COUR D'APPEL DE NOUMÉA
Arrêt du 04 Octobre 2012
Chambre Civile
Numéro R. G. :
10/ 724
Décision déférée à la cour :
rendue le : 29 Novembre 2010
par le : Tribunal de première instance de NOUMEA
Saisine de la cour : 14 Décembre 2010
PARTIES DEVANT LA COUR
APPELANTE
LA SARL 3C, prise en la personne de son représentant légal (60 rue Félix Broche-Magenta), représentée par la SELARL Mary-Laure GASTAUD, Mandataire liquidateur, désignée par jugement du TMC de Nouméa en date du 21 Mars 2011
1 bis, Boulevard Extérieur-Auguste Mercier-Quartier Latin-BP. 3420-98846 NOUMEA CEDEX
représentée par la SELARL Manu TAMO
INTIMÉ
M. Roy Lionel X...
né le 21 Décembre 1955 à NOUMEA (98800)
demeurant ...
représenté par la SELARL de GRESLAN
AUTRE INTERVENANTE
LA SELARL Mary-Laure GASTAUD, agissant en qualité de Mandataire-liquidateur de la SARL CONSTRUCTION CHARPENTE COUVERTURES, fonction à laquelle elle a été désignée par jugement du TMC de Nouméa du 21. 03. 2011
1 bis, Boulevard Extérieur-Auguste Mercier-Quartier Latin-BP. 3420-98846 NOUMEA CEDEX
représentée par la SELARL Manu TAMO
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 03 Septembre 2012, en audience publique, devant la cour composée de :
Bertrand DAROLLE, Président de Chambre, président,
Pierre GAUSSEN, Président de Chambre,
Christian MESIERE, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Bertrand DAROLLE, Président de Chambre, ayant présenté son rapport.
Greffier lors des débats : Mikaela NIUMELE
ARRÊT : contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par Bertrand DAROLLE, président, et par Cécile KNOCKAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
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PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE
Par acte sous seings privés du 28 avril 2009, la société 3C s'est engagée, envers Roy X...à réaliser les travaux d'extension d'une villa par la construction d'un garage et d'un studio pour un prix total de 11 307 116 fr. Cfp TTC, payable 30 % à la signature, « 50 % aux élévations » et 20 % la livraison, celle-ci devant intervenir « fin décembre ».
La durée des travaux était prévue pour deux mois.
La déclaration d'ouverture des travaux était adressée le 18 août 2009 à la mairie de Nouméa.
Le 15 septembre 2009 l'entrepreneur adressait à Roy X...une demande d'acompte de 4 000 000 de francs cfp « conformément au devis signé avance aux élévations ».
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 octobre 2009 (non retirée par Roy X...) la société 3 C le mettait en demeure de lui payer cette somme, après avoir fait établir, par acte d'huissier du 23 septembre 2009 le constat de l'état de travaux réalisés, et en l'informant qu'elle ne reprendrait les travaux qu'après paiement. En outre, elle ajoutait : « ces travaux restent la propriété de la société 3 C SARL jusqu'à leurs paiements intégraux. Il vous est interdit de faire intervenir une autre entreprise sans notre accord ou de continuer la construction ». Ce courrier était doublé d'un envoi par mail (Cf. Pièce no3).
Par acte d'huissier du 6 octobre 2009, Roy X...faisait constater l'état des travaux réalisés et par sommation interpellative du 16 octobre 2009 faisait mettre en demeure la société 3 C de reprendre les travaux et de les terminer dans les huit jours.
Par jugement du 29 novembre 2010, auquel il est renvoyé, le tribunal de première instance de Nouméa :
- a visé le contrat et les articles 1135, 1156 et 1162 du Code civil,
- a dit que les termes « 50 % aux élévations » s'entendent d'une exigibilité de la fraction du prix à l'achèvement des élévations,
- a constaté que les élévations n'étaient pas terminées lorsque la société 3 C a émis l'appel et a cessé les travaux,
- a rejeté ses demandes de dommages-intérêts pour rupture abusive après avoir constaté que l'entreprise 3 C SARL n'était pas en droit d'arrêter le chantier,
- n'a pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile,
- a condamné la société 3 C aux dépens,
- a rejeté toutes autres demandes.
PROCEDURE D'APPEL
Par requête déposée le 14 décembre 2010 au greffe de la cour la société 3 C SARL a interjeté appel de ce jugement par l'intermédiaire de son gérant.
Aux termes de son mémoire d'appel du 12 mars 2011 elle demande à la cour de condamner Roy X...à lui payer la somme de 4 153 558 fr. Cfp au titre des travaux réalisés, ainsi que la somme de 1 200 000 fr. Cfp à titre de dommages-intérêts, outre celle de 300 000 fr. Cfp sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie.
Au soutien de son recours, elle faisait valoir, pour l'essentiel :
- qu'en lui faisant sommation, le 16 août 2009, d'achever les travaux « dans les huit jours » alors que la livraison était prévue pour fin décembre 2009, Roy X...a manifestement voulu rompre son engagement et refuser de payer la somme qui lui était réclamée, alors que l'avancement des travaux avait été réalisé jusqu'au niveau des élévations et même au-delà ;
- que contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le paiement de la deuxième tranche ne devait pas intervenir après achèvement des ouvrages de gros oeuvre en partie haute et qu'il ne peut lui être fait grief de ne pas avoir sollicité une expertise pour constater l'état d'avancement du chantier, alors que Roy X...s'était empressé de faire appel à une autre entreprise pour terminer les travaux.
