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22/08/2024 | FRANCE | N°23/02996

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 1ère chambre, 22 août 2024, 23/02996


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



























ARRÊT N°



N° RG 23/02996 -

N° Portalis DBVH-V-B7H-I6L4



ID



Tribunal de grande instance de CARPENTRAS

04 juillet 2019

RG :18/00715



[A] - [I]



C/



[RJ]

[I]

[M]

[M]

[KU]

[KU]

[M]

[I]



















Gr

osse délivrée

le 22/08/2024

à Me Jean-[NL] Divisia

à Me Christian Demba









COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

1ère chambre



ARRÊT DU 22 AOÛT 2024





Décision déférée à la cour : jugement du tribunal de grande instance de Carpentras en date du 04 juillet 2019, N°18/00715



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Mme ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 23/02996 -

N° Portalis DBVH-V-B7H-I6L4

ID

Tribunal de grande instance de CARPENTRAS

04 juillet 2019

RG :18/00715

[A] - [I]

C/

[RJ]

[I]

[M]

[M]

[KU]

[KU]

[M]

[I]

Grosse délivrée

le 22/08/2024

à Me Jean-[NL] Divisia

à Me Christian Demba

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

1ère chambre

ARRÊT DU 22 AOÛT 2024

Décision déférée à la cour : jugement du tribunal de grande instance de Carpentras en date du 04 juillet 2019, N°18/00715

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Delphine Duprat, conseillère, et Mme Audrey Gentilini, conseillère, ont entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en ont rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre,

Mme Delphine Duprat, conseillère,

Mme Audrey Gentilini, conseillère,

GREFFIER :

Mme Nadège Rodrigues, greffière, lors des débats, et Mme Audrey Bachimont, greffière, lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 04 juin 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 22 août 2024.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

Mme [HP] [A] - [I]

tant en son nom personnel qu'en sa qualité de légataire universel de [O] [I]

[Adresse 3]

[Localité 12]

Représentée par Me Jean-Michel Divisia de la Scp Coulomb Divisia Chiarini, postulant, avocat au barreau de Nîmes

Représentée par Me Romain Carles de l'Aarpi TRC associes, plaidant, avocat au barreau de Paris

INTIMÉS :

[EF] [M]

en qualité d'ayant droit de sa mère [N] [M] et de son père [L] [M]

né le 07 mars 1963 à [Localité 18] (30)

[Adresse 10]

[Localité 15]

décédé le 21 octobre 2023

Mme [D] [RJ]

née le 28 janvier 1962 à [Localité 15] (30)

[Adresse 22]

[Localité 15]

M. [J] [M]

en qualité d'héritier de son père [EF] [M]

né le 04 août 1995 à [Localité 19]

[Adresse 5]

[Localité 15]

M. [BK], [W] [M]

en qualité d'héritier de son père [EF] [M]

né le 16 mai 1990 à [Localité 19]

[Adresse 10]

[Localité 15]

Représentés par Me Christian Demba de la Selarl Demba-Ickowicz, avocat au barreau de Carpentras

Mme [C] [KU]

en qualité d'héritière de sa mère [RD] [I]

née le 01 février 1950 à [Localité 16] (91)

[Adresse 2]

[Localité 13]

Assignée par PV 659 du CPC en date du 19 décembre 2023

Sans avocat constitué

M. [EL] [KU]

en qualité d'héritier de sa mère [RD] [I]

né le 27 mars 1952 à [Localité 16] (91)

[Adresse 6]

[Localité 7]

Assigné à personne le 19 décembre 2023

Sans avocat constitué

M. [ES] [I]

né le 17 décembre 1942 à [Localité 16] (91)

[Adresse 11]

[Localité 20] [Localité 20]

Assigné à personne le 27 novembre 2023

Sans avocat constitué

M. [P] [I]

[Adresse 8]

[Localité 14]

Assigné à personne le 23 janvier 2024

Sans avocat constitué

PARTIES INTERVENANTES

Mme [B] [XL]

ISATIS Association

[Adresse 4]

[Localité 20]

Assignée par PV 659 du CPC le 03 janvier 2024

Sans avocat constitué

Mme [X] [XL] épouse [KH]

Cabinet d'Orthophonie

[Adresse 23]

[Localité 9]

Assignée à personne le 29 novembre 2023

Sans avocat constitué

ARRÊT :

Arrêt rendu par défaut, prononcé publiquement et signé par Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre, le 22 août 2024, par mise à disposition au greffe de la cour

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Selon acte notarié reçu le 26 mars 2003 par Me [NL] [E], notaire à [Localité 15], Mlle [H] [I] née le 29 février 1928 a vendu à M. [L] [M] et son épouse [N] née [V] la nue-propriété d'une maison d'habitation avec terrain attenant cadastrée à [Localité 15] section AV n° [Cadastre 1] situé [Adresse 10] moyennant le prix principal de 44 738 euros payé :

- comptant à concurrence de la somme de 15 245 euros,

- le surplus soit la somme de 29 493 euros étant converti en une rente annuelle et viagère de 2 736 euros, payable en douze termes et paiements égaux de chacun 228 euros payables mensuellement et d'avance et pour la 1ère fois le jour de l'acte, et ainsi de suite de terme en terme et d'année en année jusqu'à son décès,

étant précisé que dans le cas où Mlle [I] libèrerait la maison avant son décès, cette rente serait portée à la somme annuelle de 5 484 euros soit mensuellement 487 euros, indexée 'de la même manière que la rente'.

[H] [I] est décédée sans conjoint ni enfant le 17 juin 2009, laissant pour recueillir sa succession ses frères et soeurs :

- [RD] divorcée [KU] née le 23 avril 1924,

- [HP] divorcée [A] née le 5 juin 1925,

- [O] née le 29 août 1929,

- [P] divorcé [NF] né le 10 avril 1935,

et [ES] divorcé [F] et remarié [T] né le 17 décembre 1942.

Par acte du 12 mars 2010, Mmes [O], [HP] et [RD] [I] et MM. [P] et [ES] [I], ayants-droit de [H] [I], ont assigné M. [L] [M] et son épouse [N] née [V] en nullité de la vente pour vil prix et défaut d'aléa devant le tribunal de grande instance de Carpentras qui par jugement avant dire droit rendu le 2 octobre 2012, a ordonné une expertise destinée à recueillir différents éléments notamment sur la valeur de l'immeuble au 26 mars 2003 et sur le prix de vente après déduction de l'apport.

[N] [V] épouse [M] est décédée le 7 juillet 2011 laissant pour lui succéder son époux [L] [M] et leurs deux enfants [D] née le 28 janvier 1962 et [EF] né le 7 mars 1963.

M. [Y] [U], expert, a déposé son rapport le 18 janvier 2014.

[L] [M] est décédé le 2 juillet 2017.

[RD] [I] est décédée le 30 décembre 2017 laissant pour lui succéder ses deux enfants [C] [KU] épouse [XL] née le 1er février 1950 et [EL] [KU] né le 27 mars 1952.

[O] [I] est décédée en cours d'instance à une date non précisée, sans conjoint ni enfants, et sa soeur aînée [HP] est intervenue en ses lieu et place en qualité de légataire universelle.

Par jugement du 4 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Carpentras :

- a débouté Mme [HP] [I] épouse [A], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'intervenante volontaire en qualité de légataire universelle de sa soeur [O], MM.[P] et [ES] [I], et M.et Mme [EL] et [C] [KU] en qualité d'ayants-droit de leur mère décédée [G] [KU] (sic) de l'intégralité de leurs demandes,

- les a condamnés aux dépens de l'instance, incluant le coût de l'expertise judiciaire confiée à M. [U] et avec droit de recouvrement direct au profit de Me Demba,

- a rejeté toutes les autres demandes.

Mme [HP] [I] divorcée [A] a interjeté appel de ce jugement et par arrêt du 17 février 2022, cette cour :

- a confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant

- a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- a condamné Mme [HP] [I] aux dépens d'appel.

Sur pourvoi de celle-ci la Cour de cassation a par arrêt du 6 juillet 2023 :

- cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 17 février 2022 entre les parties,

- remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt

- les a renvoyées devant la cour d'appel de Nîmes autrement composée.

La Cour a dit qu'en disant valable la constitution de rente viagère au motif que [H] [I] étant âgée de 73 ans au moment de la vente, son usufruit représentait 30% de la valeur du bien en application du barème fiscal habituellement utilisé, la cour n'avait pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile selon lequel tout jugement doit être motivé et que le défaut de réponse à conclusions constituait un défaut de motif.

Mme [HP] [A]-[I] a saisi la cour par déclaration du 21 septembre 2023.

[EF] [M] est décédé le 21 octobre 2023 selon acte de décès produit par les intimés mentionnant qu'il était l'époux de [C] [S].

Mme [A]-[I] a par actes des 29 novembre 2023 et 23 janvier 2024 appelé en intervention forcée Mmes [X] [XL] épouse [KH] et [B] [XL] épouse [BU] en qualité d'ayant droits de leur mère décédée [C] [KU] épouse [XL] venant aux droits de sa propre mère [RD] [I].

Par avis de fixation à bref délai du 17 janvier 2024, la procédure a été clôturée le 28 mai 2024 et l'affaire fixée à l'audience du 4 juin 2024.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS

Aux termes de ses conclusions d'appel n°2 régulièrement notifiées le 23 mai 2024, Mme [HP] [A]-[I] demande à la cour :

Sur l'appel principal

- d'infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau

- de prononcer l'annulation de la vente intervenue le 26 mars 2003 entre [H] [I] d'une part, M. [L] [M] et son épouse [N] née [V] d'autre part pour vileté du prix,

- d'ordonner la publication au fichier immobilier d'Orange de l'arrêt à intervenir valant transfert de propriété de l'immeuble,

- de condamner les consorts [M] à restituer l'immeuble en nature dans l'état où il se trouvait au jour de la vente le 26 mars 2003 et de les condamner tant que besoin à supporter les frais de remise en état,

- d'ordonner leur expulsion immédiate de l'immeuble sis [Adresse 10] à [Localité 15] ainsi que tous occupants de leur chef, si besoin est avec le concours de la force publique,

- de condamner in solidum Mme [RJ] née [M] et MM. [J] et [BK] [M] à payer aux consorts [I] la somme annuelle de 13 440 euros à titre d'indemnité d'occupation du 17 août 2009 jusqu'à la libération effective des lieux et ce avec l'indexation prévue par Mme [UU],

- de les condamner in solidum à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,

- de débouter Mme [RJ] née [M] et MM. [J] et [BK] [M] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- de prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir,

- de condamner les intimés in solidum au paiement de la somme de 8 654,30 euros représentant les frais d'expertise avancés par les héritiers de Mme [I],

Sur l'appel incident des consorts [M]

- de les débouter de leur fin de non-recevoir fondée sur la prétendue prescription de son action,

A titre subsidiaire

- de les condamner in solidum à lui payer la somme de 40 000 euros en application de l'article 123 du code de procédure civile,

- de déclarer irrecevable leur demande de condamnation à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral comme nouvelle en cause d'appel,

A titre subsidiaire si cette demande était déclarée recevable

- de les en débouter,

- de les condamner in solidum à lui payer la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens distraits au profit de Me Divisia, avocat, par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Au terme de leurs conclusions régulièrement notifiées le 23 février 2024, Mme [D] [M], en qualité d'ayant-droit de [L] et [N] [M] et MM. [J] et [BK] [M] agissant en qualité d'ayants-droit de leur père [EF] demandent à la cour :

- de juger irrecevables les prétentions de Mme [HP] [I],

- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

- d'homologuer le rapport d'expertise de M. [U],

- de déclarer prescrite l'action en nullité du contrat,

A titre subsidiaire

- de juger que la nullité pour absence de cause est relati ve,

En tout état de cause

- d'infirmer partiellement le jugement dont appel,

Statuant à nouveau

- de condamner Mme [HP] [I] à leur payer la somme de 20 000 euros chacun en réparation du préjudice moral subi,

A titre infiniment subsidiaire

- d'ordonner la restitution de la somme de 15 245 euros versée à titre de bouquet au moment de la vente avec les intérêts légaux, outre les intérêts ayant couru jusqu'à la date du prononcé de la décision à intervenir,

- d'ordonner la restitution des sommes versées à titre de rente de mars 2003 à juin 2009, soit la somme de 16 872 euros sur une base mensuelle de 2 228 euros,

