COUR D'APPEL DE NOUMÉA
Arrêt du 06 Août 2012
Chambre Civile
Numéro R. G. :
10/ 00709
Décisions déférées à la Cour :
rendue le : 08 Novembre 2010
par le : Juge aux affaires familiales du tribunal de première instance de NOUMEA
et rendue le 3 décembre 2010
par le : Juge aux affaires familiales du tribunal de première instance de NOUMEA
Saisine de la cour : 06 Décembre 2010 et le 11 janvier 2011
PARTIES DEVANT LA COUR
APPELANT
Monsieur Jean Marcel Louis X..., décédé
Mme Bernadette Alphonsine Emilienne Y... épouse X...
née le 19 Août 1933 à ARAMA (98833)
demeurant ...
Profession : Sans profession
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2011/ 108 du 29/ 04/ 2011 pour la décision du 8 novembre 2010 et d'une aide juridictionnelle totale numéro 2011/ 109 du 29/ 04/ 2011 pour la décision du 3 décembre 2010 accordées par le bureau d'aide juridictionnelle de NOUMEA)
représentée par Me Emmanuelle LEVASSEUR
INTIMÉS
M. Patrick René Pierre X...
né le 19 Mai 1955 à NOUMEA (98800)
demeurant ...
représenté par la SELARL LOUZIER
M. Bruno X...
né le 22 Décembre 1956 à NOUMEA (98800)
demeurant ...
Profession : Entrepreneur en bâtiment
représenté par la SELARL ROGER
AUTRE INTERVENANT
L'ASSOCIATION POUR LA PROTECTION DE L'ENFANCE, DE LA JEUNESSE ET DES ADULTES EN DIFFICULTE EN NOUVELLE-CALEDONIE, prise en la personne de son représentant légal en exercice
11 rue des Frères Vautrin- 1ère Vallée du Tir-98800 NOUMEA
représentée par Me Emmanuelle LEVASSEUR
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 02 Juillet 2012, en chambre du conseil, devant la cour composée de :
Pierre GAUSSEN, Président de Chambre, président,
Christian MESIERE, Conseiller,
Anne AMAUDRIC DU CHAFFAUT, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Anne AMAUDRIC DU CHAFFAUT, Conseiller, ayant présenté son rapport.
Greffier lors des débats : Chantal LUTINIER
ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé en chambre du conseil, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par Christian MESIERE, Conseiller en remplacement du président empêché, et par Cécile KNOCKAERT, adjointe administrative principale faisant fonction de greffier en application de l'article R123-14 du code de l'organisation judiciaire, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
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PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE
Sont issus de l'union de Jean X... et Bernadette Y... épouse X... deux enfants, Patrick et Bruno X....
Par jugement du 26 juillet 2006, le juge aux affaires familiales a débouté Jean X... et son épouse, Bernadette Y... épouse X... de leur demande de subsides à l'encontre de leur fils Patrick X....
Par arrêt du 12 juillet 2007, la cour d'appel de NOUMEA a infirmé le jugement et a condamné Patrick X... à payer à Jean X... et Bernadette Y... épouse X... ensemble la somme de 10. 000 FCFP à titre de pension alimentaire.
Invoquant une situation financière et matérielle nouvelle, Jean X... et Bernadette Y... épouse X..., par requête du 15 mai 2008, ont saisi le Juge aux affaires familiales de Nouméa aux fins de voir condamner leur fils, Patrick X... à leur payer à chacun une somme mensuelle de 35. 000 FCFP à titre de subsides, et ce à compter du dépôt de la requête.
Patrick X... s'opposait à cette demande qu'il considérait comme irrecevable faute d'élément nouveau.
Par jugement du 8 novembre 2010 auquel il est référé pour l'exposé des moyens des parties, le tribunal a débouté les époux X... de leur demande.
Par acte du 11 octobre 2008, Jean X... et Bernadette Y... épouse X..., ont saisi le Juge aux affaires familiales du tribunal de première instance de Nouméa-section de Koné aux fins de voir condamner leur fils, Bruno X..., à leur payer à chacun une somme mensuelle de 35. 000 FCFP à titre de subsides, et ce à compter du dépôt de la requête.
Bruno X... concluait au débouté des demandes.
Par jugement en date du 3 décembre 2010 auquel il est expressément référé, le juge aux affaires familiales a débouté les époux X... de leur demande.
