RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 23/03896 - N°Portalis DBVH-V-B7H-JA7B
AG
JUGE DE LA MISE EN ÉTAT DE CARPENTRAS
12 septembre 2023
RG : 22/01641
[I]
C/
[L]
Grosse délivrée
le 04/07/2024
à Me Georges Pomiès Richaud
à Me Romain Leonard
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1ère chambre
ARRÊT DU 04 JUILLET 2024
Décision déférée à la cour : ordonnance du juge de la mise en état de Carpentras en date du 12 septembre 2023, N°22/01641
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Audrey Gentilini, conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre,
Mme Delphine Duprat, conseillère,
Mme Audrey Gentilini, conseillère,
GREFFIER :
Mme Audrey Bachimont, greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 06 juin 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 04 juillet 2024.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
Mme [V] [I]
née le [Date naissance 5] 1973 à [Localité 8] (13)
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représentée par Me Emile-Henri Biscarrat de la Selarl Emile-Henri Biscarrat, plaidant, avocat au barreau de Carpentras
Représentée par Me Georges Pomiès Richaud de la Selarl Cabinet Lamy Pomies-Richaud Avocats Associés, postulant, avocat au barreau de Nîmes
INTIMÉ :
M. [Z] [L]
né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 9] (13)
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représenté par Me Romain Leonard de la Selarl Leonard Vezian Curat Avocats, plaidant/postulant, avocat au barreau de Nîmes
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre, le 04 juillet 2024, par mise à disposition au greffe de la cour
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
M. [Z] [L] et Mme [V] [I] se sont mariés le [Date mariage 4] 2006 et ont divorcé sur requête conjointe le 13 novembre 2009.
Le 16 novembre 2008, Mme [I] a signé une reconnaissance de dette à M.[L] pour un montant de 18 550 euros, remboursable en 70 mensualités de 265 euros chacune, la première intervenant le 1er novembre 2009.
Le 11 mai 2022, M. [L] lui a fait délivrer une sommation de payer la somme de 17 423,46 euros.
Par acte du 5 novembre 2022, il l'a ensuite assignée aux fins de la voir condamnée en paiement des sommes de diverses sommes en vertu de la reconnaissance de dette du 16 novembre 2008 avec intérêts au taux légal à compter du 11 mai 2022 jusqu'à complet paiement, à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée et au titre des frais irrépétibles devant le tribunal judiciaire de Carpentras qui par jugement du 27 juin 2023 :
- a déclaré irrecevable l'exception de nullité soulevée par la défenderesse
- a sursis à statuer sur les demandes au fond
- a renvoyé l'affaire à l'audience de plaidoirie du 26 septembre 2023 avec le calendrier suivant :
- dépôt des conclusions au fond de la défenderesse au plus tard le 20 juillet 2023
- réplique éventuelle du demandeur avant le 10 septembre 2023
- a ordonné la clôture du dossier au 22 septembre 2023.
Par conclusions du 19 juillet 2023, Mme [I] a soulevé devant le juge de la mise en état du tribunal une fin de non-recevoir tirée de la prescription et par ordonnance du 12 septembre 2023, ce juge :
- a déclaré irrecevables les conclusions notifiées le 19 juillet 2023 par Mme [I]
- l'a condamnée aux dépens et à payer à M. [L] la somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 15 décembre 2023, Mme [I] a interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance du 17 janvier 2024, l'affaire a été fixée à l'audience du 6 juin 2024, en application de l'article 905 du code de procédure civile.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS
Par conclusions notifiées le 25 mars 2024, Mme [V] [I] demande à la cour :
- d'infirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions
et statuant à nouveau
- de juger irrecevables les demandes de M. [L] du fait de leur prescription,
- de le débouter de l'ensemble de ses demandes,
- de le condamner à lui rembourser la somme de 1 800 euros correspondant aux montants perçus après l'expiration de la prescription,
- de me condamner à lui payer la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et résistance abusive et frustratoire,
- de le condamner à lui payer la somme de 4 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel,
- de dire que les condamnations porteront intérêts au taux légal à dater de l'arrêt à intervenir et que les intérêts généreront eux-mêmes des intérêts au taux légal dès lors qu'ils seront dus pour une année entière.
Elle prétend que le juge de la mise en état, ayant le 27 juin 2023, tranché sur son exception de nullité et renvoyé l'affaire à la mise en état, puisqu'il donnait aux parties un délai pour conclure au fond et reportait la clôture, n'était pas dessaisi et que ses conclusions ne pouvaient être déclarées irrecevables. Elle prétend que ses écritures étant recevables, la cour doit statuer sur la prescription, que la reconnaissance de dette est prescrite, le délai ayant commencé à courir le 14 novembre 2009 pour expirer le 14 novembre 2014, soit avant la délivrance de l'assignation ; que les paiements partiels qu'elle a effectués n'ont pas eu pour effet d'interrompre la prescription, déjà acquise à la date de ces paiements.
A titre reconventionnel, elle prétend que les paiements réalisés sont indus, et que M. [L] a engagé cette action pour régler ses comptes avec elle tardivement.
Par conclusions notifiées le 25 mars 2024, M. [Z] [L] demande à la cour :
- de confirmer l'ordonnance,
- de débouter Mme [I] de ses demandes,
- de la condamner à lui payer la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens.
Il prétend :
- que le juge de la mise en état a été dessaisi par l'ordonnance de clôture rendue le 13 avril 2023,
- que Mme [I] n'était dès plus recevable à soulever une fin de non-recevoir dont la cause n'est pas apparue postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état
- que le jugement du 27 juin 2023 n'a pas renvoyé les parties à la mise en état mais à une autre audience au fond.
Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 954 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la recevabilité des conclusions notifiées le 19 juillet 2023
Selon les dispositions des articles 776 et suivants du code de procédure civile, en procédure écrite avec représentation obligatoire, l'affaire est tout d'abord appelée par le président de la chambre saisie à une audience d'orientation.
Le président renvoie au juge de la mise en état les affaires qui ne sont pas en état d'être jugées.
L'affaire est alors instruite sous le contrôle de ce magistrat, qui
- veille au déroulement loyal de la procédure et spécialement à la ponctualité de l'échange des conclusions et de la communication des pièces,
- fixe les délais nécessaires à l'instruction de l'affaire et peut fixer un calendrier de la mise en état qui comporte le nombre prévisible et la date des échanges de conclusions, la date de la clôture et celle des débats,
- est seul compétent, jusqu'à son dessaisissement, pour statuer sur les fins de non-recevoir et est saisi par des conclusions qui lui sont spécialement adressées, distinctes des conclusions au fond,
- déclare l'instruction close dès que l'état de celle-ci le permet et renvoie l'affaire devant le tribunal pour être plaidée.
La date de clôture doit être aussi proche que possible de celle fixée pour les plaidoiries et après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.
L'ordonnance de clôture peut être révoquée, s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue, d'office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l'ouverture des débats, par décision du tribunal.
Aux termes de l'article 799 du même code le juge de la mise en état demeure saisi jusqu'à l'ouverture des débats.
En l'espèce, le juge de la mise en état a par ordonnance du 13 avril 2023 prononcé la clôture de l'affaire et l'a fixée à l'audience de plaidoiries du 16 mai 2023.
Dans le cadre de son délibéré, le tribunal, a déclaré irrecevables les conclusions de Mme [I] aux fins de nullité de l'assignation, comme relevant de la compétence exclusive du juge de la mise en état.
Subsidiairement, Mme [I], qui n'avait pas conclu au fond, a sollicité la possibilité de le faire, sans que M. [L] ne s'y oppose, raison pour laquelle le tribunal a renvoyé l'affaire à une audience ultérieure et fixé un calendrier de procédure avec nouvelle date de clôture.
Mme [I] qui n'a pas conclu au fond dans les délais impartis, a saisi le juge de la mise en état d'une fin de non-recevoir.
Pour déclarer ces conclusions irrecevables ce juge a considéré que l'ordonnance du 13 avril 2023 avait entraîné la clôture de l'instruction et son dessaisissement, et que le jugement du 27 juin 2023 n'avait aucunement ordonné le renvoi à la mise en état.
Le juge de la mise en état n'a pas été dessaisi à la date de l'ordonnance de clôture du 13 avril 2023 mais par à celle de l'ouverture des débats à l'audience du 16 mai 2023.
Aucune disposition du jugement du 27 juin 2023 n'ordonne formellement la révocation de cette ordonnance de clôture et le renvoi à la mise en état du dossier.
Néanmoins, en fixant un calendrier de procédure pour permettre à la partie défenderesse de conclure au fond, et en ordonnant une nouvelle clôture de l'affaire, le tribunal a, de fait, révoqué la clôture et renvoyé l'affaire à la mise en état.
S'il ne l'avait pas fait, les conclusions au fond qu'il demandait à Mme [I] de produire, et les éventuelles conclusions en réplique de M. [L], auraient été irrecevables comme postérieures à la date de clôture des débats.
Le juge de la mise en état a ainsi été ressaisi, pour être ensuite dessaisi à l'ouverture des débats à l'audience du 26 septembre 2023.
Il en résulte que les conclusions d'incident notifiées le 19 juillet 2023 par Mme [I] adressées au juge de la mise en état sont recevables, et l'ordonnance sera par conséquent infirmée.
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription
Aux termes de l'article 2224 du code civil les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Toutefois, selon l'article 2236 du même code, la prescription ne court pas ou est suspendue entre époux, ainsi qu'entre partenaires liés par un pacte civil de solidarité.
En l'espèce, la reconnaissance de dette a été signée du temps du mariage de Mme [I] et M. [L] de sorte que le délai de prescription n'a commencé à courir que le 13 novembre 2009, date de leur divorce.
Aucun acte interruptif de prescription ne ressort des débats et n'est d'ailleurs allégué.
Le fait que Mme [I] ait reconnu l'existence de la dette en opérant des paiements partiels à compter du mois de janvier 2021 ne peut avoir pour effet d'interrompre la prescription, qui était déjà acquise à cette date.
Il en résulte que l'action en paiement engagée le 5 novembre 2022 par M. [L] à l'encontre de Mme [I] est prescrite, comme engagée plus de cinq ans après le 13 novembre 2014.
Cette action sera par conséquent déclarée irrecevable.
Sur le remboursement de l'indu et la demande de dommages et intérêts
Aux termes de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.
La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
La cour n'est saisie que de l'appel de l'ordonnance du juge de la mise en état, saisi de la fin de non-recevoir tirée de la prescription, qui a déclaré irrecevables les conclusions le saisissant.
Il appartient à la cour de se prononcer exclusivement sur la recevabilité de ces écritures, et de statuer sur la fin de non-recevoir, mais non sur des demandes reconventionnelles au fond, qui seront par conséquent déclarées irrecevables en tant qu'elle relèvent de l'appel interjeté à l'encontre du jugement prononcé le 14 novembre 2023, actuellement pendant devant la cour.
Sur les autres demandes
L'ordonnance sera infirmée en ce qu'elle a condamné Mme [I] aux dépens de l'incident et à payer à M. [L] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [L], qui succombe, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.
L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Carpentras du 12 septembre 2023 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau
Déclare recevables les conclusions notifiées le 19 juillet 2023 par Mme [V] [I],
Déclare irrecevable comme prescrite l'action engagée par M. [Z] [L] à l'encontre de Mme [V] [I] au titre de la reconnaissance de dette signée le 16 novembre 2008,
Déclare irrecevable la demande reconventionnelle formée par Mme [V] [I] en paiement de la somme de 1 800 euros,
Déclare irrecevable la demande reconventionnelle de dommages et intérêts formée par Mme [V] [I] à l'encontre de M. [Z] [L],
Condamne M. [Z] [L] aux dépens de première instance et d'appel,
Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,