COUR D'APPEL DE NOUMÉA
Arrêt du 30 Août 2012
Chambre Civile
Numéro R. G. :
11/ 167
Décision déférée à la cour :
rendue le : 06 Décembre 2010
par le : Tribunal de première instance de NOUMEA
Saisine de la cour : 01 Avril 2011
PARTIES DEVANT LA COUR
APPELANT
LA SA CREDICAL, prise en la personne de son représentant légal
6 rue Charlier-PK 4- BP. 467-98845 NOUMEA CEDEX
représentée par la SELARL JURISCAL
INTIMÉ
M. Ulrich X...
né le 27 Juillet 1981 à SIA-WALLIS
demeurant C/ o Mme Y...-...-98809 MONT-DORE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2011/ 741 du 07/ 10/ 2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de NOUMEA)
représenté par Me Magali MANUOHALALO
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 26 Juillet 2012, en audience publique, devant la cour composée de :
Bertrand DAROLLE, Président de Chambre, président,
François BILLON, Conseiller,
Régis LAFARGUE, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Bertrand DAROLLE, Président de Chambre, ayant présenté son rapport.
Greffier lors des débats : Corinne LEROUX
ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par Bertrand DAROLLE, président, et par Mikaela NIUMELE, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
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PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE
Par acte sous seings privés en date du 13 août 2009 la société CREDICAL a consenti à Ulrich X...la location avec promesse de vente d'un véhicule d'occasion Peugeot 407 d'une valeur de 1 850 000 fr. Cfp moyennant paiement de 61 loyers mensuels de 45 977 fr. Cfp HT chacun.
Après restitution volontaire du véhicule, le contrat a été résilié le 12 janvier 2010.
Par lettre recommandée avec avis de réception datée du 14 janvier 2010, remise le 25 janvier 2010, la société CREDICAL mettait en demeure Ulrich X...de régler la somme de 2 056 518 fr. Cfp en l'avisant qu'il disposait d'un délai de 30 jours pour présenter un acquéreur faisant une offre écrite d'achat.
Par jugement en date du 6 décembre 2010, auquel il est renvoyé, le tribunal de première instance de Nouméa a :
- condamné Ulrich X...à payer à la société CREDICAL la somme de 856 518 fr. Cfp ;
- débouté la société CREDICAL du surplus de sa demande ;
- condamné Ulrich X...aux dépens.
Par requête et mémoire ampliatif d'appel enregistrés le 1er avril 2011 au greffe de la cour, la société CREDICAL a interjeté appel de ce jugement, non signifié, et a demandé à la cour de :
- constater que le contrat de location a été interrompu à l'initiative de Ulrich X...qui a procédé à la restitution du véhicule entre ses mains ;
- constater que la valeur vénale du véhicule Peugeot immatriculé 260 917 NC résulte de son prix de revente, soit un montant de 155 000 fr. Cfp ;
- condamner Ulrich X...à lui payer la somme de 1 901 518 fr. Cfp, avec intérêts légaux à compter du 19 avril 2010, date de la signification de la requête introductive d'instance, ainsi que celle de 225 000 fr. Cfp en application de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie.
Au soutien de son recours, elle fait valoir, pour l'essentiel :
- que le véhicule lui ayant été restitué d'initiative par Ulrich X..., elle l'a fait expertiser le 19 janvier 2010 par l'expert Philippe A...qui en a fixé la valeur à 150 000 fr. Cfp dans la mesure où il avait subi des dommages mécaniques importants, et que le coût des réparations et de remise en état avait été estimé à 1 051 327 fr. Cfp ;
- que Ulrich X..., informé qu'il pouvait proposer un acquéreur du véhicule, lui a laissé le soin de le céder et que cette cession étant finalement intervenue pour le prix de 155 000 fr. Cfp. elle est bien fondée en son recours.
Par écritures datées du 25 novembre 2011, Ulrich X...conclut à la confirmation de leur décision déférée, et rétorque, pour l'essentiel :
- que le courrier recommandé daté du 14 janvier 2010, a été envoyé le 25 janvier 2010, de sorte qu'il disposait d'un délai jusqu'au 26 février 2010 pour éventuellement proposer un acquéreur ;
- que la société CREDICAL prétend avoir reçu une offre d'achat le 6 mai 2010 pour un montant de 155 000 fr. Cfp, alors que le chèque émis par l'offrant, c'est-à-dire la société NEO CASSE SARL, est daté du 25 février 2010, soit avant l'expiration du délai qui lui avait été donné pour présenter un éventuel acquéreur ;
- qu'il n'a pas été invité l'expertise, et que le véhicule ayant été détruit par la société NEO CASSE, il ne peut justifier de son état lors de sa restitution.
Vu les conclusions déposées le 30 décembre 2011 par la société CREDICAL qui souligne :
- que le fait qu'elle ait fait spontanément évaluer le véhicule ne peut faire grief à Ulrich X...qui pouvait lui-même faire procéder à cette évaluation ;
- que la mention d'une offre datée du 6 mai 2010 dans la mémoire d'appel résulte d'une erreur d'écriture, alors que l'offre d'achat de 155 000 fr. Cfp date du 25 février 2010, soit après l'expiration du délai dont disposait Ulrich X....
L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 juin 2012.
SUR QUOI, LA COUR :
La loi no 2010-737 du 1er juillet 2010 n'est pas applicable au présent litige.
Contrairement à ce que soutient la société CREDICAL, le décret no 78-373 du 17 mars 1978 n'est pas davantage applicable en Nouvelle-Calédonie, à défaut d'avoir fait l'objet d'une disposition expresse d'extension.
L'article 5 du contrat conclu le 13 août 2009 stipule que « lorsque le bailleur a l'intention de vendre le bien il doit vous aviser que vous disposez d'un délai de 30 jours à compter de la résiliation du contrat pour présenter un acquéreur faisant une offre écrite d'achat ».
En l'espèce, la société CREDICAL a vendu le véhicule en litige le 25 février 2010, soit le 31e jour après la remise du courrier du 25 janvier 2010 ayant avisé Ulrich X...de cette possibilité de présenter un acquéreur, étant rappelé qu'en application de l'article 641 alinéa 1 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie, lorsqu'un délai est exprimé en jours, celui de la notification qui le fait courir ne compte pas, et que selon l'article 642 de ce code tout délai expire le dernier jour à 24 heures (soit le mercredi 24 février 2010).
Il ne peut donc être fait grief à la société CREDICAL d'avoir privé l'intimé de cette possibilité.
Cependant celui-ci lui fait également reproche de ne pas avoir été invité à l'expertise, et le véhicule ayant ensuite été détruit de ne pouvoir justifier de son état lorsqu'il a été restitué.
Or les principes régissant le droit à un procès équitable commandent que chaque partie ait la faculté de prendre connaissance de toutes pièces présentées au juge en vue d'influencer sa décision dans des conditions qui ne la désavantage pas d'une manière appréciable par rapport à la partie adverse et que cette décision ne puisse se fonder exclusivement sur une expertise amiable non contradictoire. (Cf. Com. 2 février 2010 no09-14821 ; 3e civ. 3 février 2010 no09-10631).
Il s'ensuit que la faculté contractuelle donnée au bailleur de faire estimer la valeur vénale du bien « à dire d'expert » ne le dispensait pas d'inviter le locataire aux opérations d'expertise
et, pour le moins, de l'informer des conclusions de l'expert, pour qu'il puisse proposer éventuellement une vente à un prix supérieur, alors que le délai susvisé n'était pas écoulé.
Cette perte de chance doit être indemnisée à hauteur de la somme de 200 000 francs cfp en considération des éléments contradictoirement débattus.
En définitive, la créance de la société CREDICAL s'établit comme suit :
indemnité de résiliation............................. 2 102 495 fr. Cfp
-prix de vente du véhicule..........................-155 000 fr. Cfp
-loyer trop-perçu........................................-45 977 fr. Cfp
indemnisation de la perte de chance...........-200 000 fr. cfp
solde restant dû........................................... 1 706 518 fr. Cfp.
Il convient, en conséquence, de réformer en ce sens le jugement déféré.
L'équité n'impose pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie bénéfice de la société CREDICAL.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Réforme le jugement rendu le 6 décembre 2010 par le tribunal de première instance de Nouméa en ce qu'il a condamné Ulrich X...à payer à la société CREDICAL la somme de 856 518 fr. Cfp,
Confirme ce jugement en ce qu'il a condamné M. FUIMAONO aux dépens,
Statuant à nouveau,
Constate que le contrat de location avec promesse de vente conclu le 13 août 2009 a été rompu à l'initiative de Ulrich X...qui a procédé à la restitution du véhicule entre les mains de la société CREDICAL,
Dit et juge qu'en omettant de communiquer à Ulrich X...l'évaluation du véhicule faite « à dire expert » dans le temps où il aurait pu proposer un acquéreur, la société CREDICAL lui a fait perdre une chance d'obtenir un prix de vente supérieur à la somme de 155 000 fr. Cfp à laquelle le véhicule a été vendu,
Évalue l'indemnisation de cette perte de chance à la somme de deux cent mille francs CFP (200 000 fr. Cfp)
Fixe comme suit la créance de la société CREDICAL à son encontre :
indemnité de résiliation.......................... 2 102 495 fr. Cfp
prix de vente du véhicule.......................-155 000 fr. Cfp
loyer trop-perçu......................................-45 977 fr. Cfp
indemnisation perte de chance...............-200 000 fr. Cfp
solde restant dû....................................... 1 706 518 fr. Cfp
Condamne Ulrich X...à payer à la société CREDICAL la somme de un million sept cent six mille cinq cent dix huit francs CFP (1 706 518 fr. Cfp), avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires
Fixe à quatre le nombre d'unités de valeur servant de base à la rémunération de Me Magali MANUOHALALO, avocate désignée au titre de l'aide judiciaire totale.
Dit et juge que chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT