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27/06/2024 | FRANCE | N°23/03527

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section a, 27 juin 2024, 23/03527


ARRÊT N°



2ème chambre section A



N° RG 23/03527 - N° Portalis DBVH-V-B7H-I764



VH



TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE GRASSE

26 avril 2019

RG:

S/RENVOI CASSATION



S.C.I. [Adresse 8]



C/



[H]

Société DE LA COPROPRIETE DU 15 CHEMINDE PROVENCE





























Grosse délivrée

le

à Selarl Avouepericchi

Me Maurin







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COUR D'APPEL DE NÎMES





CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

SUR RENVOI DE CASSATION





ARRÊT DU 27 JUIN 2024







APPELANTE :



SCI [Adresse 8], société civile immobilière, dont le siège social est sis [Adresse 2], inscrite au RCS d'Antibes sous le numéro 510 643 182, prise en...

ARRÊT N°

2ème chambre section A

N° RG 23/03527 - N° Portalis DBVH-V-B7H-I764

VH

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE GRASSE

26 avril 2019

RG:

S/RENVOI CASSATION

S.C.I. [Adresse 8]

C/

[H]

Société DE LA COPROPRIETE DU 15 CHEMINDE PROVENCE

Grosse délivrée

le

à Selarl Avouepericchi

Me Maurin

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

SUR RENVOI DE CASSATION

ARRÊT DU 27 JUIN 2024

APPELANTE :

SCI [Adresse 8], société civile immobilière, dont le siège social est sis [Adresse 2], inscrite au RCS d'Antibes sous le numéro 510 643 182, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Christophe FIORENTINO de la SELARL FIORENTINO, Plaidant, avocat au barreau de GRASSE

INTIMÉES :

Madame [F] [H]

née le 15 Mai 1947 à [Localité 9]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Brigitte MAURIN, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Gilles BROCA, Plaidant, avocat au barreau de NICE

SYNDICAT DES COPRORPIETAIRES DE LA COPROPRIETE DU [Adresse 3] sis à [Localité 1] agissant en la personne de son Syndic, La Société la MISSION IMMOBILIERE SARL unipersonnelle inscrite au RCS d'Antibes sous le N° B 852 901 743 prise en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 4]

[Localité 1]

assignée à personne habilitée le 12/12/2023

Avis de fixation de l'affaire à bref délai suite à renvoi après cassation (art.1037-1 et s. du CPC)

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Nathalie AZOUARD, Présidente de Chambre, et Madame Virginie HUET, Conseillère, ont entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en ont rendu compte à la cour dans son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Nathalie AZOUARD, Présidente de Chambre

Virginie HUET, Conseillère

André LIEGEON, Conseiller

GREFFIER :

Mme Céline DELCOURT, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 07 Mai 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 27 Juin 2024.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

ARRÊT :

Arrêt réputé contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Nathalie AZOUARD, Présidente de Chambre, le 27 Juin 2024,, sur renvoi de la Cour de Cassation, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le lot n° 9 du lotissement « [Adresse 8] » situé à [Localité 1], cadastré section [Cadastre 6], régi par le cahier des charges du 9 septembre 1955, est divisé en deux lots de copropriété dont le lot n° 1 appartient à la société civile immobilière Laval (la SCI) et le lot n° 2 à Mme [H]. La SCI est également propriétaire du lot n° 11 de ce lotissement cadastré section [Cadastre 5] contigu au lot n°9.

Estimant que la SCI avait réalisé des travaux sans autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires et sans respecter le cahier des charges du lotissement, Mme [H] l'a assignée devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Grasse aux fins de remise en état des lieux.

