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26/09/2012 | FRANCE | N°11/00248

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre sociale, 26 septembre 2012, 11/00248


COUR D'APPEL DE NOUMÉA Arrêt du 26 Septembre 2012

Chambre Sociale Numéro R. G. : 11/ 00248

Décision déférée à la cour : rendue le : 22 Avril 2011 par le : Tribunal du travail de NOUMEA

Saisine de la cour : 11 Mai 2011

PARTIES DEVANT LA COUR

APPELANT
M. Bruno X... né le 14 Février 1952 à BONE (ALGÉRIE) demeurant...-98809 MONT-DORE

représenté par la SELARL BOUQUET-DESWARTE
INTIMÉE
LA SARL HATCH, prise en la personne de son représentant légal Immeuble " LE GRAND THEATRE "-10 rue Jean Jaurès-BP. 4192-98846 NOUMEA CEDEX <

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représentée par la SELARL d'avocat Franck ROYANEZ

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 22...

COUR D'APPEL DE NOUMÉA Arrêt du 26 Septembre 2012

Chambre Sociale Numéro R. G. : 11/ 00248

Décision déférée à la cour : rendue le : 22 Avril 2011 par le : Tribunal du travail de NOUMEA

Saisine de la cour : 11 Mai 2011

PARTIES DEVANT LA COUR

APPELANT
M. Bruno X... né le 14 Février 1952 à BONE (ALGÉRIE) demeurant...-98809 MONT-DORE

représenté par la SELARL BOUQUET-DESWARTE
INTIMÉE
LA SARL HATCH, prise en la personne de son représentant légal Immeuble " LE GRAND THEATRE "-10 rue Jean Jaurès-BP. 4192-98846 NOUMEA CEDEX

représentée par la SELARL d'avocat Franck ROYANEZ

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 22 Août 2012, en audience publique, devant la cour composée de : Christian MESIERE, Conseiller, président, Anne AMAUDRIC du CHAFFAUT, Conseiller, François BILLON, Conseiller, qui en ont délibéré, François BILLON, Conseiller, ayant présenté son rapport.

Greffier lors des débats : Mikaela NIUMELE
ARRÊT : contradictoire,- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,- signé par Christian MESIERE, président, et par Mikaela NIUMELE, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE
M. Bruno X... a été embauché par la société SARL HATCH, à compter du 5 janvier 2009, en qualité de responsable ressources humaines du chantier de construction du projet KONIAMBO, moyennant un salaire brut de 700. 000 F CFP, selon contrat à durée indéterminée de chantier.
Il a été convoqué le 4 mars 2010, pour un entretien qui a eu lieu le 9 mars, au cours duquel il lui a été proposé un départ négocié qu'il a refusé.
A l'issue d'un entretien en date du 19 mars 2010, il a été licencié pour faute grave, par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 23 mars 2010.
Il lui était ainsi reproché des manquements à ses obligations contractuelles en dépit des multiples avertissement qui lui avaient été faits (absence de rapports hebdomadaires auprès de sa hiérarchie, absences régulières aux réunions et aux conférences téléphoniques) et d'avoir adressé un courriel du 27 février 2010 à Mme Catherine Y..., directrice administrative et financière de la société TECHNIP NC, partenaire de la société HATCH, qui lui reprochait d'harceler moralement un des salariés de la société TECHNIP NC et qui avait été adressé par M. X... en copie à l'inspection du travail, ce qui était de nature à porter atteinte à son honneur et à sa réputation.
Par requête introductive d'instance enregistrée le 30 avril 2010, complétée par des conclusions postérieures, M. X... a fait convoquer la société HATCH NC devant le tribunal du travail de NOUMÉA, aux fins suivantes :
- dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et irrégulier ;
- condamner la défenderesse à lui payer les sommes suivantes :
* Dommages-intérêts (salaires jusqu'à la fin du chantier)................... 18. 574. 000 F CFP ;
* Primes de bilan et de mission............................................................ 8. 721. 000 F CFP ;
* Indemnités de congés payés.............................................................. 2. 729. 500 F CFP ;
* Indemnité pour salariés âgés de plus de 50 ans............................... 2. 700. 000 F CFP ;
* Préjudice moral.................................................................................. 8. 400. 000 F CFP ;
* Avion.................................................................................................. 2. 610. 360 F CFP ;
* Logement............................................................................................ 2. 673. 000 F CFP.

M. X... considérait que le licenciement était irrégulier, en faisant valoir qu'il résultait des pièces qu'il produisait, que son employeur avait décidé de le licencier avant l'entretien préalable et qu'il avait été privé de la possibilité de se faire assister en raison du jour et du lieu retenus pour l'entretien.

Il ajoutait que le licenciement était également dépourvu de cause réelle et sérieuse car les motifs invoqués d'insubordination et de défaut de reporting ne lui avaient jamais été reprochés avant la procédure, et de surcroît, étaient fallacieux.
Il prétendait aussi que le mail adressé à Mme Y... n'était pas une menace mais tendait à prévenir les destinataires de la situation et des conséquences des pressions qui étaient exercés sur le salarié concerné.
Il estimait qu'il avait été licencié pour avoir dénoncé la pression morale exercée sur un salarié de l'entreprise TECHNIP et qu'une telle dénonciation ne pouvait être considérée comme fautive, d'autant que ces faits étaient exacts et faisaient l'objet d'une mesure d'instruction.
Il précisait qu'il avait subi un préjudice moral important compte tenu des conditions dégradantes dans lesquelles avaient eu lieu son départ, de la publicité qui en avait été faite auprès des sous-traitants et qui le privait de toute possibilité de retrouver un emploi sur le site.
La société HATCH soutenait que le licenciement de M. X... était parfaitement régulier et qu'il ne rapportait pas la preuve que la direction avait pris la décision de le licencier avant l'entretien.
Elle estimait, par ailleurs, que le licenciement était parfaitement motivé par les faits relatés dans la lettre de licenciement.
La société HATCH soulignait ainsi, qu'en dépit des nombreux courriels rappelant à M. X... l'obligation qui lui était faite de suivre les procédures et de répondre aux attentes de ses responsables, celui-ci avait persisté dans son comportement de refus de rendre des comptes, ce qui caractérisait un refus d'obéissance dans le cadre de l'exécution du contrat de travail, d'autant moins admissible venant d'un cadre haut placé dans l'entreprise.
Par ailleurs, elle faisait valoir qu'elle ne pouvait admettre, dans ce contexte d'insubordination, qu'il ait adressé un mail à la directrice administrative et financière de la société TECHNIP (associée à HATCH dans le cadre d'une « joint venture »), Mme Catherine Y..., en lui imputant une série de faits qu'il dénonçait comme relevant du harcèlement moral, alors que les faits dénoncés étaient des accusations gratuites fondées sur aucun élément objectif et dont il avait adressé copie à la direction du travail.
La société HATCH soutenait que ce courriel ne pouvait être considéré comme un conseil amical, comme il le soutenait devant la juridiction, alors qu'il tenait pour acquis une série de faits qu'il dénonçait comme étant un délit et en adressait copie à une administration, discréditant ainsi Mme Y..., mais également les sociétés TECHNIP et HATCH.
En conséquence, la société HATCH concluait au rejet des demandes formulées par le requérant et demandait au tribunal de le condamner à lui verser la somme de 250. 000 F CFP sur le fondement des dispositions l'article 700 du Code de Procédure Civile de Nouvelle-Calédonie.
Par jugement du 22 avril 2011, le tribunal du travail, a statué ainsi qu'il suit :
CONSTATE que le licenciement pour faute grave de M. Bruno X... est irrégulier et pourvu d'une cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE la société SARL HATCH à lui payer la somme de SEPT CENT MILLE (700. 000) FCFP pour licenciement irrégulier ;
LE DÉBOUTE de l'intégralité de ses autres demandes ;
DÉBOUTE la défenderesse de sa demande de paiement des frais irrépétibles ;
CONDAMNE la société HATCH à payer à M. X... la somme de CENT VINGT MILLE (120. 000) FCFP au titre des frais irrépétibles ;
DIT n'y avoir lieu à dépens.
PROCEDURE D'APPEL
Par requête enregistrée au greffe le 11 mai 2011, M. X... a interjeté appel de la décision qui lui avait été notifié le 22 avril 2011.
Dans son mémoire ampliatif d'appel déposé le 12 août 2011, complété par des écritures du 12 décembre 2011 et du 23 avril 2012, il fait valoir, pour l'essentiel :
- que le tribunal a fondé sa conviction au regard de mails produits par l'intimée, en l'espèce les mails des 15 octobre 2009, 3 novembre 2009, 11 et 12 février 2010, alors même que seuls peuvent être invoqués au soutien d'un licenciement pour faute, les faits dont l'employeur a eu connaissance dans les 2 mois précédant la mise en œ uvre de la procédure de licenciement ; qu'en l'espèce, la convocation à l'entretien préalable est du 11 mars 2010, de sorte que les faits antérieurs au 11 janvier 2010 sont prescrits ; que dès lors, c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur des mails des mois d'octobre et de novembre 2009 pour retenir la faute grave, d'autant plus que M. X... produit des échanges de mails qui démontrent qu'il s'est acquitté de ses obligations professionnelles et a déféré aux demandes de ses supérieurs hiérarchiques ;

- que la jurisprudence rappelle désormais que pour que des faits fautifs antérieurs de plus de deux mois et non sanctionnés en leur temps puissent être retenus, encore faut-il que les agissements du salarié procède d'un " comportement fautif identique " (Cass. chambre sociale, 7 mai 1991, 19 mars 1998, 10 novembre 1999 et 13 février 2001) ; qu'en outre, certaines des pièces produites sont des documents rédigés en langue anglaise, traduits en français, non datés, et dont rien ne permet d'affirmer qu'il s'agit de mail adressés et donc reçus par M. X... ; que d'autres pièces, rédigées en langue anglaise, ne sont pas traduites et sont donc irrecevables ;- que les reproches fondés sur l'absence de M. X... aux réunions hebdomadaires de travail ne sont pas de nature à fonder un licenciement, a fortiori pour faute grave ;

- que le courriel adressé à Mme Y..., laquelle avait été formée aux ressources humaines par M. X... et entretenait jusqu'alors de bonnes relations avec lui, n'avait pour but que de la mettre en garde contre ses errements, sans aucunement chercher à lui nuire ; qu'on ne saurait en conséquence soutenir que ce courriel pertuberait la bonne marche des deux sociétés partenaires, pour le licencier pour faute grave ;
- qu'il convient ainsi de constater que le licenciement dont il a fait l'objet ne repose sur aucune faute grave et qu'il est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
En conséquence, M. X... demande à la Cour de statuer ainsi qu'il suit :
CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SARL HATCH à verser à M. X... la somme de 700. 000 F CFP pour licenciement irrégulier ;
RÉFORMER le jugement entrepris en ce qu'il a :
*dit que le licenciement de M. X... pour faute grave était pourvu d'une cause réelle et sérieuse,
* débouté M. X... de l'intégralité de ses autres demandes ;
Statuant à nouveau :
DIRE que le licenciement dont a fait l'objet M. X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
CONDAMNER la SARL HATCH à verser à M. X... les sommes suivantes :
* Indemnité légale de licenciement.............................................................. 140. 000 F CFP, * Indemnité de licenciement (art. Lp. 122-35 du code du travail).............. 12. 600. 000 F CFP, * Indemnité compensatrice de préavis et congés payés sur préavis......... 2. 310. 000 F CFP, * Prime de fin d'année.............................................................................. 175. 000 F CFP ;

