Arrêt du 17 Juillet 2008
Chambre Civile
Numéro RG. : 07/4
Décision déférée à la Cour :
rendue le : 20 Novembre 2006
par le : Tribunal de première instance de NOUMEA
Saisine de la Cour : 03 Janvier 2007
PARTIES DEVANT LA COUR
APPELANT
LA SOCIETE ROGER NETHING représentée par sa gérante en exercicesiège social sis 10, rue Dewez Cité Boutonnet - Anse Vata - 98800 NOUMEA
représentée par Me Nicolas MILLION, avocat
INTIMÉS
LA SOCIETE LES ILES SOUS LE VENT représentée par son gérant en exercicesiège social sis 201, rue Henri Bonneaud Lotissement TUBAND - B.P. 3057 - 98846 NOUMEA CEDEX
représentée par la SELARL BERQUET, avocats
LA SOCIETE JACQUELINE CALVET-LEQUES ET DOMINIQUE BAUDETsiège social sis 85 avenue du Général de Gaule - Immeuble Carcopino - 98800 NOUMEA
représenté par la SELARL DE GRESLAN-BRIANT, avocats
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 05 Juin 2008, en audience publique, devant la cour composée de :
- Michèle FONTAINE, Président de Chambre, Président,- Jean-Michel STOLTZ, conseiller,- Roland POTEE, conseiller,qui en ont délibéré, Roland POTEE ayant présenté son rapport.
Greffier lors des débats : Raymond HUYNH
ARRÊT :- contradictoire- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du Code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,- signé par Michèle FONTAINE, président, et par Cécile KNOCKAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE
Par jugement du 20 novembre 2006 auquel il est référé pour l'exposé du litige des demandes et moyens des parties et de la procédure, le tribunal de première instance de NOUMEA a :
- débouté la SCI Roger NETHING de l'intégralité de ses demandes,
- prononcé la résolution de la vente du 13 mai 2003, aux torts de la SCI Roger NETHING,
- dit que la SCI Roger NETHING supportera les frais relatifs à cette résolution,
- condamné la SCI Roger NETHING à verser à la SARL LES ILES SOUS LE VENT 6 400 000 FCFP en exécution de la clause prévoyant une pénalité,
- condamné la SCI Roger NETHING aux dépens de l'instance, dont les SELARL BERQUET et DE GRESLAN pourront recouvrer directement ceux dont elles ont fait l'avance sans avoir reçu de provision,
- condamné la SCI Roger NETHING à verser à la SARL LES ILES SOUS LE VENT et à la SCP CALVET-LEQUES et BAUDET 250 000 FCFP à chacune au titre des frais exposés.
PROCÉDURE D'APPEL
La SCI Roger NETHING a régulièrement formé appel le 3 janvier 2007 du jugement signifié le 11 décembre 2006 dont elle sollicite l'infirmation dans son mémoire ampliatif du 4 avril 2007.
Elle reprend ses demandes de première instance en modifiant toutefois le fondement de sa demande de nullité du contrat de vente qu'elle souhaite voir annuler pour erreur sur la substance et non plus pour dol.
L'appelante expose que dans l'hypothèse qu'elle soutient où elle n'aurait pas eu communication lors de la conclusion du contrat, du permis de construire, de l'état descriptif de division / règlement de copropriété et de son modificatif, elle aurait acquis deux logements de type F1 et F3 alors que le contrat faisait référence à un permis de construire délivré le 11 avril 2002 pour un F4.
Elle invoque donc le vice du consentement pour erreur sur la substance de la chose, même si un permis modificatif a été obtenu ultérieurement, le vice s'appréciant au moment de la signature du contrat.
Dans l'hypothèse où elle aurait eu communication des pièces précitées, la SCI fait valoir que son consentement a également été vicié en raison du fait que la hauteur sous plafond de la mezzanine du F1 n'était pas conforme aux plans et documents descriptifs qui faisaient état d'une hauteur sous plafond supérieure à 1,90 m, ce qui impliquait, compte tenu de la pente du toit, une hauteur supérieure à 1,80 m dans la salle de bains, permettant un aménagement correct de celle-ci, ce qui n'est pas le cas comme l'a constaté l'expert.
