COUR D'APPEL DE NOUMÉA
Arrêt du 06 Août 2012
Chambre Civile
Numéro R. G. :
12/ 00134
Décision déférée à la Cour :
rendue le : 13 Avril 2012
par le : Juge des enfants de NOUMEA
Saisine de la cour : 27 Avril 2012
PARTIES DEVANT LA COUR
APPELANT
Mme Alice X...
née le 20 Octobre 1972 à LIFOU (98820)
demeurant ......-98800 NOUMEA
(bénéficie d'une aide juridictionnelle numéro 2012/ 453 du 04/ 06/ 2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de NOUMÉA)
représentée par Me Serge BERQUET
INTERVENANT
M. Silivelio Y...
né le 21 Décembre 1967 à FUTUNA (98620)
demeurant Sans adresse connue-
comparant
EN PRESENCE DU :
MINISTERE PUBLIC représenté par Mme Fabienne OZOUX, Substitut Général
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 12 Juillet 2012, en chambre du conseil, devant la cour composée de :
Christian MESIERE, Conseiller, président,
Anne AMAUDRIC DU CHAFFAUT, Conseiller,
François BILLON, Conseiller,
qui en ont délibéré,
François BILLON, Conseiller, ayant présenté son rapport.
Greffier lors des débats : Corinne LEROUX
ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé en chambre du conseil, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par Christian MESIERE, président, et par Cécile KNOCKAERT, adjointe administrative principale faisant fonction de greffier en application de l'article R123-14 du code de l'organisation judiciaire, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
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PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE
Par des rapports en date du 11 août 2011 et du 12 mars 2012, le foyer Les Manguiers signalait au juge des enfants, près le tribunal de première instance de NOUMÉA, des événements de nature à faire courir un danger aux deux enfants mineurs, Paul, né le 30 septembre 2002 et Georges, né le 16 janvier 2004, hébergés au foyer avec leur mère, Alice X..., en raison des violences exercées par leur père, Silivelio Y...
Le 19 mars 2012, le juge des enfants ouvrait une procédure d'assistance éducative au profit des mineurs X....
Le 13 avril 2012, le juge des enfants entendait les parents.
M. Y... reconnaissait avoir menacé Mme. X... avec un sabre d'abattis et avoir proféré des menaces de mort à l'égard du directeur du foyer (" je vais vous tuer "), alors qu'il était en état d'ébriété, tout en précisant que les faits remontaient à l'année 2011. Il ne niait cependant pas avoir détruit du mobilier du foyer, dans la nuit du 9 au 10 mars 2012, sous les yeux des enfants et leur avoir dit : " quand votre mère va revenir, je vais lui couper la tête ".
Par ordonnance du 13 avril 2012, le juge des enfants, statuait ainsi qu'il suit :
" Vu l'urgence ;
Les enfants vivent dans un climat de violences conjugales quotidiens : Mme X... est régulièrement victime de violences physiques graves dont les enfants sont témoins. Elle a porté plainte mais refuse de quitter son compagnon au prétexte de ses convictions religieuses, Les enfants subissent également de nombreuses carences éducatives : carences alimentaires, défaut de soins, troubles psychologiques non pris en compte. Les établissements scolaires signalent de grosses difficultés et constatent que les enfants sont éteints, déprimés, fatigués. Le foyer note que les enfants ont interdiction de communiquer avec le personnel éducatif sous peine de corrections physiques sévères. Par ailleurs, Le Foyer est en attente de la mise à exécution d'une mesure d'expulsion de Mme X... et des enfants compte tenu de la violence que Monsieur Y... qui campe à proximité fait régner sur les autres familles présentes et sur la sienne.
Il résulte de ces éléments que les enfants sont exposés à une situation de danger qui ne fait que perdurer sans aucune perspective d'amélioration. Il convient donc d'ordonner le placement de ces derniers.
PAR CES MOTIFS
Vu les articles 375 et suivants du code civil ;
ORDONNONS le placement provisoire des mineurs X... Paul Paulo Philippe et X... Georges pour une durée de SIX (6) mois ;
DISONS que la part d'allocation familiale à laquelle ouvre droit les mineurs sera versée aux services de la Direction Provinciale de l'Action Sanitaire et Sociale SUD/ de la Protection Judiciaire de l'Enfance et de la Jeunesse ;
DISONS que Madame X... bénéficiera d'un droit de visite mis en place selon un calendrier établie par l'ASE et sous le contrôle de cette structure, à charge de nous en référer en cas de difficulté ;
DISONS que Monsieur Y... bénéficiera d'un droit de visite médiatisé selon un calendrier établie par l'ASE et sous le contrôle de cette structure, à charge de nous en référer en cas de difficulté ;
ORDONNONS, vu l'urgence, l'exécution provisoire de la présente décision ".
PROCEDURE D'APPEL
Par une requête enregistrée le 27 avril 2012 au greffe de la Cour, Mme Alice X... a déclaré relever appel de cette décision.
Par conclusions enregistrées le 25 mai 2012, le conseil de Mme X... fait valoir, pour l'essentiel :
- que Mme X... souhaite d'ores et déjà que l'identité de ses enfants soit corrigée, les enfants Paul et Georges ayant été reconnus par leur père Silivelio Y..., doivent porter le nom de Y... ;
- que Mme X... conteste formellement avoir été frappée par son compagnon et que celui-ci ait exercé des violences contre ses enfants ; qu'ainsi, plusieurs locataires du foyer des Manguiers attestent que M. Y... n'a jamais exercé de violences contre Mme X... ni contre ses enfants ;
- qu'il faut constater que les relations entre la famille Y...-X...et le directeur du foyer des Manguiers, M. C..., sont très conflictuelles et que le directeur du foyer a expulsé M. Y... ce qui oblige ce dernier à venir voir, en cachette, ses enfants et sa compagne ;
- que M. C...est déterminé à se débarrasser de la famille Y...-X...et a ainsi exercé des pressions sur Mme X... afin qu'elle dépose plainte contre M. Y..., ce qu'elle a fait de peur d'être expulsée avec ses enfants ;
- que Mme X... ne peut être privée d'élever ses enfants pour un conflit existant entre M. Y... et M. C..., directeur du foyer ;
- que l'ordonnance de placement des enfants a ainsi été prise au détriment du bien être des enfants et que, par des fausses déclarations, M. C...a réussi à convaincre les autorités compétentes que les enfants devaient être placés ; que la prétendue violence de M. Y... est une bonne excuse pour expulser toute la famille et satisfaire M. C..., directeur du foyer.
En conséquence, Mme X... demande à la Cour de statuer ainsi qu'il suit :
- Réformer l'ordonnance de placement provisoire en ce qu'elle a placé les mineurs X... Paul et X... Georges pour une durée de six (6) mois ;
- Fixer le nombre d'unités de valeur revenant à l'avocat intervenant à l'aide judiciaire.
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M. Y... n'a pas conclu.
Par conclusions datées du 11 juillet 2012, le représentant du Ministère Public a sollicité la confirmation de la décision entreprise.
L'ordonnance de clôture et de fixation de la date d'audience a été rendue le 29 mai 2012.
MOTIFS DE LA DECISION
1) Sur la recevabilité de l'appel :
Attendu que l'appel, formé dans les délais légaux, doit être déclaré recevable ;
2) Sur la mesure de placement des mineurs Paul et Georges X...
Attendu qu'aux termes de l'article 375 du Code civil, lorsque la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur sont en danger, ou si les conditions de son éducation sont gravement compromises, des mesures d'assistance éducative peuvent être ordonnées par la justice ;
Attendu que ces mesures peuvent être ordonnées en même temps pour plusieurs enfants relevant de la même autorité parentale ;
Attendu que les premières investigations menées par le juge des enfants ont permis de confirmer l'existence et l'importance de ces difficultés familiales qui ont été ainsi relatées dans le procès-verbal d'audition du 13 avril 2012 :
" Le Juge : J'ai été saisi d'un signalement concernant la situation de vos enfants. Je vous donne connaissance des éléments de la procédure. J'ai déjà pris une décision de protection. Qu'avez-vous à dire ?
Alice X... : Mes enfants sont en sécurité. Ce sont des mensonges.
Silivelio Y... : Je travaille à KATIRAMONA. J'ai appelé pour savoir qui devait aller chercher les enfants. Les enfants ne sont plus à l'école. Il n'y a jamais eu de violences avec ma femme. J'ai fait une pétition contre le foyer les Manguiers. Nous sommes dix neuf locataires. Des fois, il y a trois familles alors qu'il n'y a que trois chambres. Les autres familles attendent et chacun son tour. Le début du conflit avec les autres a commencé en décembre. C'est une vengeance de la part du Directeur. Je ne sais pas si l'on vous dit tout ce qui se passe. On a pas le temps de prendre un avocat. Nous voulons récupérer nos enfants. Ils ont besoin de nous.
Le Juge : Est-ce qu'il a des violences entre vous Madame et vous Monsieur ?
Alice X... : C'est mon mari qui est en conflit avec le Directeur. Mon mari ne me tape jamais.
Le Juge : Le rapport indique que vous avez menacé de découper votre femme avec un sabre d'abatis alors que vous étiez en état d'ébriété ?
Alice X... : C'est arrivé l'année dernière. Il était en colère contre le Directeur. C'est arrivé une fois, il était saoul. C'est vrai.
Silivelio Y... : Oui, c'est vrai, j'ai dit cela « je veux vous tuer ». C'était sous la colère. Le foyer me fait passer pour un méchant.
Le Juge : Vous vous êtes mal comporté devant les enfants ?
Silivelio Y... : Je n'avais pas d'arme dans les mains. J'ai eu un sursis mise à l'épreuve. Je dois bien me comporter. Je le sais. Toute la journée, on m'a mis dans la cellule. Puis le Procureur a dit que je n'étais pas coupable.
Le Juge : Le 21 février 2011, le TC vous a condamné et vous avez fait appel de cette décision mais la Cour a confirmé le jugement rendu en premier ressort ?
Silivélio Y... : Aucun des arguments de ma défense n'a été repris dans le jugement. On ne tient pas compte de ce que j'ai dit. J'ai adressé à Claire D...un courrier. Nous ne sommes pas des gens comme ils disent.
Le Juge : Dans le rapport que j'ai, il semble qu'il existe des problèmes de santé notamment pour Paul. Qu'en est il ?
Alice X... : Qui a dit ça ?
Le Juge : Pour les problèmes scolaires qu'avez-vous à dire ?
Alice X... : Je ne m'en suis pas occupée, j'avais les soucis des histoires avec lui (son mari).
Le Juge : L'école indique que les enfants sont en difficultés. Est-ce vrai ?
Alice X... :...
Silivélio Y... : J'étais en prison...
Le Juge : Il est dit dans le rapport que vous avez détruit des biens appartenant au foyer. Est-ce vrai ?
Alice X... : C'est moi qui ait appelé. Il était en train de tout casser. Mes enfants étaient avec moi.
Silivélio Y... : Qui a dit cela ?
Le Juge : Monsieur, quand vous êtes fâché avec le foyer, vous vous en prenez à Madame. Les enfants ont peur. Le problème, c'est cette violence qui existe entre vous et Madame. Vous comprenez ?
Silivélio Y... : Comme je vais à la pêche, on me reproche que je dors toujours à la maison. Elle va être expulsée. C'est profondément injuste.
Le Juge : Madame, il est écrit dans ce rapport que votre compagnon a cassé un mur et qu'il aurait dit aux enfants qu'il allait couper votre tête. Est-ce vrai ?
Alice X... : Oui, je cache les couteaux pour les enfants.
Le Juge ; Qui peut prendre vos enfants à LIFOU ?