Par écritures déposées le 20 juin 2011, Roy X...concluait à l'irrecevabilité de l'appel et demandait à la cour de confirmer le jugement déféré et de condamner l'appelante à lui payer la somme de 200 000 fr. Cfp au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Il soutenait que l'appel devait être jugé irrecevable dans la mesure où la société 3 C avait été mise en redressement judiciaire le 4 octobre 2010, puis en liquidation judiciaire le 31 mars 2011.
Par arrêt en date du 19 décembre 2011, cette cour a déclaré l'appel recevable, a sursis à statuer au fond et a invité le secrétariat greffe à adresser copie de l'arrêt au liquidateur en lui demandant s'il intervenait volontairement à instance. L'affaire était renvoyée la mise en état et les dépens réservés.
Par conclusions en date du 6 janvier 2012, la Selarl Mary-Laure Gastaud, en sa qualité de mandataire liquidateur de la SARL Construction Charpente Couvertures intervenait à l'instance et demandait que lui soit alloué le bénéfice des demandes formulées au fond par cette société.
Par écritures déposées le 29 février 2012, Roy X...demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré, de débouter la société 3 C et Me Marie Laure Gastaud, es qualités, de toutes leurs demandes et de condamner cette société à lui payer la somme de 250 000 fr. en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir, pour l'essentiel :
- que la société 3 C ne l'avait pas mis en demeure régulièrement de payer la deuxième tranche des travaux, avant qu'il ait réclamé la reprise du chantier abandonné ;
- que les pièces versées aux débats démontrent que les élévations n'étaient pas terminées lorsque cette société a réclamé paiement de la somme de 4 000 000 de francs cfp ;
- que les demandes indemnitaires de la société 3 C ne reposent sur aucun élément probant.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 août 2012.
SUR QUOI, LA COUR :
Selon l'article 1184 du Code civil, la résolution d'un contrat synallagmatique doit être demandée en justice, sauf à ce que la gravité du comportement d'une partie au contrat justifie que l'autre y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls.
Le premier juge a considéré que l'arrêt des travaux était de la responsabilité de l'entreprise « qui a mal interprété les termes contractuels ».
Cependant, le tribunal n'a pas établi que le comportement de la société 3 C revêtait une gravité suffisante pour justifier la rupture du contrat, dont Roy X...a pris l'initiative en confiant de sa propre initiative la poursuite des travaux à une autre entreprise, malgré le courrier recommandé et le mail du 2 octobre 2000 qui lui rappelaient qu'il ne pouvait faire appel à une autre entreprise ou faire continuer la construction.
Dans les circonstances de l'espèce il apparaît que la responsabilité de la rupture du contrat incombe à Roy X..., qui n'a pas, au surplus, respecté les conditions de mise en oeuvre de la clause résolutoire stipulée à l'article 10 du contrat.
S'agissant de la demande en paiement présentée par la société 3 C et son liquidateur, il résulte de l'attestation du sous-traitant de cette société, établie le 28 septembre 2009, qu'il avait été réglé par la société 3 C de « 70 % du montant du marché soit la somme de 2 811 300 115 fr. Cfp ».
En considération des pièces produites, du préjudice causé à la société 3 C par la rupture fautive de son contrat du fait de Roy X..., des sommes qu'elle avait engagées pour la réalisation des travaux entrepris avant cette rupture, de celles qui lui avaient été réglées par le maître de l'ouvrage (acompte de 3 000 000 de francs), la cour dispose des éléments suffisants pour chiffrer à 3 500 000 fr. Cfp, toutes causes confondues, les préjudices subis par l'entrepreneur.
Il convient, en conséquence, d'infirmer en ce sens le jugement déféré.
Il est équitable d'allouer à la société 3 C la somme de 250 000 fr. Cfp par application de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire déposé au greffe,
Vu l'arrêt du 19 décembre 2011,
Donne acte à la Selarl Mary-Laure Gastaud de son intervention volontaire en sa qualité de mandataire liquidateur de la SARL Construction Charpente Couvertures (dite 3 C),
Infirme le jugement rendu le 29 novembre 2010 par le tribunal de première instance de Nouméa,
Statuant à nouveau,
Dit et juge que la responsabilité de la rupture de contrat conclu le 28 avril 2009 entre la société 3 C et Roy X...incombe à celui-ci,
Fixe à trois millions cinq cent mille (3 500 000) fr. Cfp, toutes causes confondues, les préjudices subis par la société 3 C du fait de la rupture fautive de ce contrat par Roy X...,
Condamne Roy X...à payer à la Selarl Mary-Laure Gastaud, en sa qualité de mandataire liquidateur de la SARL Construction Charpente Couvertures, la somme de trois millions cinq cent mille (3 500 000) fr. Cfp en réparation de ces préjudices, ainsi que la somme de deux cent cinquante mille (250 000) fr. Cfp par application de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
Condamne Roy X...aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT