COUR D'APPEL DE NOUMÉA
ARRÊT du 07 avril 2008
Décision attaquée rendue le : 04 Juillet 2007
Juridiction
Tribunal de première instance de NOUMEA (juge des référés)
Date de la saisine : 23 Juillet 2007
Ordonnance de fixation protocole : 31 juillet 2007
RG : 07/412
Composition de la Cour
Président :
Christian MESIERE, Conseiller
Assesseurs:
- Roland POTEE, Conseiller
- Anne AMAUDRIC du CHAFFAUT, Conseiller
magistrats qui ont participé aux débats et au délibéré
Greffier lors des débats :
Mickaela NIUMELE
PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR
APPELANTE
SARL ME-ORI, représentée par sa gérante en exerciceCentre commercial de Kaméré - 2 rue du Grand Chef Naisseline 98800 NOUMEA
représentée par Me Laurent AGUILA, avocat
INTIMÉE
SCI EARINAprise en la personne de son représentant légal7 rue due professeur Guillaumin - Ouen ToroBP 799 - 98845 NOUMEA
représentée par Me Xavier LOMBARDO, avocat
Débats : le 10 mars 2008 en audience publique où Roland POTEE, Conseiller, a présenté son rapport,
A l'issue des débats, le Président a déclaré que l'affaire était mise en délibéré et que le dossier serait remis au greffe le 07 avril 2008 en application de l'article 451 du Code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie.Le dossier avec l'arrêt a été remis au greffe à la date susdite et signé par Christian MESIERE, Président, et par Mickaela NIUMELE, Greffier, présent lors de la remise au greffe.
PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE
Par acte notarié du 16 janvier 2003, la SCI EARINA a donné en location à la SARL ME-ORI, pour une durée de 9 années à compter du 1er février 2003, un local à usage commercial de 105 m², sis sur la commune de NOUMEA, centre commercial de KAMERE, moyennant un loyer mensuel de 181 500 FCFP.
Par acte du 9 mars 2007, la SCI EARINA, exposant que la locataire, qui a entrepris des travaux sans autorisation préalable, n'a pas justifié de la souscription d'une police d'assurance conforme aux prescriptions du bail et n'a pas justifié de la mise en conformité de son établissement avec la réglementation ERP, a fait citer la société ME-ORI devant le président du tribunal de première instance de NOUMEA, statuant en matière de référé, à l'effet d'obtenir, avec la constatation de la résiliation du bail et l'expulsion sous peine d'astreinte de la défenderesse, la condamnation de cette dernière à lui payer une indemnité provisionnelle d'occupation des lieux de 400 000 FCFP par mois et la somme de 180 000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie.
Par ordonnance du 4 juillet 2007 à laquelle il est renvoyé pour l'exposé de la procédure antérieure, le juge des référés a :
- constaté la résiliation du bail liant les parties à la date du 5 mai 2006,
- ordonné que la société ME-ORI devra quitter et rendre libres les lieux dont elle était locataire sur la commune de NOUMEA, centre commercial de KAMERE, Ducos, dans les six mois suivant la signification de l'ordonnance à défaut de quoi, elle en sera expulsée à ses frais, risques et périls, ainsi que tous occupants de son chef, et ce, par toutes voies et moyens de droit et même avec l'assistance de la force publique si besoin est,
- dit n'y avoir lieu à astreinte,
- condamné la société ME-ORI à payer à la société EARINA une indemnité provisionnelle d'occupation de 220 000 FCFP par mois à compter de mai 2006 et jusqu'à complet délaissement des lieux, outre la somme de 120 000 FCFP au titre des frais irrépétibles,
- débouté la défenderesse de sa prétention à ce titre,
- condamné la société ME-ORI aux dépens de l'instance.
PROCÉDURE D'APPEL
La SARL ME-ORI a régulièrement formé appel le 23 juillet 2007 de l'ordonnance alors non signifiée dont elle sollicite l'infirmation dans son mémoire ampliatif du 13 septembre 2007 au motif que le juge des référés ne pouvait prononcer l'expulsion en présence d'une contestation sérieuse sur le fait motivant la résiliation du contrat de bail.
L'appelante expose que la SCI EARINA qui tente pour la quatrième fois de la faire expulser en référé pour profiter de l'aménagement de la boulangerie exploitée dans les lieux, l'avait mise en demeure le 4 avril 2006 d'avoir dans le délai d'un mois à remettre les lieux en leur état initial, justifier de la souscription d'une police d'assurance et justifier de la conformité de l'exploitation avec la réglementation dite ERP (Etablissement Recevant du Public).
La SARL ME-ORI indique que le premier juge a écarté à juste raison le grief d'absence d'assurance et de travaux de changement de distribution des locaux mais qu'il a retenu par erreur qu'elle aurait admis par lettre du 2 mai 2006 que les travaux de mise en conformité préconisés par l'organisme de contrôle agréé en 2003 étaient toujours en cours de réalisation au mois de mai 2006.
L'appelante explique à cet effet que la réponse du 2 mai 2006 sur les travaux en cours de réalisation ne vise pas les travaux de conformité mais ceux réalisés à son initiative en accord avec la SCI à laquelle il était indiqué par ailleurs qu'il était justifié de la conformité de l'exploitation avec la réglementation ERP.
La société ME-ORI affirme avoir démontré par les pièces produites devant le premier juge qu'elle était en conformité au moment de la mise en demeure et ajoute que dans le cas contraire, étant un établissement recevant du public, elle aurait été l'objet d'une fermeture administrative.
L'appelante soutient en conséquence que le juge des référés n'avait pas le pouvoir de prononcer l'expulsion en présence de cette contestation sérieuse, et elle sollicite le débouté de toutes les demandes formées par la SCI EARINA et sa condamnation à lui verser 150 000 FCFP au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et la même somme en appel.
La SCI EARINA a conclu le 15 octobre 2007 à la confirmation de l'ordonnance, sauf au titre de l'indemnité d'occupation qu'elle souhaite voir porter à 400 000 FCFP par mois à compter du 4 juillet 2007.
Elle considère que le premier juge a constaté à bon droit que les travaux de mise en conformité avec la réglementation ERP n'avaient pas été réalisés dans le délai d'un mois donné par la sommation du 4 avril 2006.
Elle signale que sa locataire n'est toujours pas en règle de ce point de vue comme en atteste un rapport de contrôle du CETE APAVE d'avril 2007.
Mais elle ajoute que les autres points évoqués dans la sommation du 4 avril 2006 n'ont pas été plus respectés par l'appelante qui n'a pas justifié dans les délais avoir contracté une assurance de responsabilité conforme aux exigences du contrat de bail s'agissant de l'étendue de la garantie, ni avoir obtenu l'autorisation de son bailleur pour réaliser des travaux d'aménagement des locaux en 2006.
Sur ce sujet, la SCI EARINA précise n'avoir donné son autorisation que pour des travaux définis par un cabinet d'architectes en juillet 2002 et jamais pour ceux faits en 2006, ce qui justifiait la sommation de remettre des lieux en leur état initial.
Elle produit les plans d'aménagement de juillet 2002 avec son autorisation de les réaliser délivrée en novembre 2002 et une attestation de l'architecte auteur de ces plans.
Elle estime donc que la résiliation du bail et l'expulsion du locataire sont fondées aussi de ces chefs et elle réclame à la SARL ME-ORI la somme de 250 000 FCFP d'indemnités pour frais irépétibles.
Dans ses conclusions du 7 décembre 2007, l'appelante maintient que les travaux de mise en conformité avaient bien été effectués avant la date limite du 4 mai 2006 comme le démontrent les pièces qu'elle produit : factures de travaux, courrier adressé au bailleur précisant les dates de travaux pendant les congés annuels de janvier-février 2005-2006, et une attestation de conformité des installations de sécurité établie le 21 octobre 2007 par un expert judiciaire.
Elle produit enfin le 5 mars 2008 les rapports de vérification périodique réalisés le 8 février 2008 en matière d'installations électriques et de sécurité incendie démontrant la conformité des lieux en rappelant que selon la jurisprudence, la clause résolutoire doit être invoquée de bonne foi et qu'à défaut elle perd son effet automatique.
L'affaire, fixée initialement au 8 octobre 2007, a été renvoyée à plusieurs reprises pour être retenue le 10 mars 2008.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Si la SARL ME-ORI produit devant la Cour les rapports de vérification établis par l'APAVE qui font état de la conformité des installations en février 2008, l'appelante ne justifie toujours pas de cette conformité à la date fixée par la mise en demeure délivrée le 4 avril 2006.
En outre, l'attestation établie le 15 octobre 2007 par l'architecte des travaux d'aménagement autorisés par le propriétaire en novembre 2002 démontre que les installations actuelles ne respectent pas les plans établis en juillet 2002 pour ces aménagements en raison essentiellement de la suppression de la vitrine et des portes en bordure de la galerie marchande, la vente se faisant maintenant directement sur la galerie sans entrée des clients dans la boutique.
Il n'est pas sérieusement contestable dans ces conditions que le locataire n'a pas respecté les obligations signifiées par la sommation précitée d'avoir à remettre les lieux en l'état initial autorisé en 2002 et à se conformer à la réglementation ERP avant le 4 mai 2006.
La SCI EARINA dont la mauvaise foi dans l'exercice de ses droits de bailleur n'est pas démontrée, était donc fondée à saisir le juge des référés pour obtenir la constatation de la résiliation du bail avec ses conséquences de droit.
L'ordonnance sera donc confirmée, y compris sur le montant de l'indemnité provisionnelle d'occupation et l'appelante condamnée à verser 120 000 FCFP à l'intimée au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire déposé au greffe ;
Confirme l'ordonnance du 4 juillet 2007 dans toutes ses dispositions,
Condamne la SARL ME-ORI, prise en la personne de son représentant légal, à verser à l'intimée une indemnité de cent vingt mille (120 000) FCFP au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie ;
Condamne l'appelante aux dépens avec distraction au profit de la SELARL Xavier LOMBARDO sur sa demande et son affirmation de droit.
Et signé par Christian MESIERE, Président, et par Mickaela NIUMELE, Greffier présent lors de la remise du dossier avec l'arrêt au greffe.