Alice X... : Mes parents, E...Georges et E...Elise, tribu de OINGONI Le juge : Que pensez-vous de la situation de vos enfants et dans quel climat doivent ils évoluer ?
Silivélio Y... : Je suis obligé de montrer que je suis en colère. Je suis obligé de casser les fleurs.
Le juge : Vous avez de la famille ici ?
Silivélio Y... : Je n'ai pas de famille ici et je ne peux pas compter sur la famille " ;
Attendu qu'à l'audience M. Y... ne conteste pas avoir proféré des menaces (" je vais te couper la tête ") mais en minimise la portée en faisant valoir qu'il s'agit d'une expression usuelle qui ne prête pas à conséquence ; qu'il précise qu'il souhaite que les enfants soient rendus à leur mère et prend sur lui les errements commis qui ne doivent pas conduire à ce que les enfants soient retirés à leur mère ; qu'enfin, il remet à la Cour un long argumentaire écrit, adressé également au procureur de la république, qui s'apparente essentiellement à un cahier de doléances ;
Attendu que Mme X... explique que ses enfants, actuellement placés au MONT DORE n'y sont pas heureux ; questionnée quant aux éventuelles perspectives que pourrait offrir un placement des enfants chez ses parents qui résident à LIFOU, elle ne fournit pas de réelles explications quant au fait que ceux-ci n'aient entrepris, jusqu'alors, aucune démarche concrète auprès du magistrat loyaltien ;
Attendu qu'en l'espèce, au vu de ces différents éléments pris en leur ensemble, il n'est pas contestable que les signalements effectués les 11 août 2011 et 12 mars 2012 par le foyer Les Manguiers qui contenaient des informations relatives à la dégradation des conditions d'éducation et de moralité des enfants Paul et Georges, l'aient été à bon escient et qu'au vu de ces éléments, la mesure d'assistance éducative en milieu ouvert, prise en faveur des mineurs ait été parfaitement justifiée ;
Attendu que si aux termes de l'article 375-2 du Code civil, les mineurs doivent être maintenus dans leur milieu actuel, chaque fois que cela est possible, la loi, sous couvert des dispositions prévues par l'article 375-3 du Code civil, permet au juge des enfants de retirer le mineur de son milieu actuel et de le confier à un tiers digne de confiance, ou encore à un service ou à un établissement sanitaire ou d'éducation, ordinaire ou spécialisé ;
Attendu qu'en l'espèce, il apparaît que, malgré la bonne volonté affiché et la coopération des parents, la situation des enfants demeure fragile, qu'ainsi les mesures prises par le juge des enfants sont conformes à l'intérêt des mineurs concernés et qu'il apparaît donc nécessaire de les maintenir ;
Attendu qu'au vu de ces éléments, c'est par des motifs pertinents que le Cour entend adopter que le premier juge a estimé que la santé, la sécurité ou la moralité des mineurs Georges (né le 16 janvier 2004 reconnu le 20 janvier 2004 par M. Y...) et Paul (né le 30 septembre 2002 reconnu par M. Y... le 11 octobre 2002) étaient en danger, que les conditions de leur éducation étaient gravement compromises et a ordonné le placement des mineurs sous la responsabilité des services de la DPASS SUD pour une durée de 6 mois, en attribuant un droit de visite et d'hébergement aux parents, à l'amiable et sous le contrôle de l'ASE ;
Attendu qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant par arrêt contradictoire déposé au greffe, après débats en chambre du conseil ;
Déclare l'appel recevable en la forme ;
Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance de placement provisoire rendue le 13 avril 2012 par le juge des enfants du tribunal de première instance de NOUMÉA ;
Fixe à quatre (4) le nombre d'unités de valeurs revenant à Maître Serge BERQUET, Avocat désigné au titre de l'aide judiciaire selon décision numéro 2012/ 453 du 4 juin 2012 ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor Public ;
Renvoie le dossier au Juge des enfants du tribunal de première instance de NOUMÉA.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT