COUR D'APPEL
DE NÎMES
1ère chambre
ORDONNANCE N° :
N° RG 23/03938 - N° Portalis DBVH-V-B7H-JBB6
Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AVIGNON, décision attaquée en date du 20 Novembre 2023, enregistrée sous le n° 22/01221
SARL MEDIC'EVOLUTION
inscrite au RCS de SALON de PROVENCE sous le numéro 803 323 195 prise en la personne de son gérant en exercice domicilié es-qualité au siège social sis
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentant : Me Georges POMIES RICHAUD de la SELARL CABINET LAMY POMIES-RICHAUD AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de NIMES - Représentant : Me Philippe BRUZZO de la SELAS SELAS BRUZZO DUBUCQ, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
APPELANTE
Monsieur [T] [I]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentant : Me Jean-michel DIVISIA de la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI, avocat au barreau de NIMES - Représentant : Me Thomas DJOURNO de la SELARL PROVANSAL AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE
S.C.P. SCP COHEN [I] MONTERO DAVAL-[I] prise en la personne de son représentant légal en exercice
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentant : Me Jean-michel DIVISIA de la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI, avocat au barreau de NIMES - Représentant : Me Thomas DJOURNO de la SELARL PROVANSAL AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES
LE QUATRE JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE
ORDONNANCE
Nous, Delphine DUPRAT, conseillère de la mise en état, assistée de Audrey BACHIMONT, Greffière, présente lors des débats tenus le 23 Mai 2024 et du prononcé,
Vu la procédure en instance d'appel inscrite au répertoire général sous le numéro N°RG 23/03938 - N° Portalis DBVH-V-B7H-JBB6,
Vu les débats à l'audience d'incident du 23 Mai 2024, les parties ayant été avisées que l'ordonnance sera prononcée par sa mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024,
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Le 30 septembre 2014 la société Médic Evolution a acheté à M. [D] [M] un fonds de commerce de location de matériel médical à [Localité 5] au prix de 850 000 euros payé le jour de l'acte outre le prix du stock inventorié payable sur 12 mois au prix des marchandises sur factures.
Des difficultés ont opposé les parties au titre du paiement du stock et de la production des livres comptables et le 26 août 2015 la société Médic Evolution a fait assigner M. [M] devant le tribunal de commerce de Salon-de-Provence, sollicitant à titre principal la résiliation de la vente du fonds de commerce et la condamnation de M. [M] au paiement du prix d'acquisition et des frais d'enregistrement pour 37 810 euros, à titre subsidiaire, la condamnation de ce dernier à payer la somme de 400 000 euros au titre de la réfaction du prix de vente en l'état de ses man'uvres dolosives, encore plus subsidiairement une expertise comptable et la condamnation de M. [M] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens du procès.
Le 1er septembre 2017 le tribunal de commerce, rejetant la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action soulevée par M. [M], a prononcé la nullité de la vente du 30 septembre 2014 au motif que l'acte ne faisait pas mention des chiffres d'affaires et résultats d'exploitation mensuels de la période écoulée entre la date du dernier bilan et celle du jour de la cession, en contravention des dispositions de l'article L.142-2 du code de commerce.
Le tribunal a condamné M. [M] à payer à la société Médic Evolution les sommes de 887 810 euros au titre du prix de vente et des droits d'enregistrement et 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
M. [M] a interjeté appel de ce jugement le 19 décembre 2017.
Par ordonnance d'incident du 6 novembre 2018, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a déclaré irrecevables, par application de l'article 909 du code de procédure civile, les conclusions d'intimée de la Sarl Medic Evolution et les pièces visées au bordereau joint aux écritures et a condamné cette société à payer à M. [M] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens de l'incident, au motif que ces écritures avaient été notifiées plus de trois mois après la signification des conclusions de l'appelant.
Cette ordonnance n'a pas été déférée à la cour qui par arrêt du 19 novembre 2020 :
- a confirmé le jugement attaqué en ce qu'il a déclaré recevable la demande de la Sarl Medic Evolution fondée sur les dispositions des articles L.141-1 et L.141-3 du code de commerce ;
L'infirmant pour le surplus et statuant à nouveau,
- a débouté la Sarl Medic Evolution de sa demande en nullité de la vente du fonds de commerce intervenu selon acte de cession du 30 septembre 2014 ;
- s'est déclarée non saisie de la demande en résolution de la vente pour dol et vice caché, de la demande subsidiaire visant à voir nommer un expert et de la demande subsidiaire en réduction du prix ;
- a condamné la Sarl Medic Evolution à payer à M. [M] la somme de 84 680,80 euros avec intérêt au taux légal à compter du 10 juin 2015 ;
- a débouté M. [M] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et débouté les parties de leurs demandes autres ou plus amples ;
- a condamné la Sarl Médic Evolution aux dépens recouvrés conformément à |'article 699 du code de procédure civile.
Le 29 avril 2022, la société Médic Evolution a engagé la responsabilité de son avocat Me [I] et de la Scp Cohen devant le tribunal judiciaire d'Avignon qui par jugement du 20 novembre 2023 :
- a dit que Me [I] a commis une faute contractuelle à l'égard de la Sarl Medic Evolution et que la Scp Cohen est responsable du préjudice subi par cette société,
- a condamné Me [I] et la Scp Cohen à lui payer la somme de 1 029 euros au titre des frais d'avocat engagés devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence,
- l'a déboutée de toutes ses autres demandes,
- a débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- a condamné la société Médic Evolution aux dépens.
Par acte du 18 décembre 2023, la société Médic Evolution a relevé appel de la décision.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS
Par conclusions du 14 mars 2024, la sociétéMédic Evolution demande au conseiller de la mise en état:
- de la juger recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,
- de désigner , avant-dire droit, tel expert qu'il lui plaira de commettre avec pour mission de :
- recueillir les factures émises par M. [M] exploitant le fonds de commerce connu sous le nom commercial « Materiel Medical Salonnais » [Adresse 3] à [Localité 5] (13) sur les années 2011, 2012,2013 et 2014,
- recueillir les justificatifs de livraison des prestations et produits correspondant aux dites factures,
- reconstituer le chiffre d'affaires réel du fonds de commerce, pour les exercices sociaux 2011, 2012, 2013, et 2014, tenant compte uniquement des factures ayant effectivement reçu une contrepartie de livraison,
- comparer les chiffres d'affaires réels avec ceux annexés à l'acte de cession du 30 septembre 2014,
- recueillir les observations des parties sur les différences éventuelles entre les chiffres d'affaires réels et ceux annexés à l'acte de cession du 30 septembre 2014,
- déterminer la valeur réelle du fonds de commerce au 30 septembre 2014,
- recueillir les déclarations effectuées auprès de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie sur les exercices sociaux 2011, 2012, 2013, et 2014,
- recueillir les justificatifs des montants perçus auprès de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie sur les exercices sociaux 2011, 2012, 2013, et 2014,
- se faire communiquer tous document et pièce utiles,
- donner son avis sur toute information susceptible d'éclairer le litige.
- de dire et juger que chacune des parties conserva la charge des dépens d'incident et frais qu'elle a exposés pour la présente instance.
Elle soutient que le préjudice ne peut être correctement apprécié en ce qu'il existe une différence entre le chiffre d'affaire réel et celui allégué ; que la désignation d'un expert judiciaire apparaît à ce stade nécessaire pour apprécier ses chances de succès mais également chiffrer avec exactitude son préjudice.
Au terme de leurs dernières conclusions d'incident du 13 mai 2024, Me [T] [I] et la Scp Cohen [I]-Montero-Daval-[I] Avocats Associés, demandent au conseiller de la mise en état :
- débouter la société Médic'Evolution de sa demande d'expertise,
- la condamner aux entiers dépens de l'incident, dont distraction au profit de la Scp Coulomb-Divisia-Chiarini, société avocats inscrite au barreau de Nîmes, sur son affirmation de droit outre la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils répliquent que la procédure d'expertise est inutile la responsabilité d'un avocat ne s'appréciant que sur le fondement de la perte de chance ; qu'elle est au surplus impossible à mettre en place en effet, que dans l'hypothèse où un expert judiciaire serait désigné, il se trouverait dans l'impossibilité de déterminer si les factures établies par M. [M] lors des exercices concernés correspondaient à des prestations effectivement réalisées, à défaut de pouvoir vérifier la consistance exacte ainsi que les mouvements du stock sur la même période, ni même l'effectivité des livraisons des produits en cause ; que l'expert judiciaire ne serait pas davantage en mesure d'effectuer un rapprochement bancaire lui permettant de vérifier si les factures contestées ont donné lieu à des paiements effectifs au profit de M. [M].
Les parties ont été convoquées à l'audience d'incident du 23 mai 2024
MOTIVATION
Aux termes des articles 910, 771-3° et 771- 5°du code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le conseiller de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation de la cour pour ordonner, même d'office, toute mesure d'instruction et accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.
En l'espèce, la société Médic Evolution sollicite l'instauration d'une mesure d'expertise comptable afin d'évaluer le préjudice découlant de sa perte de chance alléguée de ne pas avoir pu mener l'action en justice contre M. [M] à son terme en raison de la faute alléguée imputée à son conseil, Me [I].
S'agissant de la responsabilité civile d'un avocat, il appartient au client de démontrer qu'il a perdu une chance de voir une juridiction connaître de son procès ou qu'il disposait d'une chance sérieuse ou à tout le moins raisonnable d'obtenir satisfaction devant la juridiction.
S'il est exact que la société Medic Evolution a pu solliciter en première instance, à titre infiniment subsidiaire, le prononcé d'une mesure d'expertise, cette dernière avait pour objet 'd'établir le préjudice généré par les fraudes et omissions de M. [M]' sans plus de précision.
De plus, l'appelante à l'incident n'a jamais saisi le juge de la mise en état d'une demande en ce sens.
Par ailleurs, la société Médic Evolution qui sollicite de l'expert :
- de recueillir les factures émises par M. [M] exploitant le fonds de commerce connu sous le nom commercial « Materiel Medical Salonnais » sis et exploité au [Adresse 3]) sur les années 2011, 2012, 2013 et 2014,
- de recueillir les justificatifs de livraison des prestations et produits correspondant aux dites
factures,
- de reconstituer le chiffre d'affaires réel du fonds de commerce, effectué sur les exercices sociaux 2011, 2012, 2013, et 2014, tenant compte uniquement des factures ayant effectivement reçu une contrepartie de livraison,
- de comparer les chiffres d'affaires réels avec ceux annexés à l'acte de cession du 30 septembre 2014,
- de recueillir les observations des parties sur les différences éventuelles entre les chiffres d'affaires réels et ceux annexés à l'acte de cession du 30 septembre 2014, - Déterminer la valeur réelle du fonds de commerce au 30 septembre 2014,
- de recueillir les déclarations effectuées auprès de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie sur les exercices sociaux 2011, 2012, 2013, et 2014,
- de recueillir les justificatifs des montants perçus auprès de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie sur les exercices sociaux 2011, 2012, 2013, et 2014,
a reprochés dans le cadre de l'instance initiale à M. [M] d'avoir majoré son chiffre d'affaire pour permettre la vente de son fonds de commerce à un prix plus élevé notamment par l'émission de fausses factures.
Or, celui-ci n'est pas partie à cette procédure de sorte que seuls les éléments fournis par l'appelante à l'incident pourraient être étudiés. En ce sens, le prononcé d'une mesure d'expertise est sans intérêt.
Par ailleurs, les vérifications attendues de l'expert tendant à recueillir divers justificatifs, des factures, ainsi que l'établissement de chiffres d'affaires réels et ceux produits à la vente plus de 10 années après les faits ne sont pas susceptibles d'apporter des résultats probants.
Enfin, la demande formulée reste imprécise.
En tout état de cause, à supposer qu'un expert comptable soit désigné, ce dernier ne pourrait avoir pour mission comme sollicité de 'recueillir les factures, les justificatifs de livraison' et non enquêter sur d'éventuelles fraudes ou omissions.
Dès lors, la demande tendant à l'instauration d'une mesure d'expertise de la société Médic Evolution qui tend seulement à pallier sa carence dans l'administration de la preuve de faits dont dépend la solution du litige doit être rejetée.
Succombant à l'incident, l'appelante sera condamnée aux entiers dépens de l'incident.
Elle sera également condamné à payer à Me [T] [I] et à la Scp Cohen-[I]-Montero-Daval-[I] la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La conseillère de la mise en état,
Rejette la demande d'expertise de la société Médic Evolution,
Condamne la société Médic Evolution aux dépens de l'incident,
La condamne à payer Me [T] [I] et à la Scp Cohen-[I]-Montero-Daval-[I] la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière La conseillère de la mise en état