RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 23/03526 -
N° Portalis DBVH-V-B7H-I76X
DD
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AIX EN PROVENCE
17 janvier 2019
RG:16/04974
[H]
C/
[P]
Selarl AVOCATS INTERBARREAUX JCVBRL
SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
SA MMA IARD
Grosse délivrée
le 22/08/2024
à Me Philippe Pericchi
à Me Elodie Rigaud
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1ère chambre
ARRÊT DU 22 AOÛT 2024
Décision déférée à la cour : jugement du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence en date du 17 janvier 2019, N°16/04974
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre,
Mme Delphine Duprat, conseillère,
Mme Audrey Gentilini, conseillère,
GREFFIER :
Mme Nadège Rodrigues, greffière, lors des débats, et Mme Audrey Bachimont, greffière, lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 11 juin 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 22 août 2024.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANT :
M. [R] [H]
né le [Date naissance 1] 1955
[Adresse 8]
[Localité 6]
Représenté par Me Philippe Pericchi de la Selarl Avouepericchi, postulant, avocat au barreau de Nîmes et par Me Caroline Fontaine-Beriot de la Seleurl FB avocats, plaidante, avocate au barreau d'Aix-en-Provence
INTIMÉES :
Mme [J] [P]
née le [Date naissance 4] 1970
[Adresse 5]
[Localité 2]
La Selarl AVOCATS INTERBARREAUX JCVBRL
[Adresse 5]
[Localité 2]
La Sa MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
[Adresse 3]
[Localité 7]
La Sa MMA IARD
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représentées par Me Etienne Abeille de la Selarl Abeille & associés, plaidant, avocat au barreau de Marseille et par Me Elodie Rigaud, postulante, avocate au barreau de Nîmes
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre, le 22 août 2024, par mise à disposition au greffe de la cour
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Le 29 mai 1997, M. [R] [H] a été victime d'un grave accident de la route.
Il a confié à compter de 2004 à Me [J] [P] et à la Selarl JCVBRL la défense de ses intérêts dans le cadre d'une procédure pénale devant le tribunal correctionnel de Metz.
Reprochant à son avocat divers manquements il a, par acte du 18 juillet 2016 fait assigner ceux-ci devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence aux fins d'indemnisation de son préjudice.
Par acte du 11 août 2016, il a également fait assigner la société Covea Risks, assureur de son conseil, aux fins de condamnation solidaire sur le fondement de l'article 1147 du code civil.
Les deux instances ont été jointes par ordonnance du 14 novembre 2016.
Par acte du 10 août 2016, Me [P], la Selarl JCVBRL et les sociétés MMA IARD et MMA Assurances Mutuelles venant aux droits de la société Covea Risks ont fait assigner en intervention forcée Me [L] [A] [F] et la SCP Vorms [A] [F] aux fins de les voir condamner à les relever et garantir de toute condamnation.
Cette instance a été jointe à la précédente par ordonnance du 3 avril 2017.
Par jugement contradictoire du 17 janvier 2019, le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence :
- a déclaré l'appel en garantie de Me [L] [A] [F] et de la Scp Vorms [A] [F] recevable,
- a débouté Me [J] [P] et la Selarl JCVBRL, les sociétés MMA IARD et MMA Assurances Mutuelles de leurs demandes à leur encontre,
- a condamné Me [J] [P] et la Selarl JCVBRL solidairement entre elles et in solidum avec les sociétés MMA IARD et MMA Assurances Mutuelles à payer à M. [R] [H] la somme de 65 048 euros au titre du préjudice subi du fait de la faute professionnelle commise par Me [J] [P] membre de la Selarl JCVBRL,
- a débouté M. [R] [H] du surplus de ses demandes ;
- a condamné Me [J] [P] et la Selarl JCVBRL solidairement entre elles et in solidum avec les sociétés MMA IARD et MMA Assurances Mutuelles à payer
- à M. [R] [H] la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- à Me [L] [A] [F] et à la SCP Vorms [A] [F] la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- a débouté Me [J] [P] et la Selarl JCVBRL, les sociétés MMA IARD et MMA Assurances Mutuelles de l'ensemble leurs demandes,
- a condamné Me [J] [P] et la Selarl JCVBRL solidairement entre elles et in solidum avec les sociétés MMA IARD et MMA Assurances Mutuelles aux dépens,
- a ordonné l'exécution provisoire,
- a accordé aux avocats constitués le droit de recouvrer les dépens selon les formes de l'article 699 du code de procédure civile.
Par déclaration du 6 février 2019, M. [R] [H] a interjeté appel de cette décision.
Par arrêt contradictoire du 14 décembre 2021, la cour d'appel d'Aix-en-Provence :
- a infirmé le jugement déféré, sauf en ce qui concerne les demandes formées à l'encontre de Me [L] [A] [F] et la SCP Vorms [A] [F] et l'application de l'article 700 du code de procédure civile à leur profit,
Statuant à nouveau
- a rejeté les demandes formées par M. [H],
Y ajoutant,
- a dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile,
- a condamné M. [H] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La cour a rejeté les demandes de M. [H] et fait droit à l'appel incident Me [J] [P], la Selarl JCVBRL et les sociétés Mma Iard et Mma Assurances Mutuelles, au motif que celui-ci avait limité son appel à l'évaluation de son préjudice.
M. [H] a formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cette décision au visa de l'article 16 du code de procédure civile en faisant grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes en fondant sa décision sur des moyens de droit relevés d'office sans avoir invité au préalable les parties à présenter leurs observations.
Par arrêt du 13 septembre 2023, la Cour de cassation :
- a cassé et annulé mais seulement en ce qu'il a rejeté les demandes formées par M. [H], l'arrêt rendu le 14 décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence,
- a remis sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoient devant la cour d'appel de Nîmes,
- a mis hors de cause Me [F] et la SCP d'avocats Vorms [A] [F],
- a condamné Me [P] et la Selarl JCVBRL, in solidum avec les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles, à payer à M. [H] la somme de 3 000 euros et rejeté les autres demandes,
- a dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé.
M. [H] a saisi la cour d'appel de Nîmes par déclaration du 10 novembre 2023.
Par avis du 25 janvier 2024, la procédure a été clôturée le 4 juin 2024 et l'affaire fixée à l'audience du 11 juin 2024.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS
Par conclusions notifiées le 17 mars 2024, M. [R] [H] demande à la cour :
- de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné solidairement Me [J] [P] et la Selarl JCVBRL, in solidum avec les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles à réparer son préjudice au titre de la responsabilité professionnelle de Me [P], et à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de l'infirmer pour le surplus,
Statuant à nouveau,
- de juger que Me [P], membre de la Selarl JCVBRL a commis plusieurs fautes dans le cadre de son obligation de moyen et de résultat qui engagent sa responsabilité professionnelle à son égard,
- de condamner solidairement Me [J] [P] et la Selarl JCVBRL, in solidum avec les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles à lui payer une somme de 650 482 euros au titre du préjudice de perte de chance d'obtenir l'indemnisation de son préjudice devant le tribunal correctionnel de Metz et la cour d'appel de Metz du fait des fautes professionnelles commises par Me [J] [P], membre de la Selarl JCVBRL,
A titre subsidiaire
- d'ordonner une contre-expertise confiée à un collège d'expert en traumatologie, en neurologie et en psychiatrie avec pour mission celle habituelle en cette matière aux frais avancés de Me [J] [P], de la Selarl JCVBRL et de la société MMA Assurances,
- de condamner à ce titre Me [J] [P], la Serlarl JCVBRL et la société MMA Assurances (Mutuelles) à lui payer à une somme provisionnelle de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts,
En tout état de cause
- de condamner solidairement Me [J] [P], la Serlarl JCVBRL, in solidum avec les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles à lui payer une somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral autonome,
- de débouter les intimés de toutes leurs demandes, fins et écritures,
- de condamner in solidum Me [J] [P], la Serlarl JCVBRL in solidum avec les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles à lui payer une somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de les débouter de toutes leurs demandes, fins et écritures.
L'appelant soutient :
Sur l'étendue des prétentions dévolues à la cour d'appel de renvoi
- que la Cour de cassation n'a pas cassé les dispositions concernant sa demande reconventionnelle contre Me [F] et la SCP Vorms [A] [F] de sorte que l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence est définitif sur ce point,
- que l'appel interjeté à l'encontre du jugement rendu le 17 janvier 2019 n'était pas limité et lui permet de faire valoir l'existence de nouveaux manquements susceptibles de caractériser une faute professionnelle de l'avocat et d'obtenir la réparation des préjudices nés de ces manquements,
- qu'en conséquence, dès lors qu'il y a cassation sur le rejet de ses demandes, le principe d'indivisibilité nécessaire et d'interdépendance induit forcément une discussion sur le préjudice et sur les fautes de l'avocat, conformément aux articles 624, 625, 631 et 632 du code de procédure civile,
- que les nouvelles pièces qu'il produit en cause d'appel et les nouveaux moyens qu'il formule ne portent pas atteinte au principe de concentration des moyens puisqu'ils tendent aux même fins qu'en première instance et constituent des accessoires des demandes et moyens soumis aux premiers juges, au sens des articles 565 et 566 du code de procédure civile,
Sur les fautes professionnelles de Me [P] et la Selarl JCVBRL
- que ceux-ci ont commis une faute en lui délivrant une information erronée sur la date de délibéré du tribunal correctionnel de sorte que le délai d'appel avait déjà expiré lorsqu'il a été informé de la teneur du jugement rendu ; que la saisine hors délai de la cour d'appel de Metz et donc le non-respect des articles 496 à 498 du code de procédure pénale, constitue un manquement à l'obligation de résultat pesant sur l'avocat,
- que son avocat a également manqué à son obligation de moyen de mettre tout en oeuvre afin de parvenir à l'indemnisation de son préjudice, commettant une faute en s'abstenant de venir plaider le dossier à l'audience et en le confiant à un avocat tiers sans l'en aviser au préalable,
- que le défaut de mise en cause des organismes tiers payeurs, l'omission relative à la demande de nullité du second rapport d'expertise ou de contre-expertise et l'absence de demande d'indemnisation du préjudice spécifique pour tierce personne constituent également des manquements fautifs de l'avocat,
Sur le préjudice et le lien de causalité
- que les fautes successives de son avocat l'ont privé d'une chance d'obtenir une décision plus favorable ; que si l'avocat avait plaidé l'affaire et remis en cause la validité du deuxième rapport d'expertise il lui aurait été possible de faire valoir en appel une incidence professionnelle de 30 % et non de 5 %, de solliciter une contre-expertise afin d'admettre l'hémiparésie dont il est atteint et de solliciter une indemnisation au titre du poste de préjudice de la tierce personne,
- qu'il appartiendra à la cour de liquider son préjudice comme aurait pu le faire la cour d'appel de Metz saisie sur intérêts civils, puis d'y appliquer le coefficient représentant le pourcentage de perte de chance qui sera en définitive retenu, soit 90% des sommes proposées,
à titre subsidiaire, que les constatations formulées à l'encontre du second rapport d'expertise judiciaire étayée par les pièces produites suffisent à justifier la nécessité d'ordonner une contre-expertise médicale aux frais Me [P] et la Selarl JCVBRL et MMA Assurances et de lui octroyer une provision de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts,
Sur le préjudice moral autonome
- que les fautes commises Me [P] et la Selarl JCVBRL lui ont causé un préjudice moral autonome né de l'impossibilité de voir ses demandes examinées en cause d'appel
Par conclusions notifiées le 19 février 2024, Me [P], la Selarl JCVBRL, les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles, demandent à la cour :
- d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il :
- a condamné Me [J] [P] et la Selarl JCVBRL solidairement entre elles et in solidum avec les sociétés MMA IARD et MMA Assurances Mutuelles à payer à M. [R] [H] la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- les a condamnées à payer à Me [L] [A] [F] et la Scp Vorms [A] [F] la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- les a déboutées de l'ensemble de leurs demandes,
- a condamné Me [J] [P] et la Selarl JCVBRL solidairement entre elles et in solidum avec les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles aux dépens,
- a ordonné l'exécution provisoire,
Statuant à nouveau
A titre principal
- de débouter M. [H] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à leur égard,
A titre subsidiaire
- de limiter à la somme de 8 940 euros son éventuelle perte de chance,
En tout état de cause
- de le débouter de sa demande subsidiaire de nouvelle expertise,
En tout état de cause
- de le condamner à leur payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Les intimées répliquent :
Sur l'étendue des prétentions dévolues à la cour d'appel de renvoi
- que la mise hors de cause de Me [F] et de la Scp Vorms [A] [F] est devenue définitive dès lors que cette disposition n'a pas été cassée par l'arrêt rendu le 13 septembre 2023 par la Cour de cassation,
Sur l'absence de fautes professionnelles de Me [P] et de la Selarl JCVBRL
- que Me [P] n'a pas commis de faute en ne se déplaçant pas à l'audience du 17 juin 2011 puisqu'il s'agissait d'une simple réouverture des débats et qu'il est d'usage en la matière d'avoir recours à un correspondant local en l'espèce Me [F] afin d'être informé de la décision rendue; qu'elle ne pouvait ainsi être en mesure d'interjeter appel dans le délai de 10 jours, puisque la date de délibéré qui lui a été communiquée était erronée,
Sur l'absence de préjudice et le lien de causalité
- que l'appelant ne démontre pas que l'appel du jugement lui aurait permis d'obtenir une réparation plus adaptée de son préjudice de sorte que l'existence d'un préjudice de perte de chance n'est pas démontrée ; que le tribunal a fait une application de son pouvoir souverain d'appréciation en retenant un DFP de 8 % et en rejetant l'indemnisation des postes de préjudices professionnels et que compte tenu de la motivation retenue par le tribunal, la cour d'appel n'aurait vraisemblablement pas statué autrement,
- en tout état de cause, que compte tenu de l'aléa judiciaire, l'indemnisation du préjudice corporel de M. [H] aurait pu être revue à la baisse, dans la mesure où les premiers juges se sont fondés à la fois sur le rapport du Dr [Y] et sur celui du Dr [D],
- à titre subsidiaire, que si la cour retenait l'existence d'un préjudice de perte de chance, elle ne saurait reconstituer le préjudice corporel subi par M. [H] sur la base des éléments disparates produits par celui-ci ; que l'appelant, sur qui pèse cette charge, échoue à rapporter la preuve d'un préjudice de perte de gains professionnels futurs, d'une incidence professionnelle ou d'une tierce personne qu'ainsi, il conviendra de limiter le préjudice de perte de chance subi aux seuls postes de préjudices dont les montants auraient pu être revalorisés en appel,
- qu'il ne saurait être fait droit à la demande de nouvelle expertise compte tenu des éléments de l'espèce, de l'ancienneté des faits et de la date de consolidation.
Sur le préjudice moral autonome
- que l'appelant procède par allégation sans rapporter la preuve d'un préjudice distinct de celui des souffrances endurées qui, selon la nomenclature Dintilhac, correspondent au préjudice moral pour la victime de l'accident de la circulation.
Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile.
MOTIVATION
Suivant arrêt de la Cour de cassation du 13 septembre 2023 n'ont pas été cassées les dispositions de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence ayant débouté les intimés de leur demande tendant à être relevés et garantis par Me [A] [F] et la SCP Vorms [A] [F]. L'arrêt du 14 décembre 2021 est définitif sur ce point
La cour est saisie des demandes indemnitaires formulées par M. [H] à l'encontre de Me [P] et de la Selarl JCVBRL.
Préalablement à l'indemnisation des préjudices allégués doit être établie la responsabilité des intimés et donc les éventuelles fautes commises par ces derniers.
Sur la responsabilité de Me [P] et de la Selarl JCVBRL
Le tribunal a jugé que la responsabilité de l'avocat était engagée, Me [P] ayant commis une première faute en ne se présentant pas à l'audience correctionnelle le 17 juin 2011 pour représenter M. [H] sans avoir informé celui-ci au préalable ; qu'en confiant son dossier pour dépôt à l'audience, elle n'a pas plus conservé la maîtrise de l'affaire en s'abstenant de vérifier la date du délibéré, ces faits étant constitutifs d'une seconde faute.
L'appelant soutient que l'avocat a commis une série de fautes dans l'exercice de son activité professionnelle de nature à engager sa responsabilité
- en lui délivrant une information incorrecte sur la date de délibéré, le privant ainsi de la possibilité d'exercer une voie de recours,
- en saisissant la cour d'appel de Metz hors délai,
- en s'abstenant de mettre en oeuvre tous les moyens nécessaires pour parvenir au résultat escompté notamment en déposant le dossier au lieu de le plaider,
- en ne mettant pas en cause les organismes tiers payeurs devant la juridiction correctionnelle statuant sur intérêts civils,
- en ne sollicitant pas la nullité du second rapport d'expertise s'agissant de la liquidation de ses préjudices,
- en s'abstenant de solliciter l'indemnisation du poste de préjudice pour tierce personne.
Les intimés répliquent n'avoir commis aucune faute en ne se déplaçant pas à l'audience, s'agissant d'une simple réouverture des débats, ni en ne vérifiant pas la date des délibérés ceci n'étant 'pas d'usage'.
Selon les articles 411 et 412 du code de procédure civile, le mandat de représentation en justice emporte pouvoir et devoir d'accomplir les actes de la procédure au nom du mandant ; la mission d'assistance en justice emporte pouvoir et devoir de conseiller la partie représentée et de présenter sa défense sans l'obliger.
Pour que la responsabilité de l'avocat soit retenue, il incombe à celui qui s'en prévaut d'établir un fait fautif et un préjudice réparable imputable à ce fait.
- sur la délivrance de l'information sur la date de délibéré
L'appelant prétend qu'il s'est vu fautivement délivrer une information incorrecte relative à la date de délibéré entraînant une déclaration d'appel hors délai.
Le tribunal correctionnel de Metz statuant sur intérêts civils à son égard a rendu le 1er juillet 2011 son jugement en suite de l'audience qui s'est tenue le 17 juin 2011.
L'appel interjeté le 19 juillet a donné lieu à la délivrance d'une ordonnance de non-admission le 24 août 2011.
Par courrier recommandé du 31 août 2011, Me [P] en a informé son client, expliquant que son correspondant local lui avait indiqué de manière erronée que le délibéré avait été fixé au 16 septembre.
Elle produit son propre courrier adressé à ses confrères le 10 juin sur lequel est indiqué de manière manuscrite '16 septembre 2011"
Aucune convention entre l'avocat et son client n'est produite.
Néanmoins, les parties s'entendent pour dire que Me [P] était chargé de défendre les intérêts de l'appelant y compris s'agissant de l'instance en cours devant le tribunal correctionnel de Metz statuant sur intérêts civils et donc sur la liquidation de son préjudice.
Le fait que Me [P] ait choisi de se faire substituer à l'audience par un autre professionnel, ne transfère pas sa responsabilité professionnelle à ce dernier.
La délégation impliquant le contrôle, elle ne pouvait en sa qualité de professionnelle du droit méconnaître son obligation de s'assurer de l'exactitude de la date indiquée pour le délibéré au regard des conséquences procédurales pouvant en découler notamment quant au délai d'appel.
En s'abstenant de vérifier l'information donnée par un tiers relative à cette date et en ne formalisant pas l'acte d'appel dans les délais légaux, elle a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité.
Sur le dépôt du dossier
Par courrier du 10 juin 2011, Me [P] a demandé à la SCP [A] [F] de bien vouloir déposer son dossier de plaidoirie lors de l'audience sur intérêts civils du 17 juin 2011.
L'appelant estime que son conseil a commis une faute en ne venant pas plaider le dossier, sans l'en informer alors que les intimés considèrent que cela n'était pas nécessaire s'agissant d'une audience sur simple réouverture des débats.
Par jugement avant dire droit du 3 juin 2011, le tribunal correctionnel de Metz statuant sur intérêts civils s'est vu dans l'obligation de réouvrir les débats, au motif que les pièces mentionnées dans le bordereau annexé aux conclusions du 14 octobre 2010 de l'appelant n'étaient pas produites, ce qui démontre que lors de la précédente audience, les intimés avaient déjà manqué à leurs obligations.
Par ailleurs, la réouverture des débats ne pouvait avoir pour seul objet la production de ces pièces manquantes. En effet, le procès pénal quand bien même il porte sur les intérêts civils est soumis aux règles de la procédure orale et non écrite. Ce sont donc bien les entiers débats qui étaient réouverts à l'audience du 17 juin 2011.
Dès lors, la faute de Me [P] de nature à engager sa responsabilité est établie.
Sur le défaut de mise en cause des organismes tiers-payeurs
Devant le tribunal correctionnel, l'appelant a formé une demande d'indemnisation au titre de la perte de gains professionnels actuels que le juge a rejetée en retenant que n'était pas produit le décompte des indemnités journalières et des émoluments éventuellement versés par la Poste, son employeur. Le jugement est ainsi motivé : 'au demeurant, si le demandeur vise la Poste dans ses conclusions, il n'a pas fait diligences pour la faire citer dans le procès pénal dans lequel elle n'est pas partie'
La mise en cause des tiers-payeurs dans les instances en liquidation du préjudice est obligatoire en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, et le conseil de l'appelant en sa qualité de professionnel du droit ne pouvait ignorer la nécessité de cet appel en cause, pour leur rendre le jugement commun et opposable.
En s'abstenant de procéder de la sorte, Me [P] a encore commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
Le défaut de contestation des opérations d'expertise
L'appelant prétend qu'est fautif le fait pour son conseil de ne pas avoir sollicité la récusation de l'expert [G], chef de service du Pr [V], qui était son médecin, et à défaut de ne pas avoir sollicité la nullité du rapport d'expertise. Il lui appartient en conséquence d'en rapporter la preuve.
En l'espèce, il produit le rapport d'expertise du 4 février 2010 du Dr [G], qui lui est défavorable dès lors qu'il conclut que sur le plan neurologique et neuro psychologique, aucune séquelle ne peut être retenue de manière objective en rapport et imputable à l'accident du 29 mai 1997.
L'appelant ne produit aucun élément démontrant l'allégation selon laquelle l'expert serait le chef de service du Pr [V] de sorte que son intervention aurait pu être critiquée.
Par ailleurs, dans ses conclusions du 19 novembre 2010 son avocat critique le rapport d'expertise litigieux et sollicite que soit écarté le rapport d'expertise du Dr [Y] sur la base de l'avis du Dr [G] pour privilégier le rapport du Dr [D].
Ainsi, le rapport d'expertise litigieux a bien été critiqué par le conseil de M. [H] qui a contesté les opérations d'expertise et sollicité le rejet de ses conclusions.
Dès lors, l'appelant ne prouve pas l'existence d'une faute imputable aux intimés en lien avec les opérations d'expertise.
L'absence de demande au titre de l'assistance par tierce-personne
L'appelant soutient que souffrant d'un polytraumatisme grave avec traumatisme crânien, il appartenait à son conseil de formaliser une demande à ce titre.
Le rapport d'expertise du Dr [D] du 2 octobre 2002 ne retient aucun préjudice indemnisable.
Le rapport d'expertise du Dr [Y] du 26 février 2010 ne retient pas plus de préjudice indemnisable à ce titre.
