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04/07/2024 | FRANCE | N°23/01005

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section a, 04 juillet 2024, 23/01005


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 23/01005 - N° Portalis DBVH-V-B7H-IYHG



NA



TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE CARPENTRAS

31 janvier 2023 RG :21/01175



[O]

[S]



C/



[S]



































Grosse délivrée

le

à Selarl Breuillot

SCP Penard-Oosterlync

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COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A



ARRÊT DU 04 JUILLET 2024





Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Carpentras en date du 31 Janvier 2023, N°21/01175



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Mme Nathalie AZOUARD, Prési...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 23/01005 - N° Portalis DBVH-V-B7H-IYHG

NA

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE CARPENTRAS

31 janvier 2023 RG :21/01175

[O]

[S]

C/

[S]

Grosse délivrée

le

à Selarl Breuillot

SCP Penard-Oosterlynck

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

ARRÊT DU 04 JUILLET 2024

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Carpentras en date du 31 Janvier 2023, N°21/01175

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Nathalie AZOUARD, Présidente de Chambre, et M. André LIEGEON, Conseiller, ont entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats et en ont rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Nathalie AZOUARD, Présidente de Chambre

Virginie HUET, Conseillère

André LIEGEON, Conseiller

GREFFIER :

Mme Céline DELCOURT, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 21 Mai 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 04 Juillet 2024.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTS :

M. [W] [O]

né le 16 Novembre 1958 à [Localité 14]

[Adresse 11]

[Localité 12]

Représenté par Me Sandrine BROS de la SELARL BREUILLOT & AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CARPENTRAS

Mme [C] [S] épouse [O]

née le 10 Juillet 1959 à [Localité 15]

[Adresse 11]

[Localité 12]

Représentée par Me Sandrine BROS de la SELARL BREUILLOT & AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CARPENTRAS

INTIMÉ :

M. [J] [F] [B] [S]

né le 24 Août 1935 à [Localité 17]

[Adresse 10]

[Localité 12]

Représenté par Me Nicolas OOSTERLYNCK de la SCP PENARD-OOSTERLYNCK, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 25 Avril 2024

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Nathalie AZOUARD, Présidente de Chambre, le 04 Juillet 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Propriétaire des parcelles cadastrées sur la commune de [Localité 17] lieudit « [Adresse 18] », section C n°[Cadastre 9], C n° [Cadastre 7] et C n° [Cadastre 8] (anciennement cadastrées section C n°[Cadastre 4] et [Cadastre 5]), ainsi que des parcelles cadastrées section C n°[Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 3], M. [J] [S] a fait donation à sa fille, Mme [C] [S] épouse [O], des trois dernières, suivant acte reçu par Maitre [L] [E] le 22 février 1985.

La même année, Mme [C] [S] épouse [O] et M. [W] [O] (« les époux [O] ») ont fait construire une bâtisse à usage d'habitation sur les parcelles faisant l'objet de la donation.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 23 novembre 2015, M. [J] [S] a informé sa fille de son intention de vendre les parcelles cadastrées section C n°[Cadastre 9], C n° [Cadastre 7] et C n° [Cadastre 8] et lui a demandé en conséquence de ne plus les utiliser.

Par courrier de son conseil en date du 23 mars 2017, M. [J] [S] leur a demandé de cesser d'utiliser lesdites parcelles pour accéder à leur domicile et de supprimer le portail.

Par courrier en date du 22 janvier 2022 adressé à M. [J] [S], les époux [O] ont revendiqué la propriété des parcelles cadastrées section C n° [Cadastre 6], n° [Cadastre 7] sur laquelle un mur de clôture a été érigé, et la propriété de la parcelle section C n°[Cadastre 8].

Le 10 février 2021, M. [J] [S] s'est opposé à cette revendication et a indiqué vouloir procéder à la démolition du mur de clôture.

Une tentative de conciliation a eu lieu le 12 avril 2021 mais elle s'est soldée par un échec.

C'est dans ce contexte que, par exploit d'huissier en date du 21 juillet 2021, les époux [O] ont assigné M. [J] [S] devant le Tribunal judiciaire de Carpentras aux 'ns de voir constater la prescription acquisitive des parcelles litigieuses.

Le tribunal judiciaire de CARPENTRAS, par jugement contradictoire en date du 31 janvier 2023, a :

Débouté Mme [C] [S] épouse [O] et M. [W] [O] de toutes leurs demandes.

Condamné Mme [C] [S] épouse [O] et M. [W] [O] à démolir 1e portail installé en limite de la parcelle située sur la commune de [Localité 12] lieudit « [Adresse 18] » cadastrée C n°[Cadastre 6] appartenant à M. [J] [S], sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à l'expiration du délai de trois mois à compter de la présente décision et ce pendant une période de 10 mois à 1'issue de laquelle il devra être à nouveau statué.

Condamné Mme [C] [S] épouse [O] et M. [W] [O] à arracher les arbres plantés sur les parcelles situées sur la commune de [Localité 12] lieudit « [Adresse 18] » cadastrées C n°[Cadastre 6], [Cadastre 7] et [Cadastre 8] appartenant à M. [J] [S], sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à l'expiration du délai de trois mois à compter de la présente décision et ce pendant une période de 10 mois à l'issue de laquelle il devra être à nouveau statué.

Condamné Madame [C] [S] épouse [O] et M. [W] [O] aux entiers dépens de l'instance.

Condamné Mme [C] [S] épouse [O] et M. [W] [O] à verser à M. [J] [S] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rappelé que le présent jugement est de droit exécutoire par provision.

Les premiers juges, sur la demande en revendication de propriété des époux [O], relèvent d'abord que M. [J] [S] est propriétaire par titre et qu'il appartient donc aux demandeurs de prouver qu'il a perdu cette qualité du fait de leur possession trentenaire.

Ils rappellent ensuite les dispositions des articles 544, 545 et 2272 du code civil d'où il ressort que le délai de prescription pour acquérir la propriété est de trente ans, cette possession s'analysant comme des actes matériels continus, non interrompus, paisibles, publics, non équivoques et à titre de propriétaire.

En l'espèce le tribunal considère au vu des pièces produites au débat que s'il est démontré que les époux [O] ont réalisé des actes matériels (aménagement du chemin d'accès, acheminement du réseau de gaz) sur les parcelles litigieuses, il n'est pas rapporté la preuve d'une possession depuis 1985 comme ils le soutiennent.

Les juges de première instance ajoutent que quand bien même la possession serait considérée comme effective depuis trente ans elle ne remplit pas la condition de continuité et de non-interruption puisque dès le 2 avril 2009 les époux [O] ont reconnu la propriété de M. [J] [S] sur les parcelles litigieuses en lui proposant de les acquérir, cette reconnaissance étant confirmée par l'accord de bornage amiable en date du 6 mai 2009 signé par Mme [C] [S] épouse [O] en qualité de propriétaire des parcelles C[Cadastre 1], C[Cadastre 2] et C[Cadastre 3] et par M. [J] [S] en qualité de propriétaire des parcelles litigieuses C [Cadastre 4] et C [Cadastre 5]( devenues C [Cadastre 6], C [Cadastre 7] et C [Cadastre 8]).

Le tribunal ajoute que cette reconnaissance de propriété ressort en outre de différents échanges entre Mme [C] [S] épouse [O] et son père et de nouvelles demandes d'acquisition par les demandeurs des parcelles en cause.

Sur les demandes reconventionnelles de M. [J] [S] le jugement relève concernant le portail que les époux [O] ont bien fait construire celui-ci sur la parcelle cadastrée C n°[Cadastre 6] appartenant à M. [J] [S] ce qui n'est pas contesté.

Concernant l'arrachage des arbres plantés sur les parcelles propriétés de M. [J] [S] les premiers juges font droit à cette demande, les époux [O] reconnaissant avoir planté des arbres et installé un potager sur les parcelles litigieuses.

Mme [C] [S] épouse [O] et M. [W] [O] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe en date du 20 mars 2023.

L'affaire a été enrôlée sous le numéro RG 23/01005.

Le 5 mai 2023 une ordonnance d'injonction de rencontrer un médiateur a été rendue par le magistrat de la mise en état, laquelle médiation s'est soldée par un échec.

Par ordonnance, la clôture de la procédure a été fixée au 25 avril 2024, l'affaire a été appelée à l'audience du 21 mai 2024 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 4 juillet 2024.

 

EXPOSE DES MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

 

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 24 avril 2024, Mme [C] [S] épouse [O] et M. [W] [O] demandent à la cour de :

Vu notamment les articles 2258, 2261 et 2272 du code civil, tous autres à déduire ou suppléer et, le cas échéant, l'application de l'article 12 du CPC,

REFORMER le jugement du Tribunal Judiciaire de CARPENTRAS en date du 31 janvier 2023 en ce qu'il a débouté Monsieur [W] [O] et Madame [C] [S] époux [O] de toutes leurs demandes ;

REFORMER le jugement du Tribunal Judiciaire de CARPENTRAS en date du 31 janvier 2023 en ce qu'il a condamné Monsieur [W] [O] et Madame [C] [S] époux [O] à démolir le portail installé en limite de la parcelle située sur la commune de [Localité 12] lieudit « [Adresse 18] » cadastrée C n°[Cadastre 6] appartenant à monsieur [J] [S], sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à l'expiration du délai de trois mois à compter de la présente décision et ce pendant une période de 10 mois à l'issue de laquelle il devra être à nouveau statué ;

REFORMER le jugement du Tribunal Judiciaire de CARPENTRAS en date du 31 janvier 2023 en ce qu'il a condamné Monsieur [W] [O] et Madame [C] [S] époux [O] à arracher les arbres plantés sur les parcelles situées sur la commune de [Localité 12] lieudit « [Adresse 18] » cadastrée C n°[Cadastre 6], [Cadastre 7] et [Cadastre 8] appartenant à monsieur [J] [S], sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à l'expiration du délai de trois mois à compter de la présente décision et ce pendant une période de 10 mois à l'issue de laquelle il devra être à nouveau statué ;

REFORMER le jugement du Tribunal Judiciaire de CARPENTRAS en date du 31 janvier 2023 en ce qu'il a condamné Monsieur [W] [O] et Madame [C] [S] époux [O] à verser à Monsieur [J] [S] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les a condamnés aux entiers dépens.

Statuant à nouveau,

CONSTATER la prescription acquisitive des parcelles situées à [Localité 12], lieudit « [Adresse 18] », cadastrées C[Cadastre 6], C[Cadastre 7] et C[Cadastre 8] (anciennement C[Cadastre 5] et C[Cadastre 4]) au bénéfice de Monsieur [W] [O] et Madame [C] [S] époux [O], époux communs en biens ;

DECLARER Monsieur [W] [O] et Madame [C] [S] époux [O], époux communs en biens, propriétaires des parcelles situées à [Localité 12], lieudit « [Adresse 18] », cadastrées C[Cadastre 6], C[Cadastre 7] et C[Cadastre 8] (anciennement C[Cadastre 5] et C[Cadastre 4]) ;

JUGER que le présent arrêt vaut titre de propriété et ORDONNER sa publication au service de la publicité foncière d'[Localité 13] ;

DEBOUTER Monsieur [J] [S] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

CONDAMNER Monsieur [J] [S] au paiement de la somme de 3.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNER Monsieur [J] [S] aux dépens que la SELARL BREUILLOT & Avocats pourra recouvrer directement conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Sur leur demande en revendication de la propriété des parcelles litigieuses, les époux [O] font valoir essentiellement :

-qu'ils ont accompli depuis la donation de 1985 des actes matériels de possession qui ressortent clairement des photographies et des attestations produites au débat, depuis la construction de leur maison sur la parcelle objet de la donation, qu'ils ont utilisé les parcelles litigieuses en qualité de jardin, les ont entretenues et y ont planté des arbres,

-que fin 1998 ils ont fait acheminer le réseau de gaz pour alimenter leur maison sous la parcelle anciennement cadastrée C [Cadastre 4] et sans qu'aucune convention ne soit signée entre GDF et M. [J] [S] lequel était parfaitement au courant des travaux réalisés, ces derniers étant bien visibles et le compteur se trouvant sur la parcelle anciennement cadastrée C [Cadastre 4],

-que seuls les époux [O] ont participé à l'entretien du chemin commun aux riverains de l'[Adresse 16],

-qu'ils produisent une attestation de la mairie qui prouve que depuis 1988 leur entrée s'effectue sur la parcelle anciennement cadastrée C [Cadastre 4] où ils installeront par la suite leur portail,

-qu'entre 2006 et 2007 ils ont construit un mur de clôture sur les côtés Est et Ouest de leur propriété et mis à cette occasion en place un portail et un portillon donnant directement accès sur la parcelle anciennement cadastrée C [Cadastre 4] finalisant ainsi une situation de fait existant depuis 1985 et à laquelle M. [J] [S] ne s'est pas opposé pendant plus de trente ans puisque le premier courrier dans lequel il revendique la propriété des parcelles litigieuse a été adressé le 23 novembre 2015,

-que la soi-disant tolérance qui est soutenue par M. [J] [S] démontre en réalité la mauvaise foi de ce dernier qui a laissé sa fille et son gendre faire de nombreuses installations et engager des frais importants sans jamais les mettre en garde sur ses intentions,

-que la possession des parcelles litigieuses par les époux [O] a été publique car s'exerçant au sein d'un lotissement au vu de tous les riverains et de M. [J] [S] qui est propriétaire de plusieurs parcelles aux alentours,

-que ce n'est que dans un but transactionnel et pour indemniser justement ses frère et s'urs dans le cadre de la succession à venir, que Mme [O] a proposé à son père d'acheter les parcelles litigieuses à un prix bien plus élevé que la valeur des terrains à l'époque non constructibles, quand il a fait part de son intention de les vendre, si bien que ces offres d'achat ne peuvent venir interrompre la prescription acquisitive, et ne sauraient constituer une renonciation tacite et non équivoque à se prévaloir de la revendication de la propriété du bien litigieux par le jeu de la prescription acquisitive,

-que le bornage amiablement diligenté par M. [J] [S] et que sa fille n'a pas eu le choix de refuser ne tend qu'à la ligne divisoire des fonds et n'interrompt pas la prescription acquisitive et la signature du bornage amiable par Mme [O] ne constitue nullement un aveu,

-que ce n'est que par un courrier recommandé en date du 23 novembre 2015 que M. [J] [S] a demandé à sa fille et à son gendre de ne plus utiliser les parcelles, si bien qu'à la date de ce courrier, la donation datant du 22 février 1985, la prescription trentenaire était acquise depuis le 22 février 2015.

En l'état de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 25 avril 2024, M. [J] [S] demande à la cour de :

Et tous autres à déduire ou à suppléer s'il y a lieu,

Vu les articles 544 et 2261 du code civil,

Débouter Monsieur et Madame [O] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

En conséquence,

Confirmer en toutes ses dispositions, le jugement du tribunal judiciaire de Carpentras du 31 janvier 2023,

Y ajoutant,

Condamner Monsieur et Madame [O] à payer à Monsieur [J] [S] une somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel.

M. [J] [S] fait essentiellement valoir que :

-le fait d'utiliser les parcelles à titre de jardin ou pour y faire passer des canalisations de gaz ne constitue pas une possession non équivoque car il s'agit d'une occupation à titre précaire qui n'a été possible que parce que le propriétaire des parcelles l'a autorisée et qui caractérise une simple tolérance,

-de plus les canalisations de gaz étant enterrées et non apparentes les époux [O] ne peuvent en tirer un quelconque argument pour faire valoir une possession ininterrompue, laquelle de surcroit n'a aucun caractère public,

-en tout état de cause cet enfouissement de canalisations remonte à 1998 et donc à moins de trente ans,

-la construction d'un mur de clôture et l'installation d'un portail donnant sur la parcelle anciennement cadastrée section C [Cadastre 4] sont des travaux en eux-mêmes insuffisants pour revendiquer la propriété d'un fonds immobilier par prescription trentenaire car ces travaux ont été réalisés en 2006, soit il y a moins de trente ans,

- M. [J] [S] n'a jamais laissé croire à sa fille et à son gendre qu'ils étaient propriétaires des parcelles concernées sans contrepartie et la prescription invoquée a été interrompue à plusieurs reprises par la propre reconnaissance par M. et Mme [O] du droit de propriété de M. [J] [S], laquelle ressort notamment de la signature d'un procès-verbal amiable de bornage entre Mme [O] et M. [J] [S] et de la proposition plusieurs fois réitérée par les époux [O] d'acquérir la propriété des parcelles litigieuses, comme le démontre en particulier la réponse faite par Mme [O] au notaire le 2 avril 2009 où elle propose d'acquérir une des parcelles de 641 m² au prix de 105 000 euros, proposition d'achat qui ne peut s'analyser ni comme la seule volonté d'indemniser les autres membres de la fratrie, ni comme une proposition transactionnelle dans la mesure où celle-ci intervient avant que la prescription ne soit acquise.

MOTIFS :

A titre liminaire et pour une meilleure compréhension du litige, il sera observé que les parcelles cadastrées initialement section C n° [Cadastre 4] et section C n° [Cadastre 5] ont fait l'objet d'une modification cadastrale le 29 février 2016 pour devenir les parcelles cadastrées section C n° [Cadastre 6], section C n° [Cadastre 7] et section C n°[Cadastre 8].