La SCI sollicite en conséquence avec le prononcé de la nullité de la vente, le remboursement par la venderesse de l'intégralité des sommes payées au titre du prix de vente et des frais, taxes et accessoires.
Elle demande aussi sa condamnation solidaire avec la SCP CALVET LEQUES BAUDET au paiement des frais de résolution en raison de la faute du notaire qui a rédigé un acte erroné visant un permis de construire non conforme au lot vendu.
L'appelante réclame paiement dans les mêmes conditions des équipements inutilisables achetés pour 1 319 939 FCFP, de 4 millions FCFP en réparation du préjudice financier subi à raison du blocage depuis mai 2003 d'importantes sommes qui auraient pu être consacrées à un autre investissement et de 150 000 FCFP pour les frais de procédure.
Sur la clause résolutoire retenue par le premier juge, la SCI Roger NETHING fait valoir que si la nullité du contrat pour vice du consentement est prononcée, la résolution de la vente pour non-paiement du prix doit être rejetée puisque le contrat est annulé rétroactivement.
Dans le cas où la Cour ne ferait pas droit à ses demandes en nullité, la SCI estime non fondée la résolution prononcée à ses torts sur la base du commandement de payer signifié le 12 octobre 2004 lui enjoignant de payer les derniers 5% du prix de vente dus à la réception, lors de la remise des clefs.
La SCI considère en effet que le premier juge a estimé à tort que la résolution était acquise dès lors qu'elle ne pouvait ignorer le dépôt des clefs chez le notaire alors que les 5 % étaient exigibles selon le contrat, à la réception des travaux qui ne correspond pas à la remise des clefs.
Or, la SARL LES ILES SOUS LE VENT qui s'était réservée la qualité de maître d'ouvrage et était donc seule à pouvoir réceptionner l'ouvrage, n'a jamais communiqué à la SCI le procès-verbal de réception des travaux, s'il a été fait, avant de lui réclamer le solde du prix de vente, ce qui doit entraîner le rejet de la demande de résolution judiciaire du contrat.
La SCP CALVET LEQUES BAUDET conclut le 9 juillet 2007 à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la SCI de toutes ses demandes et écarté toute faute de l'étude notariale.
Elle considère qu'aucune erreur sur la substance du bien vendu ne peut être retenue puisqu'il est démontré que la SCI était informée dès avant la vente de la modification du lot acheté, modification qui a fait l'objet d'un écrit du 12 mai 2003 déposé à l'étude le 13 mai 2003.
Elle fait valoir que le permis de construire modificatif ne pouvait à l'évidence être obtenu le jour de la vente, ce que les parties ne pouvaient ignorer mais qu'il a été rapidement obtenu le 29 juillet 2003, notifié à la SCI par lettre du 4 septembre suivant et qu'il est conforme à la description des lots acquis, de sorte que l'acquéreur ne peut invoquer ni erreur, ni préjudice.
S'agissant de la non-conformité de la superficie de la mezzanine, l'étude notariale fait valoir que ce moyen qui ne concerne que la hauteur sous plafond d'une partie de la salle de bains ne lui est pas opposable puisque le notaire n'est pas tenu de vérifier la conformité des superficies des biens vendus à ce qui est énoncé dans l'acte.
Elle conclut également, à titre subsidiaire, au rejet de toutes les prétentions de la SCI formulées à son égard au titre des frais d'annulation, des équipements inutilisables et du préjudice financier, demandes qui seraient la conséquence de l'annulation d'un acte de vente auquel l'étude notariale n'est pas partie.
A titre incident, la SCP CALVET LEQUES BAUDET réclame que la somme qui lui a été allouée en première instance pour procédure abusive soit portée à un million FCFP et celle allouée au titre des frais de procédure à 300 000 FCFP.
La SARL LES ILES SOUS LE VENT conclut le 21 août 2007 dans le même sens que l'étude notariale quant à la demande de nullité du contrat pour erreur sur la substance en précisant que le consentement de la SCI ne saurait être vicié du fait de la teneur du permis de construire alors que la qualité substantielle de la chose acquise, soit deux appartement F3 et F1, a été respectée.
