COUR D'APPEL DE NOUMÉA
ARRÊT du 29 octobre 2007
Décision attaquée rendue
le : 09 Mai 2007
Juridiction
Le Conseil de l'Ordre des Avocats du Barreau de NOUMEA
Date de la saisine :
30 Mai 2007
Ordonnance de fixation :
23 août 2007
RG : 07 / 292
Composition de la Cour
Président :
Gérard FEY, Premier Président
Assesseurs :
-Jean-Louis THIOLET, Président de Chambre
-Jean-Michel STOLTZ, Conseiller
-Roland POTEE, Conseiller
-Anne AMAUDRIC du CHAFFAUT, Conseiller
magistrats qui ont participé aux
débats et au délibéré
Greffier lors des débats :
Cécile KNOCKAERT
PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR
APPELANT
M. Patrick Y... né le 07 Janvier 1952 à SAINT-MAUR-DES-FOSSES...
Comparant en personne
INTIMÉ
LE CONSEIL DE L'ORDRE DES AVOCATS DU BARREAU DE NOUMEA Maison de l'Avocat, Annexe du Palais de Justice de NOUMEA 98800 NOUMEA
Représenté par Maître John LOUZIER, Bâtonnier
EN PRESENCE DU
MINISTERE PUBLIC représenté par M. Gilles BRUDY, Avocat Général
Débats : le 08 octobre 2007 en chambre du conseil où Gérard FEY, Premier Président, a présenté son rapport,
A l'issue des débats, le Président a déclaré que l'affaire était mise en délibéré et que le dossier avec l'arrêt serait remis au greffe le 29 Octobre 2007 en application de l'article 451 du Code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie. Le dossier avec l'arrêt a été remis au greffe à la date susdite et signé par Gérard FEY, Président, et par Mickaela NIUMELE, Greffier, présent lors de la remise au greffe.
PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE
Monsieur Patrick Y..., avocat inscrit au Barreau de Nouméa souhaitant changer de mode d'exerce professionnel pour quitter l'exercice individuel afin de pratiquer sous couvert d'une société d'exercice libéral à responsabilité limitée, a soumis au Conseil de l'Ordre des Avocats du Barreau de NOUMEA (le Conseil de l'Ordre) les statuts de la société dont il projette la création.
Une première dénomination sociale choisie " AVOCASSISTANCE " a été refusée par le conseil de l'Ordre et Maître Y... s'est incliné, acceptant de soumettre une nouvelle dénomination.
La dénomination sociale choisie en second lieu était " AVOCAL " a également été rejetée par le Conseil de l'Ordre. Ce refus a été contesté devant la Cour d'Appel de NOUMEA qui, le 26 juin 2006 a statué par un arrêt confirmatif de la décision de rejet prise par le conseil de l'ordre.
A la suite de cet arrêt, Me Y... a fait part de son intention d'adopter la dénomination " AVODROIT ".
Après audition de Me Y..., le conseil de l'Ordre a décidé de refuser cette dénomination par une délibération du 9 mai 2007 notifiée le 11 mai 2007. Dans son courrier du 9 mai 2007, le bâtonnier exposait que la dénomination sociale projetée " AVODROIT " avait été rejetée pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés sur les refus d'inscription antérieurs des désignations AVOCAL et AVOCASSISTANCE tirés de la confusion pouvant être entretenue avec la profession " et / ou un service de l'Ordre.
PROCÉDURE D'APPEL
Par requête d'appel du 30 mai 2007, Me Patrick Y... sollicite l'infirmation de cette décision.
Il fait valoir l'argumentation suivante :
-aucune explication n'est fournie pour établir le grief d'une confusion pouvant être entretenue avec la profession et ou un service de l'ordre par la dénomination " AVODROIT ",
-le terme " AVO " qui est sans signification ne peut dès lors être interdit par l'ordre et au plan phonétique, les 2 syllabes " AVO " ne sont pas porteuses d'une signification univoque de la profession d'avocat,
-le terme " DROIT " est un substantif générique susceptible d'appropriation,
-AVODROIT est un nom de fantaisie qui respecte les principes dégagés par la Cour dans son arrêt du 26 juin 2006 puisqu'il est dissemblable du mot " avocat " et ne peut faire référence à la profession réglementée d'avocat.
L'Ordre des Avocats considère que l'effet de marque semble recherché par " AVODROIT " en relevant que " AVO " est le lexème de avocat, avocaillou, avocatier, avocette et qu'en y ajoutant le mot " droit ", Me Y... s'approprie le lexème du titre protégé " AVO ", ce qui peut être source de confusion.
Me Y... estime qu'il n'existe aucun risque de confusion et que le reproche d'une recherche d'effet de marque un pur procès d'intention rappelant que d'autres dénominations ont été acceptées localement, tel " JURISCAL ", " Cabinet d'Affaires Calédonien ", " Assistance et Conseil d'Entreprise ".
Le dossier a été communiqué au parquet le 31 juillet 2007.
A l'audience du 8 octobre 2007, Me Y... et Me LOUZIER, bâtonnier en exercice de l'Ordre des Avocats de NOUMEA ont développé leur argumentaire.
Monsieur l'Avocat Général a déclaré s'en rapporter.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité
L'avocat qui entend déférer à la cour d'appel une décision du Conseil de l'Ordre n'est recevable en son recours que s'il s'estime lésé dans ses intérêts professionnels par la décision critiquée.
En l'espèce, Maître Y... a déposé à l'ordre des avocats pour approbation les statuts d'une SELARL en faisant choix de la dénomination sociale " AVODROIT ".
Même si l'ordre des avocats n'a fait aucune observation sur les statuts, son refus de la dénomination sociale souhaitée par Maître Y... fait grief à ses intérêts professionnels en ce qu'il est de nature à porter atteinte à sa liberté de choix du nom social qu'il entend adopter pour son activité d'avocat.
Au fond
Aux termes de l'article 17 de la loi modifiée du 31 décembre 1971, le conseil de l'ordre a pour attribution de traiter de toutes questions intéressant l'exercice de la profession et de veiller à l'observation des devoirs des avocats ainsi qu'à la protection de leurs droits.
Le conseil de l'ordre des avocats du barreau de Nouméa ne pouvait sans excéder ses pouvoirs décider que le choix de la dénomination " AVODROIT " ne devait pas être autorisée pour éviter une confusion avec la profession d'avocat et / ou un service de l'ordre.
La racine du mot avocat n'est pas reprise et les 2 syllables que constituent les trois lettres " avo " sont sans signification particulière contrairement à ce que soutient le conseil de l'ordre, le dictionnaire " le Petit Robert " faisant mention de plus de 20 mots commençant par Avo, d'avocaillon... à avocat, avocette, avorter, avoué et avoyer.
Quant au mot " droit " qui est un substantif générique, il fait davantage référence à la science du droit qu'à ceux qui la pratique et la profession d'avocat n'a pas en outre le monopole de la science du droit.
La combinaison de ces 2 composants " Avo " et " Droit " pour créer la dénomination sociale de fantaisie " AVODROIT " est très dissemblable du mot " avocat " aussi bien scripturalement que visuellement et phonétiquement. Elle ne peut dès lors entraîner de confusion avec la profession d'avocat ou le titre d'avocat ou encore un service du conseil de l'ordre d'autant que cette dénomination sera obligatoirement suivie de la mention " SELARL d'avocats ".
Il sera d'ailleurs noté que localement, la dénomination JURISCAL a été admise et qu'en métropole existent des sociétés d'avocats avec pour dénomination sociale AVOCATIS, AVOCAPOLE, AVOCATS 10 OPERA...
Quant à la critique de l'ordre sur l'effet de marque recherchée, celle-ci n'apparaît nullement justifiée.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire déposé au greffe, après débats en chambre du conseil ;
Réforme la décison du Conseil de l'Ordre des Avocats du Barreau de NOUMEA en date du 9 mai 2007 et dit que la dénomination sociale " AVODROIT " de la société d'exercice SELARL dont Maître Y... a demandé l'inscription ne peut être refusée par le Conseil de l'ordre ;
Condamne le Conseil de l'Ordre en tous les dépens.
Et signé par Gérard FEY, Président, et par Mickaela NIUMELE, Greffier présent lors de la remise du dossier avec l'arrêt au greffe.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT