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06/08/2012 | FRANCE | N°10/00698

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre civile, 06 août 2012, 10/00698


COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 06 Août 2012

Chambre Civile

Numéro R. G. :
10/ 00698

Décision déférée à la cour :
rendue le : 04 Octobre 2010
par le : Tribunal de première instance de NOUMEA

Saisine de la cour : 03 Décembre 2010

PARTIES DEVANT LA COUR

APPELANTS

LA SOCIETE DE TRAVAUX DE TERRASSEMENT, dite A. R. F, prise en la personne de son représentant légal
7 rue de la Monique-Magenta Ouémo-BP. 559-98845 NOUMEA CEDEX

La Compagnie d'Assurances GAN OUTRE MER IARD, prise en la personne de son r

eprésentant légal
demeurant 8-10 rue d'Astorg-75008 PARIS

représentées par la SELARL DUMONS et ASSOCIES

INTIMÉS

M. Fabri...

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 06 Août 2012

Chambre Civile

Numéro R. G. :
10/ 00698

Décision déférée à la cour :
rendue le : 04 Octobre 2010
par le : Tribunal de première instance de NOUMEA

Saisine de la cour : 03 Décembre 2010

PARTIES DEVANT LA COUR

APPELANTS

LA SOCIETE DE TRAVAUX DE TERRASSEMENT, dite A. R. F, prise en la personne de son représentant légal
7 rue de la Monique-Magenta Ouémo-BP. 559-98845 NOUMEA CEDEX

La Compagnie d'Assurances GAN OUTRE MER IARD, prise en la personne de son représentant légal
demeurant 8-10 rue d'Astorg-75008 PARIS

représentées par la SELARL DUMONS et ASSOCIES

INTIMÉS

M. Fabrice X...
né le 07 Décembre 1965 à LILLE (59000)
demeurant...

Mme Séverine Y...
demeurant...

Tous deux représentés par la SELARL K...-Y...

AUTRES INTERVENANTS

M. Thierry Z...
né le 25 Octobre 1956 à DRAGUIGNAN (83300)
demeurant...

représenté par la SELARL BERQUET

Mme Yveline A...
née le 28 Mai 1955 à MONTAUBAN DE BRETAGNE
demeurant...

représenté par la SELARL BERQUET

Le Syndicat de Copropriétaires du lot no 30 du lotissement " LES FLAMBOYANTS ", prise en la personne de son représentant légal
demeurant 12 bis, rue du Docteur Edmond Caillard-98800 NOUMEA

représenté par la SELARL CABINET D'AFFAIRES CALEDONIEN

M. Jean-Louis B... né le 19 mars 1959 à Nouméa

Mme Laurence C... née le 29 juillet 1965 à Marseille (13)

Tous deux demeurant à Nouméa,...

Tous deux représentés par de Me Caroline DEBRUYNE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 Juillet 2012, en audience publique, devant la cour composée de :

Bertrand DAROLLE, Président de Chambre, président,
Christian MESIERE, Conseiller,
François BILLON, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Bertrand DAROLLE, Président de Chambre, ayant présenté son rapport.

Greffier lors des débats : Mikaela NIUMELE

ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par Bertrand DAROLLE, président, et par Cécile KNOCKAERT, adjointe administrative principale faisant fonction de greffier en application de l'article R123-14 du code de l'organisation judiciaire, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

Philippe D..., propriétaire d'un terrain constituant le lot no30 du lotissement " les Flamboyants ", Vallée des Colons à Nouméa, surplombant les lots no60 du lotissement Merano sur lesquels un mur de soutènement avait été édifié, faisait établir un constat d'huissier le 9 avril 1996, avant de procéder au terrassement de son terrain, sur lequel deux villas devaient être construites.

L'huissier de justice constatait que ce mur présentait plusieurs fissures et « gonflait sérieusement vers le lot en aval ».