Il en est de même pour la hauteur sous plafond de la salle de bains de la mezzanine dont le plan de coupe démontrait que la hauteur du plafond rampant de 1,90 m diminuait avec l'inclinaison du toit, ce que la gérante de la SCI a pu constater elle-même sur place lors de la visite du chantier avancé à 75 % sans émettre d'observation.
L'expert ayant constaté que la hauteur sous plafond ramenée à 1,60 m sur une longueur de 2,20 m avait pour conséquence, en application de la loi CARREZ, une différence de superficie par rapport aux surfaces prévues aux plans, de moins de 5 % tenue pour admissible selon l'acte de vente, la SARL conclut à la confirmation du rejet des demandes de la SCI.
Elle sollicite aussi le maintien du bénéfice de la clause résolutoire admis par le jugement attaqué en relevant que, lors de l'incident de mise en état soulevé pour obtenir la suspension des paiements, la SCI s'était reconnue débitrice de la retenue de 5 %.
La SARL relève qu'en dépit de cette reconnaissance et du commandement de payer du 12 octobre 2004, la SCI s'est délibérément refusée à payer alors que le certificat de conformité a été délivré le 5 mars 2004 et que le contrat prévoit bien le paiement des 5 % à la remise des clefs valant livraison à l'acquéreur, par l'intermédiaire de la comptabilité du notaire qui tenait les clefs à sa disposition.
Elle réclame une indemnité de 300 000 FCFP au titre des frais irrépétibles.
L'appelante maintient dans ses conclusions en réplique du 29 octobre 2007 qu'au moment de la signature de l'acte de vente, elle ne disposait pas des éléments d'information suffisants pour consentir à la vente en connaissance de cause puisqu'elle n'a eu communication que du règlement de copropriété/état descriptif de division rédigé en janvier 2003 comportant le permis de construire initial et que les trois plans fournis, seuls signés par elle, n'indiquent pas les hauteurs de la construction, ni l'aspect futur de la construction, s'agissant de plans de surface et non de coupe.
La SCI fait aussi valoir que contrairement à ce qui est prétendu par l'étude notariale, la demande de permis de construire modificatif n'a pas été déposée le jour de l'acte de vente mais le 18 juillet 2003 et que l'examen des trois permis de construire délivrés en juillet, septembre et décembre 2003, démontre que les modifications demandées portaient non seulement sur l'aménagement intérieur du bâtiment mais aussi sur son aspect extérieur, le toit étant modifié, ce qui entraînait une réduction de la hauteur de la mezzanine.
La SCI soutient que cette modification effectuée sans information ni accord préalable des copropriétaires l'a induite en erreur sur le bien acquis, à moins qu'elle ne constitue une manoeuvre dolosive si le notaire persiste à soutenir lui avoir indiqué que la demande de permis avait été déposée le 13 mai 2003.
Elle confirme ainsi ses demandes d'indemnisation en précisant que la condamnation solidaire du notaire se justifie en raison de la violation par ce professionnel de ses obligations de conseil et d'information qui l'ont conduite à conclure le contrat de vente atteint de nullité.
Sur la clause résolutoire, l'appelante maintient que l'information donnée à l'acquéreur que les clefs sont déposées chez le notaire ne peut valoir réception du bien au sens de la loi, ce qui rend non exigible le solde de 5% du prix au moment de la sommation de payer.
Si l'acquisition de la clause résolutoire était toutefois admise, la SCI Roger NETHING demande à titre subsidiaire la limitation de la clause pénale à 10 % du prix de vente, soit 3 200 000 FCFP, en vertu des dispositions du décret n° 78-621 du 31 mai 1978 sur la vente d'immeubles à construire.
La SARL LES ILES SOUS LE VENT s'oppose dans ses conclusions du 6 décembre 2007, à cette prétention en se référant aux dispositions de l'article 1134 du code civil et elle maintient ses écritures précédentes.
La SCP CALVET LEQUES BAUDET réaffirme dans ses conclusions du 15 janvier 2008 que la SCI avait parfaite connaissance de la substance et de la qualité des biens achetés comme de la teneur de son engagement.
Elle fait valoir qu'elle a bien informé l'acquéreur de ce que le dépôt postérieur de la demande de permis de construire modifiée entraînerait automatiquement dans les semaines à venir la délivrance du permis de construire qui ne posait aucune difficulté, ce qui s'est vérifié par la suite de sorte qu'aucun manquement à l'obligation de conseil et d'information ne peut être reproché au notaire rédacteur de l'acte de vente.
La SCI demande le bénéfice de ses conclusions dans ses dernières écritures du 20 février 2008 en remarquant que l'article 1134 du code civil qui lui est opposé n'a qu'une valeur supplétive alors que la demande de diminution de pénalité résulte d'une législation impérative.
Elle réplique au dernier argumentaire de l'étude notariale que la délivrance d'un permis de construire n'est jamais automatique, que la demande de modification a d'ailleurs fait l'objet en l'espèce de trois décisions de l'administration, ce qui démontre le manquement du notaire à son obligation d'information.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 avril 2008.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la nullité du contrat pour erreur sur la substance
La SCI Roger NETHING ne prétend pas avoir ignoré qu'elle achetait deux appartements F3 et F1 au lieu du F4 initialement prévu et elle n'est pas recevable à invoquer l'inexactitude du permis de construire visé à l'acte du 13 mai 2003 puisque le permis de construire rectifié a bien été délivré par la suite pour ces deux appartements, ce qui ne lui cause aucun préjudice.
S'agissant de la non-conformité de la hauteur sous plafond de la salle de bains de la mezzanine de l'appartement F1, la SARL LES ILES SOUS LE VENT affirme sans être contredite, que la gérante de la SCI avait pu elle-même constater l'état des hauteurs sous plafond lors de ses visites de chantier avancé à 75% lors de la vente.
Par ailleurs, conformément aux dispositions contractuelles (chapitre II section III page 15), les différences de moins de 5 % sur les cotes et surfaces exprimées par les plans sont tenues pour admissibles et ne peuvent fonder aucune réclamation de la part de l'acquéreur qui en supporte la perte ou le bénéfice.
L'expert judiciaire ayant constaté qu'en vertu de la loi CARREZ, la surface corrigée de la mezzanine après déduction de la superficie affectée d'une hauteur sous plafond inférieure à 1,60 m devait être réduite d'1,79m², soit une diminution inférieure à 5%, l'appelante n'est pas non plus fondée dans ses prétentions de ce chef.
Sur la résolution de la vente
Pour les motifs pertinents retenus par le premier juge et non remis en cause par les débats d'appel, la résolution de la vente a été prononcée aux torts de la SCI Roger NETHING défaillante dans son obligation de payer les 5 % du prix dont elle était redevable selon le titre VIII article 1er du contrat, à la réception des travaux, lors de la remise des clefs que le notaire tenait à sa disposition.
La résolution de la vente aux torts de l'appelante sera en conséquence confirmée avec toutes ses conséquences contractuelles, y compris la condamnation de la SCI Roger NETHING à payer le montant de la clause pénale de 20 % soit 6 400 000 FCFP, l'article L. 261-14 du code de la construction et de l'habitation issu du décret n° 78-621 du 31 mai 1978 qui limite la clause pénale en la matière à 10 % du prix, n'étant pas applicable en Nouvelle-Calédonie.
Aucun élément supplémentaire fourni par la SCP CALVET-LEQUES ne vient justifier l'augmentation des dommages et intérêts qui lui ont été alloués en première instance pour procédure abusive.
Les parties intimées sont fondées à obtenir une indemnité de 200 000 FCFP chacune au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire déposé au greffe,
Confirme le jugement du 20 novembre 2006, y ajoutant ;
Condamne la SCI Roger NETHING à verser à la SARL LES ILES SOUS LE VENT et à la SCP CALVET LEQUES une indemnité de DEUX CENT MILLE (200 000) FCFP chacune au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SCI Roger NETHING aux dépens avec distraction au profit des SELARL DE GRESLAN-BRIANT et BERQUET sur leurs demandes et affirmations de droit.