Les deux expertises réalisées à huit ans d'intervalle n'évoquent à aucun moment la nécessité d'une assistance par tierce-personne et leurs conclusions ne prévoient aucune éventuelle indemnisation pour un tel poste de préjudice.
Par ailleurs, l'appelant ne démontre pas avoir eu recours à une tierce personne pendant la période ou qu'il avait donné à son conseil mandat de formaliser une telle demande.
En l'absence de preuve, aucune faute ne peut être retenue sur ce point à l'encontre des intimés.
Sur l'indemnisation des préjudices
Le préjudice doit être apprécié au regard des fautes retenues soit :
- la délivrance d'une information incorrecte sur la date de délibéré ayant conduit à formaliser un acte d'appel hors délai,
- le fait d'avoir fait déposer un dossier à l'audience au lieu de représenter l'appelant,
- l'absence de mise en cause des organismes tiers-payeurs
Seule constitue une perte de chance réparable, la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable, sous réserve du sérieux de cette éventualité.
Le caractère réel et sérieux de la chance de réussite d'une action en justice s'apprécie au regard de la probabilité de succès de cette action.
S'agissant des dépenses de santé évaluées par le tribunal correctionnel à la somme de 1 416,04 euros et des frais divers et préjudices matériels appréciés à hauteur de 8 316,33 euros, l'appelant ne formule aucune contestation.
S'agissant de la perte des gains professionnels actuels, il soutient qu'il appartenait au tribunal de veiller à la mise en cause de l'employeur et constatant son absence de renvoyer l'affaire ; qu'en tout état de cause, il appartenait à son conseil de faire diligence en ce sens.
Les intimés répliquent qu'à supposer leur responsabilité établie, l'appelant ne produit aucun élément permettant de chiffrer le dommage en résultant, la créance de l'employeur n'étant pas produite.
Comme précédemment rappelé, l'appel en cause des organismes tiers payeurs est obligatoire dans les instances ayant trait à la liquidation des préjudices corporels. En l'espèce, la Poste, en sa qualité d'employeur de la victime n'a pas été appelée en cause et aucun élément n'a été produit aux débats permettant de chiffrer sa créance.
Par ailleurs une décision liquidant un préjudice sans avoir pris en compte ni déduit les créances des tiers-payeurs encourt la nullité, à la demande exclusive de ceux-ci.
Les avocats en leur qualité d'auxiliaires de justice doivent mettre en cause ces organismes afin que la décision rendue soit la plus efficace possible. C'est en ce sens qu'une faute a été retenue à l'encontre de Me [P].
Néanmoins, s'agissant de l'appréciation du préjudice, l'appelant ne produit aucun décompte des indemnités journalières qu'il a pu percevoir sur la période concernée, raison pour laquelle le tribunal correctionnel a déjà rejeté sa demande. Il ne démontre pas non plus avoir réalisé de démarches auprès de la Poste à cet effet.
Il s'en déduit que s'il a perdu une chance de faire valoir les insuffisances du jugement sur ce point, il ne permet pas à la cour d'évaluer son préjudice.
S'agissant des gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle, le tribunal correctionnel de Metz s'est appuyé sur :
- le rapport du 27 septembre 2002 du Dr [D] retenant une IPP de 8% pour les séquelles physiques et 4% pour les céphalées et précisant que le Dr [E], psychiatre, retient sur ce plan une névrose post traumatique pouvant être qualifiée de stress post traumatique, représentant l'élément essentiel des séquelles fonctionnelles de l'accident et étant à l'origine d'une IPP de l'ordre de 18% soit un total de 30%,
- le rapport du 26 février 2010 du Dr [Y] retenant un taux de 5% compte tenu de l'atteinte au genou gauche et de l'absence de séquelles neuropsychologiques.
- le rapport établi par le Dr [G] retenant l'absence de séquelles neurologiques objectives en lien avec l'accident et établissant un lien entre les doléances et l'existence d'une pathominie soit une pathologie construite associée à un esprit revendicateur.
Le tribunal a constaté que ce dernier rapport était de nature à convaincre que l'IPP ne pouvait excéder 8%, et que la mise en retraite pour invalidité de l'appelant le 10 juin 2001 était sans lien avec le fait générateur initial, pour rejeter la demande à ce titre.
Le Dr [Y] a conclu que la victime était apte à reprendre l'activité de facteur, profession qu'elle exerçait avant l'accident.
C'est donc à juste titre que le tribunal a rejeté les demandes fondées sur la perte de gains professionnels futurs et l'incidence professionnelle.
L'appelant sollicite de voir réévaluer à la hausse les postes de préjudices relatifs au déficit fonctionnel temporaire et permanent, au préjudice esthétique, aux souffrances endurées et au préjudice d'agrément.
Néanmoins, il ne fournit aucun élément probant de nature à justifier une indemnisation supérieure aux montants alloués par le tribunal.
S'agissant du déficit fonctionnel permanent, le tribunal a retenu une IPP de 5% et fixé l'indemnisation à hauteur de 8 800 euros. Néanmoins, il a rejeté la demande au motif que la MAAF justifiait que la Poste avait versé à la victime la somme de 53 708,58 euros à titre de pension, somme venant en application de l'article L. 434-1 du code de la sécurité sociale en déduction de sorte que c'est encore à juste titre que le tribunal a débouté l'appelant de sa demande sur ce point.
Il résulte de l'examen du jugement rendu par le tribunal correctionnel statuant sur intérêts civils que si l'appelant a perdu une chance de voir juger à nouveau son affaire en appel, il ne démontre pas le caractère réel et sérieux de cette chance en l'absence de preuve même de la probabilité de succès de son action, de sorte que la demande de dommages et intérêts présentée sur ce fondement sera rejetée et la décision infirmée sur ce point.
Sur la demande d'expertise
A titre subsidiaire, l'appelant sollicite le prononcé d'une contre expertise médicale aux fins d'évaluation de son préjudice, demande à laquelle les intimés s'opposent en considération de l'ancienneté des faits et de la date de consolidation.
L'appelant ne démontre pas l'utilité d'une nouvelle mesure d'expertise dans cette affaire où le fait générateur remonte à 27 ans et la consolidation de son état à 23 ans et en conséquence, il n'y a pas lieu d'ordonner une telle mesure.
Sur le préjudice moral autonome
Le tribunal a rejeté la demande forme à ce titre au motif que la preuve de l'existence d'un tel préjudice n'était pas rapportée.
L'appelant sollicite la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral subi causé par le fait de ne pas avoir vu ses demandes aboutir en cause d'appel.
Les intimés répliquent que ce poste de préjudice est déjà indemnisé au titre des souffrances endurées ; que n'est pas rapportée la preuve d'un préjudice distinct et qu'en tout état de cause, aucune faute constitutive d'un abus de droit n'est établie à leur encontre.
Cette demande, dont l'appelant ne précise pas le fondement, s'analyse sur le terrain de la responsabilité contractuelle, comme l'indemnisation d'un préjudice moral découlant des fautes précitées.
Or, ses demandes indemnitaires ont été rejetées en l'absence de preuve d'une perte de chance indemnisable, tandis que n'est pas rapportée la preuve de l'existence d'un préjudice moral distinct, et la décision sera donc encore confirmée sur ce point.
*autres demandes
M. [R] [H] succombant, sera condamné aux entiers dépens
L'équité ne commande pas ici de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour
Infirme le jugement sauf en ce qu'il a rejeté les demandes indemnitaires de M. [R] [H] en réparation d'un préjudice moral distinct.
Statuant à nouveau,
Déboute M. [R] [H] de l'ensemble de ses demandes
Déboute M. [R] [H] de sa demande formulée à titre subsidiaire tendant à voir ordonner une mesure de contre expertise,
Y ajoutant,
Condamne M.[R] [H] aux entiers dépens,
Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile,
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,