COUR D'APPEL DE NOUMÉA Arrêt du 03 Septembre 2012
Chambre Civile Numéro R. G. : 11/ 39
Décision déférée à la Cour : rendue le : 15 Novembre 2010 par le : Tribunal de première instance de NOUMEA
Saisine de la cour : 18 Janvier 2011
PARTIES DEVANT LA COUR
APPELANT
M. Pierre X... né le 16 Septembre 1947 à COGNAC (16100) demeurant...-98803 NOUMEA CEDEX représenté par la SELARL TEHIO-BEAUMEL
INTIMÉS
M. Michel Y..., représentant légal de l'enfant mineur Danaé, née le 21. 06. 2008 à Nouméa, ayant droit de l'enfant Noam, décédé le 30 décembre 2011 né le 18 Mai 1967 à AULNAY SOUS BOIS (93600) demeurant...-98800 NOUMEA représenté par Me Maxime GUERIN-FLEURY
Mme Zahrah Z..., représentante légale de l'enfant mineur Danaé, née le 21. 06. 2008 à Nouméa, ayant droit de l'enfant Noam, décédé le 30 décembre 2011 née le 09 Février 1970 à N'JAMENA (TCHAD) demeurant...-98800 NOUMEA représenté par Me Maxime GUERIN-FLEURY
EN PRESENCE DU : MINISTERE PUBLIC
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 02 Juillet 2012, en audience publique, devant la cour composée de : Pierre GAUSSEN, Président de Chambre, président, Christian MESIERE, Conseiller, Anne AMAUDRIC du CHAFFAUT, Conseiller, qui en ont délibéré, M. Pierre GAUSSEN, Président de Chambre, ayant présenté son rapport.
Greffier lors des débats : Chantal LUTINIER
L'affaire a été communiquée au ministère public qui a fait connaître son avis
ARRÊT : contradictoire,- prononcé en audience publique, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,- signé par Pierre GAUSSEN, président, et par Mikaela NIUMELE, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE
Noam et Danaé Y... sont nés le 21 juin 2008 à Nouméa d'une fécondation in vitro entre Mlle Zahrah Z... et M Michel Y....
Prématurés, les deux bébés ont été soignés dans le service de néonatalogie de la clinique Magenta où pratique le docteur Pierre X.... Par un courriel diffusé à une liste de ses confrères réunis sous le nom de " 41 liste médecins " le 15 juillet 2008, le docteur Pierre X..., pédiatre, a traité de la naissance de ces deux prématurés. Ce courriel a été remis aux parents des enfants par l'un des médecins destinataires
Par requête introductive d'instance en date du 6 octobre 2008, M Michel Y... et Mlle Zahrah Z... ont assigné M Pierre X... en diffamation sur le fondement de l'article 29, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881 et ont demandé au Tribunal de :- dire que les termes contenus dans l'e-mail rédigé par M X... le 15 juillet 2008 sont constitutifs d'une injure non publique à l'encontre de Mlle Z... et de ses deux enfants mineurs, Noam et Danaé Y..., En conséquence,- condamner M X... à payer les sommes suivantes à titre de dommages et intérêts :-100. 000 FCFP à M Y..., en réparation de son préjudice moral,-500. 000 FCFP à Mlle Zahrah Z..., en réparation de son préjudice moral,-500. 000 FCFP à M Y... et à Mlle Z... pris en leur qualité de représentants légaux de leurs deux enfants mineurs, en réparation du préjudice moral subi par ces derniers,- dire que M X... a commis une atteinte au droit à l'image de Mlle Danaé Y..., en prenant une photographie de cette dernière sans l'autorisation de ses parents, puis en diffusant cette photographie en pièce jointe à l'e-mail adressé le 15 juillet 2008 à la liste de diffusion " 41 LISTE MEDECINS ", En conséquence,- condamner M X... à payer la somme de 500. 000 FCFP à M Y... et à Mlle Z... pris en leur qualité de représentants légaux de leur fille Danae Y..., en réparation de cette atteinte,
- dire que M X... a violé le secret médical auquel il est astreint, en sa qualité de professionnel de la santé, à l'égard de Mlle Zahrah Z..., En conséquence,- condamner M X... à payer la somme de 500. 000 FCFP à Mlle Z... en réparation de son préjudice moral,- ordonner la publication de la décision sur la liste de diffusion internet " 41 LISTE MEDECINS " aux frais de M X..., dans le mois suivant la signification de la décision, sous astreinte de 10. 000 F CFP par jour de retard,- condamner M X... à payer à M Y... la somme de 150. 000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle Calédonie.
Par jugement rendu le 15 novembre 2010, le tribunal a :
- Déclaré recevable et non prescrite l'action de Monsieur Michel Y... et madame Zahrah Z....
- Constaté que la procédure a été dénoncée à madame la Procureure de la République.
- Constaté que monsieur Pierre X... a outragé et insulté Monsieur Michel Y... et mademoiselle Zahrah Z..., leurs deux enfants Noam et Danaé par son courriel du 15 juillet 2008 adressé à la liste 41 Liste médecins portant une grave atteinte à leur dignité de parents et d'enfants.
- Fixé à cent mille francs (100 000 XPF) le préjudice moral dont a souffert monsieur Michel Y....
- Fixé à trois cent mille francs (300 000 XPF) le préjudice moral dont a souffert madame Zahrah Z....
- Fixé à deux cent mille francs (200 000 XPF) chacun des préjudices moraux dont ont souffert Danaé et Noam Y....
- Condamné monsieur Pierre X... à payer cent mille francs (100 000 XPF) à monsieur Michel Y... et trois cent mille francs (300 000 XPF) à madame Zahrah Z... en réparation des préjudices moraux des parents.
- Condamné monsieur Pierre X... à payer quatre cent mille francs (400 000 XPF) à monsieur Michel Y... et madame Zahrah Z... es-qualité de représentants légaux de Danaé et Noam Y... en réparation de leurs préjudices moraux.
- Dit que monsieur Michel Y... et madame Zahrah Z... feront rapport au juge des tutelles compétents du placement des indemnités reçues au bénéfice de leurs enfants.
- Constaté aucune violation du secret médical par monsieur Pierre X... et aucune atteinte à la vie privée.
- Condamné Monsieur Pierre X... à payer cent cinquante mille francs (150 000 XPF) à Monsieur Michel Y... et mademoiselle Zahrah Z... en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PROCEDURE D'APPEL
Par requête en date du 16 janvier 2011, M Pierre X... a interjeté appel de cette décision.
Par mémoire ampliatif déposé le 20 avril 2011, puis par conclusions du 30 août 2011, 5 mars 2012 et 8 juin 2012, M X... demande à la Cour de :
- réformer le jugement du 15 novembre 2010 en toutes ses dispositions,- donner acte du décés de l'enfant Noam et de l'extinction de l'instance le concernant,- constater l'absence de notification au Ministère Public au sens de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881,- dire nulle et de nul effet l'assignation en date du 7 octobre 2008,- dire que le tribunal n'a pas été valablement saisi,- déclarer la juridiction civile incompétente pour statuer en matière d'infraction à la législation sur la presse au profit des tribunaux répressif,- constater la prescription des actions pour injure,- constater que le document critiqué n'a pas été adressé aux requérants par le Dr X...,- constater l'aveu de Michel Y... que la diffusion du document litigieux est le fait du Dr A...,- dire que les faits incriminés ne constituent pas des faits répréhensibles pouvant engager la responsabilité de son auteur,- trés subsidiairement, dire que les faits incriminés ne constituent pas des faits d'injures non publiques au sens de la loi du 29 juillet 1881 et L 641-1 du code pénal,- rejeter les demandes des consorts Y... et Z... à titre personnel et es qualité de représentants légaux de leurs enfants Noam et Danaé,- débouter les intimés de l'intégralité de leurs demandes,- les condamner solidairement à payer la somme de 525. 000 F CFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle Calédonie.
Par conclusions déposées le 21 juillet 2011, le 3 janvier 2012, le 6 avril 2012 et le 15 mai 2012, M. Michel Y... et Mlle Zahrah Z... ont demandé à la Cour de :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il n'a constaté aucune violation du secret médical par M X... et aucune atteinte à la vie privée, et en ce qu'il a rejeté la demande de publication de la décision, Statuant à nouveau :
Sur l'injure non publique :- condamner M X... à payer la somme de 200. 000 F CFP à M Y... et à Mlle Z..., pris en leur qualité d'ayants droits de Noam Y..., en réparation du préjudice moral subi par ce dernier, lequel est décédé le 30 décembre 2011, Sur l'atteinte au droit à l'image :- dire que M X... a commis une atteinte au droit à l'image de Mlle Danaé Y..., en prenant une photographie de cette dernière sans l'autorisation de ses parents, puis en diffusant cette photographie en pièce jointe à l'e-mail adressé le 15 juillet 2008 à la liste de diffusion " 41 LISTE MEDECINS " et en l'affichant dans la salle de repos de l'hôpital, En conséquence,- condamner M X... à payer la somme de 500. 000 F CFP à M Y... et à Mlle Z..., pris en leur qualité de représentants légaux de leur fille Danaé Y... en réparation de cette atteinte, Sur la violation du secret médical :- dire que M X... a violé le secret médical auquel il est astreint, en sa qualité de professionnel de la santé, à l'égard de Mlle Z..., En conséquence,- condamner M X... à payer la somme de 500. 000 F CFP à Mlle Z... en réparation du préjudice moral de cette dernière,- ordonner la publication de la décision sur la liste de diffusion internet " 41 LISTE MEDECINS ", aux frais de M X..., dans le mois suivant la signification de la décision, puis sous astreinte de 10. 000 F CFP par jour de retard,- condamner M X... à payer à M Y... la somme de 300. 000 F CFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle Calédonie.
Le Ministère public, auquel le dossier a été communiqué le 4 juin 2012, s'en rapporte à la justice.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la notification au Ministère Public
Attendu que M X... soutient que la signification de la requête n'a pas été réalisée au Ministère Public, mais à un greffier du Tribunal en la personne de Mme D..., directrice du greffe du tribunal de première instance ;
Que, cependant, il résulte de la jurisprudence que la remise de l'acte à un fonctionnaire habilité à recevoir les citations délivrées à parquet constitue une notification au ministère public, au sens de l'article 53 de la loi de1881, l'habilitation de ce fonctionnaire étant présumée ;
Que tel est le cas de Mme D..., celle-ci étant directrice du greffe du Tribunal, englobant les services du parquet dudit Tribunal ;
Sur l'incompétence de la juridiction civile
Attendu qu'en application des articles 3 et 4 du code de procédure pénale, l'action civile peut être exercée au choix de la partie lésée soit devant la juridiction répressive, en même temps que l'action publique, soit devant les tribunaux civils ;
Qu'en l'espèce, les consorts Y... et Z... ont engagé pour eux-mêmes comme pour leurs enfants Noam et Danaé une action pour injures non publiques sur le fondement de l'article 29 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Qu'ainsi que l'a rappelé la jurisprudence, l'action civile fondée sur la contravention d'injure non publique reste soumise à la prescription de 3 mois, même si elle est portée devant une juridiction civile, indépendamment de la poursuite pénale ;
Que le tribunal civil était donc bien compétent pour statuer dans ce litige ;
Sur la prescription
Attendu que le délai de prescription de trois mois, édicté par l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881, a été interompu par le jugement rendu à la requête des intimés le 15 novembre 2010 dont appel ;
Que le nouveau délai courrait jusqu'au 15 février 2011 ;
Que, cependant, M X... a déposé une requête d'appel le 18 janvier 2011, qui n'a été notifiée que le 18 février 2011 aux consorts Y.../ Z... ;
Que cette requête d'appel est interruptive de la prescription, tout comme le mémoire ampliatif déposé par M X... le 20 avril 2011 ;
Que, de même, la notification de la requête d'appel le 18 février 2011, qui a informé officiellement les consorts Y... que le procés se poursuivait en appel, est interruptive du délai de prescription ;
Qu'enfin, les consorts Y... ont fait signifier à M X... et au Parquet Général des conclusions aux fins d'interruption de la prescription les 28 et 29 avril 2011 ;
Que, par la suite, le délai de prescription a régulièrement été interrompu ;
Que, dans ces conditions, l'action n'est pas prescrite ;
Sur l'identité de l'auteur du message internet
Attendu qu'il résulte de l'enquête de police, diligentée aprés le dépôt de plainte de M Y..., que M X... est bien l'auteur du mail litigieux intitulé " Où va t'on ? Des explications ", en date du 15 juillet 2008 ;
Que ce mail, tel qu'il figure au dossier, lui a d'ailleurs été présenté par les services de police, lors de son audition le 22 octobre 2010, ainsi que le cliché photo joint ;
Qu'il a alors avoué en être l'auteur en précisant, toutefois, ne pouvoir affirmer que le mail soit exactement celui qu'il a écrit, sans donner aucune précisions sur les modifications éventuellement intervenues ;
Qu'ainsi, il est établi que, le 15 juillet 2008, le docteur Pierre X... a rédigé un e-mail, auquel a été jointe une photographie de Danaé Y..., qu'il a adressé le même jour par internet à une liste de diffusion comprenant un nombre indéterminé de médeçins du CHT de NOUMEA ;
Sur le contenu du message internet
Attendu que les termes du message, envoyé sur la liste de diffusion " 41 Liste médecins ", sont les suivants :
« De : X... Pierre Date : 15/ 07/ 200801 : 09 : 21 A : 41 Liste Médecins Sujet : Ou va t'on : des explications Cette image (peut être en bas de page sur votre configuration Outlook) est dédiée à ceux qui sont à l'origine de ce bébé FIV (Fécondation In Vitro) afin qu'ils prennent conscience de ce qui arrive quand on fait n'importe quoi sur n'importe qui. On pique, on presse (notez la tension des doigts et le change nIent de couleur du pied), on prélève, on represse. 3 minutes environ. Déjà 85 fois pendant les 16 premiers jours de cette gamine... 85 fois, minimum, car ça ne marche pas à tous les coups. Déjà une transfusion de compensation. Il faut y ajouter les 132 tramas-succion sur la carène, zone particulièrement sensible et réactogène. Vous vous êtes déjà touché le tympan avec une allumette ? Et les mises en place de voie veineuse centrale, et les ponctions veineuses, et les changement de sparadrap sur la peau du nez, bref tous ces moments de douceur que les bébés attendent du contact par une main d'adulte. Et ce n'est pas tout : à moins de 700g et avant le 15o jour de vie, déjà 2 laparotomies pour Lexomil. (On peut appeler cette petite Lexomil car c'est un bébé médicament !) Qui lui ont soulagé d'1/ 3 de son potentiel digestif Lexomil fera sensation, avec sa xypho-pubienne, quand la jeune fille ira il la baie des Citrons. Si elle le peut. Pas évident, le fauteuil à roulette dans le sable. Que l'on ne me dise pas que Lexomil ne souffre pas. L'immaturité n'influe pas sur la douleur mais sur sa modulation. Quand le préma souffre, il souffre plein pot. Bonjour l'ambiance au sein de laquelle se construit ce bébé ! Qu'on ne me parle pas de démoralisation du personnel infirmier. Cette page est un hommage à son courage et à son dévouement. La chose qui m'étonne le plus dans le fonctionnement de la Néonatologie est que la rotation infirmière ne soit pas encore plus rapide. Ne confondons pas liberté et licence. Pour ce qui est de l'autorisation parentale, je la demanderai avant d'utiliser des photos ou Lexomil est suceptible d'être reconnue. cela me donnera l'occasion d'expliquer pourquoi je les ai prises, ces photos. Qui est à l'origine de cela ? dans cette structure qui entretient soigneusement l'opacité de son fonctionnement et la dilution des responsabilités. Lexomil et son frère jumeau vont déja couter 17. 334. 000 francs, le premier mois de vie. A mettre en face d'un an de fonctionnement du dispensaire de Houailou, au prix d'un logement FSH. Cafait quand même un peu cher le comprimé de Prozac. Et qu'on ne me parle pas de fatalité ! Le déroulement chaotique de cette grossesse, puis sa terminaison en catastrophe étaient inscrit dans le passif mental maternel, son environnement familial et son histopathologie utérine. Il suffisait simplement d'y prêter un minimum d'attention. Et maintenant, avec nos incubateurs-tambours, nos soufflets électro-mécaniques et nos compositions GLP-Vitamine, on se pose à égalité avec un Utérus et son Placenta. On est quasiment Dieu. Presque des parisiens ! Génial ! Si on la confronte avec un cas similaire (poids-tenne), la facture hospitalière s'élèvera au final à 40. 012. 000 francs, auquel il faudra ajouter le prix de la FIV, la facture du DAMPS... et le traitement de cette mère, malade mental, lorsqu'elle sera rattrapé par la réalité. Lorsque ces bébés, à la sortie, iront épanouir ce qu'il restera de leur potentiel cognitif dans une famille sereine, saine et équilibrée (sic). 40 millions, ç'est le prix d'une vaccination contre la gastro entérite de tous nos nourrissons calédoniens de l'année. Ce vaccin est cher et non pris en charge. Dans les priorités de santé publique, c'est la Fécondation In Vitro qui a été choisie. Mais qu 1elle est le poids des Droits De l'Enfant face au Droit A l'Enfant ? Maintenant, passons à une nouvelle plus réjouissante : une FIV sponsorisée par Malboro ! Le petit garçon s'appelera Mégot. Vu le niveau d'addiction maternelle, on est bien parti pour lui tailler son beau chapeau de cow-boy dans un pot de yaourt. La fille, Clopinette, dans un vingtaine d'année, se présentera au contour de Miss Glaviot. Cela fera une occasion de sortie à mère entre 2 chimios. En attendant, on s'organise pour une longue séance de crapotage intra utérin... Intra utérin, pour l'instant. Remarque, cela n'a pas du être difficile de positionner la sonde d'insémination. Il suffisait de suivre la fumée. Le Droit des Enfants, ça ne pèse pas bien lourd face au Droit A l'Enfant Et au cours des discussions budgétaires, que peut bien peser le Droit des Enfants face à un chiffre en bas d'une colonne d'activité ? Un élément de réponse se trouve sans doute dans la confrontation de ce chiffre avec celui du projet initial Je vous l'ai déjà dit, je suis écoeuré Pierre X... ».
Sur le caractère punissable de l'e-mail
Attendu aux termes de la jurisprudence, les imputations diffamatoires ou injurieuses contenues dans une lettre et concernant une personne autre que le destinataire ne sont susceptibles de recevoir une qualification pénale que s'il est établi que ladite lettre a été adressée au tiers dans des conditions exclusives de tout caractère confidentiel ;
Qu'ainsi, le critère retenu par la jurisprudence pour décider que la contravention d'injure non publique est constituée est l'absence de confidentialité de la missive et non le fait que la personne visée par l'injure soit ou non destinataire exclusif de cette dernière ;
Qu'en l'occurence, l'e-mail litigieux a été envoyé par le Docteur X... à une liste de diffusion de médecins de l'Hôpital Magenta et ne présente donc pas le caractère d'une lettre missive confidentielle ;
Que ce courrier a ensuite été tranmis aux consorts Y... par le docteur A..., l'un des médecins destinataires de l'e-mail du docteur X... ;
Sur les personnes visées dans le courrier du docteur X...
Attendu que M Y..., Mlle Z... et leurs enfants, Danaé et Noam, ne sont pas nommément cités dans le message du docteur X... ;
Que, cependant, le courrier comporte des précisions suffisantes permettant d'identifier Mlle Z... et ses deux enfants :- Noam et Danae sont deux jumeaux prématurés, nés le 21 juin 2008 à la clinique MAGENTA,- Danaé pèse moins de 700 grammes et sa photo est jointe à l'e-mail,- le docteur X... a consulté le dossier médical et a procédé à des photographies des enfants ;
Que le docteur A... avait d'ailleurs répondu au docteur X... dans un e-mail du 17 juillet 2008, dans lequel il avait identifié Mlle Z... ;
Sur le caractère injurieux des termes employés par le docteur X...
Attendu que le message envoyé par le docteur X... ne se situe pas uniquement dans le cadre d'un débat médical polémique ou d'une controverse technique, puisqu'il stigmatise la santé mentale de Mlle Z..., lui attribuant une dépendance à la cigarette qui aurait des effets sur les deux enfants et la qualifie de " malade mentale " ;
Que les termes " lexomil, clopinette et mégot " pour qualifier les deux nourissons sont outrageants et particulièrement blessants, vis à vis d'enfants en grande difficulté vitale ;
Que le contexte médical du courrier ne donne pas tous les droits à son auteur ;
Que le docteur X... devait faire preuve de retenue, dans le cadre d'un débat qu'il qualifie lui-même de " médical et éthique ", et n'était donc pas obligé de traiter Mlle Z... et ses enfants en des termes aussi injurieux pour étayer sa diatribe ;
Qu'enfin, l'association de la photographie de l'un des enfants aux qualificatifs utilisés constitue une aggravation du caractère outrageant de l'écrit ;
Qu'en conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a constaté que l'injure non publique était caractérisée à l'égard de M Y..., Mlle Z... et des deux enfants ;
Qu'il convient d'évaluer de la manière suivante les préjudices moraux :- préjudice causé au père, M Y... : 100. 000 F CFP-préjudice causé à la mère, Mlle Z... : 300. 000 F CFP,- Préjudice de chacun des enfants : 100. 000 F CFP ;
Que, dés lors, le jugement entrepris, qui avait alloué une somme de 200. 000 F CFP à chacun des enfants doit être réformé sur ce point ;
Sur l'atteinte au droit à l'image
Attendu qu'en vertu de la jurisprudence, le droit à l'image est assimilé au droit au respect de la vie privée ;
Qu'en l'espèce, le docteur X... a pris en photo Danaé, sans l'autorisation des parents de cette dernière, seuls habilités pour ce faire, puis a joint cette photo à son e-mail ;
Que la captation de l'image et sa diffusion, sans aucune autorisation, constitue une atteinte à la vie privée ou au droit à l'image et ouvre droit à réparation ;
Que le jugement entrepris doit être infirmé sur ce point ;
Qu'il convient d'allouer une somme de 100. 000 FCFP à Danaé Y... en réparation de l'atteinte au droit à l'image ;
Sur la violation du secret médical
Attendu que le courrier du docteur X... a été adressé à des médecins, sur une liste de diffusion de l'hôpital, et reste donc dans le cadre d'échanges professionnels ;
Que la violation du secret médical n'est nullement établie ;
Que, dés lors, le jugement entrepris doit être confirmé sur ce point ;
Sur la demande de publication de la décision
Attendu que la publication de la décision sur la liste de diffusion internet n'apparait ni utile, ni justifée, puisqu'elle va raviver des agissements anciens et une polémique mal engagée, sans pour autant contribuer à la réparation du préjudice des victimes ;
Que le jugement déféré doit être confirmé sur ce point ;
Sur les frais irrépétibles
Attendu qu'il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné M X... à payer à M Y... et Mlle Z... la somme de 150. 000 F CFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle Calédonie ;
Qu'il apparaît équitable de leur aller une indemnité complémentaire de 150. 000 FCFP sur le même fondement, en cause d'appel ;
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire déposé au greffe ;
Confirme le jugement rendu le 15 novembre 2010 par le tribunal de première instance de Nouméa en ce qu'il a :
- Déclaré recevable et non prescrite l'action de Monsieur Michel Y... et madame Zarah Z....
- Constaté que la procédure a été régulièrement dénoncée au Ministère Public.
- Constaté que monsieur Pierre X... a outragé et insulté Monsieur Michel Y... et mademoiselle Zahrah Z..., leurs deux enfants Noam et Danaé par son courriel du 15 juillet 2008 adressé à la liste 41 Liste médecins portant une grave atteinte à leur dignité de parents et d'enfants.
- Condamné monsieur Pierre X... à payer cent mille francs (100. 000 XPF) à monsieur Michel Y... et trois cent mille francs (300. 000 XPF) à madame Zahrah Z... en réparation des préjudices moraux des parents.
- Constaté aucune violation du secret médical par monsieur Pierre X...,
- Rejeté la demande de publication de la décision,
- Condamné Monsieur Pierre X... à payer cent cinquante mille francs (150 000 XPF) à Monsieur Michel Y... et mademoiselle Zahrah Z... en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE REFORMANT pour le surplus et statuant à nouveau :
- Condamne monsieur Pierre X... à payer cent mille francs (100 000 XPF) à monsieur Michel Y... et madame Zahrah Z..., es-qualité de représentants légaux de Danaé Y... en réparation de son préjudice moral.
- Condamne monsieur Pierre X... à payer cent mille francs (100 000 XPF) à monsieur Michel Y... et madame Zahrah Z..., es-qualité d'ayants droits de Noam Y... en réparation du préjudice moral subi par ce dernier
-constate une atteinte au droit à l'image de Danaé Y...,
- Condamne monsieur Pierre X... à payer cent mille francs (100 000 XPF) à monsieur Michel Y... et madame Zahrah Z..., es-qualité de représentants légaux de Danaé Y..., en réparation de son atteinte au droit à l'image.
- Dit que monsieur Michel Y... et madame Zahrah Z... feront rapport au juge des tutelles compétents du placement des indemnités reçues au bénéfice de leur enfant.
- Condamne Monsieur Pierre X... à payer cent cinquante mille francs (150. 000 XPF) à Monsieur Michel Y... et mademoiselle Zahrah Z... au titre des frais irrépétibles d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, dont distraction au profit de Me Maxime GUERIN-FLEURY, avocat aux offres de droit.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.