ASSORTIR la décision à intervenir de l'exécution provisoire ;
CONDAMNER la SARL HATCH à verser à M. X... la somme de 350. 000 F CFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie ;
LA CONDAMNER en tous les dépens dont distraction au profit de la Selarl BOUQUET-DESW ARTE, avocats, sur ses affirmations de droit.
Par conclusions déposées les 27 octobre 2011, 10 février et 20 juin 2012, la société HATCH fait valoir, pour l'essentiel :
- que les responsabilités de M. X... étaient exceptionnelles, au regard des 6000 personnes employées sur le site au moment de la montée en charge maximale d'un chantier où étaient présents des travailleurs locaux ainsi que des expatriés de nationalités très diverses, ce qui nécessitait, à tout le moins, de la rigueur et de la diplomatie ;
- que la prescription de deux mois alléguée par M. X... concernant les agissements fautifs qui lui sont imputés n'est pas sérieuse dans la mesure où des faits de même nature se sont poursuivis quelques jours avant que la procédure disciplinaire ne soit lancée ;
- que la réalité de la désobéissance imputée à M. X... est établie par les différentes pièces produites, et tout spécialement les différents courriels ;
- que le courriel adressé par M. X... à la directrice d'une société partenaire ne peut être admis de la part d'un cadre de haut niveau, en ce qu'il vise à dénoncer la situation des expatriés comme étant anormalement privilégiée et à en informer, dans un but qui ne peut être que malveillant, la direction du travail ; qu'un tel comportement déloyal et inconséquent émanant d'un cadre âgé de 59 ans au moment des faits, en charge des ressources humaines et de la bonne qualité des relations entre personnels, est constitutif d'une nouvelle faute grave s'ajoutant aux griefs précédemment énoncés ;
- que les conditions du départ de M. X... ne sont nullement vexatoires, la société HATCH ayant tenté de trouver une solution amiable avant de procéder au licenciement devenu incontournable compte-tenu des exigences financières déraisonnables de M. X... ; que la société HATCH ne saurait se voir reprocher la désactivation du badge d'accès au site de M. X... mise en oeuvre conformément aux règles de sécurité exigées pour un site sensible.
En conséquence, la société HATCH demande à la Cour de statuer ainsi qu'il suit :
DIRE ET JUGER que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse ; DIRE ET JUGER que les fautes commises par M. X... ont été justement qualifiées de graves ; INFIRMER le jugement de première instance en ce qu'il a condamné la défenderesse à payer la somme de 120. 000 F CFP au titre des frais irrépétibles et de l'erreur de procédure ; En conséquence, DEBOUTER M. Bruno X... de l'ensemble de ses demandes, prétentions et fins ; CONDAMNER M. Bruno X... à payer à la société HATCH la somme de 600. 000 F CFP au titre de l'article 700 du Code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie, y incluant la somme de 250. 000 F sollicitée au titre des frais irrépétibles de première instance.

L'ordonnance de fixation de la date de l'audience a été rendue le 8 août 2012.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu que l'appel, formé dans les délais légaux, est recevable ;
Du caractère irrégulier de la procédure
Attendu que le caractère irrégulier de la procédure n'est pas réellement contesté par la société HATCH qui se limite à demander à la Cour, dans le dispositif de ses conclusions, d'infirmer la condamnation de 700. 000 F CFP prononcée à ce titre ;
Attendu, qu'en tout état de cause, le premier juge a fait une juste application de la règle de droit, en relevant qu'il était de jurisprudence constante, que la décision de licenciement, prise avant la tenue de l'entretien ou pendant celui ci, constitue une irrégularité de procédure ;
Attendu que la Cour entend ainsi se réapproprier les motifs du premier juge qui, relevant que le courriel en anglais de Mme Tara Z..., directrice des ressources humaines du projet KONIAMBO, adressé le 11 mars 2010 à plusieurs cadres supérieurs des entreprises intervenant sur le chantier KONIAMBO, indiquait clairement que M. X... ne ferait plus partie de l'équipe des ressources humaines dès le vendredi (12 mars), en a justement conclu que la décision de licencier le requérant était antérieure à l'entretien qui s'était déroulé le 19 mars ;
Attendu que la procédure de licenciement doit par conséquent être déclarée irrégulière et la société HATCH doit être condamnée, en application des dispositions de l'article Lp 122-35 du code de travail de Nouvelle Calédonie, à verser à M. X..., la somme de 700. 000 F CFP correspondant à un mois de salaire ;
De la prescription de deux mois alléguée par M. X...
Attendu que M. X... soutient que la prescription de deux mois ne permettait pas à son employeur de le licencier ;
Attendu que les dispositions de l'article Lp132-6 du code de travail de Nouvelle Calédonie prévoient effectivement que :
" Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales " ;
Attendu que si aux termes de l'article susvisé, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, ces dispositions ne font cependant pas obstacle à la prise en considération d'un fait antérieur à deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi jusqu'au licenciement (Cass. Soc., 1er avr. 2003) ;
Attendu qu'en l'espèce les faits les plus anciens reprochés à M. X..., généralement sous forme de courriels qui en définitive ont bien fait l'objet de traduction versées à la procédure, remontent au mois de juin 2009, c'est-à-dire à près de neuf mois avant son licenciement ; que cependant, les derniers faits dénoncés qui sont bien de même nature comme étant relatifs aux refus de rendre compte, datent du mois de janvier et février 2010, soit dans le délai de deux mois précédant la convocation du 11 mars 2010 relative à l'entretien préalable ; que M. X... a été tout spécialement informé d'un tel grief, par courrier du 28 janvier 2010, soit dans le délai des deux mois des poursuites disciplinaires ;
Attendu par conséquent, que la prescription alléguée par M. X... doit être rejetée ;
De la légitimité du licenciement
Attendu que le licenciement n'est légitime que pour autant qu'il soit fondé sur une cause réelle et sérieuse, ce qui nécessite la preuve de griefs matériellement vérifiables et objectifs qui sont suffisamment pertinents et rendent inéluctables la rupture du contrat de travail ;
Attendu que le licenciement peut être fondé sur une faute, qui peut être grave ou lourde, et qu'il revêt ainsi un caractère disciplinaire, ou sur un fait ou un ensemble de faits de nature personnelle qui rend impossible le maintien de la relation de travail ;
Attendu que la lettre de licenciement fixe les limites du litige et doit énoncer de manière suffisamment précise les motifs invoqués par l'employeur et qu'il appartient à l'employeur qui entend se prévaloir d'une faute grave d'en rapporter la preuve ; qu'à défaut, le doute profite au salarié ;
Attendu qu'il convient, en conséquence, d'examiner les griefs mentionnés dans la lettre, afin d'apprécier s'ils sont établis et s'ils caractérisent la faute grave retenue par l'employeur ;
Attendu que la lettre de licenciement du 23 mars 2010 est, pour l'essentiel, rédigée ainsi qu'il suit :
" Multiples rappels de vos obligations et en particulier :
- Un travail de report d'information, tant auprès de votre hiérarchie que de vos collègues en participant aux réunions programmées et par la remise des rapports. Or les tableaux et les rapports hebdomadaires ne sont pas fournies ou le sont partiellement, en particulier le point sur le suivi du recrutement n'est renseigné qu'épisodiquement,
- La mise en place d'une bonne organisation du travail. Mais durant vos absences ou congés, nous avons constaté une désorganisation de votre service et vos absences régulières aux réunions et aux conférences téléphoniques.
Mais surtout, vous avez cru, au titre de vos fonctions, pouvoir adresser un mail à Mme Y..., directrice administrative et financière de l'un de nos partenaires, la société TECHNIP NC, le 27 février 2010 en des termes tout à fait inappropriés et en mettant en copie des tiers... ce mail préjudicie grandement à notre entreprise et à son image " ;
Attendu qu'il convient d'analyser successivement ces griefs :
Des faits d'insubordination reprochés à M. X...
Attendu que le dernier alinéa de l'article 2 du contrat de M. X... précise que :
" le salarié exercera ses fonctions sous la responsabilité du Directeur des services administratifs de l'Equipe Projet du chantier de construction (Monsieur Stuart A...), ainsi que sous la responsabilité de la Direction des Ressources Humaines du projet Koniambo (Mme Tara Z...) " ;
Attendu que la société HATCH verse aux débats différentes relances adressées par Mme Tara Z... à M. X... tendant à obtenir des précisions quant à l'accomplissement de sa mission :
- courriel du 01/ 06/ 2009 par lequel Mme Z... lui expose à nouveau l'importance de sa présence aux réunions téléphoniques « RH » fixées tous les lundis et aux réunions sur le recrutement tous les jeudis. Elle souligne également l'importance des rapports hebdomadaires sur l'activité de recrutement tous les mercredis soir qui sert de base aux réunions du jeudi. Il faut qu'il lui transmette ces rapports en temps et en heure ;
- courriel du 02/ 06/ 2009 : Mme Z... lui demande de la rappeler pour parler de ses performances et de son rôle sur le projet. Elle lui fait part de son mécontentement et que des améliorations doivent avoir lieu ;
- courriel du 07/ 09/ 2009 : Mme Z... lui reproche d'avoir signé des documents sans disposer des autorisations nécessaires ;
- courriel du 16/ 09/ 2009 : Mme Z... lui demande un point sur un recrutement spécifique qu'elle n'a toujours pas ;
- courriel du 18/ 09/ 2009 : nouvelle relance de Mme Z... ;
- courriel du 01/ 10/ 2009 : nouvelle relance, après message téléphonique ;
- courriel du 15/ 10/ 2009 : Mme Z... précise à M. X... qu'il n'a pas fourni les éléments demandés depuis plusieurs semaines et lui reproche toujours de ne pas assister aux réunions du lundi ni du jeudi, ni d'avoir reçu l'information sollicité sur le recrutement en cours ;
- courriel du 03/ 11/ 2009 : Mme Z... souligne que l'équipe RH étant au complet il n'a plus de raison pour ne pas fournir les documents exigés ; elle précise n'avoir reçu que cinq des rapports hebdomadaires demandés depuis le début de l'année ;
- courriels des 11/ 02/ 2010 et 12/ 02/ 10 : nouvelles relances pour obtenir le tableau de recrutement à jour et pour que M. X... assiste aux réunions ;
Attendu que la société HATCH fait également valoir, sans être contredite, que différentes relances verbales ont également été faites à M. X... afin qu'il satisfasse à ses obligations professionnelles et notamment, pour les dernières relances, en février 2010, lors de deux réunions à l'occasion desquelles M. Stuart A..., directeur adminsitartif sous l'autorité duquel son contrat le place, lui a précisé qu'il attend un changement conséquent d'attitude, puis lui précise, le 16 février 2010, que les documenst demandés ne lui sont pas parvenus ; qu'enfin, M. A... lui remettait, le 1er février 2010, un courrier daté du 28 janvier 2010, en mains propres contre décharge qui lui reprochait de ne pas avoir organisé son départ en congé, de ne pas en avoir informé ses collaborateurs, ni mis de message d'absence dans sa boîte courriel et de ne pas lui avoir adressé les rapports hebdomadaires, bien que " demandé à de nombreuses reprises " ; qu'enfin M. X... produit lui-même un courriel de Mme Z... du 10 mars 2010 lui indiquant que cela fait " deux semaines d'affilées au cours desquelles il ne participe pas aux réunions téléphoniques hebdomadaires " qui lui rappelle, une nouvelle fois, l'importance de participer à des réunions auxquelles assistent des personnes venues d'Australie, de NouvelleCalédonie et d'Indonésie ;
Attendu qu'en cause d'appel, M. X... ne justifie pas plus qu'il ne l'avait fait en première instance, avoir répondu aux sollicitations légitimes de son employeur et s'être ainsi conformé aux procédures concernant les réunions et rapports ; que M. X... ne saurait ainsi soutenir qu'il a finalement remédié aux éventuels errements constatés par son employeur, alors même que les courriels versés démontrent qu'il n'en était rien ;
Attendu que ces éléments, pris en leur ensemble, caractérisent un refus d'obéissance caractérisée de déférer aux ordres de la hiérarchie, de nature à désorganiser les équipes et à porter préjudice à la bonne marche de l'entreprise, d'autant moins admissible de la part d'un cadre de haut niveau, qui ne peut méconnaître ses responsabilités notamment au regard des enjeux et du contexte social ; qu'un tel comportement est dans le cadre de l'exécution d'un contrat de travail et selon une jurisprudence constante, constitutif d'une faute grave, ainsi que l'a justement rappelé le premier juge ;
Du courriel adressé à Mme Y...
Attendu que les parties sont communes à dire que M. X... a adressé à Mme Y..., directrice administrative et financière de la société TECHNIP, entreprise partenaire de la société HATCH, un courriel le 27 février 2010 par lequel il lui reproche d'avoir harcelé un salarié en refusant " de valider son évaluation de la performance 2009 ", en lui faisant des " remarques malheureuses sur le salaire de cet employé ", en retardant le paiement des indemnités maladie de sa compagne, en réclamant un justificatif pour des dépenses exposées par ce salarié et en ayant tenu à des tiers des propos concernant la vie privée du salarié concerné ;
Attendu que M. X... poursuit ainsi son courriel :
" Etant donné la dégradation de l'ambiance de travail qu'a subi le chantier depuis l'arrivée de certains expatriés, dont d'aucuns, paraît-il, ne voient dans le personnel local qu'un ramassis de rats crevés, je ne peux faire autrement que de vous mettre en garde contre toute action ou ensemble de faits qui pourrait conduire à une plainte pour harcèlement moral... ",
avant de conclure :
" Je relève d'autre part dans cette accumulation de « maladresses » envers une seule et même personne, un certain nombre d'infractions au code du travail, qu'il serait judicieux de corriger rapidement " ;
Attendu que M. X... ne justifie aucunement des accusations qu'il profère dans ce courriel à l'encontre de Mme Y..., allant même jusqu'à préciser dans son courriel que ces faits émanent pour certains d'entre eux, de simples bruits ;
Attendu qu'il est constant, qu'en dépit des allégations de M. X... qui soutient que ce courriel était adressé sans acrimonie à une personne avec laquelle il entretenait de bons rapports et qu'il avait formée lors de sa venue en Nouvelle Calédonie, il est manifeste que les reproches adressés à Mme Y... à laquelle il précise les textes légaux suceptibles d'être appliqués et les sanctions pénales qui y sont attachées, ne relèvent pas à l'évidence du conseil amical comme il tend à le soutenir ; qu'en outre, en adressant une copie de ce courriel à la Direction du travail, l'argumentation développée par M. X... selon laquelle sa démarche n'était pas malveillante est des plus fantaisistes ; qu'un tel comportement de la part d'un cadre âgé de 59 ans au moment des faits, en charge des ressources humaines et de la bonne qualité des relations entre personnels, constitue incontestablement une faute grave de nature à rendre légitime son licenciement ;
Attendu qu'un tel courrier est en effet contraire aux obligations d'un cadre de direction qui ne pouvait ignorer que la portée de ces critiques particulièrement désobligeantes pour Mme Y... était de nature à déstabiliser les rapports indispensables au fonctionnement harmonieux de la société HATCH avec son entreprise partenaire, la société TECHNIP ;
Attendu que la société HATCH fait valoir, sans être démentie, que le contexte dans lequel M. X... a pu rédiger ce courriel est celui dans lequel il évaluait la situation des expatriés comme étant anormalement privilégiée ;
Attendu que c'est ainsi par des motifs justes que la Cour adopte que le premier juge a relevé que cet écrit démontrait que M. X... s'immiscait dans les affaires internes de la société TECHNIP sans faire preuve de discernement, ce qui n'était pas acceptable de la part d'une personne chargée des ressources humaines et dont l'une des missions inhérentes à ses fonctions est de veiller à la sérénité des relations sociales entre le personnel de toutes les entreprises du site ; qu'au surplus, les termes choisis par M. X... qui oppose la défense de l'emploi local à la qualité d'expatriée de Mme Y... démontrent qu'il était animé d'un esprit de division incompatible avec son poste de chargé des ressources humaines ;
Attendu qu'un tel comportement inconséquent faisait courir le risque de la dégradation des relations de travail entre les deux entreprises ce qui constitue incontestablement une faute grave de la part d'un cadre en charge des ressources humaines et de la bonne qualité des relations entre personnels ;
Attendu que le licenciement de M. X... est donc parfaitement légitime et qu'il convient dès lors de le débouter de ses demandes indemnitaires formées au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement ;
Attendu qu'en cause d'appel, M. X... a limité ses demandes indemnitaires et ne reprend ainsi pas celle fondée sur le caractère vexatoire de son licenciement, qu'il n'y a donc pas lieu de la réexaminer ;
Des autres demandes des parties
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société HATCH les frais irrépétibles qu'elle a engagés pour la procédure d'appel et qu'il convient, en conséquence, de condamner M. X... à lui payer la somme de 120 000 FCFP à ce titre.
Attendu qu'en matière sociale il n'y a pas lieu de statuer sur les dépens, la procédure étant gratuite en application de l'article 880-1 du Code de Procédure Civile ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement et par arrêt contradictoire déposé au greffe ;
Déclare l'appel recevable ;
Confirme le jugement du tribunal du travail de NOUMÉA en date du 22 avril 2011 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Condamne M. Bruno X... à payer à la société HATCH la somme de CENT VINGT MILLE (120. 000) F CFP au titre de l'article 700 du Code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie
Dit n'y avoir lieu à condamnation aux dépens en matière sociale, en application de l'article 880-1 du code de procédure civile de Nouvelle Calédonie.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/00248
Date de la décision : 26/09/2012
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.noumea;arret;2012-09-26;11.00248 ?
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