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04/07/2024 | FRANCE | N°23/02891

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 1ère chambre, 04 juillet 2024, 23/02891


COUR D'APPEL

DE NÎMES



1ère chambre









ORDONNANCE N° :



N° RG 23/02891 - N° Portalis DBVH-V-B7H-I6BU





Jugement au fond, origine tribunal judiciaire d'Alès, décision attaquée en date du 28 juillet 2023, enregistrée sous le n° 22/0007





Mme [E] [D] épouse [Z]

[Adresse 4]

[Localité 1]









Représentant : Me Georges Pomies Richaud de la Selarl Cabinet Lamy Pomies-Richaud Avocats Associés, avocat au barreau de Nimes

Re

présentant : Me Yamina Dehmej, avocat au barreau de Montpellier





APPELANTE



La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Languedoc,

prise en la personne de son représentant légal en exercice do...

COUR D'APPEL

DE NÎMES

1ère chambre

ORDONNANCE N° :

N° RG 23/02891 - N° Portalis DBVH-V-B7H-I6BU

Jugement au fond, origine tribunal judiciaire d'Alès, décision attaquée en date du 28 juillet 2023, enregistrée sous le n° 22/0007

Mme [E] [D] épouse [Z]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentant : Me Georges Pomies Richaud de la Selarl Cabinet Lamy Pomies-Richaud Avocats Associés, avocat au barreau de Nimes

Représentant : Me Yamina Dehmej, avocat au barreau de Montpellier

APPELANTE

La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Languedoc,

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité,

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentant : Me Pascale Comte de la Scp Akcio Bdcc Avocats, avocat au barreau de Nîmes

INTIMÉE

LE QUATRE JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE

ORDONNANCE

Nous, Isabelle Defarge, conseillère de la mise en état, assistée de Audrey Bachimont, greffière, présente lors des débats tenus le 20 juin 2024 et du prononcé,

Vu la procédure en instance d'appel inscrite au répertoire général sous le numéro N° RG 23/02891 - N° Portalis DBVH-V-B7H-I6BU,

Vu les débats à l'audience d'incident du 20 juin 2024, les parties ayant été avisées que l'ordonnance sera prononcée par sa mise à disposition au greffe le 04 juillet 2024,

Selon offre du 30 avril 2007 la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Languedoc ( la CRCAM du Languedoc) a consenti à M. [O] [Z] et son épouse [E] née [D] un prêt d'un montant principal de 20 000 euros d'une durée de 84 mois au taux d'intérêt annuel de 4,40%.

L'entreprise personnelle d'hôtellerie-restauration de M. [O] [Z] a fait l'objet le 27 janvier 2011 d'un jugement d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, convertie en liquidation judiciaire le 20 juillet 2011 par un jugement ensuite rétracé sur tierce opposition le 18 octobre 2011.

La CRCAM du Languedoc a déclaré le 24 février 2011 entre les mains du mandataire judiciaire désigné sa créance à l'égard de (Mme) [O] [Z] à hauteur de 14 989,24 euros.

Le 4 juin 2019 le tribunal de commerce de Nîmes a prononcé la résolution du plan de redressement de cette entreprise et sa liquidation judiciaire, dont la clôture a été prononcée pour insuffisance d'actif le 14 avril 2021.

Le 19 mai 2021 la CRCAM du Languedoc a mis en demeure Mme [E] [D] de lui verser dans un délai de 15 jours la somme de 14 890,94 euros provisoirement arrêtée à cette date puis le 25 août 2021 la somme de 15 000,58 euros.

Le 15 décembre 2021 la banque a fait assigner Mme [E] [D] épouse [Z] devant le tribunal judiciaire d'Alès qui par jugement du 28 juillet 2023 :

- a condamné celle-ci à lui payer les sommes de :

- 15 774,53 euros arrêtée au 27 octobre 2022 assortie des intérêts au taux contractuel de 4,40% l'an à compter du 28 octobre 2022,

- 761,15 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement, avec capitalisation des intérêts échus dus au moins pour une année entière,

- a rejeté les demandes de Mme [D] épouse [Z],

- l'a condamnée à payer à la CRCAM du Languedoc la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 et aux entiers dépens,

- a rappelé l'exécution provisoire.

Mme [D] épouse [Z] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 6 septembre 2023.

Elle a conclu au fond le 21 novembre 2023 et l'intimée en réplique le 12 février 2024.

Par conclusions d'incident du 18 mars 2024 Mme [D], appelante, a saisi le conseiller de la mise en état aux fins :

Vu l'article L 137-2 du code de la consommation

Vu l'article 122 du code de procédure civile,

- de juger irrecevable et prescrite l'action en recouvrement du solde du prêt immobilier diligentée par la CRCAM du Languedoc à son encontre,

En conséquence

- de débouter cette caisse de toutes ses demandes, fins et conclusions

En tout état de cause

- de la condamner à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civiles ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance

Par conclusions d'incident du 6 juin 2024 la CRCAM du Langudoc, intimée, demande au conseiller de la mise en état :

Vu les articles 907 et 914 du code de procédure civile,

Vu l'avis publié de la Cour de cassation en date du 3 juin 2021 n° 21-70.006,

Au principal

- de se déclarer incompétent pour statuer sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de son action en paiement à l'encontre de Mme [D] épouse [Z],

Subsidiairement

Vu l'article L 137-2 devenu L 218-2 du code de la consommation,

Vu l'article L 622-28 alinéa 2 du code de commerce dans sa version issue de l'Ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008,

Vu l'article 2234 du code civil,

- de juger son action non prescrite,

- de débouter Mme [D] épouse [Z] de toutes ses demandes, fins et prétentions,

En tout état de cause

- de la condamner au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIVATION

*sur la compétence du conseiller de la mise en état pour statuer sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en paiement de la CRCAM

La CRCAM du Languedoc soutient que le conseiller de la mise en état n'est compétent pour statuer que sur les fins de non recevoir relatives à la procédure d'appel, tandis que seule la cour est compétente pour ce qui concerne les fins de non recevoir tranchées par le juge de la mise en état, par le tribunal ou susceptibles de remettre en cause ce qui a été jugé au fond.

Mme [D] soutient que la fin de non-recevoir qu'elle soulève pour la première fois relève de la compétence du conseiller de la mise en état.

Les nouvelles attributions conférées par le décret du 11 décembre 2019 au conseiller de la mise en état s'exercent sous réserve que soit ouvert contre ses décisions un déféré devant la cour d'appel, juridiction appelée à trancher en dernier ressort les affaires dont elle est saisie.

À cette fin, le décret n° 2020-1452 du 27 novembre 2020 a complété l'article 916 du code de procédure civile pour étendre le déféré aux ordonnances du conseiller de la mise en état statuant sur toutes fins de non-recevoir.

Dans la rédaction antérieure de ce texte, le déféré n'était ouvert qu'à l'encontre des ordonnances par lesquelles ce conseiller tranchait les fins de non-recevoir tirées de l'irrecevabilité de l'appel et celles tirées de l'irrecevabilité des conclusions et des actes de procédure en application des articles 909, 910 et 930-1 de ce code, dont la connaissance lui était déjà confiée par l'article 914, dans des conditions spécifiquement fixées par ce texte.

Il résulte de ce qui précède que le décret du 27 novembre 2020 étant, au terme de son article 12, alinéa 2, entré en vigueur le 1er janvier 2021, pour s'appliquer aux instances d'appel en cours, le conseiller de la mise en état peut statuer sur les autres fins de non-recevoir qui lui sont soumises ou qu'il relève d'office à compter de cette date.

Ayant été saisi par Mme [D] de la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action en paiement de la CRCAM du Languedoc dirigée à son encontre par conclusions d'incident du 18 mars 2024, le conseiller de la mise en état est ici compétent.

*sur la prescription de l'action en paiement de la CRCAM du Languedoc

Pour voir déclarer cette action prescrite, l'appelante, appelante à l'incident, soutient d'une part que l'action de l'organisme de crédit en remboursement d'un prêt immobilier était soumise à la prescription biennale de l'article L. 137-2 du code de la consommation ; que la créance de la banque était exigible depuis le 30 septembre 2013 date de dernière échéance du prêt et donc point de départ du délai de prescription.

La CRCAM, intimée au fond et à l'incident, soutient que dans l'hypothèse où comme en l'espèce une procédure collective est intervenue, et en application des dispositions combinées des articles L. 622-28 al 2 dudit code et 2234 du code civil, en cas de liquidation judiciaire d'un des codébiteurs solidaires, son délai d'action contre la co-débitrice in bonis a été interrompu de la date de sa déclaration de créance à celle de la publication au BODACC du jugement de clôture de la procédure pour insuffisance d'actif.

**sur la qualité de co-débitrice solidaire de Mme [E] [D] épouse [Z]

La CRCAM du Languedoc soutient qu'elle est fondée à poursuivre l'épouse communs en bien in bonis de l'emprunteur à l'égard duquel son action a été interrompue par le jugement d'ouverture d'une procédure collective.

En l'espèce, M.et Mme [Z], dont il n'est pas contesté qu'ils seraient communs en biens, se sont engagés envers la CRCAM du Languedoc aux termes d'une offre de prêt immobilier du 23 mars 2007, contractée pour les besoins de leur résidence principale [Adresse 3] à [Localité 6].

Une clause 'solidarité et indivisibilité en cas de décès' de ce contrat stipule 'toutes les obligations résultant du présent prêt à la charge de l'emprunteur engageront solidairement toutes les personnes désignées sous cet intitulé' mais d'une part cette clause concerne comme son titre l'indique le cas du décès de l'un des emprunteurs, et d'autre part aucune mention de solidarité entre M.et Mme [Z] ne résulte de leurs signatures respectives de cette offre.

L'épouse, fût-elle commune en biens de l'emprunteur à l'égard duquel la procédure collective a été ouverte, n'est donc ici pas tenue solidairement à son égard en vertu de ce contrat.

**sur l'interruption de la prescription

Aux termes de l'article L. 137-2 du code de la consommation abrogé au 1er juillet 2016 dont se prévaut l'appelante l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.

Aux termes de l'article 2234 du code civil en vigueur depuis le 19 juin 2008 la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.

Selon l'article L. 622-28 al 2 du code de commerce en vigueur du 15 février 2009 au 01 juillet 2014 ici applicable en raison de la date de ce jugement, le jugement d'ouverture d'une procédure collective suspend jusqu'au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation toute action contre les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie.

Ce dernier texte ne distingue pas entre les personnes physiques coobligées, selon qu'elles sont solidairement tenues ou, comme en l'espèce, co-débitrices.

Ces deux textes ne sont nullement inconciliables comme le soutient l'appelante, le second articulant un empêchement légal tel que prévu au premier.

L'entreprise personnelle de M. [Z] a été placée en redressement judiciaire par jugement du 27 janvier 2011 du tribunal de commerce de Nîmes et la CRCAM du Languedoc a déclaré le 24 février 2011 entre les mains du mandataire judiciaire sa créance au titre de ce prêt à hauteur de 14 989,24 euros dont au titre du capital restant dû la somme de 10 291,05 euros correspondant à l'échéance 44 exigible le 30 décembre 2010 selon le tableau d'amortissement produit.

Cette déclaration de créance a valablement interrompu le délai de prescription de l'action de la CRCAM du Languedoc, qui n'était pas acquise à la date de sa régularisation le 24 février 2011, tant à l'égard de M. [O] [Z] qu'à l'égard de sa co-débitrice Mme [E] [D] épouse [Z], et ce jusqu'au prononcé de la clôture pour insuffisance d'actif de la procédure de liquidation dont il a ensuite fait l'objet le 14 avril 2021.

La mise en demeure adressée le 19 mai 2021 a donc été valablement adressée à celle-ci, dans le délai de 2 ans ayant commencé à courir, aux termes du contrat lui-même ( clause 'Déchéance du terme') 'à la seule survenance de l'un quelconque des évènements suivants : - en cas de non-paiement des sommes exigibles', même si le prêteur n'a pas manifesté son intention de se prévaloir de cette déchéance, à la date de la première échéance impayée soit le 30 décembre 2010, interrompu le 27 janvier 2011 par le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de M. [Z], et qui a recommencé à courir le 14 avril 2021 date du jugement prononçant la clôture pour insuffisance d'actif de cette procédure.

Mme [E] [D] épouse [Z] sera en conséquence déboutée de sa demande incidente, dont elle devra supporter les dépens.

Elle sera en outre condamnée à payer à la CRCAM du Languedoc la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La conseillère de la mise en état,

Se déclare compétente pour statuer sur la fin de non recevoir soulevée par Mme [E] [D] tirée de la prescription de l'action en paiement de la CRCAM du Languedoc dirigée à son encontre,

Déclare recevable comme non prescrite l'action de la CRCAM du Languedoc engagée par mise en demeure du 24 mai 2021 à l'encontre de Mme [E] [D] épouse [Z] au titre du contrat de prêt souscrit selon offre du 30 avril 2007 en qualité de co-emprunteuse de son époux M. [O] [Z],

Condamne Mme [E] [D] épouse [Z] aux dépens de l'incident.

La condamne à payer à la CRCAM du Languedoc la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière La conseillère de la mise en état


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23/02891
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;23.02891 ?
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