Sur l'action en revendication de propriété de M. et Mme [O] des parcelles cadastrées section C n° [Cadastre 6], section C n° [Cadastre 7] et section C n°[Cadastre 8] (anciennement section C n° [Cadastre 4] et section C n° [Cadastre 5]), situées sur la commune de [Localité 12] lieudit « [Adresse 18] » :

Il sera rappelé qu'en application des articles 2261 et 2272 du code civil, pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire pendant trente ans sauf à se prévaloir d'une prescription abrégée de dix ans pour celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre.

En l'espèce il est constant comme relevé en première instance, que M. [J] [S] est propriétaire par titre des parcelles cadastrées section C n° [Cadastre 6], section C n° [Cadastre 7] et section C n°[Cadastre 8], si bien que la prescription abrégée ne pouvant trouver à s'appliquer, les époux [O] doivent démontrer une possession à titre de propriétaire, paisible, publique, non équivoque et non interrompue pendant trente ans.

Ces derniers soutiennent à cet effet que depuis la donation faite par M. [S] à sa fille des parcelles cadastrées section C n°[Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 3], suivant acte reçu par Maitre [L] [E] le 22 février 1985 et la construction de leur maison d'habitation qui s'en est suivie, ils démontrent une possession desdites parcelles, si bien que la prescription est acquise depuis février 2015, soit avant le courrier recommandé en date du 23 novembre 2015 adressé par M. [S] pour leur demander de cesser d'utiliser les parcelles en cause.

Pour démontrer une possession depuis 1985 les époux [O] versent au débat des photographies, et de nombreuses attestations ainsi qu'un procès-verbal de constat d'huissier validant les dates et la situation géographique des photographies produites.

Si ces photographies et attestations permettent de rendre compte d'une utilisation par les époux [O] et de leur famille des parcelles en litige pour des événements familiaux ( repas et autres), pour des loisirs ( activités de jardinage, jeux d'enfants) depuis selon toute vraisemblable l'acte de donation du 22 février 1985, et donc depuis les années 1985-1986 sans plus de précisions, elles ne suffisent pas à rapporter la preuve d'actes matériels caractérisant leur intention de se conduire en propriétaires desdites parcelles depuis 1985 soit depuis trente ans avant le courrier en date du 23 novembre 2015 adressé par M. [J] [S] à sa fille pour lui demander de ne plus utiliser les parcelles en cause, dans la mesure où à compter de cette date la possession à la supposer démontrée ne peut plus être qualifiée de possession paisible.

Par ailleurs il n'est pas démontré que la possibilité d'utiliser lesdites parcelles pour les usages ci-dessus rappelés ne relève pas d'une simple tolérance du propriétaire des parcelles en question et si le courrier du 23 novembre 2015 démontre comme le soutiennent les époux [O] que M. [S] avait connaissance de l'utilisation par sa fille et son gendre des parcelles lui appartenant et qu'il ne s'y est pas opposé avant novembre 2015, il démontre seulement la tolérance paternelle dans l'utilisation par sa fille et son gendre des terrains en litige.

Si l'acheminement du réseau de gaz jusqu'à l'habitation des époux [O] par la parcelle et sous la parcelle anciennement cadastrée section C n° [Cadastre 4] pourrait constituer un acte matériel démontrant une possession à titre de propriétaire, force est de relever qu'il n'est pas contesté que ces travaux ont eu lieu fin 1998, si bien que la prescription n'était pas acquise au 23 novembre 2015 date à laquelle M. [S] a rappelé sa qualité de propriétaire en faisant part de son intention de vendre et en demandant de ne plus utiliser les terrains.

En outre le fait que M. [S] n'ait pas participé financièrement avec les autres riverains du lotissement à l'entretien du chemin commun à l'inverse des époux [O], tel que cela ressort d'un écrit signé par plusieurs habitants de l'[Adresse 16], ne peut s'analyser comme la reconnaissance par M. [S] de ce qu'il ne s'estimait pas propriétaire des parcelles litigieuses desservies par ledit chemin, et étant observé que M et Mme [O] en leur seule qualité de propriétaires des parcelles cadastrées section C n° [Cadastre 1], section C n° [Cadastre 2] et section C n°[Cadastre 3] objets de l'acte de donation ont un intérêt propre à l'entretien dudit chemin.

Si la construction d'un mur de clôture et la mise en place d'un portail donnant sur la parcelle anciennement cadastrée section C n° [Cadastre 4] pourraient aussi s'analyser comme un acte matériel de possession de ladite parcelle en qualité de propriétaire, il n'est pas discuté que ces travaux n'ont été réalisés qu'en 2006-2007 si bien que la prescription trentenaire n'était pas acquise en novembre 2015.

Par ailleurs M et Mme [O] ne peuvent utilement soutenir que la prescription n'a pas été interrompue en 2009, année où ils ont reconnu à M. [S] sa qualité de propriétaire des parcelles en litige.

En effet il ressort des pièces versées aux débats, que le 2 avril 2009, Mme [O] a répondu au courrier du notaire Maître [E] mandaté par son père, qu'elle était intéressée par l'acquisition de la parcelle de 641m² jouxtant sa propriété et qu'elle souhaitait en connaître le prix de vente. Cette intention d'acquérir la parcelle étant réitérée notamment dans un autre courrier adressé cette fois directement à M et Mme [S] le 10 mars 2010.

Dans ces deux écrits les époux [O] ne contestent à aucun moment la qualité de propriétaire de M. [S] et si dans la lettre du 10 mars 2010 ils se disent avoir été surpris de cette mise en vente impromptue compte tenu du fait que M. [S] leur avait dit plusieurs fois que ce terrain leur reviendrait ce qui les avait amenés à investir pour la construction d'un mur de clôture et la pose d'un portail, ils ne revendiquent à aucun moment être propriétaires de la parcelle en litige.

Le fait que M. [S] ait pu à plusieurs reprises au cours des années à venir dire à sa fille et à son gendre que le terrain jouxtant leur propriété leur reviendrait ne peut s'analyser non plus comme une renonciation par M. [S] à son droit de propriété sur le terrain en question.

Enfin l'offre d'achat faite à plusieurs reprises par les époux [O] ne peut non plus s'analyser comme une offre transactionnelle dans la mesure où elle a été formée à des dates où les époux [O] ne pouvaient avoir acquis la propriété par prescription trentenaire, si bien qu'il ne pouvait y avoir transaction sur ce point.

Enfin si une action en bornage en tant que telle, n'interrompt pas la prescription acquisitive comme le soutiennent les époux [O] en ce qu'elle porte uniquement sur la fixation de la ligne divisoire entre fonds, il s'avère toutefois que par sa signature de l'accord amiable de bornage le 6 mai 2009, Mme [O] en sa qualité de propriétaire des parcelles cadastrées section C n° [Cadastre 1], section C n° [Cadastre 2] et section C n°[Cadastre 3] a reconnu comme écrit dans l'accord que M. [S] était propriétaire des parcelles cadastrées section C n° [Cadastre 4] et section C n° [Cadastre 5] et titulaire de droit réel sur lesdites parcelles.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments et développements que c'est donc à juste titre que le jugement déféré a débouté M et Mme [O] de leur action en revendication de propriété des parcelles cadastrées section C n° [Cadastre 6], section C n° [Cadastre 7] et section C n°[Cadastre 8] (anciennement section C n° [Cadastre 4] et section C n° [Cadastre 5]), situées sur la commune de [Localité 12] lieudit « [Adresse 18]».

Sur les demandes reconventionnelles de M. [J] [S] : 

Les appelants ne formulent aucune critique sur le jugement entrepris en ce qu'il les a condamnés à démolir 1e portail installé en limite de la parcelle située sur la commune de [Localité 12] lieudit « [Adresse 18] » cadastrée C n°[Cadastre 6] appartenant à M. [J] [S] et à arracher les arbres plantés sur les parcelles situées sur la commune de [Localité 12] lieudit « [Adresse 18] » cadastrées C n°[Cadastre 6], [Cadastre 7] et [Cadastre 8] appartenant à M. [J] [S] et ce sous astreinte, sauf à revendiquer la propriété des parcelles cadastrées section C n° [Cadastre 6], section C n° [Cadastre 7] et section C n°[Cadastre 8], ce sur quoi il a déjà été statué ci-dessus.

La décision dont appel sera donc confirmée sur ces points.

Sur les demandes accessoires :

La décision de première instance ne pourra qu'être en outre confirmée en ses dispositions au titre des frais irrépétibles et des dépens.

Enfin M et Mme [O] succombant en leur appel seront condamnés à payer à M. [J] [S] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 31 janvier 2023 par le tribunal judiciaire de Carpentras ;

Y ajoutant,

Condamne Mme [C] [S] épouse [O] et M. [W] [O] à payer à M. [J] [S] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [C] [S] épouse [O] et M. [W] [O] aux dépens de la procédure d'appel.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section a
Numéro d'arrêt : 23/01005
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;23.01005 ?
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