Dans un rapport daté du 11 juin 1996 l'ingénieur I..., mandaté par M. E... propriétaire du lot no60 sur lequel était édifié le mur de soutènement, relevait :
- « d'importantes fissures sur les deux premiers tronçons les plus hauts (de ce mur) » ;
- que « le mur est incliné à l'intérieur de la propriété de M. H.... Le faux aplomb a été mesuré, il est de 8 cm à l'extrémité du premier tronçon pour une hauteur de mur de 1, 76 m » ;
- que « l'inclinaison du mur n'est pas récente, les fissures également datent de plusieurs années. Le risque d'effondrement ne serait pas à craindre s'il n'existait pas un chantier de terrassement en amont. Jusqu'à ce jour, le mur de soutènement avait résisté au poids du terrain naturel, situé à l'arrière et dont la hauteur, proche de celle du mur, se trouvait à moins de 20 cm environ. Depuis quelques semaines, une surcharge importante de remblai, a été apportée à l'arrière. Cette surcharge met en péril la bonne tenue de l'ouvrage. La surcharge sera encore plus importante lorsque la construction projetée sera terminée ».

Par acte notarié du 23 juin 1997, et en vue de la vente par lots de l'ensemble immobilier, il était établi un état descriptif de division et un règlement de copropriété de cet ensemble, divisé en deux lots.
Le lot no2 comprend : la partie privative de la construction à usage d'habitation, dénommée villa B ; la jouissance, à titre privatif, d'une parcelle de terrain entourant la villa délimitée sur le plan parcellaire annexé à l'acte ; les 583/ 1000 èmes de la propriété du sol et des parties communes générales de l'ensemble immobilier.

Le même jour Philippe D... vendait ce lot no 2 aux époux Jean-Louis et Laurence B....

Ceux-ci faisaient établir un devis le 29 septembre 1998 par la société ARF pour, notamment, des travaux de terrassement, et la réalisation d'un mur en bétoflore en amont du mur en béton construit sur la propriété de M. E.... Ces travaux étaient facturés en décembre 1998.

Le 16 octobre 1998 celui-ci vendait sa propriété à Thierry Z... et Yveline A.....

Par acte authentique en date du 9 juin 2005 les époux B... vendaient le lot no2 de la copropriété formant le lot no30 du lotissement Flamboyant à Fabrice X... et Séverine Y.....

À la demande des nouveaux propriétaires un constat d'huissier était établi le 11 avril 2007 dans la mesure où des désordres affectaient le mur de soutènement érigé sur la propriété située en aval.

En août 2007 Thierry Z... demandait au cabinet d'ingénierie ING'EX d'établir un rapport sur l'état des lieux. Le technicien Jean-Daniel F... préconisait d'effectuer
« très rapidement :

- démolition de la longrine en tête de confortement Betonflor sur la propriété X.../ Y... ;
- démolition d'une partie de la dalle de terrasse sur la propriété X.../ Y... ;
- démolition du mur de Betonflor sur la propriété X.../ Y... ;
- décaissement du remblai de la propriété X.../ Y..., en appui sur le mur de clôture appartenant à M. Thierry Z..., sur toute la longueur du dit mur de clôture sur une profondeur de 2, 50 m avec talutage aux normes, avec mise en sécurité du site (page 4) ».

Par ordonnance en date du 31 octobre 2007 le juge des référés du tribunal de première instance de Nouméa désignait François G... en qualité d'expert afin de décrire le mur litigieux, vérifier les désordres l'affectant, en rechercher les causes et préconiser les remèdes à apporter.

L'expert établissait son rapport le 10 juin 2008. Dans ses conclusions, il indiquait, notamment : « le mur présente une forte fissuration et des déformations tant dans le plan horizontal que dans le plan vertical. La dalle située entre le mur de soutènement et la maison des consorts Z.../ A..., mise en pression par les mouvements du mur, est déstructurée et devra être refaite.

Nous avons établi les causes d'origine des désordres. Elle réside dans la surcharge appliquée à l'ouvrage par le remblai mis en oeuvre à l'arrière et surtout par la réalisation d'un mur en Betoflore dont la fondation s'appuie sur le mur des consorts Z.../ A.....
Les époux B... C..., précédents propriétaires de la maison vendue aux consorts X.../ Y... ont fait construire le mur de soutènement en Betoflore et fait ajouter une importante charge de remblai pour augmenter la surface de leur pelouse. Or, le mur de soutènement des consorts Z.../ A... n'était pas conçu pour une telle surcharge, parce qu'il avait été construit bien avant la construction même de la maison, actuelle propriété des consorts X.../ Y....
Nous avons préconisé les remèdes à apporter. Il s'agit de démolir le mur en Betoflore, de terrasser le remblai, de reconstruire le mur de soutènement et les ouvrages annexes (dalle et caniveau) des consorts Z.../ A... et de reconstruire le mur en bétoflore. Nous avons estimé la durée d'exécution de ces travaux à trois mois après ordre de service et estimé le coût de l'opération à 3   500   000 fr. ».

* * *

Par jugement en date du 4 octobre 2010, auquel il est renvoyé, le tribunal de première instance de Nouméa a :

- visé les articles 1147, 544 du Code civil et le rapport d'expertise ;
- homologué le rapport d'expertise déposé par François G... le 10 juin 2008 ;
- déclaré opposable le rapport d'expertise à la société de travaux de terrassement ARF ;
- constaté que Thierry Z... et Yveline A... souffrent d'un trouble anormal de voisinage dans la jouissance du mur séparatif de l'immeuble, de la dalle et du caniveau le longeant avec l'immeuble propriété du syndicat des copropriétaires du lot 30 du lotissement les Flamboyants ;
- déclaré le syndicat des copropriétaires du lot 30 du lotissement les Flamboyants entièrement responsable de ce trouble de jouissance et de l'entier préjudice qui s'en déduit en application du principe que nul ne doit causer de trouble anormal de voisinage ;
- rejeté la demande de mise en oeuvre de la responsabilité de Jean-Louis B... et Laurence C... alors qu'elle est recherchée sur le fondement de la responsabilité d'éviction entre vendeurs et acquéreurs et que le syndicat des copropriétaires au titre de la responsabilité contractuelle pour l'exécution du règlement de copropriété ne démontre pas le lien de causalité entre l'absence d'autorisation de l'assemblée générale et les désordres constatés ;
- déclaré le syndicat des copropriétaires subrogé dans les droits et obligations de Jean-Louis B... et Laurence C... envers la société de travaux de terrassement ARF en raison du caractère commun de l'ouvrage réalisé qui a accédé aux parties communes dont il est propriétaire ;
- constaté que la société de travaux de terrassement ARF a commis des inexécutions contractuelles en réalisant l'ouvrage demandé propriété du syndicat sans émettre de réserve sur les effets possibles sur la stabilité du mur séparatif et sa capacité à supporter l'aggravation de la charge adossée sur celui-ci après la restructuration de la terrasse partie commune et l'édification du mur en béton flore ;
- déclaré entièrement responsable la société de travaux de terrassement ARF des désordres affectant le mur séparatif, la dalle et le caniveau propriété de Thierry Z... et Yveline A... ;
- condamné solidairement le syndicat des copropriétaires du lot 30 du lotissement les Flamboyants et la société de travaux de terrassement ARF à démolir le mur en béton flore, terrasser les remblais, démolir le mur de soutènement, la dalle et le caniveau, reconstruire le mur de soutènement et les ouvrages annexes caniveau et dalle puis reconstruire le mur béton flore dans un délai de six mois à compter de la signification du jugement ;
- condamné la société de travaux de terrassement ARF à garantir le syndicat des copropriétaires du lot 30 du lotissement les Flamboyants de la condamnation à démolir le mur en béton flore, terrasser les remblais, démolir le mur de soutènement, la dalle et le caniveau, reconstruire le mur de soutènement et les ouvrages annexes caniveau et dalle puis reconstruire le mur béton flore dans un délai de six mois à compter de la signification du jugement ;
- dit que la société GAN assurances outre-mer Iard garantira la société de travaux de terrassement ARF de cette condamnation envers le syndicat des copropriétaires du lot 30 du lotissement les Flamboyants et Thierry Z... et Yveline A... ;
- condamné la société de travaux de terrassement ARF et la compagnie GAN assurances Outre-mer Iard solidairement à payer 250   000 fr. Cfp à Thierry Z... et Yveline A... en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance en ce compris ceux nés du rapport d'expertise judiciaire ;
- rejeté toute autre demande.

