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05/06/2003 | FRANCE | N°134

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Ct0062, 05 juin 2003, 134


COUR D'APPEL DE NOUMÉA
ARRÊT DU 05 juin 2003

Décision attaquée rendue

le : 08 Avril 2002

Juridiction
TRIBUNAL CIVIL DE NOUMEA

Date de la saisine :

30 Mai 2002

Ordonnance de clôture :

12 mars 2003

RG : 225 / 2002
Composition de la Cour
Président :

Gérard FEY, Premier Président

Assesseurs :

-Jean-Michel STOLTZ, Conseiller

-Eric GRAFMULLER, Conseiller
magistrats qui ont participé aux
débats et au délibéré
Greffier :

Raymond HUYNH

PARTIES EN CAUSE D

EVANT LA COUR

APPELANT

Syndicat de copropriété IMMEUBLE LE MANHATTAN, représenté par son syndic 43, rue de l'Alma-98800 NOUMEA

assistée de la SELARL JURISCAL, ...

COUR D'APPEL DE NOUMÉA
ARRÊT DU 05 juin 2003

Décision attaquée rendue

le : 08 Avril 2002

Juridiction
TRIBUNAL CIVIL DE NOUMEA

Date de la saisine :

30 Mai 2002

Ordonnance de clôture :

12 mars 2003

RG : 225 / 2002
Composition de la Cour
Président :

Gérard FEY, Premier Président

Assesseurs :

-Jean-Michel STOLTZ, Conseiller

-Eric GRAFMULLER, Conseiller
magistrats qui ont participé aux
débats et au délibéré
Greffier :

Raymond HUYNH

PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR

APPELANT

Syndicat de copropriété IMMEUBLE LE MANHATTAN, représenté par son syndic 43, rue de l'Alma-98800 NOUMEA

assistée de la SELARL JURISCAL, avocats

INTIMÉS

-S. A. ARBE, représentée par son Président Directeur Général en exercice,2 boulevard Vauban-98800 NOUMEA assistée de la SELARL LOUZIER-FAUCHE-GHIANI-NANTY, avocats

-Société STIC, représentée par LA SELARL Mary-Laure GASTAUD, Mandataire-Judiciaire, BP. 3420-98846 NOUMEA CEDEX 16, rue J. Dolbeau-BP. 7080 Ducos-98800 NOUMEA

-Compagnie d'assurances LA CONCORDE, devenue GENERALI FRANCE, représentée par son Agent général 27, rue de Sébastopol-98800 NOUMEA assistée de la SELARL PELLETIER-BOUQUET-FISSELIER-CASIES, avocats

-M. Pierre Z...demeurant ...98810 MONT DORE assisté de la SELARL ASSISTANCE CONSEIL D'ENTREPRISES, avocats

Débats :

le 17 avril 2003 en audience publique où Jean-Michel STOLTZ,
Conseiller, a présenté son rapport,

Arrêt contradictoire

prononcé le 05 juin 2003 en audience publique par Jean-Michel STOLTZ, Conseiller, magistrat ayant participé aux débats et au délibéré,

et signé par Gérard FEY, Président, et par Raymond HUYNH, Greffier

présent lors du prononcé de l'arrêt. PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

Par exploits séparés en date du 24 juin 1999, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble LE MANHATTAN a fait respectivement assigner :
-la société ARBE S. A,
-la compagnie d'assurances LA CONCORDE, devenue GENERALI FRANCE,
-la société STIC,
-monsieur Pierre Z...,
devant le tribunal civil de NOUMEA.
Le syndicat, agissant poursuites et diligences de son syndic en exercice, la société COGIM, a exposé qu'il avait obtenu en référé la désignation d'un expert judiciaire à la suite de désordres survenus dans l'immeuble LE MANHATTAN, et notamment dans sa toiture, et que l'expert désigné, monsieur A..., qui avait déposé son rapport le 17 avril 1998, avait confirmé le bien-fondé des réclamations des copropriétaires, notamment en ce qui concerne les infiltrations dans les locaux et la présence de fissures dans les murs et cloisons.
Il a exposé que monsieur A...avait relevé que les désordres se distribuaient comme suit entre les acteurs à la construction du bâtiment :
-concernant la toiture-tôle : l'entreprise Z...,
-concernant l'étanchéité : l'entreprise STIC,
-concernant les fissures : l'entreprise ARBE,
et que le montant des travaux de reprise atteignait la somme de 4. 300. 000 FCFP, l'expert indiquant par ailleurs que le procès-verbal de réception provisoire des travaux était intervenu le 26 juin 1989.
Le syndicat des copropriétaires a invoqué la responsabilité décennale des entrepreneurs, sous la garantie de la compagnie d'assurances LA CONCORDE.
Sur la recevabilité de son action, le syndicat a soutenu :
-que l'assignation en référé du 1er juillet 1996 avait bien fait état de désordres expressément situés dans la toiture de l'immeuble et que par ailleurs la compagnie d'assurances LA CONCORDE, devenue GENERALI FRANCE, n'avait jamais fait aucune réserve quant aux causes et but de cette assignation en référé, laquelle avait valeur interruptive de prescription,
-que par ailleurs l'expiration du délai décennal avait pour échéance le 26 juin 1999, soit une date postérieure à l'assignation au fond, faite le 24 juin 1999.
Il a sollicité que soit déclarée la responsabilité desdites entreprises, et que soit ordonnée à chacune d'elles, pour la partie la concernant, la reprise des travaux incorrectement effectués selon les préconisations et sous le contrôle de l'expert judiciaire et que, faute d'intervenir dans les deux mois de la décision, elles seraient soumises à une astreinte fixée pour chacune à 100. 000 FCFP par jour de retard, sachant que les travaux devraient être achevés dans les deux mois de leur exécution.
Subsidiairement, il a sollicité la condamnation :
-de l'entreprise ARBE à lui payer la somme de 1. 500. 000 FCFP représentant le coût de reprise de fissures et de joints de dilatation ainsi que des acrotères et relevés d'étanchéité,
-de monsieur Z...à lui payer la somme de 360. 000 FCFP au titre de la réfection de l'ensemble des solins et bandes de rives,
-de la société STIC à lui payer la somme de 2. 440. 000 FCFP au titre des travaux de reprise des défauts d'étanchéité.
Il a sollicité également la condamnation solidaire des trois entreprises à lui payer la somme de 500. 000 FCFP au titre des diverses sujétions relatives à la réalisation du chantier, le tout sous la garantie de la compagnie d'assurances LA CONCORDE.
* * * Par ses écritures ultérieures, le syndicat des copropriétaires a maintenu qu'aucune prescription n'était acquise dès lors que mention avait été faite dans son assignation en référé du siège des désordres et qu'il apparaissait bien dans l'expertise que le procès-verbal de réception provisoire était intervenu le 26 juin 1989, soit moins de dix ans avant l'assignation au fond.

Il a soutenu au surplus que les rapports d'expertise réalisés en 1993 par messieurs B...et C..., qui avaient donné lieu à des interventions de reprise des sociétés ARBE et STIC, avaient été faits dans le cadre de la garantie décennale et qu'ainsi ces interventions avaient réouvert le délai de dix ans.
En ce qui concerne les réparations, le demandeur a maintenu que la société ARBE, tant pour elle-même qu'en ce qui concerne la société STIC et monsieur Z...dont elle était le mandataire, était tenue par les désordres qui relevaient des vices cachés de nature décennale.
Il a soutenu que la société STIC et monsieur Z...ne contestaient pas avoir participé aux travaux litigieux et qu'ainsi, ils étaient mal fondés à voir déclarer l'expertise inopposable à leur encontre.
* * *
La société ARBE a soutenu en premier lieu une fin de non recevoir tirée de la forclusion par expiration du délai préfixe décennal.
Elle a exposé que la réception de l'immeuble avait été faite le 26 avril 1989, que la requête introductive lui avait été signifiée le 24 juin 1999, que le délai de prescription n'avait pas été interrompu par l'assignation du 1er juillet 1996 dans la mesure où la citation en référé considérée comme interruptive de prescription au sens de l'article 2244 du code civil, provenait de la modification de la loi no 85-677 du 5 juillet 1985 (article 37 de la loi), ledit article 2244 du code civil n'ayant pas été étendu au territoire de la Nouvelle-Calédonie par l'ordonnance no 92-1146 du 12 octobre 1992, l'extension n'ayant été opérée, pour l'application de l'article 2244 du code civil, que " pour l'indemnisation des victimes d'accident de la circulation ".
La société ARBE a donc soutenu qu'en l'espèce le régime étant étranger à l'indemnisation des victimes d'accident de la circulation, les causes interruptives de prescription restaient celles qui étaient énumérées dans l'article 2244 en sa rédaction antérieure à la loi du 5 juillet 1985, au titre desquelles l'ordonnance de référé ne figurait pas et qu'ainsi l'ordonnance de référé en date du 1er juillet 1996 n'avait pu interrompre la prescription décennale acquise le 26 avril 1999.
Elle a soutenu par ailleurs que le document du 26 juin 1989 ne constituait en rien un procès-verbal de réception provisoire ni même définitif, dans la mesure où la réception d'un ouvrage est un acte unique, laquelle avait bien eu lieu le 26 avril 1989 ; les réserves constatées à la réception provisoire devant être d'ailleurs levées dans le délai d'un mois, et que l'acte du 26 juin 1989 constatant l'absence de réserve n'était en conséquence qu'un acte de levée de réserve abusivement intitulé " réception provisoire ".
En ce qui concerne la liste des réserves à la réception provisoire du procès-verbal, la défenderesse a soutenu que c'était à tort qu'en page 14 de son rapport l'expert faisait état de fissuration des bétons au niveau des acrotères.
Elle a soutenu que, au cas où par impossible les éclats de béton auraient fait l'objet de réserves à la réception, la levée des réserves emporterait la garantie d'assurance par application de l'article 5-6 des conditions générales de la police.
* * * La compagnie d'assurances LA CONCORDE, devenue GENERALI FRANCE, a conclu en réplique, dans ses conclusions successives, que l'assignation en référé ne pouvait avoir d'effet interruptif de prescription dans la mesure où elle ne désignait pas les désordres qu'elle invoquait, se contentant d'indiquer qu'ils étaient situés en toiture, sans pour autant qu'ils soient désignés expressément.

Elle a soutenu que les faits interruptifs, dans la mesure où ils pourraient être retenus, étaient attachés à l'assignation elle-même et non pas aux débats devant le juge des référés, alors que mention d'aucune pièce annexée n'était portée sur l'assignation en référé, de telle sorte qu'effectivement aucun désordre précis n'était identifié et invoqué à l'appui de la demande d'expertise.
Elle a soutenu que les travaux avaient fait l'objet d'une réception le 26 avril 1989, et que c'était là le seul document faisant courir les délais de garantie décennale, puisqu'il avait été établi au contradictoire du maître de l'ouvrage qui l'avait signé, le document du 28 juin 1989 n'étant pas un procès-verbal de réception puisque signé par la seule entreprise pilote.
Au fond, analysant le rapport d'expertise, elle a fait valoir que sa garantie, qui ne procède que des malfaçons et désordres de type " décennal ", n'avait pas lieu de s'appliquer ici, soit parce que les désordres invoqués avaient fait l'objet de réserves à la réception, soit qu'ils n'étaient pas de nature à affecter la solidarité de l'ouvrage.
* * *
La société STIC a exposé qu'elle n'avait jamais été au courant de désordres qui lui étaient maintenant reprochés et dont elle avait découvert le reproche par l'assignation du 24 juin 1999 ; qu'elle n'avait jamais été appelée à l'expertise laquelle lui était totalement inopposable ; qu'ainsi elle devait être mise hors de cause, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble LE MANHATTAN devant être débouté en ce qui la concerne.
* * *
Monsieur Pierre Z...a relaté qu'effectivement il avait participé au chantier et qu'il avait eu la surprise d'être appelé à la procédure alors que le chantier avait été réceptionné au mois d'avril 1989 et qu'il n'avait, depuis cette date, eu aucune nouvelle d'un quelconque désordre pouvant exister ou pouvant lui être impliqué, jusqu'au jour où il avait eu connaissance de l'exploit introductif d'instance reçu le 24 juin 1999.
Il a considéré que l'expertise lui était inopposable.
Il a conclu à sa mise hors de cause.
Par jugement du 8 avril 2002 le tribunal civil a déclaré l'action engagée par le syndicat irrecevable pour cause de forclusion et a condamné ce dernier à payer au titre des frais irrépétibles :
-à GENERALI FRANCE la somme de 200. 000 F CFP,
-à Pierre Z...la somme de 150. 000 F CFP,
-à la STIC la somme de 160. 000 F CFP.
PROCÉDURE D'APPEL
Par requête déposée le 30 mai 2002 le syndicat des copropriétaires de l'immeuble LE MANHATTAN a interjeté appel de ce jugement signifié par acte des 2 et 6 mai 2002.
A l'appui de son recours, le syndicat soutient que le point de départ du délai de forclusion est le procès-verbal établi le 26 juin 1989, ainsi que retenu par le propre expert de l'assureur, et non le 26 avril 1989 ; que l'action engagée le 24 juin 1999 n'était donc pas frappée de prescription.
Il soutient ensuite que, nonobstant la rédaction malencontreuse de l'article 7 de l'ordonnance du 12 octobre 1992, l'article 2244 du code civil tel qu'issu de la loi de 1985 est applicable en toutes matières et qu'ainsi l'assignation en référé du 1er juillet 1996 a valablement interrompu la prescription.
Il estime que l'assignation est régulière puisque les désordres en cause et les personnes concernées étaient décrits et désignés dans les pièces produites à l'appui de l'assignation, notamment les rapports B...et C....
Sur la responsabilité de ARBE, le syndicat relève que les conclusions du 18 novembre 1999 par lesquelles elle indiquait que " l'éclat de béton constitue bien un vice caché qui relèverait de la garantie décennale " constitue une reconnaissance expresse de responsabilité et que, même s'il était jugé que la prescription était acquise, cela constituerait une renonciation à cette prescription.
Le syndicat fait valoir encore que ARBE a agi pour son compte et pour celui des autres corps d'état dont la STIC et monsieur Z...; que la police d'assurance couvre l'ensemble des travaux ; qu'en conséquence ARBE a nécessairement représenté la STIC et l'entreprise Z...aux opérations d'expertise et que les conclusions de celle-ci leur sont donc opposables.
A titre subsidiaire, si la cour ne retenait pas que l'intégralité des désordres relève de la garantie décennale, le syndicat invoque les solutions jurisprudentielles fondées sur la responsabilité de droit commun (article 1641 du code civil).
Le syndicat demande à la cour :
-d'homologuer le rapport de l'expert monsieur A...,
-de dire et juger que les désordres qui y sont décrits relèvent de la garantie décennale due par les entreprises Z..., STIC et ARBE,
-d'ordonner à chacune d'entre elles pour la partie la concernant la reprise des travaux incorrectement effectués selon les préconisations et sous le contrôle de l'expert judiciaire,
-de dire que faute pour elles d'avoir engagé lesdits travaux de reprise dans les deux mois de la décision à intervenir, elles encourront une astreinte fixée pour chacune d'entre elles à 100. 000 F CFP par jour,
-de dire que les travaux une fois entrepris devront être achevés dans les deux mois de leur commencement,
-de débouter les intimés de toutes leurs prétentions.
-très subsidiairement,
-de condamner l'entreprise ARBE à payer au syndicat requérant la somme de 1. 500. 000 F CFP représentant le coût des reprises des fissures et joints de dilatation ainsi que des acrotères et relevés d'étanchéité,
-de condamner monsieur Z...à payer au syndicat appelant la somme de 360. 000 F CFP au titre de la réfection de l'ensemble des solins et bandes de rive,
-de condamner la société STIC à payer au syndicat appelant la somme de 2. 440. 000 F CFP au titre des travaux de reprise des défauts d'étanchéité,
-de condamner en outre solidairement les trois entreprises à payer une somme de 500. 000 F CFP au titre des diverses sujétions relatives à la réalisation du chantier,
-de dire que la compagnie d'assurance GENERALI FRANCE devra sa garantie au titre de la police d'assurance décennale souscrite à due concurrence des condamnations à intervenir en principal, intérêts et frais,
-de condamner chacun des défendeurs à payer au syndicat appelant une somme de 100. 000 F CFP au titre des frais irrépétibles,
-de les condamner en outre solidairement aux dépens.
* * *
Pierre Z...conteste le moyen tenant à sa représentation aux opérations d'expertise par ARBE.
Il conclut à la confirmation et à la condamnation du syndicat à lui payer la somme de 200. 000 F CFP au titre des frais irrépétibles.
* * *
La compagnie d'assurances GENERALI FRANCE soutient que l'action du syndicat, à supposer que les désordres relèvent de la garantie décennale, est atteinte par la prescription.
Elle maintient que seul le procès-verbal contradictoire établi le 26 avril 1989 vaut procès-verbal de réception, le document du 28 juin 1989 n'étant signé que de l'entreprise pilote ; qu'en conséquence, sauf interruption de prescription, celle-ci est acquise.
Sur l'interruption de la prescription, elle maintient que les exigences posées par la jurisprudence tenant à la description des désordres et à la définition des responsabilités ne sont pas respectées par l'assignation en référé qui seule a un effet interruptif ; que la production, en cours des débats, de précédents rapports d'expertise, ne pouvait régulariser cette carence.
Concernant la lettre du 1er avril 1996 adressée par La Concorde, l'assureur relève que la reconnaissance de garantie décennale visait des infiltrations d'eau localisées dont le coût de réfection était fixé par l'expert et que cette reconnaissance ne saurait s'étendre à l'ensemble du litige.
Sur la responsabilité de ARBE, l'assureur fait valoir :
-qu'il résulte de l'expertise A...que seules les fissures et ouvertures des joints de fractionnement et de dilatation n'étaient pas apparentes au moment de la réception ; que les autres désordres ont fait l'objet de réserve ;
-qu'au titre des conditions de garantie, l'assurance ne s'applique pas aux dommages ayant motivé lors de la réception des réserves dont il n'a pas été tenu compte ;
-qu'en conséquence il est bien fondé à décliner sa garantie, les désordres ne relevant pas de la garantie décennale soit pour avoir fait l'objet de réserves à la réception, soit pour ne pas affecter la solidité de l'ouvrage.
GENERALI FRANCE observe également que l'éventuelle reconnaissance de responsabilité de ARBE dans ses conclusions du 18 novembre 1999 ne peut lui être opposée en vertu de l'article 15 de la police.
Enfin l'assureur relève que l'article 1641 du code civil n'est pas applicable à l'espèce dès lors qu'il est relatif aux relations entre l'acquéreur et le vendeur sur qui pèse une obligation de délivrance alors qu'en l'espèce il s'agit d'un contrat de construction.
GENERALI FRANCE conclut à la confirmation et sollicite une somme de 250. 000 F CFP au titre des frais irrépétibles.
* * * La SELARL GASTAUD, mandataire liquidateur de la société STIC, sollicite la confirmation pure et simple du jugement.

* * * Par nouvelles écritures du 15 novembre 2002, le syndicat, en réponse à GENERALI FRANCE, fait valoir :

-que tous les éléments du dossier justifient de retenir la date du 26 juin 1989 comme point de départ de la prescription,
-que dans le doute, il convient de retenir la date de prise de possession de l'immeuble, soit juin 1989.
Il prend acte de ce que GENERALI FRANCE ne conteste pas l'applicabilité de l'article 2244 du code civil sur le pouvoir interruptif de prescription de l'instance en référé mais estime que l'assignation était suffisamment précise et a valablement interrompu la prescription.
Il maintient également que le courrier du 1er avril 1996 fait suite à un rapport d'expertise de monsieur C...qui concluait " la ruine totale de cette étanchéité apparaît donc inéluctable à moyen terme si rien n'est fait pour reprendre les désordres superficiels que l'on a vus " et que l'assureur, sans contester la réalité de ces désordres relevant de sa garantie, a opposé le montant de la franchise pour procéder au classement de cette affaire.
Le syndicat indique enfin avoir régulièrement déclaré sa créance à l'égard de la STIC entre les mains du mandataire-liquidateur. * * * GENERALI FRANCE réplique :

-que le procès-verbal établi le 26 avril 1989 est un procès-verbal de réception avec réserves et celui du 26 juin, signé du seul architecte, un procès-verbal de levée des réserves ; qu'en aucun cas il ne peut valoir procès-verbal de réception,
-que l'assignation en référé sollicitait une expertise et se référait à des rapports d'expertise non annexés, ce qui était insuffisant pour interrompre la prescription,
-qu'au demeurant, il résulte de ces rapports que les problèmes d'étanchéité ne relevaient pas à l'époque de la garantie décennale, aucun dommage n'étant à déplorer.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le point de départ de la prescription décennale
Attendu que le délai de prescription de la garantie décennale court à compter de la réception de l'ouvrage ;
Que la réception s'entend, aux termes de l'article 1792-6 du code civil comme étant l'acte par lequel " le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves " ; qu'il s'agit d'un acte qui doit nécessairement être réalisé de façon contradictoire ;
Attendu en l'espèce que seul l'acte rédigé le 26 avril 1989 et intitulé " procès-verbal de réception provisoire " correspond à ces exigences dès lors que, rédigé en présence de tous les corps de métiers et signé du maître de l'ouvrage, de l'architecte et de l'entreprise pilote, il prononce " la réception provisoire des travaux avec date d'effet ce même jour,26 avril 1989 " ;
Que le document daté du 26 juin 1989 et inexactement intitulé " procès-verbal de réception provisoire " constitue en fait une levée des réserves soulevées lors de la visite de réception du 26 avril 1989 ;
Qu'en conséquence, l'action introduite par la requête introductive enregistrée le 06 juillet 1999 apparaît prescrite sauf cause d'interruption de la prescription ;
Sur l'interruption de la prescription
-par l'assignation en référé
Attendu que le premier juge a procédé à une exacte analyse des dispositions légales applicables en retenant qu'en étendant à la Nouvelle-Calédonie pour " l'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation " les dispositions de l'article 2244 du code civil tel qu'il résulte de l'article 37 de la loi du 05 juillet 1985, l'ordonnance no 92-1146 du 12 octobre 1992 a nécessairement maintenu applicable pour les autres matières l'article 2244 dans sa rédaction antérieure laquelle ne vise pas la citation en référé comme cause légale d'interruption de la prescription ;
Attendu par ailleurs qu'il résulte de la jurisprudence constante prise en application de l'article 2244 dans sa rédaction antérieure à la loi du 05 juillet 1985 que l'assignation en référé en vue de la désignation d'un expert n'avait pas d'effet interruptif ;
Qu'en l'espèce, l'assignation en référé du 1er juillet 1996, si elle visait des désordres et des responsabilités, tendait uniquement à la désignation d'un expert ;
Qu'elle ne saurait donc être retenue comme cause interruptive de la prescription laquelle est donc acquise ;-par la reconnaissance des droits

Attendu que le moyen tiré d'une interruption de la prescription par la reconnaissance qu'ARBE aurait faite, dans ses conclusions du 18 novembre 1999, du droit du syndicat n'est pas fondé ;
Que la phrase mise en exergue par le syndicat ne doit pas être extraite de son contexte ;
Qu'en réalité, ARBE critiquait l'expertise pour avoir confondu la finition du béton avec une fissuration, et maintenait que les reprises liées à la finition avaient été correctement réalisées ;
Que ce n'est donc que de façon purement hypothétique et pour dégager totalement sa responsabilité éventuelle qu'ARBE relevait qu'en tout état de cause l'existence d'un éclat de béton relèverait de la garantie décennale si celle-ci n'était pas prescrite et relèverait également de la garantie de l'assureur ;
Qu'une telle phrase ne saurait donc constituer la reconnaissance de l'article 2248 ;
Attendu en second lieu que la lettre adressée le 1er avril 1996 par la compagnie d'assurances LA CONCORDE au syndicat ne peut valoir reconnaissance de droit que pour le préjudice défini et quantifié par l'expert C...;
Qu'il s'agissait précisément de problèmes d'étanchéité localisés au mur de pignon et au mur contigu aux bureaux de la société BULL et à ceux de la société PUB'OBJET ;
Que l'estimation du traitement d'imperméabilité, inférieure à la franchise, caractérisait le caractère réduit du dommage ;
Que le syndicat qui avait, au demeurant, toute latitude pour actionner l'entreprise STIC, titulaire du marché d'origine, ne saurait tirer argument de cette lettre et en étendre la portée à des désordres autres que ceux visés par l'expert C...;
Que ce moyen n'est donc pas davantage fondé ;
Sur la demande subsidiaire sur le fondement de l'article 1641 du code civil
Attendu que ces dispositions légales concernent la garantie due par le vendeur à l'acheteur ;
Qu'elles sont sans application dans les relations entre l'acheteur et le constructeur ;
Que cette demande n'est donc pas fondée ;
Sur les frais irrépétibles
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser aux intimés la charge de leurs frais irrépétibles ;
Qu'il sera alloué à la compagnie d'assurances LA CONCORDE devenue GENERALI FRANCE, à Pierre Z...et à la société ARBE, la somme de 100. 000 FCFP ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
STATUANT publiquement et par arrêt contradictoire ;
DIT l'appel recevable mais mal fondé ;
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a déclaré l'action en garantie décennale engagée par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble LE MANHATTAN atteinte par la prescription ;
DÉBOUTE ledit syndicat de sa demande subsidiaire ;
LE CONDAMNE à payer à la société ARBE, à la compagnie d'assurances LA CONCORDE devenue GENERALI FRANCE et à Pierre Z..., chacun, la somme de CENT MILLE (100. 000) FCFP au titre de l'article 129 du décret du 07 avril 1928 modifié ;
LE CONDAMNE de même aux dépens d'appel dont distraction au profit des avocats de la cause, sur leur offre de droit.
ET signé par Gérard FEY, Premier Président et par Raymond HUYNH, Greffier en chef, présent lors du prononcé de l'arrêt.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Ct0062
Numéro d'arrêt : 134
Date de la décision : 05/06/2003

Analyses

PRESCRIPTION

Nouvelle-Calédonie - Prescription - article 2244 du code civil - Rédaction applicable - causes d'interruption - référé (non) En étendant à la Nouvelle-Calédonie pour l'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation les dispositions de l'article 2244 du code civil tel qu'il résulte de l'article 37 de la loi du 05 juillet 1985, l'ordonnance nº 92-1146 du 12 octobre 1992 a nécessairement maintenu applicable pour les autres matières l'article 2244 dans sa rédaction antérieure, laquelle ne vise pas la citation en référé comme cause légale d'interruption de la prescription. Une assignation en référé en vue de la désignation d'un expert n'avait pas d'effet interruptif selon la jurisprudence constante prise en application de l'article 2244 dans sa rédaction antérieure à la loi du 05 juillet 1985. Il en résulte qu'en l'état d'une réception de l'ouvrage réalisée le 26 avril 1989 et d'une requête introductive enregistrée le 06 juillet 1999, la prescription est acquise.


Références :

Décision attaquée : Tribunal de première instance de Nouméa, 08 avril 2002


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.noumea;arret;2003-06-05;134 ?
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