RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 23/02084 -
N° Portalis DBVH-V-B7H-I3QG
DD
Tribunal judiciaire de NÎMES
19 mai 2023
RG : 21/02899
[O]
C/
S.A. ALLIANZ VIE
Grosse délivrée
le 29/08/2024
à Me Pascale Comte
à Me Sophie Meissonnier-Cayez
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1ère chambre
ARRÊT DU 29 AOÛT 2024
Décision déférée à la cour : jugement du tribunal judiciaire de Nîmes en date du 19 mai 2023, N°21/02899
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Delphine Duprat, conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre,
Mme Delphine Duprat, conseillère,
Mme Audrey Gentilini, conseillère,
GREFFIER :
Mme Nadège Rodriguès, greffière, lors des débats, et Mme Audrey Bachimont, greffière, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l'audience publique du 25 juin 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 29 août 2024.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
Mme [R] [O] épouse [L]
née le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 6] (29)
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Pascale Comte de la Scp Akcio Bdcc Avocats, plaidante/postulante, avocate au barreau de Nîmes
INTIMÉE :
La Sa ALLIANZ VIE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Emmanuelle Cardon de la Selarl CVS, plaidante, avocate au barreau de Paris et par Me Sophie Meissonnier-Cayez de la Selas PVB Avocats, postulante, avocat au barreau de Nîmes
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre, le 29 août 2024, par mise à disposition au greffe de la cour.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Le 2 janvier 1995, Mme [R] [O] épouse [L] a adhéré au contrat d'assurance de groupe souscrit par le Groupement Militaire de Prévoyance des Armées auprès des Assurances Générales de France aux droits desquelles vient désormais la société Allianz Vie.
Le 25 mai 2017, elle a fait une chute à la suite de laquelle elle a présenté de multiples fractures et des lésions hémorragiques intracrâniennes. Elle a déclaré le sinistre à son assureur le 27 septembre 2017, et sollicité la mise en oeuvre de la garantie ' GIH-Hospitalisation'.
Le docteur [I], expert médical mandaté par Allianz Vie, a fixé la date de consolidation de son état au 13 décembre 2018, évalué le taux de son déficit fonctionnel permanent à 60 % et le taux de son invalidité professionnelle permanente à 90 %.
La société Allianz Vie a pris en charge le sinistre au titre de la garantie « Invalidité absolue définitive par suite d'accident » et indemnisé Mme [O] à hauteur de 161 805 euros.
Elle a cependant refusé d'appliquer la majoration du capital de 800 %, prévue en cas d'invalidité absolue et définitive au motif que l'invalidité absolue et définitive (IAD) alléguée par l'assurée était intervenue plus d'un an après l'accident.
Par acte du 13 juillet 2021, Mme [O] a assigné la société Allianz Vie devant le tribunal judiciaire de Nîmes qui par jugement contradictoire du 19 mai 2023 :
- a rejeté ses demandes,
- a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- l'a condamnée aux dépens.
Par déclaration du 16 juin 2023, Mme [O] a interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance du 7 mars 2024, la procédure a été clôturée le 11 juin 2024 et l'affaire fixée à l'audience du 25 juin 2024.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS
Par conclusions régulièrement notifiées le 12 mars 2024, Mme [R] [L] demande à la cour
- d'infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
A titre principal
- de juger que la notice d'information de la convention n°60.400, police n°10.008.076 lui est inopposable,
- de condamner la société Allianz Vie à lui payer la majoration de 800 % soit la somme restant due de 184 920 euros, assortie des intérêts légaux capitalisés à compter du 29 janvier 2020,
A titre subsidiaire
- de juger abusive la clause stipulée à l'article 3.3.2 ou 16.2 de la notice d'information (police n°10.008.076),
- de condamner la société Allianz Vie à lui payer la majoration de 800 % soit la somme restant due de 184 920 euros, assortie des intérêts légaux capitalisés à compter du 29 janvier 2020,
A titre infiniment subsidiaire
- de condamner la société Allianz Vie à lui payer la somme de 135 145,09 euros assortie des intérêts légaux capitalisés à compter du 29 janvier 2020,
En tout état de cause
- de condamner la société Allianz Vie au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- de débouter cette société de l'ensemble de ses demandes,
- de faire application des dispositions de l'article R. 631-4 du code de la consommation dans l'hypothèse où l'exécution forcée de l'arrêt à intervenir s'avérait nécessaire.
L'appelante sollicite que la prise en charge de son préjudice s'effectue sur la base des seules conditions générales édictées en décembre 1993 qui ne prévoient pas de condition de délai pour l'application la majoration de 800 %. A défaut elle demande qu'il soit fait application de l'article 4-3 prévu à l'annexe Prévoyance Familiale jointe aux conditions générales de décembre 1993 qui prévoit une valorisation annuelle du capital de base par indexation sur la variation de l'indice 100 des rémunérations des personnels civils et militaires de l'Etat.
A titre subsidiaire, elle expose que la notice d'information de la convention n°60.400, police n°10.008.076 est abusive et doit être réputée non écrite. Elle considère sur ce point que la clause crée un déséquilibre significatif entre les parties au sens de l'article L. 212-1 du code de la consommation puisque son application suppose que les assurés justifiant d'une invalidité absolue et définitive soient consolidés dans le délai d'un an ce qui est dans les faits impossibles compte tenu de la gravité des séquelles en cas d'invalidité absolue et définitive.
Elle soutient enfin que la demande d'expertise formulée à titre subsidiaire par l'intimée ne présente aucun intérêt pour la résolution du litige qui ne porte que sur l'application du contrat et considère que la résistance abusive de l'assureur lui a causé un préjudice réel et certain qu'il convient d'indemniser à hauteur de 3 500 euros.
Par conclusions régulièrement notifiées le 5 juin 2024, la société Allianz Vie demande à la cour :
- de confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
En tout état de cause
- de débouter l'appelante de toutes ses demandes,
- de la condamner au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'intimée réplique que les dispositions contractuelles applicables au sinistre sont bien celles de la convention n°60.400 (police n°10.008.076) édictées en 2019 puisqu'en signant l'avenant du 29 novembre 2016, l'appelante a adhéré à cette nouvelle police d'assurance et reconnu avoir pris connaissance de la notice d'information alors en vigueur ; que ces stipulations et plus précisément des articles 15 et 16 de la notice d'information prévoient qu'en cas d'invalidité absolue et définitive résultant d'un accident, la majoration du capital n'est pas applicable si l'état d'invalidité de l'assuré est intervenu plus d'un an après la date de l'accident ; qu'en l'espèce, l'accident est intervenu le 25 mai 2017 et la consolidation le 13 décembre 2018 ; que l'article 16.2 de la notice d'information, rédigée de manière claire et compréhensible, ne revêt pas de caractère abusif au sens de l'article L. 212-1 du code de la consommation.
Elle soutient que demande formulée à titre infiniment subsidiaire tendant au règlement d'un capital complémentaire d'un montant total de 135 145,09 euros ne saurait prospérer comme se fondant sur des conditions générales antérieures au sinistre ; qu'au surplus, le calcul avancé est erroné et que l'appelante ne rapporte pas la preuve de la résistance abusive qu'elle lui impute ni la preuve du préjudice qu'elle allègue.
Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
Sur les stipulations contractuelles applicables au sinistre
Le tribunal a jugé que l'article 16 ' Majoration du capital' de la notice d'information de la convention n°60.400 police n°10.008.076 était opposable à l'assurée au motif que l'assureur produisait un avenant daté du 26 novembre 2016 dont la signature par celle-ci emportait acceptation des nouvelles conditions générales.
L'appelante prétend que l'assureur ne peut se prévaloir de l'avenant signé le 29 novembre 2016 pour solliciter l'application de conditions générales postérieures à son adhésion au contrat d'assurance et que cet avenant, rédigé de façon peu claire et peu compréhensible doit être interprété en sa faveur en application de l'article L.211-1 du code de la consommation de sorte que les conditions générales de la police n°10.008.076 doivent lui être déclarées inopposables.
L'intimée prétend que l'appelante a adhéré aux stipulations contractuelles relatives à la convention n°60.400 (police n°10.008.) lors de la signature de l'avenant du 29 novembre 2016.
Aux termes de l'article 1134 ancien du code civil les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
Aux termes de l'article 1119 al 1 du même code, les conditions générales invoquées par une partie n'ont d'effet à l'égard de l'autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées.
En l'espèce, l'appelante a adhéré le 2 janvier 1995 à la convention d'assurance de groupe n°60.400 (police n°10.005.219). Les conditions générales de cette police prévoient le versement d'un capital et de capitaux supplémentaires en cas de décès ou d'invalidité absolue et définitive de l'assuré résultant d'un accident.
Cependant, l'intimée verse aux débats un avenant de garanties signé par l'appelante le 29 novembre 2016 qui mentionne page 1 : 'DÉCLARATION D'ADHÉSION A L'ASSURANCE. Valant certificat de garantie conformément aux articles 3 et 4 relatifs aux règles d'acceptation de la convention d'assurance de groupe N°60.400 (police n°10.088.076) [...]'
Cet acte comprend dans un paragraphe intitulé 'Bon pour consentement à l'assurance' la mention selon laquelle l'assuré reconnaît en apposant sa signature sur le document 'Avoir reçu et pris connaissance des notices d'informations GMPA Assurance Prévoyance en vigueur à la date d'adhésion qui m'ont été remises et qui sont également mises à dispositions sur le site internet du GPMA.'
Il est également fait mention d'un numéro de police n°10.008.076, différent de la police initialement souscrite par l'appelante en et référencée sous le numéro n°10.005.219. En outre, il est mentionné à plusieurs reprises sur l'avenant 'Déclaration d'adhésion'.
Ainsi, l'avenant signé par l'appelante le 29 novembre 2016 contenait les informations suffisantes pour attirer son attention sur la portée juridique de l'acte consistant en l'adhésion à une nouvelle police n°10.008.076 dont l'assureur produit la notice d'information remise lors de sa signature.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a retenu que seules les stipulations contractuelles issues de la convention n°60.400, police n°10.008 étaient ici applicables et débouté la requérante de sa demande de règlement d'un capital complémentaire sur la base des stipulations contractuelles antérieures.
Sur le caractère abusif de la clause
Le tribunal a débouté l'assurée de sa demande subsidiaire tendant à voir réputer non écrite l'article 16 de la notice d'information de la convention n°60.400, police n°10.008.076 au motif que la clause, rédigée de façon claire et compréhensible, ne créait pas de déséquilibre significatif au sens de l'article L.212-1 nouveau du code de la consommation.
L'appelante prétend que l'article 16.2 de la police n°10.008.076 revêt un caractère abusif en ce que cette clause n'est ni claire, ni compréhensible pour un consommateur.
Elle soutient d'autre part que cette clause crée un déséquilibre significatif entre ses droits et les obligations de l'assureur en subordonnant la majoration du capital à l'intervention d'une incapacité absolue définitive au plus tard un an après la date de l'accident alors qu'une telle incapacité exclut par définition que la consolidation puisse intervenir dans un tel délai.
L'intimée réplique que la clause litigieuse est parfaitement claire et compréhensible et n'exclut pas le droit à indemnisation de l'assurée mais vise seulement un éventuel complément d'indemnisation.
Selon l'article L. 212-1'du code de la consommation invoqué, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1188, 1189, 1191 et 1192 du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque les deux contrats sont juridiquement liés dans leur conclusion ou leur exécution.
L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.
Aux termes de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
En l'espèce, la clause 'Majoration en cas de décès accidentel ou d'IAD par suite d'accident' prévue à l'article 16.2 de la notice d'information dûment remise à l'assurée lors de la signature de l'avenant est libellée de la façon suivante:
' Lorsque le décès ou l'état d'IAD est consécutif à un accident au sens défini à l'article 10.2 et à condition toutefois que le décès ou l'IAD intervienne au plus tard UN AN après la date de l'accident, le capital est, si le régime le prévoit, majoré dans les conditions fixées par celui-ci.'
Il résulte de ces stipulations valablement portées à la connaissance de l'assurée, que la mise en 'uvre de la majoration en cas d'incapacité absolue définitive suppose la réunion cumulative de deux conditions : une invalidité absolue définitive telle que définie à l'article 10.2 de la notice et l'intervention de cette invalidité dans le délai d'un an après la survenance de l'accident.
Cette clause rédigée de façon claire et précise définit de manière non équivoque les conditions de mise en 'uvre de la majoration et ne peut être qualifiée d'abusive à ce titre.
S'agissant du déséquilibre significatif allégué en raison de l'impossible application de la clause compte tenu du délai d'un an imposé pour constater la consolidation, si ce délai relativement court est de nature à limiter les cas d'application de la majoration, il ne les exclut cependant pas en toute hypothèse.
En outre, cette condition restrictive ne caractérise pas un déséquilibre significatif entre les droits de l'assureur et les obligations de l'assurée puisqu'elle ne concerne que la majoration du capital et non le principe du droit à indemnisation lui-même.
Dès lors et en l'absence de consolidation intervenue dans le délai d'un an, les conditions nécessaires à la mise en oeuvre de la majoration du capital n'étaient ici pas réunies.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté l'assurée de sa demande subsidiaire tendant à voir réputer non écrite la clause prévue à l'article 16 de la notice d'information de la convention n°60.400, police n°10.008.076 et en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application de la majoration.
Sur la résistance abusive
L'appelante, déboutée de l'ensemble de ses demandes sera nécessairement déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.
L'intimée ne rapportant pas la preuve d'un préjudice en lien avec la prétendue résistance abusive de l'appelante sera également déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.
Sur les autres demandes
Succombant en son appel, Mme [O] épouse [L] sera condamnée à en supporter les entiers dépens sur le fondement des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et sera déboutée de sa prétention au titre des frais irrépétibles.
Il sera fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile permettant le recouvrement direct des frais exposés par l'avocat sans avoir reçu provision.
Mme [O] épouse [L] sera également condamnée au paiement de la somme de 1 500 euros à la société Allianz Vie au titre des frais irrépétibles exposés par elle en cause d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme allouée par le premier juge étant confirmée.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement déféré dans l'intégralité de ses dispositions
Y ajoutant,
Condamne Mme [R] [O] épouse [L] aux entiers dépens de l'appel dont distraction au profit de PVB Avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Condamne Mme [R] [O] épouse [L] à payer à la SA Allianz Vie la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,