PROCEDURE D'APPEL

Par requête enregistrée le 3 décembre 2010 au greffe de la cour, la société de travaux de terrassement ARF et la compagnie d'assurances GAN Outre-mer Iard ont interjeté appel de ce jugement, signifié le 5 novembre 2010.

Aux termes de leur mémoire ampliatif d'appel du 22 janvier 2011, elles demandent à la cour :

- d'infirmer le jugement déféré ;
- de juger que le rapport d'expertise judiciaire est inopposable à la société ARF ;
- à titre principal, de juger qu'en l'absence de tout lien contractuel entre la société ARF et le syndicat des copropriétaires, la responsabilité de ladite société ne peut être retenue ;
- à titre subsidiaire, de constater que le mur litigieux souffrait de divers désordres bien avant l'intervention de la société appelante et que la responsabilité de la société ARF, du fait de l'absence de lien de causalité, ne saurait être retenue ;
- de juger que l'exécution du jugement entrepris provoquerait un enrichissement sans cause des consorts Z.../ A... ;
- en tout état de cause, de condamner solidairement les défendeurs à payer à la société ARF la somme de 250   000 fr. Cfp au visa de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie, en sus des entiers dépens, dont distraction au profit de la Selarl Dumons et associés.

Le 18 octobre 2011 les sociétés appelantes ont versé aux débats un rapport établi le 17 août 2011, à leur demande, par le technicien J... (cabinet EXCAL) qui critique les conclusions de l'expert judiciaire en ce qu'elles « omettent des responsabilités graduelles des divers intervenants pour ne charger que le dernier », en soulignant :

- que le mur de soutènement était fissuré et présentait « de nombreux désordres bien qu'aucune intervention humaine n'ait été réalisée sur le fonds supérieur » ;
- que « M. D... malgré le constat qu'il avait lui-même commandé, décide de terrasser et surcharge un mur défaillant. Il construit un ensemble immobilier de deux appartements. Un des copropriétaires décide d'étendre l'emprise de son jardin et fait mettre en oeuvre un mur bétoflore. L'état du mur a empiré sous l'effet du poids cumulé et de l'absence supposée de drainage que l'expert G... aurait dû contrôler par sondage, le mur menace de s'écrouler » (page 6).

Dans des conclusions récapitulatives déposées le 3 avril 2012, les appelantes ajoutent qu'une nouvelle expertise judiciaire pourrait, à titre subsidiaire, être ordonnée, et, à titre infiniment subsidiaire, qu'il conviendrait de limiter la participation de la société ARF à 1/ 5e du coût des travaux.
Au soutien de leur recours, elles font valoir, pour l'essentiel :

- que dès le pré-rapport d'expertise judiciaire, la responsabilité de la société ARF était évoquée, de sorte qu'il appartenait aux parties de l'appeler en la cause et qu'à défaut l'expertise judiciaire lui est inopposable ;
- que le rapport d'expertise judiciaire encourt de nombreuses critiques en ce qu'il ne fournit que peu d'informations sur le mur litigieux, présenté comme un mur de soutènement alors qu'il est dépourvu d'ouvrage de drainage, qu'aucun élément ne permet d'affirmer qu'il était dimensionné pour soutenir les terres existantes lors de sa construction, que l'expert néglige les conclusions du technicien I..., et qu'il se trompe en invoquant la réalisation d'une clôture et d'une dalle en béton qui n'ont rien à voir avec les désordres invoqués ;
- que leurs critiques techniques sont confortées par un rapport d'expertise amiable réalisé par le cabinet EXCAL le 17 août 2011 ;
- que le syndicat des copropriétaires ne peut rechercher sa responsabilité contractuelle ;
- que si, par exceptionnel, la réalisation du mur en béton flore devait être retenue comme fautive, il ne pourrait s'agir que d'une cause des désordres parmi d'autres et que l'intervention de la société ARF n'a pas concouru aux dommages dont la réparation est demandée.

