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11/07/2024 | FRANCE | N°22/03287

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section c, 11 juillet 2024, 22/03287


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 22/03287 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IS22



SI



JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE NIMES

06 septembre 2022 RG :21/00978



[F]



C/



[L]







































Grosse délivrée

le

à Me Longeron

SCP Fontaine Floutierr>








COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section C



ARRÊT DU 11 JUILLET 2024





Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge des contentieux de la protection de NIMES en date du 06 Septembre 2022, N°21/00978



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Mme Sandrine IZOU, Conseillère, a entend...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/03287 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IS22

SI

JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE NIMES

06 septembre 2022 RG :21/00978

[F]

C/

[L]

Grosse délivrée

le

à Me Longeron

SCP Fontaine Floutier

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section C

ARRÊT DU 11 JUILLET 2024

Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge des contentieux de la protection de NIMES en date du 06 Septembre 2022, N°21/00978

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Sandrine IZOU, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Sylvie DODIVERS, Présidente de chambre

Laure MALLET, Conseillère

Sandrine IZOU, Conseillère

GREFFIER :

Mme Véronique LAURENT-VICAL, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 27 Mai 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 04 Juillet 2024 prorogé à ce jour.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

Mme [R] [F]

née le 12 Octobre 1981 à [Localité 8]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Elsa LONGERON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro C-301892023-000162 du 17/01/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Nîmes)

INTIMÉ :

M. [K] [L]

né le 02 Mars 1948 à [Localité 7]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représenté par Me Charles FONTAINE de la SCP FONTAINE ET FLOUTIER ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 02 Mai 2024

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Sylvie DODIVERS, Présidente de chambre, le 11 Juillet 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DU LITIGE

Le 9 juillet 2012, Monsieur [K] [L] a donné à bail à Madame [R] [F] un logement à usage d'habitation sis [Adresse 1] à [Localité 6] pour un loyer mensuel de 650 € avec prise d'effet au 29 juillet 2012.

Le bail conclu pour une durée de 3 ans a fait l'objet de renouvellement par tacite reconduction.

Le 7 octobre 2020, le bailleur a fait délivrer à sa locataire un congé pour reprise, au 28 juillet 2021.

En l'absence de libération des lieux , Monsieur [K] [L] a fait signifier à Madame [R] [F], le 8 octobre 2021, une sommation de quitter les lieux.

Par assignation en date du 20 octobre 2021, Monsieur [K] [L] a assigné Madame [R] [F] aux fins de voir constater la résiliation du bail, ordonner l'expulsion de sa locataire outre sa condamnation à lui régler une indemnité d'occupation et des dommages et intérêts.

Madame [R] [F] a quitté le logement courant mars 2022.

Par un jugement contradictoire en date du 6 septembre 2022 rendu par le tribunal judiciaire de Nîmes, le juge des contentieux de la protection a :

- Condamné Madame [R] [F] à payer à Monsieur [K] [L] la somme de 9.600 € au titre des dégradations et réparations locatives, assortie des intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

- Condamné Monsieur [K] [L] à payer à Madame [R] [F] la somme de 1.000 € à titre de dommages et intérêts,

- Ordonné la compensation réciproque des créances,

- Condamné Madame [R] [F] à payer à Monsieur [K] [L] la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Dit que chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles,

- Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens,

- Rejetté le surplus des demandes,

- Rappelé que la présente décision est de plein droit exécutoire.

Par déclaration reçue le 10 octobre 2022, Madame [R] [F] a relevé appel de la décision, critiquant le jugement en l'ensemble de ses dispositions.

Saisi d'un incident, le magistrat chargé de la mise en état a, par ordonnance du 12 février 2024, rejeté la demande de radiation présentée par Monsieur [K] [L].

Dans ses dernières conclusions signifiées le 1er mai 2024, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, Madame [R] [F] demande à la cour, au visa de la loi du 6 juillet 1989, du décret du 30 janvier 2002 et de l'article 1343-5 du code civil de :

- Déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par Madame [R] [F] en date du 10 octobre 2022.

- Infirmer le Jugement dont appel en ce qu'il a :

- CONDAMNE Madame [R] [F] à payer à Monsieur [L] la somme de 9 600 € au titre des dégradations et réparations locatives, assortie des intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

- CONDAMNE Monsieur [K] [L] à payer à Madame [R] [F] la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts.

- ORDONNE la compensation réciproque des créances

- CONDAMNE Madame [R] [F] à payer à Monsieur [K] [L] la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- REJETTE le surplus des prétentions

Y statuant de nouveau

A TITRE PRINCIPAL

- Juger que le logement litigieux ne répond pas aux critères de décence du décret du 30 janvier 2002

- Juger que Monsieur [L] a manqué à ses obligations en qualité de bailleur

- Juger que Madame [F] et son fils ont subi de graves préjudices ;

- Dire et juger que Madame [F] et son fils ont été exposés à des risques en terme de sécurité et de santé ;

- Condamner Monsieur [L] à payer à Madame [F], la somme de 6.657 € au titre du préjudice jouissance;

-Condamner Monsieur [L] à payer à Madame [F] la somme de 5.000 € au titre de la mise en danger d'autrui;

- Condamner Monsieur [L] à payer à Madame [F] la somme de 5.000 € au titre du préjudice moral subi ;

- Juger que Monsieur [L] ne démontre pas que Madame [F] est responsable des dégradations.

- Débouter Monsieur [L] de sa demande de condamnation de Madame [F] à régler la somme de 15.193,20 € au titre des dégradations.

A TITRE SUBSISIAIRE

-Si, par extraordinaire, la juridiction de Céans venait à condamner Madame [F] au titre des impayés de loyers et de l'indemnité d'occupation, Ordonner une compensation avec les sommes qui seront allouées à la concluante à titre de dommages et intérêts pour les préjudices subis.

- Octroyer à Madame [F] un délai de paiement de 2 ans pour régler la dette éventuelle.

EN TOUT ETAT DE CAUSE

- Condamner Monsieur [L] au paiement d'une somme de 1.500 € au visa des articles 37 et 75 de la loi du 10/07/1991 dont Maître Longeron pourra poursuivre personnellement et le recouvrement en renonçant à la part contributive de l'Etat en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10/07/1991

- Le condamner solidairement aux entiers dépens.

Madame [R] [F] fait valoir, au soutien de ses prétentions, que son bailleur n'a pas respecté son obligationde lui délivrer un logement décent au vu des constatations réalisées par la société URBANIS, après qu'elle ait alerté la CAF. Elle expose que les dégâts liés à l'humidité sont édifiants au vu des constatations réalisées par l'huissier à la sortie des lieux, ces dégâts lui ayant occasionné à elle et son fils des préjudices. Elle fait valoir que Monsieur [K] [L] a camouflé les problèmes d'isolation de son logement et que les moisissures sont sans aucun doute le résultat d'un défaut de ventilation, le logement en étant dépourvu. Elle estime caractérisé le manquement de Monsieur [K] [L] à son obligation et sollicite l'indemnistation de ses préjudices.

S'agissant des dégradations du logement, elle conteste le fait que le logement était refait à neuf lors de son entrée dans les lieux, aucune photographie n'étant jointe à l'état des lieux. Elle ajoute que le procès-verbal de sortie des lieux a surtout relevé un défaut de nettoyage des lieux et des équipements ne justifiant pas le remplacement de certains meubles comme a pu le retenir le premier juge. Elle précise que Monsieur [K] [L] ne produit qu'un devis et pas des factures.

Elle demande subsidairement, tenant à ses difficultés financières des délais de paiement.

Par des conclusions signifiées le 2 mai 2024, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, Monsieur [K] [L] demande à la cour, au visa des articles 7 et 23 de la loi du 6 juillet 1989, des décrets 87-712 et87-713 du 26 août 1987, de :

VU l'appel interjeté le 10 octobre 2022 par Madame [R] [F] à l'encontre du jugement rendu le 06 septembre 2022 par le tribunal judiciaire de Nîmes.

Le déclarant mal fondé,

A TITRE PRINCIPAL,

- CONFIRMER en intégralité le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nîmes le 06 septembre 2022.

- DEBOUTER Madame [R] [F] de l'ensemble de ses fins, demandes et prétentions.

A TITRE SUBSIDIAIRE,

- ORDONNER la compensation des créances.

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

- CONDAMNER Madame [R] [F] à porter et payer à Monsieur [K] [L] la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

- CONDAMNER Madame [R] [F] aux entiers dépens de l'instance.

S'agissant de la condamnation de Madame [R] [F] aux réparations locatives, Monsieur [K] [L] expose qu'il a remis le logement en parfait état au vu de l'état d'entrée des lieux, réalisé contradictoirement tout comme l'état de sortie. Il précise que le constat a relevé un défaut d'entretien du logement mais également de nombreuses dégradations, la locataire ayant manqué à son obligation.

Quant aux demandes présentées par Madame [R] [F], il rappelle que le diagnostic décence a été réalisé en son absence. Il ajoute que l'autre logement dans le même immeuble ne présente aucun problème d'humidité. Il estime que les traces d'humidité sont imputables à sa locataire du fait d'une mauvaise occupation des lieux, celle-ci ne l'ayant jamais informé d'un quelconque désordre. Il estime que Madame [R] [F] ne justifie d'aucun préjudice et conclut à la confirmation du jugement et au débouté de Madame [R] [F] de ses demandes.

Il s'oppose à la demande de délais de paiement, en raison de la mauvaise foi de Madame [R] [F].

L'affaire a été fixée à l'audience du 27 mai 2024 avec une clôture différée au 2 mai 2024, date à laquelle elle a été évoquée et mise en délibéré au 4 juillet 2024, prorogé au 11 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Il ne ressort pas des pièces du dossier d'irrecevabilité de l'appel que la cour devrait relever d'office et les parties n'élèvent aucune discussion sur ce point.

1) Sur la demande en paiement au titre des réparations et dégradations locatives

En application des dispositions de l'article 1730 du code civil, 's'il a été fait un état des lieux entre le bailleur et le preneur, celui-ci doit rendre la chose telle qu'il l'a reçue, suivant cet état, excepté ce qui a péri ou a été dégradé par vétusté ou force majeure'.

L'article 1732 du même code précise qu' 'il répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu sans sa faute.'

La loi du 6 juillet 1989 rappelle en son article 7 que 'le locataire est obligé :

c) de répondre des dégradations et pertes qui surviennent pendant la durée du contrat dans les locaux dont il a la jouissance exclusive, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu par cas de force majeure, par la faute du bailleur ou par le fait d'un tiers qu'il n'a pas introduit dans le logement,

d) de prendre à sa charge l'entretien courant du logement, des équipements mentionnés au contrat et les menues réparations ainsi que l'ensemble des réparations locatives définies par décret en Conseil d'Etat, sauf si elles sont occasionnées par vétusté, malfaçon, vice de construction, cas fortuit ou force majeure.'

Les réparations locatives sont définies dans le décret 87-712 du 26 août 1987 comme les travaux d'entretien courant et menues réparations ainsi que les remplacements d'éléments assimilables auxdites réparations, consécutifs à un usage normal des locaux et des équipements à usage privatif. Une liste de réparations ayant le caractère de réparations locatives est annexée à ce décret.

Le locataire a pendant la durée du bail une obligation d'entretien qui a pour limite la force majeure ou la vétusté. Cette obligation n'est sanctionnée qu'à l'issue du bail et la preuve des réparations à réaliser par le locataire résulte de de la comparaison des états des lieux d'entrée et de sortie. S'agissant d'une obligation de faire, si le locataire n'a pas effectué les réparations, le bailleur peut obtenir des dommages et intérêts.

Les parties ont établi un état des lieux d'entrée, daté du 12 juillet 2012 et signé par elles, dont il ressort que les équipements dans la cuisine (hotte aspirante, plaque électrique, ventilation) et la salle de bains (lavabo, douche, wc, robinetterie, chauffe-eau, ventilation) sont décrits comme neufs. Quant à l'état des murs, sols, plafonds, huisseries, serrureries, électricité, il est précisé que 'appartement refait à neuf, cuisine : mobilier et éléments neufs, salle de bains entièrement refaite, peintures de tout l'appartement refaites, radiateur radiant neuf.'

Monsieur [K] [L] produit, par ailleurs, les factures d'une société SMS bâtiment rénovation tous corps d'Etat entre le 30 mars et le 30 mai 2012 relatives à la réfection des peintures de l'appartement, réfection de la plomberie dans la salle de bain et robinetterie dans la cuisine, maçonnerie dans la salle de bains, pose de meubles dans la cuisine et la salle de bains, terrasse extérieure et électricité avec remplacement de prises et changements de radiateurs, factures antérieures à la souscription du bail et pour un montant de plus de 8.000 €.

Il ressort de ces éléments que comme l'a très justement relevé le premier juge, l'appartement était en parfait état lors de la remise des clés, ce que ne conteste pas Madame [R] [F], qui évoque uniquement un problème de ventilation constaté 8 ans après son entrée dans les lieux mais dont aucun élément ne permet de considérer qu'il ait pu exister dès son installation.

En cours d'exécution du contrat de bail, Monsieur [K] [L] justifie avoir procédé, en décembre 2015, à l'installation d'une climatisation réversible et en mai 2019, au changement d'un volet roulant.

Un état des lieux de sortie a été réalisé contradictoirement le 30 mars 2022, par un huissier de justice qui a constaté notamment : un défaut de nettoyage dans le logement dans l'ensemble des pièces, la présence de multiples traces ainsi que de la moisissure sur les murs dans les pièces de vie, un défaut d'entretien des équipements électriques (climatisation, radiateur, hotte), de nombreux éclats sur les carreaux au sol dans plusieurs pièces, une détérioration du cadre de la baie vitrée du séjour ainsi qu'un encrassement des rails, des dégradations sur les murs avec des trous notamment dans la cuisine ; des détériorations de portes de placard ainsi qu'un problème de coulissement sur les rails ; des rayures sur la plaque dans la cuisine ; une absence de robinetterie dans la cuisine ; des taches d'humidité au plafond et sur les murs dans les chambres avec une tapisserie arrachée dans une pièces et une plaque de placoplâtre détériorée, un arrachage du porte-serviette et un mauvais état du meuble sous le lavabo, des chocs et rayures sur un volet roulant ainsi que des dégradations sur les murs extérieurs de part et d'autre du volet.

Il est ainsi établi un manquement aux travaux d'entretien courant du bien au vu de son état de saleté, par ailleurs non contesté par Madame [R] [F] mais aussi, un manquement aux réparations locatives, précisées dans le décret susvisées et tenant notamment à la robinetterie, à la réparation des poignées ou au rebouchage de trous, obligations pesant sur la locataire.

Il est tout autant caractérisé des dégradations dans le logement, au niveau des murs, sur les éléments équipant la cuisine et la salle de bains, les sols ou encore la baie vitrée et le volant roulant, imputables à Madame [R] [F] en l'état des constatations à l'entrée et à la sortie des lieux.

C'est là encore par une exacte appréciation que le premier juge a déclaré bien fondée la demande en paiement présentée par Monsieur [K] [L].

Madame [R] [F] conteste le montant du devis ainsi que l'absence de factures. Il n'est cependant produit aucune pièce par cette dernière permettant de remettre en cause les montants fixés au vu du devis produit, Monsieur [K] [L] n'ayant aucunement l'obligation de justifier de la réalisation des travaux dans son logement par la remise de factures, sa demande étant indemnitaire.

S'agissant de la demande en paiement, le premier juge a, là encore, justement limité le montant des dommages et intérêts aux dégradations effectivement constatées et concernant la réfection du carrelage des sols, le remplacement des équipements de la salle d'eau, le remplacement de la plaque de cuisson, le lessivage des murs ou encore aux travaux à réaliser sur les murs tout en tenant compte de la vétusté du logement, Madame [R] [F] occupant le bien depuis 10 ans, en fixant la somme due à ce titre à 9.600 €.

La décision critiquée de ce chef est confirmée.

2) Sur la demande de dommages et intérêts au titre de l'indécence du logement

Selon l'article 1719 du code civil et l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989, le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé et doté de tous les éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation. Il se doit d'entretenir le logement en état de servir à l'usage pour lequel il a été loué et d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.

En vertu de l'article 1720 du code civil, 'le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce. Il doit y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que locatives'.

Le décret du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent expose en son article 2 que 'le logement doit satisfaire aux conditions suivantes, au regard de la sécurité physique et de la santé des locataires :

1- il assure le clos et le couvert... les menuiseries extérieures assurent la protection contre les infiltrations d'eau dans l'habitation ... ;

2- ... les portes et fenêtres du logement ainsi que les murs et parois donnant sur l'extérieur présentent une étanchéité à l'air suffisante ;

5- les réseaux et branchements d'électricité et de gaz ... sont conformes aux normes de sécurité ... et sont en bon état d'usage et de fonctionnement ;

6- le logement permet une aération suffisante. Les dispositifs d'ouverture et les éventuels dispositifs de ventilation des logements sont en bon état et permettent un renouvellement de l'air et une évacuation de l'humidité adaptée aux besoins d'une occupation normale du logement et au fonctionnement des équipements comporte les éléments d'équipement et de confort suivants : une installation permettant un chauffage normal, munie des dispositifs d'alimentation en énergie et d'évacuation des produits de combustion...'

Un rapport de visite a été réalisé le 5 août 2020 par la société Urbanis, à la demande de la CAF et a estimé que le logement occupé par Madame [R] [F] présentait un état de non-décence.

Il est relevé 'un mauvais état des menuiseries qui ne sont pas étanches, le cadre de la baie vitrée du salon étant cassée et des infiltrations intervenant sous la fenêtre de la chambre. Il est également fait état d'un problème d'étanchéité à l'eau de la porte d'entrée et de la fenêtre de la salle de bains, par la locataire', cependant non constatée par l'organisme.

'L'installation électrique est classée comme mauvaise, étant observé que la prise de la salle de bains ne fonctionne plus (signe de surchauffage), l'une des prises de la chambre n'est plus utilisable et a été supprimée par la locataire à cause de l'humidité et la prise au dessus des plaques de cuisson fait disjoncter le tableau'.

Concernant la ventilation,' la VMC ne fonctionne pas, la locataire indiquant qu'elle n'est pas branchée. A défaut de VMC, les pièces de service doivent être munies d'autres équipements or il est relevé une absence de grille d'aération et de réglettes de ventilation sur les menuiseries des pièces sèches. Des bouches d'aération sont présentes mais elles ne fonctionnent pas. Les VMC doivent être installées dans les pièces humides et non sèches'.

'Des traces d'humidité sont visibles dans les chambres, au bas des murs (remontées telluriques') mais aussi au niveau du plafond (condensation) ainsi que sous l'une des fenêtres (infiltrations)', le rapport précisant que l'utilisation d'un poêle à pétrole peut favoriser l'apparition d'humidité.

Au titre des travaux, il est suggéré s'agissant des murs et de la présence d'humidité, d'en déterminer la cause et la traiter. Concernant les menuiseries, il est préconisé de vérifier l'étanchéité de menuiseries et faire les travaux afin qu'elles soient étanches à l'eau et à l'air. Quant à la ventilation des pièces humides et principales, il est proposé l'installation d'un dispositif de ventilation permanent. Enfin s'agissant de l'électricité, une mise en sécurité de l'installation est souhaitable.

Lors de l'état de sortie des lieux, le 30 mars 2022, l'huissier a constaté la présence dans plusieurs pièces de picots de moisissures, des taches d'humidité dans les chambres. Quant aux équipements électriques, le fonctionnement n'a pas pu être vérifié dans la mesure où le compteur disjoncte.

Il résulte de ces éléments que des désordres ont bien affecté le logement occupé par Madame [R] [F] et tenant notamment à des problèmes d'humidité avec présence de moisissures ainsi qu'un problème électrique, constatés par l'huissier de justice.

Il apparaît, au vu du rapport de la société Urbanis, que Madame [R] [F] a pu contribuer à l'apparition de certains de ces désordres par l'utilisation d'un poêle à pétrole ou en ayant encore mal utilisé certaines prises électriques.

Cependant, au vu des constatations réalisées par Urbanis, d'autres difficultés ont été soulevées et il n'est aucunement justifié par Monsieur [K] [L] du bon fonctionnement de la VMC, relevée comme défaillante lors de la visite et pourtant nécessaire dans le logement afin de favoriser une bonne ventilation et évacuation de l'humidité, qui a ainsi pu favoriser la présence de moisissures dans le logement. Il n'est pas plus justifié par ce dernier de l'état des fenêtres et la cause des infiltrations relevées dans une chambre, pouvant être liée à un joint défaillant ou absent ou à toute autre cause. Il n'est enfin aucunement établi la mise en sécurité électrique par l'intervention d'un professionnel alors qu'il a été relevé que l'utilisation de certains équipements faisait disjoncter l'installation électrique.

Si Monsieur [K] [L] pouvait ignorer les désordres affectant le logement avant l'intervention d'Urbanis, aucun courrier n'étant produit par Madame [R] [F] démontrant qu'elle l'aurait alerté ou sollicité afin d'effectuer certains travaux, il est constant que ce dernier a été avisé de l'état du bien en août 2020, ayant été destinataire du rapport de non-décence et y ayant apporté une réponse sur certains points.

Il est ainsi caractérisé un manquement de Monsieur [K] [L] à son obligation de délivrance d'un logement décent, la présence de moisissures ainsi que la défectuosité de l'installation électrique engendrant un risque pour la santé et la sécurité des occupants.

Madame [R] [F] sollicite l'indemnisation de plusieurs préjudices. Or, si le préjudice de jouissance apparaît caractérisé au vu des désordres persistants constatés, il n'est aucunement établi l'existence d'une mise en danger ou encore un préjudice moral, dont pourrait se prévaloir l'appelante, faute pour elle d'en justifier, se contentant de les solliciter. C'est à bon droit que le premier juge l'a déboutée des demandes formulées de ces chefs.

Quant au préjudice de jouissance dont a souffert Madame [R] [F] d'août 2020 à mars 2022 (date à laquelle elle a quitté le logement), il n'est pas contesté qu'elle a pu occuper le logement sur cette période. Il convient de fixer celui-ci à la somme de 2.000 € et de condamner Monsieur [K] [L] à son paiement.

La décision critiquée est infirmée de ce chef.

3) Sur la demande de compensation

L'article 1347 du code civil dispose que 'la compensation est l'extinction simultanée d'obligations réciproques entre deux personnes. Elle s'opère sous réserve d'être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies'.

Madame [R] [F] et Monsieur [K] [L] sont respectivement débiteurs l'un l'autre de sommes, tenant à l'inexécution d'obligations contractuelles leur incombant. Ils sollicitent que soit ordonnée la compensation.

Il convient de faire droit à cette demande.

La décision critiquée est confirmée de ce chef.

4) Sur la demande de délais de paiement

L'article 1343-5 du code civil dispose que le juge peut compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Madame [R] [F] perçoit les prestations sociales à hauteur de 1.523,64 €. Elle a la charge d'un enfant souffrant d'un handicap. Elle indique régler un loyer de 366,53 € outre ses charges courantes (eau, électricité, assurances).

Or, il ressort du relevé de son compte auprès d'Habitat du Gard qu'une APL est manifestement versée directement à son bailleur, n'ayant à régler mensuellement qu'une somme résiduelle variant entre 25 et 32 € par mois.

Quant à ses charges, Madame [R] [F] communique ses relevés téléphoniques faisant apparaître des dépenses importantes du fait de l'utilisation notamment d'applications sur internet, ces dépenses n'étant aucunement justifiées ni nécessaires de l'ordre de 65 à 180 € par mois.

Il n'est aucunement justifié de la nécessité de reporter la dette de Madame [R] [F], au vu de sa situation, Monsieur [K] [L] étant en outre un propriétaire privé. Il n'apparaît pas plus possible de prévoir un échelonnement de la somme restant à charge de celle-ci sur 24 mois, au vu de ses ressources.

Il convient de débouter Madame [R] [F] de sa demande à ce titre.

5) Sur les dépens et frais irrépétibles

En application de l'article 954 du code de procédure civile, les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures ; à défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ses dernières conclusions déposées, et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Madame [R] [F], qui sollicitait l'infirmation de la décision l'ayant condamné à payer une somme de 500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, n'a formalisé aucune demande ni invoqué aucun moyen à ce titre dans ses dernières conclusions. Ce chef de jugement critiqué est dès lors abandonné.

Il n'y a pas lieu, en équité, à faire droit aux demandes respectives des parties s'agissant des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, ces dernières étant déboutées de leur demande à ce titre.

Chacune des parties conservera la charge de ses dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt rendu contradictoirement et en dernier ressort, rendu par mise à disposition au greffe,

Dans la limite de sa saisine,

Confirme le jugement déféré rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nîmes le 6 septembre 2022 en l'ensemble de ses dispositions à l'exception de la condamnation de Monsieur [K] [L] à des dommages et intérêts,

L'infirme de ce seul chef,

Statuant à nouveau,

Condamne Monsieur [K] [L] à payer à Madame [R] [F] la somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts, au titre de son préjudice de jouissance,

Y ajoutant,

Déboute Madame [R] [F] de sa demande de délais de paiement,

Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles en cause d'appel,

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens d'appel.

Arrêt signé par la présidente de chambre et par la greffière.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section c
Numéro d'arrêt : 22/03287
Date de la décision : 11/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-11;22.03287 ?
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