* * *

Le TJ, par ordonnance de référé du 6 avril 2011, a condamné la SCI LAVAL à procéder, sous astreinte de 50 euros par jour, à la remise en état des lieux,

- par l'enlèvement des ouvrages suivants :

* l'ouverture existante entre les entrées des deux appartements composant les lots 1 et 2 par des pavés translucides,

* le mur séparatif composé d'une partie maçonnée et d'une partie en pavés de verre entre les entrées des deux appartements,

* la réalisation en avancées devant la porte d'entrée d'origine de l'appartement formant le lot 1, d'une autre porte en bois à deux battants entourés de pavés de verre,

* la clôture grillagée destinée à matérialiser la limite entre les lots 1 et 2 sur le toit-terrasse de l'immeuble,

* le sas d'entrée en maçonnerie de forme triangulaire bordée de muret en maçonnerie,

* un mur en pierre maçonné sur la partie d'un terrain à usage commun, surmonté d'un garde-corps grillagé ainsi qu'un mur en parpaings brut,

* la surélévation et le bétonnage de la partie du terrain situé derrière lesdits murs,

* la pergola dans le jardin du lot 1, recouverte de végétation en rideau,

- par l'enlèvement de la caméra de surveillance vidéo installée sur le toit du lot 1, sous astreinte de 150 euros par jour de retard,

- par la mise de la clôture édifiée sur son lot n°11 cadastré [Cadastre 5] en conformité avec les dispositions de l'article 8 du cahier des charges du lotissement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

La SCI Laval a interjeté appel de cette décision.

Cette décision a été confirmée par un arrêt rendu le 1er mars 2012 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence qui a cependant porté l'astreinte à 500 euros par jour et a ajouté la condamnation de la SCI à procéder à l'enlèvement d'une pergola à structure métallique installée sur le toit-terrasse de l'immeuble, d'un local en maçonnerie édifié sur ce toit et de la colonne supportant des éléments de pergola implantée en façade côté est du même immeuble.

Mme [H] invoquant la non-exécution de l'ordonnance précitée a attrait la SCI devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Grasse qui a prononcé des condamnations successives dans des conditions suivantes :

- par jugement du 3 avril 2012, relevant que la SCI était totalement défaillante dans son obligation de remettre en état les biens concernés, le juge de l'exécution a liquidé l'astreinte à hauteur de 6200 euros.

- Par arrêt du 30 mai 2014, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a confirmé ce jugement ;

- par jugement du 26 mars 2013, l'astreinte a été liquidée pour diverses non-exécutions et en particulier pour une somme de 99 000 euros s'agissant du défaut de mise en conformité de la clôture édifiée sur le lot 11 en bordure du [Adresse 3].

- Par arrêt du 16 janvier 2015, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a confirmé le jugement ;

- par jugement rendu le 18 avril 2014, le juge de l'exécution a liquidé l'astreinte pour diverses non-exécutions dont celle de l'obligation de mise en conformité de la clôture bâtie sur le lot 11, à hauteur de 226 000 euros.

- par arrêt du 29 janvier 2016, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a confirmé le jugement mais rectifié le montant de l'astreinte porté à 206 000 euros 

- suivant jugement du 13 octobre 2015, le juge de l'exécution a liquidé l'astreinte notamment pour non-exécution de l'obligation de mise en conformité de la clôture, pour une somme de 50 000 euros, statuant comme suit :

* Liquide l'astreinte portant sur l'obligation de remise à niveau et de retrait du béton de la partie du terrain à usage commun à la somme de 10 000 euros pour la période allant du 11 octobre 2013 au 15 avril 2015,

* Condamne par conséquent la SCI Laval à verser à Mme [H] la somme de 10 000 euros au titre de la liquidation de cette astreinte pour la période allant du 11 octobre 2013 au 15 avril 2015,

* Liquide l'astreinte portant obligation de mettre en conformité la clôture édifiée sur son lot n°11, parcelle cadastrée [Cadastre 5], commune d'[Localité 1], [Adresse 3] et en bordure de la voie avec les dispositions de l'article 8 du cahier des charges du lotissement à la somme de 50 000 euros pour la période allant du 31 décembre 2013 au 1er septembre 2015,

* Condamne par conséquent la SCI Laval à verser à Mme [H] la somme de 50 000 euros au titre de la liquidation de cette astreinte pour la période allant du 11 octobre 2013 au 15 avril 2015,

* Condamne la SCI Laval à verser à Mme [H] la somme de 1 200 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,

* Condamne la SCI Laval aux entiers dépens.

Entre temps, suivant ordonnance rendue le 23 mars 2016, le juge des référés, saisi au principal par la SCI et à titre reconventionnel par Mme [H], a condamné la SCI à mettre en conformité avec l'article 8 alinéa 3 du cahier des charges du lotissement l'autre clôture qu'elle a édifiée sans autorisation entre la parcelle en copropriété cadastrée [Cadastre 5] et la parcelle commune [Cadastre 6], en relevant que cet ouvrage, contrevenant aux stipulations dudit cahier des charges, constituait un trouble manifestement illicite.

Par un jugement du 8 novembre 2016, le juge de l'exécution a liquidé l'astreinte à la somme de 130 000 euros.

- Par arrêt du 7 février 2019, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a statué ainsi qu'il suit :

« Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SCI Laval à payer à Mme [H] la somme de 3 000 euros ;

Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples ;

Condamne la SCI Laval aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile. »

Elle relève que :

* dans son jugement du 13 octobre 2015 devenu irrévocable, le juge de l'exécution a énoncé que le portail fait partie de la clôture et que l'ensemble n'est pas conforme à l'article 8 du cahier des charges, que le portail a toujours une hauteur supérieure à 1,50 m, qu'un constat d'huissier du 10 mars 2016 montre que les hauteurs maximales ne sont pas respectées, et que la SCI est à l'origine de la pose du coffret technique qu'elle affirme ne pas pouvoir déplacer,

* l'autorité de chose jugée de ce jugement précédent peut parfaitement être invoquée à l'occasion d'une nouvelle demande de liquidation d'astreinte.

Par ordonnance du 6 février 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Grasse a notamment :

- Condamné la société civile immobilière Laval à démolir les deux piliers implantés de chaque côté de son nouveau portail afin que leur hauteur ne dépasse pas celui d'origine (1m70), à supprimer toute ornementation sur le haut des piliers reconstruits, à réduire la hauteur du portail lui-même à 1m70 (en compris la grille fixe installée au-dessus des vantaux), à réduire la hauteur de la « grille » prenant appui sur la façade de l'immeuble à 1m70, sous astreinte de 200 euros par jour de retard qui commencera à courir à compter d'un délai de deux mois après la signification de l'ordonnance à intervenir et pendant trois mois, passé lequel délai il pourra être à nouveau statué ;

- Condamné la société civile immobilière Laval à enlever, sous la même astreinte, les deux « rideaux végétaux synthétiques » et les quatre sculptures de lion installés sur le parement des façades avant et arrière du toit-terrasse.

Par arrêt du 6 février 2020, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a confirmé cette ordonnance en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne la hauteur pour la remise en état du portail et les modalités des astreintes et, statuant à nouveau et y ajoutant, a notamment :

- Dit que la remise en état du portail devait se faire à la hauteur de la première fenêtre de l'immeuble dans sa partie basse tel que cela ressort du procès-verbal d'huissier en date du 21 novembre 2017 (photographies 13 et 14) ;

- Dit que toutes les astreintes étaient prononcées sans limitation de durée et portées à 500 euros par jour de retard à l'expiration du délai de 8 jours suivant la signification de l'arrêt.

Suivant jugement rendu le 17 septembre 2019, le juge de l'exécution a condamné la SCI, au paiement des sommes suivantes :

* 150 000 euros, en ce qui concerne1'astreinte assortissant l'obligation de mise en conformité de la clôture édifiée sur le lot 11 en bordure du [Adresse 3],

* 9 600 euros s'agissant de l'astreinte assortissant l'obligation de mise en conformité de la clôture édifiée entre les parcelles [Cadastre 5] et [Cadastre 6].

La cour d'appel a confirmé ce jugement par un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 19 novembre 2020.

Par arrêt en date du 9 juin 2022 (pourvoi n°21-11.235), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a statué comme suit :

- Casse et annule mais seulement en ce qu'il a liquidé l'astreinte ordonnée par arrêt de la cour d'appel en date du 1 mars 2012, assortissant l'obligation de mettre en conformité la clôture édifiée sur le lot n 11, parcelle cadastrée [Cadastre 7], commune d'[Localité 1], [Adresse 3] et en bordure de voie, avec les dispositions de l'article 8 du cahier des charges du lotissement, ordonnée par le juge des référés du tribunal de Grasse, en date du 6 avril 2011, ayant couru sur la période du 19 mai 2016 au 19 mars 2019, à la somme de 150 000 euros, condamné la société Laval à payer à Mme [H] la somme de 150 000 euros, aux dépens, et à la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 19 novembre 2020 entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

- Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

- Condamne Mme [H] aux dépens ;

- En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme [H] à payer à la société Laval la somme de 3 000 euros ;

Aux motifs suivants :

« Vu l'article 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile :

6. Il résulte de ces textes que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif.

7. Pour liquider l'astreinte à la somme de 150 000 euros, l'arrêt, après avoir rappelé que la société fait valoir qu'aucune autorité de chose jugée ne peut-être attachée aux motifs d'un jugement, énonce, par motifs propres, qu'il n'est pas question de motifs décisoires mais des éléments et moyens qui ont présidé à la décision du juge de l'exécution d'ordonner, au dispositif du jugement du 13 octobre 2015, la liquidation de l'astreinte, lesquels font corps avec ce dispositif et que le fait que l'autorité de chose jugée ne s'attache qu'au dispositif de la décision ne prive pas les motifs qui ont présidé à cette décision de cette autorité de chose jugée.

8. En statuant ainsi, alors que ni les motifs du jugement du juge de l'exécution ni ceux de l'ordonnance de référé, fussent-ils le soutien nécessaire des dispositifs de ces décisions, n'ont l'autorité de la chose jugée, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »

Par arrêt en date du 28 septembre 2023, la cour d'appel d'Aix-en-Provence statuant en tant que juridiction de renvoi de la Cour de cassation a liquidé l'astreinte concernée à la somme de 31 050 euros en considérant que le portail ne faisait pas partie de la clôture, mais que la SCI Laval était tenue de mettre le mur de clôture de sa propriété en conformité avec les prescriptions du cahier des charges.

Un pourvoi en cassation contre cet arrêt a été formé par chacune des parties. Ce pourvoi est en cours.

* * *

Par jugement en date du 21 mars 2023, le juge de l'exécution du tribunal judicaire de Grasse a notamment :

- liquidé l'astreinte ordonnée par la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 1er mars 2012 assortissant l'obligation de mettre en conformité avec l'article 8 du cahier des charges du lotissement, la clôture édifiée sur son lot n°11, parcelle cadastrée [Cadastre 5], à la somme de 9250 euros ;

- liquidé l'astreinte ordonné par la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 9 décembre 2021, assortissant l'obligation de mettre le mur et le portail édifiés sur son lot n°11 parcelle cadastrée [Cadastre 5], en conformité avec l'article 8 du cahier des charges du lotissement à la somme de 13 500 euros ;

- liquidé l'astreinte ordonnée par le juge des référés du tribunal de grande instance de Grasse dans son ordonnance du 6 février 2019 à la somme de 18 200 euros ;

- liquidé l'astreinte ordonnée par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, dans son arrêt en date du 6 février 2020, arrêtée au 16 janvier 2023 à la somme de 50 000 euros ;

- condamné la SCI Laval à payer à Mme [H] les astreintes ainsi liquidées ;

- assortit l'obligation de mettre le mur et le portail édifié sur son lot n°11 parcelle cadastrée [Cadastre 5], commune d'[Localité 1], au droit du [Adresse 3] et en bordure de cette voie, ainsi que la clôture édifiée entre la parcelle [Cadastre 5] et la parcelle [Cadastre 6] en conformité avec l'article 8 du cahier des charges du lotissement, mise à la charge de la SCI Laval par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, dans son arrêt en date du 9 décembre 2021 d'une astreinte définitive de 500 euros par jour de retard ;

- dit que cette astreinte commencera à courir un mois après la notification du présent jugement par le greffe ou sa signification à la diligence des parties et ce, pendant quatre mois.

* * *

Par acte du 5 avril 2017, la SCI a assigné, au fond, Mme [H] aux fins de voir dire et juger que :

- les ouvrages servant d'accès au lot tels que les portails n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 8 du cahier des charges du lotissement [Adresse 8],

- les ouvrages non implantés sur la limite séparative du lot n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 8 du cahier des charges du lotissement [Adresse 8],

- les ouvrages servant de soutènement aux terres tels que les murs de soutènement n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 8 du cahier des charges du lotissement [Adresse 8],

- le calcul de la règle de hauteur des clôtures doit se faire à partir de la limite intérieure de la propriété et non pas en limite extérieure sur la voie publique.

Le tribunal de grande instance de Grasse, par jugement contradictoire du 26 avril 2019 a statué ainsi qu'il suit :

Vu les ordonnances de référé en date des 21 mai 2008, 6 avril 2011 et 23 mars 2016,

Vu les jugements du juge de l'exécution en date des 3 avril 2012, 26 mars 2013, 18 avril 2014, 13 octobre 2015 et 8 novembre 2016,

Vu les arrêts de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date des 25 juin 2009, 1er mars 2012, 30 mai 2014, 16 janvier 2015 et 29 janvier 2016,

- déclare irrecevable la SCI [Adresse 8] quant à ses chefs de demande tendant à faire dire et juger que les ouvrages servant d'accès au lot tels que les portails n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 8 du cahier des charges du lotissement [Adresse 8], et que les ouvrages non implantés sur la limite séparative du lot n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 8 du cahier des charges du lotissement [Adresse 8], et l'en déboute,

- déboute la SCI [Adresse 8] de toutes ses autres demandes, fins et conclusions,

- condamne la SCI [Adresse 8] à mettre en conformité aux dispositions de l'article 8 Al1 du cahier des charges du lotissement « [Adresse 8] », d'une part, le mur et le portail édifiés sur le lot 11 parcelle cadastrée [Cadastre 5], au droit et en bordure du [Adresse 3], et d'autre part, la clôture qu'elle a édifiée entre les parcelles [Cadastre 5] et [Cadastre 6],

- dit et juge que tous ces travaux seront exécutés sous astreinte de 250 euros par jour de retard passé le délai de trois mois à compter de la signification du présent jugement, délai nécessaire et suffisant pour procéder auxdits travaux,

- condamne la SCI [Adresse 8] à payer à Mme [F] [H] une somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et à supporter les entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Maître Gilles Broca, avocat, aux offres de droit.

Par acte du 23 mai 2019, la SCI [Adresse 8] a interjeté appel de cette décision et en ses dernières conclusions récapitulatives déposées le 14 mai 2020 a demandé à la cour d'appel d'Aix-en-Provence de :

Statuant sur le fondement des articles 480 du code de procédure civile, 1103, 1104, 1222 du code civil, et le cahier des charges du 26 août 1955, la recevoir en son appel, puis,

- dire et juger que :

* les ouvrages servant d'accès au lot tels que les portails n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 8 du cahier des charges du lotissement,

* les ouvrages non implantés sur la limite séparative du lot n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 8,

* les ouvrages servant de soutènement aux terres tels que les murs de soutènement n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 8,

* le calcul de la règle de hauteur des clôtures doit se faire à partir de la limite intérieure de la propriété et non pas en limite extérieure sur la voie publique.

En conséquence, infirmant le jugement entrepris,

- constater la conformité du portail d'accès au lot n°11 et de la clôture se trouvant à gauche dudit portail aux dispositions du cahier des charges du lotissement,

- A titre principal, déclare irrecevables les demandes reconventionnelles de Mme [H],

A titre subsidiaire,

- constater la conformité du portail d'accès au lot n°11 et de la clôture se trouvant à gauche dudit portail aux dispositions du cahier des charges du lotissement,

- constater la conformité de la clôture entre les parcelles [Cadastre 5] et [Cadastre 6] aux dispositions du cahier des charges,

- débouter Mme [H] de toutes ses prétentions,

- En tout état de cause, la condamner :

* au remboursement des frais supportés par la SCI concernant le démontage et remontage des balustrades entre les parcelles [Cadastre 5] et [Cadastre 6] pour un montant de 1 150 euros,

* au paiement de la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Maître [O] [N], administrateur judiciaire provisoire de la copropriété du [Adresse 3], a été assignée en intervention forcée par Mme [H] suivant assignation délivrée le 26 novembre 2019 à son siège social et remis à une personne se disant habilitée à recevoir l'acte.