PROCÉDURE D'APPEL :
Par requête du 6 décembre 2010, les époux X... ont régulièrement interjeté appel de la décision du 8 novembre 2010, non signifiée.
Par requête du 11 janvier 2011, les époux X... ont régulièrement interjeté appel de la décision du 3 décembre 2010 non signifiée.
Les époux X... ont déposé leur mémoire ampliatif le 4 mars 2011 au soutien de leur appel de la décision du 8 novembre 2010, puis ont déposé leur mémoire ampliatif le 14 juin 2011 au soutien de leur appel de la décision du 3 décembre 2010.
Le 13 mars 2011, Jean X... décédait.
Par ordonnance du 24 mai 2011, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la jonction des deux procédures, l'affaire étant désormais suivie sous le numéro 10/ 709.
Elle était clôturée et fixée à l'audience du 28 novembre 2011 par ordonnances du 17 octobre 2011.
Le 28 novembre 2011, elle a été renvoyée à la mise en état après dépôt de conclusions de rabat de l'ordonnance de clôture du 24 octobre 2011 par Bernadette X..., son époux étant décédé et celle-ci faisant l'objet d'une procédure de protection.
Par jugement en date du 17 novembre 2011, le juge des tutelles de Nouméa a prononcé au bénéfice de Bernadette X... une mesure de tutelle et désignait le directeur de l'APEJ en qualité de tuteur.
Par conclusions récapitulatives du 17 janvier 2012 et du 10 mai 2012, le président de l'APEJ, es-qualités, demande à la cour de :
- constater que Jean X... est décédé et la non reprise d'instance par ses héritiers.
- prendre acte de l'intervention volontaire de l'Association pour la Protection de l'Enfance, de la Jeunesse et des Adultes en difficulté en Nouvelle-Calédonie, (APEJ) prise en la personne de son directeur, François Z..., et agissant ès-qualités de tuteur de Bernadette X... conformément au jugement rendu par le juge des tutelles le 17 novembre 2011.
- infirmer dans toutes leurs dispositions les jugements entrepris,
et statuant à nouveau,
- condamner Patrick X... à payer une pension alimentaire mensuelle de 35. 000 FCFP à Bernadette X..., représentée par son tuteur, monsieur le directeur de l'Association pour la Protection de l'Enfance, de la Jeunesse et des Adultes en difficulté en Nouvelle-Calédonie (APEJ), et ce à compter du 14 mai 2008, date du dépôt de la requête introductive d'instance,
- condamner Bruno X... à payer une pension alimentaire mensuelle de 35. 000 FCFP à Bernadette X..., représentée par son Tuteur, monsieur le Directeur de l'Association pour la Protection de l'Enfance, de la Jeunesse et des Adultes en difficulté en Nouvelle-Calédonie (APEJ), et ce à compter du 11 octobre 2008, date du dépôt de la requête introductive d'instance.
A l'appui de ses demandes, l'APEJ expose pour l'essentiel que :
- la situation de Bernadette X... s'est considérablement modifiée depuis les décisions,
- elle est devenue veuve et a perdu toute autonomie,
- elle est donc maintenue à domicile grâce à l'assistance de deux auxiliaires de vie,
- les revenus de Bernadette X... se composent d'une allocation aux personnes âgées de 34. 750 FCFP et d'une indemnité de maintien à domicile de 176. 122 FCFP.
- elle n'est pas imposable et elle ne peut pas louer le studio attenant à son habitation en raison de son état vétuste.
Il affirme ensuite que :
- Bruno X..., divorcé et père de deux enfants qui ne sont plus à sa charge, bien que venant d'être licencié, est dans une situation confortable puisqu'il est propriétaire d'une villa et d'un terrain acheté en 2010 moyennant le prix de 41. 550. 000 FCFP.
- Patrick X... employé au service technique de la ville du Mont Dore perçoit un salaire de 275. 000 FCFP et ses charges s'élèvent à la somme de 75. 000 FCFP.
Par conclusions du 20 juin 201, du 27 septembre 2011 et du 29 février 2012, Patrick X... demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en minorant la somme allouée à Bernadette X....