Dans des conclusions déposées le 4 mai 2011, qui seront reprises dans ses conclusions récapitulatives du 16 mai 2012, le syndicat des copropriétaires du lot numéro 30 du lotissement les Flamboyants (ci après dénommé le syndicat) demande à la cour :

- de débouter la société ARF et le GAN Outre-mer Iard de leurs demandes ;
- de constater que le mur de soutènement des époux Z... présentait un état de délabrement avancé antérieur à l'édification des ouvrages litigieux et qu'ils conserveront à leur charge le coût de destruction et de reconstruction de leur propre mur de soutènement ;
- de constater que les époux B... n'ont pas sollicité de permis de construire ni
l'autorisation du syndicat pour édifier les ouvrages litigieux (mur en bétoflore), et que la société ARF n'a pas respecté les règles de l'art en édifiant ses ouvrages pour le compte des époux B..., lui causant ainsi un dommage ;
- de condamner la société ARF, sous la garantie de GAN Outre mer Iard à le relever et garantir des condamnations à intervenir au profit des époux Z... ;
- de condamner les consorts B.../ C... à lui payer la somme de 500   000 fr. à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice de jouissance durant et après les travaux ;
- de lui allouer la somme de 367   500 fr. Cfp au titre de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie.

Dans ces écritures, le syndicat souligne :

- qu'il est en droit d'agir à l'encontre de la société ARF sur le fondement de l'article 1792 du Code civil, et subsidiairement sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;
- que les consorts B.../ C... ont engagé leur responsabilité à son encontre en omettant de réaliser les travaux conformément aux règles d'urbanisme, ce qui les aurait contraints de produire une autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires et de réaliser un ouvrage conforme aux règles de l'art ;
- qu'ils ne pouvaient entreprendre des travaux sur les parties communes sans autorisation de la copropriété et qu'il existe un lien de causalité entre le non respect du règlement de copropriété et le préjudice qu'il subit ;
- que les travaux de reprise des désordres lui causeront des dommages justifiant leur demande d'indemnisation ;
- que les demandes formulées devant la cour étaient implicitement comprises dans celles développées devant le premier juge, puisqu'elles tendaient à dire que les seuls responsables étaient les consorts B.../ C... sur le fondement du non-respect du règlement de copropriété ;
- que son action dirigée à leur encontre n'est pas prescrite.

Par ordonnance en date du 10 novembre 2011, le magistrat chargé de la mise en état a, notamment, constaté que la demande des sociétés GAN Outre-Mer et ARF tendant à voir désigner un nouvel expert, excédait sa compétence, et la rejetait, soulignant qu'il appartenait aux juges du fond de trancher la question de l'opposabilité de l'expertise judiciaire à ces sociétés.

Aux termes de leurs conclusions récapitulatives déposées le 28 novembre 2011, Jean-Louis B... et Laurence C... soutiennent :

- qu'ils sont bien fondés à soulever in limine litis l'exception d'irrecevabilité des prétentions nouvelles formulées pour la première fois en cause d'appel par le syndicat des copropriétaires à la rencontre ;
- que, subsidiairement, l'action en responsabilité contractuelle du syndicat est prescrite ;
- qu'il convient, en tout état de cause de confirmer le jugement déféré qui a prononcé leur mise hors de cause, et de rejeter la demande de mise en oeuvre de leur responsabilité ;
- qu'ils sont bien fondés à obtenir paiement de la somme de 150   000 fr. Cfp chacun au titre des frais irrépétibles.

Ils font valoir, pour l'essentiel :

- que le premier juge ayant écarté la garantie d'éviction des vendeurs, le syndicat des copropriétaires invoque un prétendu manquement de leur part au règlement de copropriété, et pour la première fois aux termes de ses écritures du 4 mai 2011, demande à être relevé et garanti par eux de toute condamnation a des dommages et intérêts, ce qui constitue une demande nouvelle non recevable en cause d'appel ;
- que le syndicat pouvait en effet rechercher leur responsabilité contractuelle en première instance, alors que le mur en bétoflore est un ouvrage apparent dont il avait parfaitement connaissance, et qu'il a assisté à son édification sans jamais demander la suspension des travaux ni sa démolition ;
- que, subsidiairement, le mur en bétoflore a été édifié en 1998 et que l'action du syndicat, résultant de ses conclusions d'appel incident du 4 mai 2011, est prescrite ;
- que, plus subsidiairement, le syndicat ne démontre nullement le lien de causalité entre leur prétendue faute contractuelle (non respect du règlement de copropriété) et la ruine du mur séparatif ;
- que l'action des consorts X.../ Y... dirigée à leur encontre ne peut être fondée sur la garantie d'éviction du vendeur alors qu'ils ne sont pas propriétaires des parties communes réaménagées et que les désordres allégués trouvent leur origine dans ces parties communes de la copropriété du lotissement no30.

Thierry Z... et Yveline A..., dans leurs dernières conclusions du 25 avril 2012, demandent à la cour :

- de confirmer le jugement déféré ;
- si le jugement déféré devait être réformé en ce qui concerne la condamnation de la société ARF à garantir le syndicat des copropriétaires, et en ce que la société GAN assurances garantisse son assurée, de condamner le syndicat, sous astreinte, à procéder aux travaux énumérés dans le dispositif du jugement ;
- en toutes hypothèses, de débouter les autres parties de toutes leurs demandes ;
- formant appel incident, de condamner le syndicat à leur payer la somme d'un million de francs cfp à titre de dommages-intérêts ;
- de leur allouer la somme de 300   000 fr. Cfp au titre des frais irrépétibles tant de première instance que d'appel.

Ils soutiennent, pour l'essentiel :

- que leur mur n'aurait subi aucun dommage sans l'intervention fautive de leurs voisins ;
- qu'il convient d'homologuer le rapport de l'expert G... et les mesures qu'il préconise, étant souligné l'urgence à entreprendre les travaux.

Dans leurs conclusions récapitulatives déposées le 16 mai 2012, Fabrice X... et Séverine Y... réclament :
- la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il les a déboutés de leur demande tendant à voir laisser à la charge des époux Z... partie du coût de reprise des désordres et de celle visant à voir condamner leurs vendeurs à les indemniser des préjudices résultant de leur fait ;
- que Thierry Z... et Yveline A... soient déboutés de leurs demandes dirigées à leur encontre et qu'il soit constaté qu'ils ne peuvent déplorer qu'une aggravation de l'état antérieur de leur mur de soutènement, de sorte qu'ils doivent conserver à leur charge partie du coût de réfection de ce mur et de la dalle ;
- que la société ARF, sous la garantie de son assureur, soit condamnée à refaire le mur séparatif donnant sur la servitude d'accès de la copropriété et à procéder à la réfection des ouvrages et des plantations leur appartenant, ainsi qu'au paiement des sommes suivantes :

200   000 fr. Cfp au titre du préjudice de jouissance temporaire pour le temps des travaux ;
100   000 fr. Cfp en réparation d'un préjudice moral ;
280   000 fr. Cfp au titre du préjudice de jouissance définitif en cas de perte d'une partie du terrain rendue nécessaire par la solution préconisée par l'expert judiciaire et tous autres intervenants dans l'exécution de l'arrêt à intervenir,
- subsidiairement, que les consorts B.../ C... soient condamnés à refaire le mur séparatif donnant sur la servitude d'accès de la copropriété et à procéder à la réfection des ouvrages et plantations leur appartenant, ainsi qu'au paiement de la somme de 200   000 fr. Cfp au titre du préjudice de jouissance durant les travaux, et de celle de 280   000 fr. Cfp au titre de la perte de jouissance définitive d'une partie de leur terrain ;
- paiement de la somme de 367   500 fr. Cfp au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils exposent, pour l'essentiel :

- que la responsabilité de la société ARF n'a été affirmée par l'expert judiciaire que dans son rapport définitif, de sorte qu'ils ne pouvaient l'appeler aux opérations d'expertise ;
- que l'expertise judiciaire démontre que la société ARF n'a pas édifié les ouvrages dans les règles de l'art et a manqué à son obligation de conseil ;
- qu'il est établi que le mur de soutènement en cause était déjà délabré et que les travaux entrepris par la société ARF n'ont fait qu'aggraver des désordres préexistants, de sorte que les époux Z... doivent supporter la charge de la moitié du coût des travaux de reprise de ce mur, de la dalle et du caniveau ;
- que l'expert judiciaire, s'il préconise la destruction de deux murs, n'a pas déterminé les modalités de leur reconstruction, alors la question se pose de savoir si techniquement un seul mur de soutènement peut être édifié ;
- que le technicien Luc H..., dans un rapport du 30 juin 2011, préconise l'édification d'un seul mur de soutènement et souligne qu'en tout état de cause, les travaux de destruction et de reconstruction, qu'on édifie un seul ou deux murs, entraîneront la destruction du mur de séparation situé entre les deux lots de la copropriété, de sorte que la société ARF, sous la garantie de son assureur, doit être condamnée à remettre en l'état antérieur leur parcelle privative, notamment en reconstruisant le mur séparatif donnant sur la servitude d'accès et en remettant en état leur jardin, ce qui justifie leurs demandes en paiement de dommages-intérêts ;
- que les consorts B.../ C... doivent être condamnés à les indemniser des préjudices résultant de leur fait personnel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 juin 2012.

SUR QUOI, LA COUR :

Sur l'opposabilité à la société ARF de l'expertise judiciaire :

Il est de principe que le juge peut, pour asseoir sa conviction, se référer à une expertise à laquelle une partie n'a été ni présente ni représentée, à la condition que les données de cette expertise soient corroborées par d'autres éléments dont la nature et la valeur sont précisées.

En l'espèce, l'expertise judiciaire en cause est corroborée par le constat d'huissier du 9 avril 1996 et par les rapports, susvisés, établis par les techniciens I..., F..., J... et H... qui ont analysé les désordres en cause et préconisé des solutions pour y remédier, étant souligné la concordance, pour l'essentiel, des conclusions des techniciens I..., F... avec celles de l'expert judiciaire.

La société ARF, qui a eu connaissance de ces pièces et qui a pu discuter l'expertise judiciaire, n'est pas fondée à voir juger que cette expertise lui est inopposable.

Sur les responsabilités quant au risque d'effondrement du mur appartenant aux époux Z... :

Il est établi, et non discuté, que le mur appartenant aux époux Z... a subi des dégradations du fait de la réalisation d'un remblai et d'un mur en bétoflore sur la propriété voisine située en surplomb constituant le lot no2 de la copropriété du lot 30 du lotissement « les Flamboyants ».

C'est par de justes motifs que le premier juge a retenu que le syndicat de cette copropriété était responsable des troubles anormaux de voisinage ainsi causés aux époux Z....

Il n'est pas démontré que le mur appartenant aux époux Z..., qui était fissuré et dans l'état décrit ci-avant dans le constat d'huissier du 9 avril 1996 et dans le rapport I... du 11 juin 1996, aurait nécessairement présenté un état d'aggravation tel que décrit par l'expert judiciaire si le remblai et le mur en bétoflore édifiés par leurs voisins n'avaient pas été réalisés.
Au contraire, l'ingénieur I... a souligné, outre l'ancienneté des fissures qui affectaient le mur qu'il décrivait, que « le risque d'effondrement ne serait pas à craindre s'il n'existait pas un chantier de terrassement en amont ».

Il n'est donc pas établi que les propriétaires de ce mur aient commis, par négligence ou défaut d'entretien, des fautes qui soient à l'origine, même partiellement, des dommages et des préjudices qu'ils subissent.

Les demandes tendant à un partage de responsabilité ne sont donc pas fondées, et le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a déclaré le syndicat entièrement responsable des préjudices subis par les époux Z....

Sur la responsabilité de la société ARF :

Le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors qu'il lui a causé un dommage.

La société ARF, qui ne pouvait ignorer l'état de fragilité du mur préexistant sur la propriété voisine, a omis de mettre en garde ses clients-les époux B... sur les risques que faisaient courir le remblai et le mur en bétoflore à ce mur. Elle a également manqué aux règles de l'art en réalisant ce remblai, qui exerçait une importante poussée sur le mur voisin, et en construisant le mur en bétoflore sans en descendre les fondations plus bas et plus éloignées du mur préexistant pour ne pas exercer de pressions sur lui.

Elle est responsable de plein droit, comme auteur des travaux à l'origine des dommages, des troubles excédant les inconvénients normaux de voisinage constatés dans le fonds voisin.

Ses fautes ont directement causé un préjudice au syndicat, que la société ARF doit donc garantir.

Sur les demandes dirigées contre les époux B... :

En première instance le syndicat, qui soutenait que les époux B... n'avaient pas sollicité son autorisation pour faire entreprendre les travaux litigieux, n'avait réclamé aucune condamnation à leur encontre, hormis le paiement de frais irrépétibles.

Ceux-ci sont donc bien fondés à voir juger irrecevables les nouvelles prétentions du syndicat tendant à les voir condamnés au paiement de dommages et intérêts en cause d'appel

Sur les demandes des consorts X.../ Y... :

Les préjudices futurs dont les consorts X.../ Y... réclament réparation ne sont pas caractérisés ni évaluables en l'état de la procédure, et ne peuvent être actuellement indemnisés.

Il en est de même de la demande subsidiaire dirigée contre les époux B....

Sur les réparations des préjudices :

Les conclusions techniques de l'expert judiciaire sont sérieusement argumentées et sont suffisantes pour trancher le litige.

Le rapport de Luc H... de juin 2011 ne conclut pas à l'impossibilité technique de mettre en oeuvre les travaux de reprise prévus par l'expert judiciaire.

Sauf meilleur accord des parties pour la réalisation d'un seul mur de soutènement, le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions reprenant les travaux préconisés par cet expert.

Les troubles anormaux de voisinage causés par le syndicat aux époux Z... ont entraîné pour eux des troubles de jouissance que la cour est en mesure d'évaluer à la somme de 200   000 fr. Cfp, et dont il devra réparation.

Ces travaux et cette indemnisation réparent l'entier préjudice subi par les époux Z... sans enrichissement indu.

Sur les autres demandes :

Il est équitable d'allouer aux époux B... la somme de 150 000 fr cfp réclamée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie, et aux époux Z... celle de 200 000 fr cfp sollicitée sur le même fondement en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare irrecevable la demande nouvelle de condamnation des époux B... formée en appel par le syndicat des copropriétaires du lot no30 du lotissement " Les Flamboyants " ;

Confirme le jugement rendu le 4 octobre 2010 par le tribunal de première instance de Nouméa sauf en ce qu'il a déclaré le syndicat des copropriétaires subrogé dans les droits et obligations des époux B... envers la société ARF, et dit que les travaux ordonnés devaient être exécutés dans les 6 mois de sa notification,

Statuant à nouveau de ces chefs,

Dit et juge que la société ARF doit garantir le syndicat des copropriétaires du lot no30 du lotissement " Les Flamboyants " des condamnations prononcées à son encontre sur le fondement de la responsabilité quasi délictuelle,

Dit et juge que les travaux ordonnés devront être réalisés dans les 6 mois de la notification de la présente décision ;

Y ajoutant,

Déboute Fabrice X... et Séverine Y... de leur demande d'indemnisation de préjudices futurs non actuellement évaluables,

Condamne le syndicat des copropriétaires du lot no30 du lotissement " Les Flamboyants " à payer aux époux Z... la somme de deux cent mille (200 000) frcp en réparation des troubles de jouissance subis,

Condamne in solidum la société ARF et le syndicat des copropriétaires du lot no30 du lotissement " Les Flamboyants " à payer la somme de cent cinquante mille 150 000 fr cfp aux époux B... et celle de deux cent mille (200 000) frcp aux époux Z... au titre des frais non compris dans les dépens exposés en cause d'appel,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne in solidum la société ARF et le syndicat des copropriétaires susvisé aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Me Caroline DEBRUYNE, avocate, sur ses offres de droit.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 10/00698
Date de la décision : 06/08/2012
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.noumea;arret;2012-08-06;10.00698 ?
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