La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/10/2008 | FRANCE | N°83

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Ct0268, 15 octobre 2008, 83


COUR D'APPEL DE NOUMÉA
Arrêt du 15 Octobre 2008

Chambre Sociale

Numéro RG : 07 / 131

Décision déférée à la Cour : rendue le 23 Mars 2007 par le Tribunal du travail de NOUMEA

Saisine de la Cour : 03 Avril 2007
PARTIES DEVANT LA COUR
APPELANT
LA SOCIETE GENERALE CALEDONIENNE DE BANQUE siège social 56 Avenue de la Victoire-BP. G2-98848 NOUMEA CEDEX

représentée par la SELARL JURISCAL, avocats

INTIMÉ

M. Loic X... né le 02 Janvier 1969 à PARIS demeurant ...

représenté par la SELARL DUMONS et ASSOCIES, avo

cats

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 Septembre 2008, en audience publique, devant la cour compo...

COUR D'APPEL DE NOUMÉA
Arrêt du 15 Octobre 2008

Chambre Sociale

Numéro RG : 07 / 131

Décision déférée à la Cour : rendue le 23 Mars 2007 par le Tribunal du travail de NOUMEA

Saisine de la Cour : 03 Avril 2007
PARTIES DEVANT LA COUR
APPELANT
LA SOCIETE GENERALE CALEDONIENNE DE BANQUE siège social 56 Avenue de la Victoire-BP. G2-98848 NOUMEA CEDEX

représentée par la SELARL JURISCAL, avocats

INTIMÉ

M. Loic X... né le 02 Janvier 1969 à PARIS demeurant ...

représenté par la SELARL DUMONS et ASSOCIES, avocats

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 Septembre 2008, en audience publique, devant la cour composée de :
Michelle FONTAINE, Président de Chambre, Président, Jean-Michel STOLTZ, Conseiller, Christian MESIERE, Conseiller, qui en ont délibéré, Michelle FONTAINE, Président de Chambre, ayant présenté son rapport.

Greffier lors des débats : Cécile KNOCKAERT

ARRÊT :- contradictoire,- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du Code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,- signé par Michelle FONTAINE, président, et par Cécile KNOCKAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE
Par requête déposée le 9 mai 2006, Loïc X..., employé depuis le 14 février 1994 par la SOCIETE GENERALE CALEDONIENNE DE BANQUE a saisi le tribunal du travail de Nouméa aux fins de se voir restituer 10 points personnels que l'employeur lui a retirés à plusieurs reprises de façon fautive depuis janvier 2002, et obtenir condamnation de ce dernier à lui verser la somme de 310 114 FCFP à titre de rappel de salaire, outre 31 000 FCFP de dommages et intérêts, avec intérêts capitalisés et exécution provisoire.
Il sollicitait en outre la régularisation de sa situation auprès des organismes sociaux et une indemnité de procédure.
Par jugement du 23 mars 2007, auquel il est référé pour l'exposé plus ample des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, le tribunal a, notamment :
- déclaré la demande recevable,
- dit que Loïc X... peut prétendre à l'attribution de 5 points personnels supplémentaires majorant son salaire à compter du 1er juin 2002, et de 5 points supplémentaires à compter du 1er janvier 2003,
- condamné la banque à lui payer les sommes suivantes :
* rappel de salaire de juin 2001 à avril 2006 : 310 114 FCFP avec intérêts au taux légal à compter de la requête,
* frais irrépétibles : 3 500 FCFP,
- ordonné la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,
- dit que la SOCIETE GENERALE CALEDONIENNE DE BANQUE devra régulariser la situation de Loïc X... auprès des organismes sociaux,
- débouté les parties de leurs autres demandes.

DECLARATION D'APPEL

Par requête déposée le 3 avril 2007, la SOCIETE GENERALE CALEDONIENNE DE BANQUE a régulièrement interjeté appel de cette décision, notifiée le 30 mars 2007.
Dans son mémoire ampliatif déposé le 3 juillet 2007, la SOCIETE GENERALE CALEDONIENNE DE BANQUE demande à la cour, par infirmation du jugement, à titre principal et à titre subsidiaire, de :
- déclarer irrecevables comme prescrites les demandes portant sur les rappels de salaire afférents à des points personnels transformés en coefficient avant le 11 mai 2001,
- déclarer régulière cette transformation lors du passage à un coefficient supérieur,
- constater que le salarié ne justifie pas du préjudice allégué, et le débouter de toutes ses demandes,
- dire que le rappel de salaire doit être limité à 5 points personnels à compter du 1er janvier 2002,
- débouter le salarié de ses demandes plus amples,
En toute hypothèse,
- condamner l'intimé à lui payer une indemnité de procédure de 30 000 FCFP.
La banque met en avant tout d'abord son souhait de respecter les règles de droit et indique qu'elle ne soutient pas l'argument de l'usage.
L'appelante invoque, non le retrait des points personnels mais leur transformation et leur intégration en tout ou partie dans les points de base lors du passage à un coefficient de base supérieur, opération qu'elle estime conforme à l'article 22 de la convention collective, et à condition que soit respectée l'augmentation du nombre total de ses points.
Elle estime que l'article 22 de la convention collective applicable au personnel des banques de Nouvelle-Calédonie, identique sur ce point à celle de métropole, autorise la modification des points personnels, en cas de passage à une catégorie supérieure.
Elle soutient que si les qualités professionnelles ont justifié l'attribution des points personnels du salarié avant son avancement, ces points personnels n'ont plus de raison d'être, à tout le moins en leur intégralité, après la promotion qui le récompense pour ces mêmes qualités.
La banque observe que cette transformation de points a toujours généré une augmentation de salaire, favorable aux salariés.
La banque précise que la transformation des points est la conséquence, pour 5 points du 1er janvier 2002, d'un changement de coefficient intermédiaire et, pour les 5 points du 1er janvier 2003, d'un changement de coefficient lié au passage de la catégorie employé à celle de gradé, ce qui a permis de transformer tous les points personnels qu'il avait pu obtenir dans la catégorie employé.
Elle insiste sur la seule application de la prescription de cinq ans, prévue à l'article 2277 du code civil, qui court à compter de la date d'exigibilité du salaire ou de son accessoire, de telle sorte qu'elle est acquise au fur et à mesure de l'échéance des salaires, et même de la date d'exigibilité de chacune des fractions de la somme réclamée.
Elle estime que chaque transformation de points personnels en coefficient a eu pour conséquence de générer un droit à contestation pour le salarié durant cinq années à compter de la survenance de l'événement, et qu'en l'espèce, l'action est prescrite, le dernier changement de coefficient étant intervenu antérieurement à la date à laquelle la prescription était acquise.
Elle conteste une quelconque fraude aux droits du salarié.
Par conclusions déposées le 28 janvier 2008, la banque maintient sa fin de non-recevoir et ses moyens sur le fond.
Elle soutient que la modification des points personnels intervenue entre le 1er janvier 1978 et le 1er janvier 2000 est prescrite, que toutefois, dans l'hypothèse où la cour estimerait que les points personnels ne peuvent être modifiés même en cas de changement de classification, seule la somme de 350 230 FCFP serait due, pour la modification de 10 points personnels intervenue le 1er janvier 2002.
Par écritures déposées le 14 avril 2008, la banque développe son argumentation quant au caractère salarial des demandes du salarié concernant les points personnels, qui constituent un élément de salaire, ce qui doit entraîner l'application de la prescription de cinq ans, qui éteint définitivement la créance du salarié, et elle invoque divers arrêts de la cour de cassation à cet égard.
Elle ajoute qu'une prétendue méconnaissance par l'intimé de ses droits ne constitue ni une cause de suspension, ni une cause d'interruption du délai de prescription, et invoque à cet égard un arrêt de la cour de cassation du 30 janvier 2008.
Elle conteste le vice du consentement allégué par le salarié dans ses écritures.
Elle observe que la responsabilité contractuelle alléguée par l'intimé est inopérante au regard de la prescription de cinq ans prévue à l'article 2277 du code civil qui s'applique aux créances salariales.
Par écritures déposées le 27 septembre 2007, comportant appel incident, sur les dommages et intérêts complémentaires, et augmentation des demandes relatives au rappel de salaire, conclusions additionnelles déposées le 3 mars 2008, et 29 mai 2008, Loïc X... demande à la cour de :
- confirmer le jugement, sauf s'agissant des dommages et intérêts, et débouter la banque de ses demandes,
- dire que le droit du salarié de réclamer les points personnels est soumis à la prescription trentenaire,
- dire que seule l'action en paiement du rattrapage salarial est soumise à la prescription quinquennale,
- dire que la SOCIETE GENERALE CALEDONIENNE DE BANQUE devra intégrer les 10 points personnels dont s'agit dans les bulletins de salaire de l'intimé avec toutes les conséquence de droit, sous astreinte de 10 000 FCFP par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt,
- condamner la banque à lui payer (en sus de la somme allouée par le jugement dont appel), la somme de 154 276 FCFP pour la période de mai 2006 à janvier 2008, avec intérêts au taux légal à compter de la requête et anatocisme,
- donner acte à la banque de ce qu'elle a exécuté les causes du jugement, sauf s'agissant de la réintégration des points,
- condamner la banque à régulariser, à ses frais, à titre de dommages et intérêts, la situation de l'intimée auprès des caisses sociales,
- condamner la banque à lui payer la somme de 235 000 FCFP à titre de dommages et intérêts, 33 000 FCFP du fait de son inexécution dolosive, outre 150 000 FCFP pour frais irrépétibles.
Le salarié précise que ses points personnels lui ont été ôtés, à l'occasion d'une augmentation du coefficient de base : - janvier 2002, 5 points personnels, son coefficient passant de 345 à 365, - janvier 2003 malgré une erreur matérielle affectant les écritures (1987 au lieu de 2003), 5 points personnels, son coefficient passant de 365 à 395, qu'ainsi, il ne bénéficie que de 0 point personnel au lieu de 10.

Il soutient que la prescription quinquennale ne s'applique qu'aux paiements périodiques, et non au droit générateur de ces paiements, qui se prescrit par trente ans, et se fonde sur la connaissance par le demandeur de ses droits.
Le salarié allègue la responsabilité contractuelle de la banque qui doit respecter la convention collective établie en 1983, et antérieurement l'accord d'établissement issu de celui d'Indosuez en 1977, prévoyant l'attribution de points personnels, alors que rien dans la convention collective n'autorise la banque à retirer ces points personnels, qui constituent une obligation de résultat, ainsi que le contrat de travail, qui ne peut être modifié sans l'accord du salarié.
Il invoque encore une présomption irréfragable de faute de l'employeur, qui n'a pas exécuté de bonne foi ses engagements.
Il conteste l'existence d'un usage, qui ne peut qu'être plus favorable au salarié.
Il rappelle que les points personnels prévus par la convention collective viennent en sus du coefficient de base, pour les salariés passant au coefficient supérieur, soit 15 points pour les employés, 20 points pour les gradés et 30 points pour les cadres, et que l'employeur ne pouvait retirer ces points personnels lors de ce passage à un coefficient supérieur.
Le salarié rappelle que la modification du salaire, élément essentiel du contrat de travail, doit être librement consentie par le salarié, et qu'en l'espèce la banque a profité de la méconnaissance des salariés, et de leur inquiétude, lors d'une réorganisation après rachat de l'entreprise, pour leur faire accepter une renonciation aux points personnels lors du passage à une catégorie supérieure, qui ne pouvait faire obstacle aux dispositions plus favorables de la convention collective.
Il invoque encore l'impossibilité pour un salarié de renoncer par avance à ses droits, et que les salariés n'ont jamais renoncé à leurs droits sur les points personnels passés et à venir.
Le salarié justifie ses demandes, notamment de dommages et intérêts complémentaires, par la faute de la banque qui a volontairement retiré les points personnels, et non commis une erreur d'interprétation de la convention collective, alors que ses bénéfices ont été importants.
Il estime fondée sa demande de rétablissement des points personnels dans la limite de la prescription.
L'ordonnance de fixation est intervenue le 4 août 2008, pour l'affaire être plaidée le 3 septembre 2008.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la prescription :
Attendu qu'aux termes des dispositions de l'article 19 de la délibération 284 du 24 février 1988 l'action en paiement du salaire se prescrit par cinq ans ;
Attendu qu'en l'espèce, le salarié fait état d'une modification des points personnels intervenue en janvier 2002, et janvier 2003, que la demande de rappel de salaire ayant été formée le 9 mai 2006, sa demande n'est nullement prescrite ;
Sur le rappel de salaire :
Attendu que par des motifs pertinents que la cour adopte, les premiers juges ont exactement relevé que l'employeur ne pouvait, unilatéralement, supprimer la bonification de 10 points personnels dont bénéficiait le salarié en janvier 2002, et ce à l'occasion de l'augmentation de ses points de base ;
Attendu qu'en effet, aux termes de l'article 22 de la convention collective du personnel des banques de la Nouvelle-Calédonie signée le 23 septembre 1983 et seule applicable, la rémunération de l'agent est calculée sur la base des coefficients hiérarchiques exprimés en points, auxquels peuvent s'ajouter, le cas échéant, des points personnels, des points diplômes et des points de langue, et que pour obtenir le montant du traitement mensuel de base, il suffit de multiplier le nombre total de points par la valeur actualisée du point et d'ajouter la prime d'ancienneté, que selon le même texte, l'agent titulaire qui passe au coefficient supérieur perçoit dans tous les cas un salaire majoré au minimum de la contre-valeur d'une augmentation de quinze points pour les employés, de vingt points pour les gradés et de trente points pour les cadres, et que des bonifications destinées à tenir compte de la qualité professionnelle peuvent être accordées aux agents sous forme de points personnels, sans limitation, en sus du coefficient de base ;
Attendu qu'aucune de ces dispositions ne permet à l'employeur de supprimer les points personnels acquis par un salarié lors du passage à un coefficient supérieur, qu'il soit passé à un coefficient intermédiaire supérieur tout en restant dans la même catégorie, ou qu'il soit passé à une catégorie supérieure, comme en l'espèce, l'intéressé étant passé de la catégorie employé à celle des gradés le 1er janvier 2003 ;
Attendu qu'en conséquence, le jugement qui a alloué à Loïc X... la somme, non contestée, de 310 114 FCFP au titre du rappel de salaire, avec intérêts au taux légal à compter de la requête, sera confirmé ;
Attendu qu'il sera précisé que l'employeur devra réactualiser la somme due, à compter de mai 2006 ;
Attendu que la capitalisation des intérêts dus pour une année entière sera confirmée ;
Attendu qu'il sera fait droit à la demande de réintégration des points personnels retenus dans les bulletins de salaire du salarié, sous astreinte de 5000 FCFP par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ;
Attendu que la disposition concernant la régularisation de la situation du salarié auprès des organismes sociaux sera confirmée, sans qu'il y ait lieu de prévoir que cette régularisation se fera aux frais de l'employeur, aucun préjudice n'étant démontré à l'appui de cette demande ;

Sur les dommages et intérêts :

Attendu que la demande de dommages et intérêts du salarié a été à bon droit rejetée, faute de preuve d'un préjudice distinct de celui compensé par l'allocation des intérêts ; qu'il en sera de même pour la demande présentée en appel, pour les mêmes raisons ;

Sur les frais irrépétibles :

Attendu qu'il sera alloué à Loïc X... la somme de 3 500 FCFP pour les frais irrépétibles exposés en appel, l'indemnité fixée par les premiers juges étant confirmée par ailleurs ;
Attendu que la demande au même titre de la banque sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, déposé au greffe,

Déclare les appels, principal et incident, recevables,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Dit que la SOCIETE GENERALE CALEDONIENNE DE BANQUE devra réactualiser le rappel de salaire à compter de mai 2006,
Dit que la SOCIETE GENERALE CALEDONIENNE DE BANQUE devra intégrer les 10 points personnels dont s'agit dans les bulletins de salaire de Loïc X... avec toutes les conséquence de droit, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de cinq mille (5 000) FCFP par jour de retard passé ce délai,
Déboute Loïc X... de sa demande tendant à la prise en charge par la SOCIETE GENERALE CALEDONIENNE DE BANQUE des frais de régularisation de sa situation auprès des organismes sociaux,
Déboute Loïc X... de sa demande en dommages et intérêts présentée en appel,
Condamne la SOCIETE GENERALE CALEDONIENNE DE BANQUE à payer à Loïc X... la somme de trois mille cinq cent (3 500) FCFP pour frais irrépétibles d'appel,
Déboute la banque de sa demande au même titre.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Ct0268
Numéro d'arrêt : 83
Date de la décision : 15/10/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal du travail de Nouméa, 23 mars 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.noumea;arret;2008-10-15;83 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award