La cour d'appel d'Aix-en-Provence, par arrêt réputé contradictoire du 9 décembre 2021, a statué ainsi qu'il suit :

Vu l'appel de la SCI [Adresse 8],

- Confirme le jugement querellé, excepté sur le montant de l'astreinte fixée à 250 euros,

Statuant à nouveau sur ce seul point,

- A défaut d'exécution des travaux de mise en conformité ordonnés, condamne la SCI [Adresse 8] au paiement au profit de Mme [H], d'une astreinte de 500 euros par jour de retard courant à compter du 90ème jour suivant la signification du présent arrêt, et pendant une période de 90 jours,

- Condamne, en outre, l'appelante à supporter les entiers dépens et à payer à Mme [H] une somme de 4000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,

- Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.

La SCI Laval a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt (pourvoi n°22-11.641).

 

Par arrêt du 22 juin 2023, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a statué ainsi qu'il suit :

Casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Aux motifs suivants :

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La SCI fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en ses demandes tendant à faire juger que les ouvrages servant d'accès au lot et ceux non implantés sur la limite séparative n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 8 du cahier des charges du lotissement et de la condamner, sous astreinte, à mettre en conformité aux dispositions de cet article le mur et le portail édifiés sur son lot n° 11 parcelle cadastrée [Cadastre 5], commune d'[Localité 1], au droit du [Adresse 3] et en bordure de cette voie et la clôture qu'elle a édifiée entre la parcelle [Cadastre 5] et la parcelle [Cadastre 6], alors « que saisit valablement le juge la prétention par laquelle une partie lui demande de trancher une question litigieuse en précisant le régime d'un bien ; qu'en retenant, pour dire irrecevables les demandes de la SCI, qu'elle n'était saisie d'aucune prétention par les conclusions d'appel de la SCI tendant à voir dire et juger que ni les ouvrages servant d'accès au lot tels que les portails, ni les ouvrages non implantés sur la limite séparative du lot n'entrent dans le champ d'application de l'article 8 du cahier des charges du lotissement du [Adresse 8] et constater la conformité du portail et de la clôture aux stipulations du cahier des charges du lotissement, quand la SCI était fondée à obtenir de la juridiction statuant au fond une interprétation des stipulations du cahier des charges du lotissement contraire à celle retenue par le juge des référé, en vertu de laquelle une astreinte avait été prononcée à son encontre, et qu'elle constate la conformité aux stipulations du cahier des charges du portail édifié par elle, la cour d'appel a violé les articles 5 et 954 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 5 et 954, alinéas 1 et 3, du code de procédure civile :

5. Aux termes du premier de ces textes, le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.

6. En application du second, dans les procédures avec représentation obligatoire, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquelles chacune de ces prétentions est fondée, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

7. Pour dire qu'elle n'est saisie d'aucune prétention par la SCI, la cour d'appel retient que les demandes de « dire et juger », comme celles de « constater », formulées dans le dispositif des conclusions de l'appelante, ne constituent pas des prétentions dont elle est saisie, auxquelles elle est tenue de répondre, sauf quand le juge doit rendre une décision recognitive de droits, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

8. En statuant ainsi, alors que les demandes de « constater », formulées dans le dispositif des conclusions d'appel de la SCI, tendaient à faire reconnaître la conformité du portail d'accès au lot n° 11, de la clôture le prolongeant et de celle séparant les lots n° 9 et 11 au cahier des charges du lotissement, la cour d'appel, qui ne s'est pas prononcée sur ce qui lui était demandé, a violé les textes susvisés.

Et sur le second moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

9. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter ses chefs de demande tendant à faire juger que les ouvrages servant d'accès au lot et ceux non implantés sur la limite séparative du lot n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 8 du cahier des charges du lotissement, de la condamner, sous astreinte, à mettre en conformité aux dispositions de cet article le mur et le portail édifiés sur son lot n° 11 parcelle cadastrée [Cadastre 5], commune d'[Localité 1], au droit du [Adresse 3] et en bordure de cette voie et la clôture édifiée entre la parcelle [Cadastre 5] et la parcelle [Cadastre 6], alors « qu'en toute hypothèse, seule l'autorité de la chose jugée impose de s'incliner devant ce qui a déjà été jugé ; qu'en retenant que l'arrêt du 1er mars 2012 et l'ordonnance de référé du 23 mars 2016 avaient déjà jugé que la SCI était responsable de manquements aux règles du lotissement tout en affirmant que ces décisions n'étaient pas revêtues de l'autorité de la chose jugée, la cour d'appel qui, malgré cette affirmation, a accordé à ces décisions autorité de la chose jugée, a violé l'article 1355 du code civil. »