A titre encore plus subsidiaire

-de juger que la vente conclue doit être qualifiée comme procédant d'une intention libérale,

En tout état de cause

- de débouter Mme [HP] [I] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- d'ordonner le retrait des mentions de publicité de l'assignation, à ses frais,

- de la condamner à payer à chacun d'eux la somme 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante a valablement fait signifier ses conclusions valant assignation devant la cour d'appel :

- à M. [P] [I] par actes des 30 novembre 2023 et 24 janvier 2024,

- à M.[ES] [I] par actes des 27 novembre 2023 et 24 janvier 2024,

- à Mme [C] [KU] épouse [XL] par acte du 19 décembre 2023,

- à M. [EL] [KU] par actes des 19 décembre 2023 et 25 janvier 2024,

- à Mme [B] [XL] épouse [BU] par acte du 3 janvier 2024,

- à Mme [X] [XL] épouse [KH] par actes des 29 novembre 2023 et 25 janvier 2024.

Ceux -ci n'ont pas constitué avocat.

Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile.

MOTIVATION

*sur la qualité à agir de MM. [J] et [BK] [M] en qualité d'ayants-droit de [EF] [M], lui-même ayant-droit de [L] et [N] [M].

L'action initiale a été engagée par les ayants-droit de [H] [I] à l'encontre de [L] et [N] [M], qui sont décédés en cours d'instance, laissant pour leur succéder leurs deux enfants [D] et [EF].

MM. [J] et [BK] [M] qui prétendent agir en qualité d'ayants-droit de [EF] [M] ne produisent que l'acte de décès de celui-ci mentionnant qu'il était l'époux de [C] [S] mais ni livret de famille ni acte de notoriété établissant leur qualité à agir.

La réouverture des débats devra être ordonnée à cet effet et il sera sursis à statuer sur toutes les demandes de MM.[J] et [BK] [M].

*sur la fin de non-recevoir opposée à l'action de Mme [HP] [I] par Mme [D] [M]

** sur la recevabilité de cette fin de non-recevoir

L'appelante excipe dans les motifs de ses conclusions des dispositions de l'article 6§1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme pour voir dire irrecevable cette fin de non-recevoir soulevée presque 14 ans après le début de la procédure sauf à affecter gravement ses droits protégés.

Elle soutient que les intimés pouvaient soulever cette fin de non -recevoir en connaissance de cause dans l'instance d'appel ayant donné lieu à l'arrêt cassé.

Toutefois, elle ne sollicite pas son irrecevabilité au dispositif de ses conclusions qui seules saisissent la cour.

Aux termes de l'article 123 du code de procédure civile en vigueur depuis le 01 janvier 2020 applicable aux instances en cours, les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.

La fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action, fût-elle soulevée pour la première fois devant la cour après renvoi de cassation, est donc recevable.

**sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action

L'intimée prétend que la nullité du contrat de vente invoquée par l'appelante est une nullité relative au sens de l'article 1179 du code civil de sorte que seule la venderesse pouvait l'invoquer, ce qu'elle s'est abstenue de faire ; qu'en toute hypothèse, le contrat de vente ayant été signé le 26 mars 2003 l'action en nullité aurait du être exercée avant le 26 mars 2008, date à laquelle toute action était prescrite en application de l'ancien article 1304 du code civil ici applicable.

L'appelante soutient que seule une nullité absolue soumise au délai de prescription trentenaire était prévue à l'époque de l'introduction de l'instance, de sorte que le délai pour agir court juqu'au 26 mars 2033 de sorte que l'action introduite le 12 mars 2010 n'est pas prescrite.

Elle rappelle les controverses doctrinales et le revirement en plusieurs étapes de la Cour de cassation au sujet de l'application de l'article 1304 ancien du code civil à l'action en nullité ou rescision d'une convention, la 1ère et la 3ème chambre civile de la Cour ne s'étant accordées sur le caractère relatif d'une telle nullité que depuis 2012, et la chambre commerciale qu'en 2016.

Elle expose que la présente procédure a été engagée antérieurement de sorte que cette jurisprudence ne saurait s'y appliquer de manière rétroactive sans violer son droit à un procès équitable, et qu'il convient en conséquence de retenir que la nullité invocable était au jour de l'introduction de l'instance une nullité absolue soumise à un délai de prescription trentenaire.

Elle sollicite la nullité de la vente sur le fondement des articles 1591 ou 1131 du code civil aux termes desquels le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties, et l'obligation sans cause ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet et soutient à cet effet

- d'une part que le prix stipulé à l'acte de vente du 26 mars 2003, très inférieur à la valeur réelle du bien à l'époque, n'est qu'un vil prix qui ne peut qu'entraîner la nullité absolue de la vente,

- d'autre part qu'en l'absence d'aléa une vente contre rente viagère est nulle de nullité absolue pour défaut de cause dès lors que les conditions de la vente ne donnaient à sa soeur aucune chance de gain, et que les acquéreurs ne prenaient aucun risque de payer plus que la valeur très largement sous-estimée de la nue-propriété et étaient certains d'obtenir un bénéfice très au delà de la durée d'espérance de vie de la crédirentière.

L'article 1179 du code civil invoqué par l'intimée aux termes duquel 'la nullité est absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l'intérêt général. Elle est relative lorsque la règle violée a pour seul objet la sauvegarde d'un intérêt privé' n'est entré en vigueur que depuis le 01 octobre 2016.

Antérieurement à cette loi était déjà admise la distinction entre nullité relative et nullité absolue, selon deux théories dites 'classique' (nullité relative du contrat entaché d'un vice bénin ne l'empêchant pas de continuer à s'appliquer, nullité absolue du contrat entaché d'un vice particulièrement grave), et 'moderne' substituant au critère de gravité du vice celui de l'intérêt protégé par la règle violée (nullité absolue en cas de violation d'une règle de formation destinée à protéger l'intérêt

général, nullité relative en cas de violation d'une règle de formation destinée à protéger un intérêt particulier).

Le régime de ces nullités différait déjà concernant les personnes ayant qualité à agir : nullité absolue par toute personne intéressée ainsi que par le ministère public, nullité relative, uniquement par la partie que la règle transgressée avait vocation à protéger.

L'exposé même des moyens soulevés par l'appelante révèle la nature relative de la nullité invoquée, dès lors qu'il s'agit dans le premier cas de l'allégation de l'existence d'un vice du consentement de la venderesse, dans le second cas d'un défaut de cause lui causant seulement un préjudice personnel.

[H] [I] née le 29 février 1928, célibataire, était âgée de 75 ans au jour de l'acte du 26 mars 2003 portant sur la vente de la nue-propriété de la maison constituant son domicile et il n'est pas soutenu qu'elle n'aurait pas été en capacité de conclure cet acte qui révèle qu'elle tenait cet immeuble de l'acquisition qu'elle en avait faite au cours et pour le compte de la communauté ayant existé entre M. [Z] [HJ] et son épouse [KN] née [K], aux termes d'un acte reçu par Me [R], notaire à [Localité 21] les 14 et 23 septembre 1983, date à laquelle elle était âgée de 55 ans, moyennant le prix de 390 000 Francs payé comptant à concurrence de 140 170 Francs sur ses deniers personnels et le surplus soit la somme de 249 830 Francs au moyen d'un prêt à elle consenti par la Caisse d'Epargne et de Prévoyance de [Localité 17] en garantie duquel inscriptions de privilèges de deniers et d'hypothèque conventionnelle ont été prises au bureau des hypothèques d'Orange au profit de l'établissement prêteur. Il est mentionné in fine que ces inscriptions sont au jour de la conclusion de l'acte non causées par suite de leur péremption, indiquant que l'intégralité du prêt avait été remboursé.

En 2003 le prix de 390 000 Francs équivalait à 98 663,73 euros.

Au jour de la conclusion de la vente litigieuse le 26 mars 2003 s'appliquaient les dispositions de l'article 1304 du code civil en vigueur du 04 juillet 1968 au 01 janvier 2009 selon lesquelles 'dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans' et 'Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé ; dans le cas d'erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts.'

[H] [I] est décédée le 17 juin 2009 soit plus de cinq ans après la conclusion de l'acte litigieux de sorte que ses ayants-droit, qui ne soutiennent pas qu'elle aurait été pendant cette période dans l'impossibilité d'agir, n'ont pu recueillir dans sa succession une action déjà prescrite et leur action engagée le 12 mars 2010 l'est tout autant.

*sur la demande de condamnation des intimés sur le fondement de l'article 123 du code de procédure civile

Aux termes de l'article 123 du code de procédure civile rappelés ci-dessus, les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.

Il incombe à Mme [HP] [A]-[I] de démontrer l'intention dilatoire des intimés à cet égard, ce qu'elle fait d'autant moins que ses moyens relatifs à la recevabilité de son appel tendaient au contraire à démontrer que son action en nullité absolue de la vente n'était pas prescrite, comme soumise à la prescription trentenaire et elle sera déboutée de ce chef.

*sur la demande incidente de Mme [D] [RJ] épouse [M] au titre d'un préjudice moral

**sur la recevabilité de cette demande

Mme [D] [RJ] épouse [M] sollicite la condamnation de l'appelante à lui payer la somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice moral résultant du fait que 'sa famille' subit la présente procédure depuis maintenant 14 années, que ses parents n'ont disposé que d'un mois pour entrer en possession des lieux du fait de la carence des héritiers de [H] [I], qui ont qualifié leur attitude de 'peu scrupuleuse' et allégué que 'les droits de leur soeur avaient été lésés et bafoués' ; que ses parents ont du jusqu'à leur décès défendre leurs droits et soutenir qu'en leur qualité de profanes ils ne pouvaient être considérés comme ayant tenté de flouer la venderesse ; que leurs héritiers ont du combattre la présentation erronée faite de leurs parents dont la bonne foi avait été mise en doute ; que seule [HP] [I] s'est acharnée à leur encontre, les autres appelants n'ayant pas conclu.

L'appelante prétend que cette demande est irrecevable comme nouvelle en cause d'appel.

Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

En l'espèce la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral n'est pas nouvelle en cause d'appel dès lors que la lecture du jugement du 4 juillet 2009 révèle que Mme [D] [M] avait déjà présenté devant le tribunal une demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

**sur le bien-fondé de cette demande

Mme [D] [M] ne procède que par voie d'allégations, et n'apporte leur appui aucun élément susceptible de démontrer le préjudice moral de ses parents, aux droits desquels elle même n'est intervenue  qu'à compter de 2017 année du décès de son père et sera déboutée de sa demande à ce titre.

*autres demandes

Mme [HP] [A]-[I] qui succombe en toutes ses demandes devra supporter les entiers dépens de l'instance.

Elle devra payer à Mme [D] [M] épouse [RJ] la somme de 5 000 euros demandée en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour

Ordonne la réouverture de débats à l'audience du Mardi 7 janvier 2025 à 8h30 pour permettre à MM. [J] et [BK] [M] de justifier de leur qualité à agir en qualité d'ayants-droit de [EF] [M] décédé le 21 octobre 2023.

Surseoit à statuer sur toutes leurs demandes dans l'attente de cette formalité.

Déclare recevable la fin de non-recevoir soulevée par Mme [D] [M] épouse [RJ] tirée de la prescription de l'action engagée le 12 mars 2010 par Mmes [O], [HP] et [RD] [I] et MM.[P] et [ES] [I], en qualité d'ayants-droit de leur soeur [H] [I] à l'encontre de ses parents [L] [M] et [N] née [V],

Déclare prescrite l'action engagée le 12 mars 2010 par Mmes [O], [HP] et [RD] [I] et MM. [P] et [ES] [I], en qualité d'ayants-droit de leur soeur [H] [I] à l'encontre de M. [L] [M] et de son épouse [N] née [V],

Confirme par conséquent par substitution de motifs sur ces points le jugement du tribunal de grande instance de Carpentras du 4 juillet 2019 dans l'instance n° RG 18/00715,

Y ajoutant

Déboute Mme [HP] [I] veuve [A] de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de Mme [D] [M] épouse [RJ] pour abstention de soulever une fin de non recevoir dans une intention dilatoire

Déclare recevable la demande de dommages et intérêts de Mme [D] [M] épouse [RJ],

Au fond, l'en déboute,

Condamne Mme [HP] [I] veuve [A] aux dépens de l'entière instance,

La condamne à payer à Mme [D] [M] épouse [RJ] la somme de 5 000 euros demandée en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23/02996
Date de la décision : 22/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-22;23.02996 ?
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