
- que ces complications n'ont pas de relation causale avec un fait propre au Docteur A...,
- que le clampage du drain de KHER, auquel le Docteur A... a vite porté remède, est sans incidence sur l'évolution et les complications,
- qu'enfin, l'usage de la cholangiographie per opératoire, pour permettre de faire le diagnostic du risque de plaie bilaire, ne recueille pas le consensus médical,
- que l'absence d'un tel geste, dont le bénéfice n'est pas démontré, ne saurait être considérée comme fautive,
- qu'en ce qui concerne la paralysie radiale, il s'agit d'une complication collatérale non dépourvue de tout lien avec une longue intervention de 9 heures,
- qu'il n'apparaît pas qu'une faute caractérisée détachable de ce contexte soit susceptible d'être retenue à l'égard de l'anesthésiste, le Docteur Z...,
- qu'en ce qui concerne le Docteur B..., il convient de rappeler qu'elle n'a pas participé à l'intervention chirurgicale en tant qu'anesthésiste.
Par conclusions datées des 06 juillet, 26 août 2011, 05 novembre 2012, la CAFAT sollicite l'infirmation du jugement entrepris et demande à la Cour :
* de constater que ses débours, arrêtés à la date du 31 mars 2009, s'élèvent à la somme de 3. 343. 538 FCFP,
* de condamner in solidum messieurs A... et Z..., madame B..., la Clinique MAGNIN et la compagnie d'assurances Le Sou Médical à lui payer ladite somme majorée des intérêts légaux à compter du 28 avril 2009 et avec anatocisme,
* de condamner in solidum messieurs A... et Z..., madame B..., la Clinique MAGNIN et la compagnie d'assurances Le Sou Médical à lui payer la somme de 200. 000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle fait valoir pour l'essentiel :
- qu'elle s'associe à l'argumentation développée par les époux X...,
- que les frais dont elle demande le remboursement, et notamment le recours à des praticiens australiens, sont des préjudices qui découlent directement des fautes dont les médecins sont responsables et dont ils doivent réparation.
Par conclusions datées des 30 juin, 19 septembre 2011 et 16 novembre 2012, la société d'exploitation de la Clinique MAGNIN sollicite la confirmation du jugement entrepris outre la condamnation des époux X... à lui payer la somme de 300. 000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle fait valoir pour l'essentiel :
- que les griefs se rapportant à une faute technique du chirurgien et à la paralysie radiale droite ne concernent pas la clinique qui se contente de mettre ses locaux à disposition des praticiens qui y exercent leur art en toute indépendance,
- que seul le troisième grief serait susceptible de l'intéresser,
- que toutefois sa responsabilité ne saurait être recherchée sur ce point, le prétendu clampage du drain évoqué par le Docteur A... n'étant corroboré par aucun élément du dossier médical,
- qu'en effet, il a été simplement constaté des fuites de bile atour du drain de KHER.
Par un acte du 19 octobre 2011, les époux X... ont fait délivrer une assignation en intervention forcée à l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux dit ONIAM, dont le siège se trouve à BAGNOLET (93175).
Ils demandent à la Cour :
* d'ordonner la jonction de la présente instance avec la procédure no 2011/ 172,
* de dire que la décision à intervenir dans la procédure no 2011/ 172 sera déclarée commune et opposable à l'ONIAM,
et pour le cas où la faute médicale ne serait pas reconnue :
* de dire qu'il s'agit d'un aléa thérapeutique,
* de condamner l'ONIAM à payer à Mme X... la somme de 49. 211 Euros en réparation des préjudices subis.
Par conclusions récapitulatives des 12 avril et 15 octobre 2012, les époux X... demandent à la Cour d'infirmer le jugement du 03 mai 2010 et renouvellent leurs demandes dirigées à l'encontre de la Clinique MAGNIN, de messieurs A... et Z..., et de madame B... responsables du préjudice subi par Mme Somphit X... lors de l'intervention chirurgicale du 19 novembre 2004.
Ils y ajoutent la condamnation de l'ONIAM à payer à Mr X... la somme de 9. 683 Euros en réparation des préjudices subis.
Les ordonnances de clôture et de fixation de la date d'audience ont été rendues le 04 décembre 2012.
Par conclusions des 12 décembre 2012 et 11 janvier 2013, l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux dit ONIAM demande à la Cour :
* de constater que les dispositions de l'article 98 de la loi no 2002-303 du 04 mars 2002, codifiées aux articles L. 1142-1 et suivants du Code de la santé publique, ne sont pas applicables aux actes de prévention, de diagnostic ou de soins réalisés en Nouvelle Calédonie,
* de rejeter les demandes des époux X... formulées à son encontre,
* de le mettre hors de cause,
en tout état de cause :
* de constater que les époux X... n'établissent pas que l'évolution du litige justifierait que l'ONIAM soit assigné pour la première fois en cause d'appel,
* de déclarer les époux X... irrecevables en leur assignation forcée et en leurs demandes formulées à son encontre,
* de prononcer sa mise hors de cause,
* de condamner les époux X... à lui payer la somme de 2. 000 Euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens avec distraction.
MOTIFS DE LA DECISION
1) Sur la recevabilité des appels :
Attendu que l'appel principal et les appels incidents, formés dans les délais légaux, doivent être déclarés recevables ;
2) Sur les demandes présentées par Mr Alain X... et Mme Somphit Y... épouse X... à l'encontre du Docteur Bernard A..., du Docteur Claude Z..., du Docteur Nathalie B..., de la compagnie d'assurances " Le Sou Médical " et de la Clinique MAGNIN :
Attendu qu'il résulte des pièces versées et des débats qu'au mois de novembre 2004, Mme X... a été hospitalisée à la Clinique MAGNIN de NOUMEA pour y subir, en urgence, une intervention chirurgicale consistant en l'ablation de la vésicule biliaire par coelioscopie ;
Qu'il est reproché au Docteur Bernard A..., chirurgien, d'avoir sectionné deux canaux au lieu d'un seul, le cholédoque et le cystique ;
Qu'il lui est également reproché d'avoir tardé à réagir puisque c'est vers 12 heures 30 qu'il a pris la décision d'opérer " à ventre ouvert " afin de réparer les dégâts occasionnés et de reconstituer la voie biliaire endommagée ;
Que la longueur de cette intervention, soit environ 9 heures 30 au total a entraîné chez la patiente une paralysie de la main droite consécutive, selon elle, à un défaut d'installation au niveau du bras ;
Qu'il est reproché un défaut de surveillance de la part des deux médecins anesthésistes présents au cours de l'intervention, le Docteur Claude Z... et le Docteur Nathalie B..., qui se devaient d'éviter cette complication ;
Qu'il est enfin reproché à une infirmière, employée de la Clinique MAGNIN, d'avoir au cours de la nuit qui a suivie l'intervention, d'avoir clampé le drain de KHER mis en place, ce qui a entraîné la chute de la poche et provoqué de vives douleurs ;
Qu'à la suite de cette intervention, outre la paralysie radiale droite qui a subsisté pendant quelques mois, des complications sont apparues en 2005 et 2006, amenant Mme X... à subir de nouvelles interventions à NOUMEA, SYDNEY et pour finir à BANGKOK ;

Attendu qu'aux termes de l'article 1382 du Code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ;

Qu'aux termes de l'article 1383 du même Code, chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ;
Que selon la jurisprudence de la Cour de Cassation, seule constitue une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable ;
Attendu qu'un expert judiciaire a été désigné, en la personne du Docteur Philippe de C..., expert près la Cour d'appel de PARIS, spécialiste en chirurgie générale digestive et cancérologique, lequel a déposé son rapport d'expertise le 06 novembre 2007 ;
Que ses conclusions sont les suivantes :
* le diagnostic de cholécystite aigue a été établi sur une échographie réalisée par le Docteur D...,
* Mme X... a été confiée au Docteur A... pour une intervention qui ne pouvait attendre,
* l'indication opératoire était indiscutable et Mme X..., sauf à encourir un risque vital rapide, ne pouvait raisonnablement refuser la proposition thérapeutique,
*les échographies réalisées par le Docteur D...ne pouvaient déceler l'anomalie morphologique existante, dont la rareté (4 % des cas) ne justifiait pas la poursuite des investigations et dont l'existence est généralement trouvée au cours de la cholangiographie per opératoire,
* le temps opératoire supplémentaire n'a pas eu de conséquences directes sur les lésions de l'arbre biliaire, puisque celles-ci ont fait l'objet d'une tentative de traitement par voie chirurgicale ouverte,
* l'allongement du temps opératoire peut rendre compte de la paralysie radiale car une installation imparfaite du membre supérieur peut entraîner une compression radiale et des séquelles neurologiques d'autant plus facilement que l'intervention se prolonge,
* les conditions de l'intervention ont été marquées par des difficultés de dissection en raison du contexte inflammatoire, des difficultés à reconnaître le canal cystique liées à des variations anatomiques, et la confusion entre canal cystique et cholédoque qui a été l'objet d'une incision malencontreuse,
* cependant, l'intervention a été pratiquée dans les règles de l'art et conformément aux données actuelles de la chirurgie,
* dans ces conditions et compte tenu du fait que les voies biliaires étaient le siège de variations anatomiques, l'incision du cholédoque ne peut être qualifiée de maladroite, elle résulte d'une confusion admissible,
* la variété anatomique a placé le chirurgien dans une situation délicate, celui-ci a tenté de son mieux des gestes qui se sont révélés imparfaits, mais il n'est pas possible d'identifier une faute,
* les moyens pour parvenir à un traitement correct ont été employés, mais ont failli,
* il s'agit d'un accident médical rentrant dans le cadre de l'aléa thérapeutique,
* la durée opératoire n'a pas majorée la gravité de l'intervention, mais a certainement accentué les troubles neurologiques liés à la compression du nerf radial par la mauvaise installation ou le déplacement du bras pendant l'intervention,
* Mme X... signale quelques troubles digestifs, car elle supporte mal les graisses, un transit un peu ralenti et quelques douleurs abdominales difficiles à préciser,
* il n'y a pas de séquelles sensitivo motrice du déficit radial droit post opératoire,
* les soins apportés par les défendeurs ont été consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science médicale,
* les séquelles digestives de Mme X... sont très discrètes,
* elle n'a nécessité aucune consultation ni bilan depuis l'intervention de janvier 2006,
* l'incapacité de travail personnel liée aux complications de la cholécystectomie comprend une période de treize mois depuis le 1 er février 2005, jusqu'au 1 er mars 2006, après récupération de la deuxième intervention biliaire, qui peut correspondre à la date de consolidation,
* il existe une incapacité permanente partielle de 3 % correspondant aux séquelles digestives, pariétales et neurologiques au membre supérieur droit,
* il existe un pretium doloris de 5/ 7,
* il existe un préjudice esthétique de 0, 5/ 7,
* il n'existe pas de préjudice d'agrément,
* il convient de faire toutes réserves sur l'avenir en raison de la possibilité de deux types de complications à long terme : des épisodes occlusifs sur brides en raison des interventions abdominales et des complications biliaires en cas de mauvais fonctionnement de l'anastomose pouvant même évoluer vers la reconstitution d'une sténose de l'anastomose bilio digestive, et à long terme une cirrhose biliaire secondaire ;
Attendu qu'il résulte des développements qui précèdent qu'à la suite de l'intervention chirurgicale pratiquée sur sa personne au mois de novembre 2004 à la Clinique MAGNIN par le Docteur A..., assisté des Docteurs Z... et B..., Mme X... a subi divers préjudices dont la matérialité est indéniable, qu'il s'agisse des complications post opératoires ou de la paralysie du bras droit ;

Que toutefois, ces préjudices ne peuvent être rattachés à une faute quelconque ;
Qu'en effet, si l'expert judiciaire a relevé l'existence de gestes imparfaits de la part du chirurgien, il indique qu'il n'est pas possible d'identifier une faute et conclut qu'il s'agit d'un accident médical rentrant dans le cadre de l'aléa thérapeutique, notamment en raison du contexte inflammatoire et des variations anatomiques propres à la patiente ; Que de la même manière, il n'a pas relevé l'existence d'une faute de la part des anesthésistes, précisant que c'est la durée opératoire qui explique les troubles neurologiques liés à la compression du nerf radial, soit du fait d'une mauvaise installation soit du fait du déplacement du bras pendant l'intervention ;

Qu'en toute hypothèse, le lien de causalité n'est pas clairement établi ;
Attendu qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, c'est par des motifs pertinents que la Cour entend adopter que le premier juge a exactement retenu :
* qu'aux termes de l'article 1142-1 alinéa 1er du Code de la Santé Publique, hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé (...) ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute,
* que la responsabilité du médecin, tenu de prodiguer des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science, est subordonnée à la démonstration d'une faute en lien de causalité avec le préjudice, qu'il appartient au malade ou à ses ayant-droits de prouver,
* que l'obligation de sécurité de résultat imposée à l'établissement de soins ne concerne que l'hypothèse d'un défaut affectant les matériels ou produits utilisés, sa responsabilité pour le surplus n'étant engagée qu'en cas de faute,
* qu'il résulte du rapport d'expertise que l'expérience professionnelle du praticien en matière d'interventions biliaires sous coelioscopie est certaine,
* qu'elle est confirmée par l'attestation délivrée par l'Institut de Recherche contre les Cancers de l'Appareil Digestif selon laquelle il a suivi un cours intensif de chirurgie coelioscopique digestive à l'issue duquel il a reçu un diplôme ainsi qu'un cours de chirurgie coelioscopique colorectale,
* que selon l'expert, l'intervention pratiquée par le Docteur A... a débuté par une coelioscopie découvrant une vésicule inflammatoire, sur laquelle était collée la voie biliaire principale et que le cholédoque a été pris pour le cystique en raison de variations anatomiques de la patiente et a été incisé de façon malencontreuse à la place de ce canal,
* que l'expert a conclu que la pathologie et les variations anatomiques ne permettaient pas de qualifier l'incision du cholédoque de maladroite, mais qu'elle résultait d'une confusion admissible, l'intervention chirurgicale ayant été pratiquée selon les règles de l'art et conformément aux données actuelles de la chirurgie,
* que l'expert a encore indiqué que la décision de pratiquer une conversion avec ouverture abdominale aurait dû être prise immédiatement, mais que l'obstination du Docteur A... à ne la pratiquer que 90 minutes plus tard n'a eu aucune incidence sur les lésions de l'arbre biliaire, les moyens pour parvenir à un traitement correct ayant été employés, mais ayant failli en raison d'un accident médical exempt de toute notion de faute,
* qu'enfin, l'expert a noté que les séquelles digestives de Mme X... sont très discrètes justifiant d'une IPP de 3 % qui tient compte des légères séquelles pariétales et neurologiques du membre supérieur droit,
* que dans ces conditions, la preuve d'une faute imputable au Docteur A... n'est nullement rapportée, les gestes chirurgicaux ne pouvant être qualifiés de maladroits, alors qu'ils intervenaient dans un contexte inflammatoire compliqué par les anomalies anatomiques de la patiente,
* que cette anomalie particulière représentant 4 % des cas d'anomalies morphologiques n'a pas été visible aux échographies réalisées avant l'intervention,
* que sa rareté ne justifiait pas la poursuite d'investigations,
* qu'en ce qui concerne les anesthésistes, l'expert a noté qu'il n'existait aucune preuve d'une installation défectueuse, qu'il ne subsistait aucune séquelle sensitivo motrice du déficit radial droit et que la paralysie avait été de courte durée,
* qu'au cours de l'intervention deux anesthésistes sont intervenus,