Il soutient que la situation de sa mère s'est améliorée depuis l'arrêt de la cour d'appel du 12 janvier 2007 qui l'a condamné à verser des subsides à hauteur de 10. 000 FCFP alors qu'elle ne percevait aucun revenu, que son époux handicapé à 81 % avait des revenus à hauteur de 14. 348 FCFP, que leur fille Belinda, handicapée avait une allocation mensuelle de 21. 059 FCFP et que le couple percevait un loyer de 65. 000 FCFP.
Il expose aujourd'hui que sa mère dispose de revenus de 45. 620 FCFP et que les besoins ont diminué du fait du décès de son père.
Il persiste à considérer que le studio est toujours loué et qu'elle est toujours taisante sur les sommes provenant de la vente de biens immobiliers.
Sur ses revenus, il déclare percevoir un revenu moyen de 252. 295 FCFP et acquitter des charges à hauteur de 74. 797 FCFP.
Il s'oppose à la demande de rétroactivité des condamnations au jour du dépôt de la requête, soit le 14 mai 2008, la situation de l'appelante ayant changé depuis, Jean X... étant décédé et Bernadette X... étant placée sous tutelle. Il ajoute qu'il n'est aucunement justifié que l'état de nécessité préexistait antérieurement à ces dates.
Par conclusions des 20 juin 2011, 27 juin 2011, 14 mars 2012 et du 30 mars 2012, Bruno X... conclut à la confirmation du jugement déféré.
Il soutient que depuis la dernière décision, la situation de Bernadette X... s'est améliorée puisque désormais elle percevra la somme de 85. 000 FCFP au titre du minimum vieillesse ; que le salaire du personnel d'aide à domicile est pris en charge au titre de l'aide sociale et qu'en tout état de cause elle pourrait recevoir un revenu locatif du studio.
Il fait valoir qu'il vient d'être licencié et produit en ce sens une correspondance du 11 décembre 2011.
Il ajoute qu'il ne peut faire face à la demande rétroactive. Il observe de plus qu'il n'est nullement responsable des délais qui ont été engendrés par les différents aléas du dossier.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la procédure
Il y a lieu de constater que la procédure est éteinte en ce qui concerne Jean X..., décédé le 13 mars 2011.
Par ailleurs, il sera pris acte, que par jugement en date du 17 novembre 2011 Bernadette X... a bénéficié d'une mesure de tutelle et était désigné, le président de l'Association pour la Protection de l'Enfance, de la Jeunesse et des Adultes en difficulté en Nouvelle-Calédonie, ci après désigné APEJ, pour exercer la mesure de protection.
Enfin, il convient de constater que l'APEJ intervient volontairement.
Au fond
Il sera rappelé qu'aux termes des dispositions de l'article 205 du code civil les enfants doivent aliments à leur père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin dans la proportion du besoin de celui qui les réclame et de la fortune de celui qui les doit.
Il résulte de l'article 209 du code civil que celui qui fournit ou celui qui reçoit des aliments lorsqu'un fait nouveau intervient peut demander que la situation soit revue.
En raison du décès de Jean X..., les époux X... ayant demandé chacun 35. 000 FCFP à chacun de leurs enfants, la situation devra être analysée sur deux périodes avant et après le décès.
Sur la situation de Jean et Bernadette X... jusqu'au 13 mars 2011, date du décès de Jean X...
Bernadette X... percevait à titre d'allocation mensuelle la somme de 47. 020 FCFP et Jean X... à titre de retraite la somme de 15. 032 FCFP outre une aide de la DPASS de 19. 575 FCFP.
L'indemnité pour la tierce personne était intégralement reversée à des auxiliaires de vie.
Sur la situation de Bernadette X... depuis le décès de son époux :
Bernadette X... doit percevoir le minimum vieillesse d'un montant de 85. 000 FCFP.
Il est constant que l'indemnité versée par la CAFAT pour la tierce personne est reversée à des auxiliaires de vie.
Enfin pour les deux périodes, l'on ne saurait considérer que la pension adulte handicapée versée à leur fille, qui a également certains besoins et s'occupe pendant certaines heures de sa mère, doit être intégrée au revenu de Bernadette X.... Elle participe cependant aux charges.
Il est établi que le studio attenant à l'habitation est vétuste et ne peut être loué.
Sur la demande formée à l'encontre de Bruno X...
Bruno X... a été licencié. Avant son licenciement, il percevait un salaire de 438. 484 FCFP et remboursait des échéances d'emprunt à hauteur de 251. 699 FCFP. Il acquittait un loyer à Nouméa de 93. 585 FCFP.
A supposer qu'il ait retrouvé un emploi, il n'est pas établi qu'il ait un disponible supérieur à celui justement calculé par le premier juge, soit la somme mensuelle de 89. 200 FCFP.
Par conséquent, le premier juge a justement apprécié que Bruno X... ne disposait pas des ressources suffisantes pour subvenir aux besoins de ses parents dont il reconnaissait cependant que leurs ressources étaient également modestes.
Depuis le décès de Jean X..., l'on peut considérer que la situation de Bernadette X... est identique à celle de son fils même si elle perçoit le minimum vieillesse. La décision sera donc également confirmée.
Sur la demande formée à l'encontre de Patrick X...
Le premier juge, par des motifs que la cour adopte, a considéré exactement que les époux X... ne justifiaient d'aucun élément nouveau depuis l'arrêt de la cour d'appel de Nouméa du 12 juillet 2007 le condamnant à verser à ses parents une pension de 10. 000 FCFP, autorisant un nouvel examen de leur situation.
Néanmoins depuis le décès de Jean X..., la situation de Bernadette X... s'est modifiée.
Patrick X..., agent technique à la ville de MONT DORE, perçoit un salaire mensuel d'environ de 274. 000 FCFP. Son épouse travaille et participe aux charges du mariage. Ils acquittent des impôts à hauteur de 16. 792 FCFP et des échéances d'emprunt à hauteur de 57. 906 FCFP.
Il n'est nullement établi que le fait que Bernadette X... soit désormais veuve ait pu faire baisser ses charges à l'exception des frais de bouche. Les charges fixes reposent pour leur majeure partie sur elle au regard de la somme modique perçue par sa fille à titre de pension.
Dans ces conditions au regard de ces éléments, Patrick X... devra subvenir aux besoins de sa mère à hauteur de la somme mensuelle de 20. 000 FCFP indexée à compter du 13 mars 2011, date du décès de Jean X....
S'agissant d'un contentieux familial chacune des parties conservera ses propres dépens et ceux mis à la charge de Bernadette X... seront recouvrés comme en matière d'aide judiciaire.
PAR CES MOTIFS
La Cour par arrêt contradictoire déposé au greffe, après débats en chambre du conseil ;
Déclare les appels recevables ;
Constate l'extinction de la procédure à l'égard de Jean X... décédé le 13 mars 2011 ;
Constate que Bernadette Y... épouse X... a bénéficié d'une mesure de tutelle par jugement en date du 17 novembre 2011 ;
Constate l'intervention du président de l'Association pour la Protection de l'Enfance, de la Jeunesse et des Adultes en difficulté en Nouvelle-Calédonie (APEJ), es-qualités de tuteur de Bernadette Y... épouse X... ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement en date du 3 décembre 2010 du juge aux affaires familiales du tribunal de première instance de Nouméa, section Koné ;
Constate que l'action de Jean X... est éteinte à compter du 13 mars 2011 ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement en date du 8 novembre 2011 du juge aux affaires familiales du tribunal de première instance de Nouméa jusqu'au 13 mars 2011.
Condamne Patrick X... à payer à monsieur le président de l'Association pour la Protection de l'Enfance, de la Jeunesse et des Adultes en difficulté en Nouvelle-Calédonie (APEJ), es qualités de tuteur de Bernadette Y... épouse X... la somme de vingt mille (20. 000) FCFP à compter du 13 mars 2011 ;
Dit que cette contribution variera à l'initiative du débiteur chaque année à la date d'anniversaire de la présente décision, en fonction de l'indice du coût de la vie en Nouvelle Calédonie (direction territoriale de la statistique, 5 rue Gallieni-BP 823 NOUMÉA-tel 27 54 81) et qu'elle sera payable d'avance entre le 1er et le 10 de chaque mois par mandat postal ou virement bancaire au domicile de la créancière et sans frais pour elle ;
Dit que chacune des parties conservera ses propres dépens.
Fixe à trois (3) unités de valeur la rémunération de maître LEVASSEUR, avocate, désignée au titre de l'aide judiciaire pour chacun des dossiers soit au total six (6) unités.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT