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29/10/2012 | FRANCE | N°10/00071

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre civile, 29 octobre 2012, 10/00071


COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 29 Octobre 2012

Chambre Civile
Numéro R. G. :
10/ 00071

Décision déférée à la cour :
rendue le : 28 Décembre 2009
par le : Tribunal de première instance de NOUMEA

Saisine de la cour : 09 Février 2010

PARTIES DEVANT LA COUR

APPELANT

Le Syndicat de copropriété de la Résidence BEAUTEMPS-BEAUPRE et de la Résidence BAGAO, représenté par son Syndic en exercice
19 rue Jules Ferry-BP. Q2-98851 NOUMEA CEDEX

représenté par la SELARL JURISCAL

INTIMÉS

LA S

ARL SOCAPRIM, représentée par la SELARL Mary-Laure GASTAUD, mandataire-liquidateur
29 rue du Gouverneur Testard-BP. 8147-98807 NOUMEA CEDEX
...

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 29 Octobre 2012

Chambre Civile
Numéro R. G. :
10/ 00071

Décision déférée à la cour :
rendue le : 28 Décembre 2009
par le : Tribunal de première instance de NOUMEA

Saisine de la cour : 09 Février 2010

PARTIES DEVANT LA COUR

APPELANT

Le Syndicat de copropriété de la Résidence BEAUTEMPS-BEAUPRE et de la Résidence BAGAO, représenté par son Syndic en exercice
19 rue Jules Ferry-BP. Q2-98851 NOUMEA CEDEX

représenté par la SELARL JURISCAL

INTIMÉS

LA SARL SOCAPRIM, représentée par la SELARL Mary-Laure GASTAUD, mandataire-liquidateur
29 rue du Gouverneur Testard-BP. 8147-98807 NOUMEA CEDEX

représentée par la SELARL BERQUET

LA SARL SOPEMA, prise en la personne de son représentant légal
6 rue Ferdinand Forest-Zone Industrielle de Ducos-BP. 370-98845 NOUMEA CEDEX

représentée par la SELARL TEHIO-BEAUMEL

LA SA OTH INTERNATIONAL, prise en la personne de son représentant légal
18 Boulevard de la Bastille-75579 PARIS CEDEX 12

représentée par la SELARL BENECH-PLAISANT

La SARL PACIFIQUE CONSTRUCTION prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est situé à Nouméa, Pointe Brunelet, BP 370
représentée par la SELARL Mary-Laure GASTAUD

La SELARL Mary-Laure GASTAUD, ès qualité de Mandataire-liquidateur de la SARL PACIFIQUE CONSTRUCTION
1 bis, Boulevard Extérieur-Auguste Mercier-Quartier Latin-BP. 3420-98846 NOUMEA CEDEX

AUTRE INTERVENANT

M. Jacques X...
né le 12 Octobre 1937 à BRIVES (72150)
demeurant ...
représenté par la SELARL JURISCAL

Mme Nicole X...
née le 01 Décembre 1942 à SABRES (40630)
demeurant ...

représentée par la SELARL JURISCAL

LA SELARL Mary-Laure GASTAUD, Mandataire judiciaire à la liquidation de la Société SOCAPRIM
1 bis, Boulevard Extérieur-Auguste Mercier-Quartier Latin-BP. 3420-98846 NOUMEA CEDEX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 Octobre 2012, en audience publique, devant la cour composée de :

Bertrand DAROLLE, Président de Chambre, président,
Jean-Michel STOLTZ, Conseiller,
Régis LAFARGUE, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Bertrand DAROLLE, Président de Chambre, ayant présenté son rapport.

Greffier lors des débats : Cécile KNOCKAERT

ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par Bertrand DAROLLE, président, et par Cécile KNOCKAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

La réception de l'immeuble BEAUTEMPS-BEAUPRE est intervenue le 22 mars 1990 sans réserves et celle de l'immeuble BAGAO le 12 février 1991 dans les mêmes conditions.

Le syndicat des copropriétaires de la résidence BEAUTEMPS-BEAUPRE et de la résidence BAGAO (ci-après, le syndicat), situées à Nouméa, a déposé le 29 mai 2006 une requête introductive d'instance auprès du tribunal de première instance de Nouméa à l'encontre des sociétés Socaprim, Pacifique construction, Sopema, et OTH international, au visa des rapports d'expertises déposés par l'expert Y...le 11 septembre 2001 et le 23 octobre 2002 et par l'expert Z...le 10 juin 2005, afin d'obtenir leurs condamnations solidaires au paiement des sommes de 592   800 fr. Cfp et de 3   444   080 fr. Cfp correspondant à la reprise de l'étanchéité des salles d'eau et de la fissuration du carrelage dans l'appartement de M. X..., ainsi que la condamnation des mêmes (à l'exception de la société Sopema) au paiement des sommes de 8   580   000 fr. Cfp et de 13   251   780 fr. Cfp au titre des reprises des jardinières et de l'étanchéité des terrasses.

Par jugement du tribunal mixte de commerce de Nouméa en date du 19 juin 2006 la Selarl Mary-Laure Gastaud était désignée en qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la société Socaprim.

Le syndicat des copropriétaires de la résidence BEAUTEMPS-BEAUPRE et de la résidence BAGAO déclarait sa créance le 19 juillet 2006 dans la procédure collective ouverte à l'égard de Socaprim pour un montant de 26   568   660 fr. Cfp correspondant au coût total des travaux de reprise, outre 2   000   000 de francs cfp au titre des dépens.

Jacques et Nicole X...intervenaient volontairement à l'instance.

Par jugement du 28 décembre 2009, auquel il est renvoyé, le tribunal de première instance de Nouméa a :

- pris acte de l'intervention de la Selarl Mary-Laure Gastaud agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Socaprim en vertu du jugement du 19 juin 2006 ;
- constaté la prescription de l'action du syndicat des copropriétaires de la résidence BEAUTEMPS-BEAUPRE et de la résidence BAGAO fondée sur la garantie décennale ;
- débouté le syndicat des copropriétaires de la résidence BEAUTEMPS-BEAUPRE et de la résidence BAGAO de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 1116 du Code civil ;
- avant dire droit, invité les parties à faire toutes observations sur l'application de l'article 74 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie à la présente cause ;
- renvoyé l'affaire à l'audience des plaidoiries du 1er février 2010 et sursis à statuer sur les autres demandes ;
- réservé les dépens.

PROCEDURE D'APPEL

Par requête enregistrée le 9 février 2010 au greffe de la cour le syndicat a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de son mémoire ampliatif d'appel daté du 7 mai 2010, il demande à la cour :

- de réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
- d'homologuer le rapport d'expertise déposé par M. Y...le 23 octobre 2002 ainsi que le rapport d'expertise déposé par M. Z...le 10 juin 2005 ;
- vu l'obligation de résultat pesant sur la société Socaprim en sa qualité de promoteur-vendeur et des désordres constatés dans les deux rapports d'expertises, juger non prescrite et bien fondée l'action introduite par requête enregistrée le 29 mai 2006, soit dans le délai trentenaire de la responsabilité contractuelle prévue par l'ancien article 2262 du Code civil, antérieurement à la loi du 17 juin 2008 ;
- de prendre acte de ce que le fondement de la présente action avait bel et bien été soulevé en première instance sous le visa de l'article 1147 du Code civil ;
- de fixer à la somme de 25   868   660 fr. Cfp le montant de sa créance à l'encontre de la société Socaprim au titre du coût des travaux de réfection des désordres constatés ;
- subsidiairement, de constater la violation réitérée par les participants à l'acte de construire des règles de l'art et surtout du CCTP, qui atteste d'un comportement de nature dolosive du promoteur, du maître de l'ouvrage, du contrôleur et de la société Sopema, et de les condamner solidairement au paiement de la somme de 25   868   660 fr. Cfp au titre du coût des travaux de réfection des désordres constatés ;
- de fixer à la somme de 850   000 fr. Cfp le montant de sa créance à l'encontre de la société Socaprim au titre de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie.

Au soutien de son recours, le syndicat fait valoir, pour l'essentiel :

- que le rapport d'expertise déposé le 10 juin 2005 par M. Z...a mis en évidence :
*une fissuration du revêtement de sol de l'appartement Teyssier (travaux réalisés par l'entreprise Sopema sous le contrôle de OTH international) ;
*que les infiltrations d'eau en terrasses résultaient de la suppression des descentes d'eaux pluviales modifiées en cours de chantier par le maître d'ouvrage Pacifique construction ;
*que les défauts d'étanchéité des salles d'eau de l'immeuble BAGAO tenaient au choix du promoteur d'une option économique risquée faite conjointement avec l'entreprise Sopema ;
*que les sinistres des jardinières des terrasses des deux immeubles provenaient d'un enrobage insuffisant des armatures en béton armé, d'une absence d'étanchéité du feutre antiracines et d'une absence d'imperméabilisation de la façade, alors que le projet architectural initial prévoyait un dispositif différent ;
*que la maîtrise d'ouvrage a conclu des marchés non conformes aux plans et au cahier des charges, ce dans le silence de la société OTH qui aurait dû attirer l'attention sur la non-conformité des jardinières au CCTP et aux règles de l'art ;
- que son droit à agir concerne non seulement les parties communes mais également les parties privatives lorsque l'ensemble de celles-ci est en cause ;
- qu'il est bien fondé à invoquer devant la cour la violation par le promoteur-vendeur de son obligation de résultat consistant dans la livraison aux acquéreurs d'un immeuble exempt de malfaçons et conforme, étant souligné qu'il prend acte de ce que le régime de responsabilité des promoteurs issus des dispositions de l'article 1831-1 du Code civil, issu de la loi du 4 janvier 1978, n'est pas applicable à une opération de construction antérieure à l'entrée en vigueur de ce régime introduit en Nouvelle-Calédonie par l'ordonnance du 2 septembre 1998 ;
- que sa créance doit être fixée suivant le montant des coûts des réfections retenus par l'expert Z..., c'est-à-dire 8   580   000 fr. Cfp pour la reprise des jardinières, 592   800 fr. Cfp pour la reprise de l'étanchéité des salles d'eau, 3   444   080 fr. Cfp pour réparer la fissuration du carrelage de l'appartement de M. X...et 13   251   780 fr. Cfp pour l'étanchéité des terrasses ;
- que, subsidiairement, l'expertise met en évidence la violation manifeste et dolosive par les constructeurs et par le promoteur de leurs obligations contractuelles, ce qui engage leur responsabilité à son égard.

Par conclusions du 10 mai 2010 le syndicat précise que son appel ne concerne que les dispositions ayant constaté la prescription de l'action fondée sur la garantie décennale et l'ayant débouté de sa demande fondée sur l'article 1116 du Code civil.

Par conclusions déposées le 28 mai 2010, la Selarl Mary-Laure Gastaud, agissant en qualité de mandataire liquidateur de la SARL Pacifique construction soutient que le syndicat demandeur avait jusqu'au 25 juin 2007 pour déclarer sa créance, qu'un relevé de forclusion ne peut plus être sollicité et donc que son action tendant à voir condamner la société Pacifique construction à lui payer diverses sommes d'argent ne peut être poursuivie.

Le 11 octobre 2010 la société OTH international a conclu principalement à la confirmation du jugement déféré et subsidiairement à l'annulation du rapport de M. Z..., du moins pour la partie la concernant en raison du caractère non contradictoire des opérations d'expertise à son égard. Elle réclame paiement de la somme de 500   000 fr. Cfp sur le fondement de l'article 700 du code civile. Elle souligne qu'elle n'a aucun lien contractuel avec le syndicat demandeur, qui ne rapporte pas plus la preuve de manoeuvres dolosives qui lui soient imputables.

Le 3 décembre 2010 la société calédonienne de promotion immobilière dite Socaprim et son mandataire liquidataire concluaient principalement à la confirmation du jugement déféré, soutenant que seule la prescription décennale est applicable en l'espèce, et subsidiairement à ce que le syndicat soit débouté de ses demandes relatives à l'étanchéité des terrasses compte tenu de l'absence d'entretien des parties communes, ainsi que de ses demandes concernant les jardinières des terrasses du fait de comportement fautif des copropriétaires et du syndic. Plus subsidiairement ils demandaient, " si la cour condamnait la Selarl Marie-Laure Gastaud, mandataire liquidateur de la société Socaprim " que cette société soit garantie par les sociétés Sopema et OTH International, qui en outre devront lui payer la somme de 250   000 fr. Cfp au titre des frais irrépétibles.

Vu les conclusions en réplique du syndicat du 15 mars 2011, qui souligne que la jurisprudence invoquée par Socaprim (cassation civile 1 du 4 avril 1962) a été rendue au visa des articles 1792 et 2270 du Code civil et que la responsabilité contractuelle du promoteur ne peut être limitée à la prescription décennale fixée par ces textes.

Par écritures en date du 26 mai 2011, la société Sopema demande à la cour de déclarer l'action du syndicat irrecevable pour défaut de qualité d'intérêt à agir à son encontre et ce qu'il soit débouté de ses demandes et condamné à lui payer la somme de 350   000 fr. Cfp à titre de dommages-intérêts pour appel abusif et celle de 520   000 fr. Cfp en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle souligne que son seul cocontractant a été la société Pacifique construction et que le syndicat n'a pas qualité à agir pour le compte des époux X..., étant précisé qu'une autre instance l'oppose à ceux-ci. Elle ajoute qu'elle n'est pas concernée par les désordres invoqués au titre des jardinières et des terrasses, de sorte que l'appel interjeté à son encontre est abusif.

Vu les conclusions de la société OTH International du 10 juin 2011 qui reprend ses demandes antérieures et, à titre subsidiaire, invoque l'inopposabilité des rapports d'expertises à son égard. Plus subsidiairement elle souligne que l'appel en garantie de la société Socaprim est irrecevable à son encontre, alors que celle-ci ne produit aucun élément contractuel l'impliquant dans l'opération immobilière litigieuse, qu'elle ne précise pas en quelle qualité elle entend rechercher sa responsabilité quasi délictuelle, qui ne peut être invoquée que par le maître d'ouvrage et qui est prescrite. À titre infiniment subsidiaire elle souligne qu'elle n'était chargée du contrôle de la qualité des travaux qu'en ce qui concerne les corps d'état technique ce qui n'est pas le cas de l'étanchéité des terrasses et des jardinières. Elle insiste sur le fait que la preuve de sa défaillance dans l'exécution de sa mission n'est pas rapportée, que la société Pacifique construction s'est immiscée de manière fautive dans l'exécution des travaux-ce qui exonère les autres constructeurs de toute responsabilité dans la survenance des désordres-et que ceux-ci proviennent également, pour une large part, des fautes des copropriétaires.

Vu les conclusions déposées le 5 août 2011 et le 13 avril 2012 par la société Socaprim et son mandataire liquidateur, dans lesquelles elle insiste sur la responsabilité de la société OTH International au vu de la mission qui lui était confiée.

Vu les conclusions du syndicat du 20 octobre 2011, qui soutient :

- que la responsabilité de la société Sopema est directement mise en cause par les experts judiciaires dans le cadre de l'étanchéité des salles d'eau de l'immeuble BAGAO ;
- que la société OTH fait preuve de mauvaise foi en prétendant que les rapports d'expertises ne lui sont pas opposables, et ne peut sérieusement contester qu'elle n'a nullement rempli les missions qui lui avaient été confiées.

Vu les conclusions déposées le 30 décembre 2011 et le 24 mai 2012 par la société OTH International, quasiment identiques, et dont les demandes sont les mêmes que celles formulées le 10 juin 2011.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 août 2012.

SUR QUOI, LA COUR :

Sur la prescription :

Pour débouter le syndicat de son action, sur le fondement de la garantie décennale, le tribunal a considéré qu'elle était prescrite, alors que dans sa requête introductive d'instance le syndicat recherchait « pour l'immeuble BAGAO la réparation des désordres subis sur le fondement principal de la garantie décennale et subsidiairement de la responsabilité contractuelle, et pour l'immeuble Beautemps-Beaupré sur le fondement de la seule violation des obligations contractuelles des constructeurs ».

Or, la société Socaprim, qui ne conteste pas sa qualité de promoteur-vendeur, était tenue, au titre de la réalisation des immeubles en cause intervenue avant l'entrée en vigueur en Nouvelle-Calédonie (le 15 septembre 1998) des articles 1831-1 à 1831-5 du Code civil et selon les principes alors applicables, d'une obligation de résultat lui imposant de livrer des immeubles exempts de malfaçons et conformes aux règles de l'art ainsi qu'aux normes techniques en vigueur.

Cette responsabilité pouvait être engagée pendant 30 ans, en application de l'ancien article 2262 du Code civil, lorsque l'action a été engagée en mai 2006 et celle-ci n'était donc pas prescrite, de sorte que le jugement déféré sera réformé de ce chef.

Sur les désordres, malfaçons et défauts de conformité :

Le syndicat a qualité pour agir pour la réparation des désordres affectant les jardinières et l'étanchéité des terrasses des appartements qui, ce n'est pas discuté, causent les mêmes troubles de jouissance à l'ensemble des copropriétaires et constituent ainsi des troubles collectifs.

Par contre, le syndicat n'a pas qualité à agir pour la réparation des fissurations de sol dans l'appartement Teyssier, ni pour la reprise de l'étanchéité des salles d'eau de deux appartements de l'immeuble BAGAO.

Il résulte des expertises judiciaires que les terrasses et jardinières des terrasses sont affectées de malfaçons et défauts de conformité ainsi décrits, pour l'essentiel, étant souligné en ce qui concerne les jardinières que si elles n'ont pas toutes été examinées par les experts, elles ont toutes été conçues à l'identique, sans " mise en place d'un feutre anti-racine et une imperméabilisation de façade " par souci d'économie (p. 26 du dernier rapport, en réponse aux dires du conseil de Socaprim) :

1) étanchéité des terrasses :

« Toutes les descentes d'eaux pluviales de tous les appartements présentaient lors de leur passage à travers la dalle des défauts d'étanchéité (...). Des infiltrations sont également visibles à l'emplacement des remontées du complexe étanche, le long des murs de façade, ou des murs de séparation entre terrasses (...) Origines du sinistre : absence d'entretien des terrasses (...) défauts de conception : les chutes d'eaux pluviales se font directement dans les uniques descentes. Avec à chaque passage dans les dalles un rétrécissement anormal du diamètre des chutes (...). Il n'y a ni brise jet (coude) ni grille de protection (crapaudine) sur les ouvertures. Les plans d'exécution des ouvrages ont été modifiés en cours de chantier par le maître d'ouvrage. Le nombre de descentes d'eaux pluviales a été réduit ». (Pages 12 et 13 du premier rapport Y...).

Confirmation pages 10, 11 et 16 du deuxième rapport Y...et pages 14 et 15 du rapport Z..., qui chiffre à 13   251   780 fr. Cfp le préjudice subi par la copropriété à ce titre en précisant : « le système d'évacuation des eaux pluviales a été modifié en cours de chantier par le maître de l'ouvrage Pacifique construction en accord avec OTH maître d'oeuvre de chantier. Par contre l'entretien de l'étanchéité n'a pas été assuré comme il conviendrait par le syndic de copropriété ».

2) jardinières des terrasses :

« Défaut de conception des jardinières : il n'existe pas étanchéité intérieure et de protection des bétons extérieurs. Les trop-pleins des jardinières sont de simples trous dans le fond des bacs. Un arrosage abondant constaté entraîne des déchets de terre le long des murs et derrière l'étanchéité. Les bétons poreux absorbent l'humidité, les fers d'armature se corrodent et le béton éclate. L'enrobage des fers de 3 cm n'est pas respecté en quelques points (page 13 du premier rapport Y...). Origines du sinistre : absence d'étanchéité dans jardinières (faute de conception), absence d'entretien régulier des surfaces visibles, prolifération d'arbustes non adaptés dans les jardinières, absence de grille dont le front des jardinières (faute de conception ayant une incidence sur la conservation de l'étanchéité) » pages 17 et 19 de ce rapport.

Confirmation pages 9 et 12 du deuxième rapport Y..., et pages 17 à 19 du rapport Z..., qui chiffre à 8   580   000 fr. Cfp le coût des travaux de reprise des jardinières.

Sur les demandes dirigées par le syndicat contre Socaprim :

En considération de ces rapports d'expertises et des éléments contradictoirement débattus, la cour est en mesure de retenir que le syndicat des copropriétaires est responsable à concurrence de 30 % des désordres affectant les terrasses, et à hauteur de 20 % pour ceux concernant les jardinières en raison du manque d'entretien qui lui est imputable.

Ainsi, la créance du syndicat à l'encontre de la société Socaprim s'établit comme suit :

9   276   246 fr. Cfp pour la reprise de l'étanchéité des terrasses ;
6   864   000 fr. Cfp pour la reprise des jardinières,
soit un total de 16   140   246 fr. Cfp.

Par ailleurs, c'est par de justes motifs que le premier juge a débouté le syndicat de ses demandes fondées sur des dols prétendument commis par les sociétés défenderesses.

Sur les actions en garanties :

La Socaprim, non contractuellement liée aux sociétés Sopema et OTH, peut exercer un recours à leur encontre sur un fondement quasi-délictuel pendant 30 ans, et il lui appartient d'établir les fautes qu'elles auraient commises.

S'agissant de Sopema, sa mise en cause ne concerne que l'étanchéité des salles d'eau, dont la réparation ne peut être demandée par le syndicat.

En ce qui concerne OTH, le 17 septembre 2003 l'ordonnance de référé initiée par Socaprim pour la reprise des opérations d'expertise était signifiée à OTH international, expressément représentée par la Selarl Olivier, avocat à Nouméa, dans cette procédure (cf. Ordonnance jointe au rapport Z...). Le 13 janvier 2004 Me Olivier était convoqué à la réunion contradictoire du 3 février 2004 organisée par l'expert Z.... Le 1er octobre 2004 Me Boiteau informait l'expert qu'elle remplaçait Me Olivier. Le 6 avril 2005 Me Boiteau recevait le pré-rapport d'expertise et le faisait suivre à son client.

Il appartenait aux conseils de la société OTH international de se concerter pour suivre les opérations d'expertise et pour aviser l'expert en temps utile de tout changement éventuel quant à l'assistance de leur cliente. (page 30 du rapport).

S'agissant des rapports de l'expert Y..., établis alors que la société OTH international n'était pas partie à la procédure, ils ont été versés aux débats, largement repris dans l'expertise de M. Z...et soumis à la discussion contradictoire des parties, de sorte que la cour peut se déterminer en considération de ces rapports, contrairement à ce que prétend OTH international.

En l'espèce, l'expert Y...a relevé que " les procédés d'étanchéité et de couverture des terrasses ont été approuvés et réceptionnés sans réserve par le maître d'oeuvre OTH International le 6 mars 1992. Ce sont les maître d'oeuvre (OTH) et d'ouvrage (Socaprim) qui se sont autorisés à modifier les plans d'architecte à l'origine de cette construction (avec les conséquences que l'on sait sur l'écoulement des eaux de pluie) " p 18 du 2e rapport.

Et l'expert Z...souligne, en premier lieu ce qui concerne les jardinières :
« la maîtrise d'ouvrage Pacifique construction a conclu des travaux non conformes aux plans et CCTP d'origine visés par Socotec NC, dans le silence de la maîtrise d'oeuvre de chantier (OTH) qui aurait dû attirer l'attention de son client sur la non-conformité des jardinières au CCTP et aux règles de l'art (...). La responsabilité de Pacifique construction et de OTH international est atténuée par celle des copropriétaires qui ont planté les jardinières d'arbustes et même d'arbres aux caractéristiques racinaires non adaptées, et du syndic qui a en charge l'entretien des parties communes » (page 20)
" L'étanchéité et le feutre antiracines, prévus au CCTP d'origine, n'ont pas été réalisés et les entreprises ont exécuté les travaux conformément aux marchés de travaux négociés par Pacifique construction, et réceptionnés sans réserve par OTH international, maître d'oeuvre de chantier ", (page 21),

et en second lieu, quant à l'étanchéité des terrasses que « la réduction sensible du nombre de descentes d'eaux pluviales, non compensée par une augmentation de leur section, a provoqué la rupture des écoulements au droit des pieds de chute et la détérioration des étanchéités des terrasses (électrolyse). La responsabilité du sinistre correspondant peut être attribuée à Pacifique construction, négociateur de marché de travaux, et OTH international, maître d'oeuvre de chantier, qui a réceptionné les travaux sans réserve » (page 21). Voir aussi l'attestation du directeur régional d'OTH du 12 février 1991.

Contrairement à ce que soutient OTH international, les experts ont parfaitement caractérisé ces fautes en considération notamment du cahier des clauses techniques particulières, dont les prescriptions ont été modifiées comme précisé ci avant, et des réceptions intervenues sans réserve (voir attestation de son directeur régional du 12 février 1991 concernant une réception tous corps d'état et le pv de réception du 6 mars 1992).

Il importe de relever que OTH international, au titre de la convention d'honoraires conclue avec Pacifique construction le 30 mars 1990, avait reçu mission notamment de « contrôle de la conformité de l'exécution des travaux ou prescriptions des pièces contractuelles en matière de qualité, délais et coûts pour les corps d'états technique » ; l'étanchéité-que ce soit celle des terrasses ou des jardinières-relève de cette catégorie, de sorte qu'il appartenait bien à cette société d'en vérifier la qualité en conformité avec les plans et le CCTP.

Les fautes imputables à Pacifique construction ne sont pas de nature à priver OTH International de sa responsabilité quasi délictuelle envers Socaprim, alors que celles ainsi relevées à l'encontre de OTH ont concouru à l'entier dommage pour ce qui concerne les jardinières et l'étanchéité des terrasses.

En conséquence de ces fautes, l'appel en garantie formé par Socaprim à l'encontre de OTH international est bien fondé à hauteur de la somme de 16   140   246 francs cfp, qui tient compte de la part de responsabilité incombant au syndicat.

Sur les autres demandes :

Le syndicat demande que soit fixé à 850 000 fr cfp le montant de sa créance à l'encontre de la société Socaprim au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La créance de dépens et des frais résultant de l'application de ce texte, mise à la charge du débiteur, trouve son origine dans la présente décision, postérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective, de sorte que la demande du syndicat s'analyse en une demande en paiement de cette somme.

Il est équitable de fixer à 400 000 fr cfp la somme due au syndicat à ce titre, et à 200 000 fr cfp celle due à la société Sopema.

Les dépens, y compris les frais d'expertises, seront supportés in solidum par Socaprim et OTH international.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire déposé au greffe,

Donne acte à la Selarl Mary-Laure Gastaud de son intervention en sa qualité de mandataire liquidateur de la SARL Pacifique construction ;

Réforme le jugement rendu le 28 décembre 2009 par le tribunal de première instance de Nouméa en ce qu'il a constaté la prescription de l'action du syndicat des copropriétaires de la résidence BEAUTEMPS-BEAUPRE et de la résidence BAGAO, en ce qu'il l'a débouté de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 1116 du Code civil, et en ce qu'il a réservé les dépens ;

Statuant à nouveau,

Dit et juge que le syndicat des copropriétaires de la résidence BEAUTEMPS-BEAUPRE et de la résidence BAGAO, représenté par son syndic, est recevable à agir en réparation des désordres affectant les jardinières et l'étanchéité des terrasses des immeubles que la société Socaprim a fait réaliser et a vendus en qualité de promoteur vendeur et n'a pas qualité pour agir relativement aux désordres affectant un nombre limité de salles d'eau, ni pour ceux affectant l'appartement de Jacques et Nicole X...;

Déboute la société OTH international de sa demande d'annulation du rapport d'expertise déposé le 10 juin 2005 par François Z...;

Dit et juge que ce rapport, ainsi que les rapports déposés le 11 septembre 2011 et le 23 octobre 2012 par l'expert Gilles Y...sont opposables à la société OTH international ;

Dit et juge que la société Socaprim doit réparation, au syndicat des copropriétaires de la résidence BEAUTEMPS-BEAUPRE et de la résidence BAGAO, au titre de son obligation de résultat, des désordres affectant l'étanchéité des terrasses à hauteur de la somme de neuf millions deux cent soixante-seize mille deux cent quarante-six (9   276   246) fr. Cfp compte tenu de la part de 30 % de responsabilité du syndicat dans la survenance de ces désordres, et à hauteur de la somme de six millions huit cent soixante-quatre mille (6   864   000) fr. Cfp en ce qui concerne les désordres affectant les jardinières, compte tenu de la part de 20 % de responsabilité du syndicat dans leur survenance ;

En conséquence, fixe à seize millions cent quarante mille deux cent quarante-six (16 140   246) fr. Cfp la créance dudit syndicat à la liquidation judiciaire de la société Socaprim, au titre de la réparation de ces désordres ;

Dit et juge que la société Socaprim est recevable en son appel en garantie dirigé à l'encontre de la société OTH. International ;

Dit et juge que la société OTH international devra relever et garantir la société Socaprim à hauteur de la somme de seize millions cent quarante mille deux cent quarante-six (16 140   246) fr. Cfp ;

Condamne la société Socaprim à payer à la société Sopema la somme de deux cent mille (200   000) fr. Cfp en application de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie ;

Condamne in solidum la société Socaprim et la société OTH international à payer audit syndicat la somme de quatre cent mille (400   000) fr. Cfp en application de cet article ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Condamne in solidum la société Socaprim et la société OTH international aux dépens de première instance et d'appel, y compris le coût des rapports d'expertises.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 10/00071
Date de la décision : 29/10/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Civile

Références :

ARRET du 18 février 2015, Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 18 février 2015, 13-16.500, Inédit

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.noumea;arret;2012-10-29;10.00071 ?
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