* que leur responsabilité ne pourrait être retenue qu'à condition que la preuve d'une faute commise par l'un d'eux soit rapportée ou que leurs comportements respectifs aient contribué à l'apparition du dommage,
* que force est de constater que cette preuve ne résulte pas des éléments du dossier ;
Attendu qu'en ce qui concerne la responsabilité de la Clinique MAGNIN, en sa qualité d'employeur d'une infirmière qui aurait clampé (obturé) le drain par erreur au cours de la nuit, il convient de relever qu'il apparaît difficile de douter de son existence comme l'a fait le premier juge dans la mesure où le Docteur A... indique qu'il a lui-même déclampé le drain le matin au cours de sa visite ;
Qu'en tout état de cause, la cause des douleurs ressenties par Mme X... au cours de la nuit n'est pas établie avec certitude ;
Qu'en outre, l'expert a noté qu'aucune séquelle n'en était résultée ;
Que le préjudice n'est donc pas établi ;
Attendu qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris sur ces différents points ayant conduit au rejet des demandes présentées par les époux X... ;
3) Sur les demandes présentées par Mr Alain X... et Mme Somphit Y... épouse X... à l'encontre de l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales dit ONIAM :
Attendu qu'il résulte des documents produits aux débats par l'ONIAM que les dispositions de l'article 98 de la loi no 2002-303 du 04 mars 2002, codifiées aux articles L. 1142-1 et suivants du Code de la santé publique, ne sont pas applicables aux actes de prévention, de diagnostic ou de soins réalisés en Nouvelle Calédonie ;
Que dès lors, les demandes formulées à son encontre apparaissent irrecevables ;
Qu'elles le sont à double titre puisque les époux X... n'ont pas appelé l'ONIAM en cause au stade de la procédure de première instance ;
Qu'ils n'établissent pas que l'évolution du litige justifie que l'ONIAM soit assigné pour la première fois en cause d'appel ;
Qu'il convient en conséquence de déclarer irrecevables les demandes présentées par les époux X... à son encontre et de mettre l'ONIAM hors de cause ;
4) Sur les demandes présentées par la CAFAT à l'encontre du Docteur Bernard A..., du Docteur Claude Z..., du Docteur Nathalie B..., de la compagnie d'assurances " Le Sou Médical " et de la Clinique MAGNIN :
Attendu que dans le cadre de son appel incident, destiné à obtenir le dédommagement des débours exposés pour le compte de son assurée, Mme X..., la CAFAT déclare s'associer aux arguments développés par les époux X..., les frais dont le remboursement est sollicité et notamment le recours à des praticiens australiens, correspondant à des préjudices qui découlent directement des fautes commises par les médecins, dont ils sont responsables et doivent réparation ;
Qu'au vu des développements qui précèdent se rapportant à l'absence de faute et/ ou de lien de causalité, les demandes présentées par la CAFAT sur les mêmes fondements ne sauraient aboutir ;
Attendu qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris sur ce point également, ayant conduit au rejet des demandes présentées par la CAFAT, ce qui revient à le confirmer en toutes ses dispositions ;
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant par arrêt contradictoire déposé au greffe ;
Déclare les appels recevables en la forme ;
Confirme le jugement rendu 06 septembre 2010 par le Tribunal de Première Instance de NOUMEA en toutes ses dispositions ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires comme mal fondées ;
Vu les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile de la Nouvelle Calédonie, dit qu'en équité, rien ne s'oppose à ce que les parties conservent la charge de leurs frais de procédure respectifs ;
Condamne les époux X... aux dépens de la procédure d'appel, avec distraction d'usage au profit de la selarl. d'avocats LOUZIER-FAUCHE-CAUCHOIS, de la selarl. d'avocats BOUQUET et DESWARTE et de Maître ROBERTSON, sur leurs offres de droit ;

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 11/00172
Date de la décision : 18/03/2013
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.noumea;arret;2013-03-18;11.00172 ?
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