Réponse de la Cour :

Vu les articles 1355 du code civil et 488, alinéa 1er, du code de procédure civile :

10. Selon le premier de ces textes, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement.

11. Aux termes du second, l'ordonnance de référé n'a pas, au principal, l'autorité de la chose jugée.

12. Pour confirmer le jugement ayant condamné la SCI à mettre certains ouvrages en conformité avec les stipulations du cahier des charges du lotissement, la cour d'appel retient que l'arrêt du 1er mars 2012 concernant la clôture du lot n° 11 et l'ordonnance de référé du 23 mars 2016 relative à la clôture séparant les lots n° 9 et 11 ne peuvent pas être invoqués au titre de la fin de non-recevoir tenant à l'autorité de la chose jugée mais doivent être regardés comme ayant déjà jugé la SCI responsable de manquements aux règles du lotissement au titre des travaux de construction litigieux.

13. En statuant ainsi, alors que l'arrêt du 1er mars 2012 et l'ordonnance de du 23 mars 2016, rendus en matière de référé, n'avaient pas l'autorité de la chose jugée au principal, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

A la suite de cet arrêt, la SCI Laval a saisi la cour de céans statuant comme cour de renvoi suivant une déclaration de saisine en date du 10 novembre 2023.

Le syndicat des copropriétaires [Adresse 3], représenté par son syndic en exercice, auquel la déclaration de saisine et l'ordonnance de fixation prioritaire de l'affaire ont été signifiées le 12 décembre 2023 et les conclusions de la SCI Laval sur saisine après cassation, le 15 janvier 2024, à personne habilitée, ainsi que les conclusions en réponse de Mme [H], le 31 janvier 2024, également à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.

L'affaire a été fixée à bref délai à l'audience du 23 avril 2024 en application des dispositions de l'article 1037-1 du code de procédure civile, puis déplacée à l'audience du 7 mai 2024 à 8h45 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 27 juin 2024.

EXPOSE DES MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

 

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 avril 2024, la SCI Laval, appelante, demande à la cour de :

Vu l'article 480 du code de procédure civile,

Vu les articles 1103, 1104, 1222 du code civil,

Vu le cahier des charges en date du 26 août 1955,

Vu le jugement rendu le 26 avril 2019 par le tribunal d Grande Instance de Grasse

Vu la jurisprudence et les pièces,

Sur les demandes de la SCI Laval

- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de Grande Instance de Grasse le 26 avril 2019 ;

Et statuant à nouveau

- Déclarer la SCI Laval recevable et bien fondée en ses demandes ;

- Interpréter que les ouvrages servant d'accès au lot tels que les portails n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 8 du cahier des charges du lotissement [Adresse 8] ;

- Interpréter que les ouvrages non implantés sur la limite séparative du lot n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 8 du cahier des charges du lotissement [Adresse 8] ;

- Interpréter que les ouvrages servant de soutènement aux terres tels que les murs de soutènement n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 8 du cahier des charges du lotissement [Adresse 8] ;

- Interpréter que le calcul de la hauteur des clôtures doit se faire à partir de la limite intérieure de la propriété et non pas en limite extérieure sur la voie publique ;

- Juger la conformité du portail d'accès au lot n° 11 et de la clôture se trouvant à gauche dudit portail aux dispositions du cahier des charges du lotissement [Adresse 8] ;

Sur les demandes reconventionnelles de Madame [H]

- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de Grande Instance de Grasse le 26 avril 2019 ;

Et statuant à nouveau

A titre principal :

- Déclarer Madame [H] irrecevable de toutes ses demandes

A titre subsidiaire

- Débouter Madame [H] de toutes ses demandes et prétentions

A titre plus subsidiaire et dans le cas où la violation des dispositions du cahier des charges du lotissement « [Adresse 8] » est confirmé :

- Prononcer le caractère disproportionné de la demande de mise en conformité exigée eu égard de l'absence d'un quelconque préjudice pour Madame [H],

- Débouter Madame [H] de toutes ses demandes et prétentions

En tout état de cause

- Condamner Madame [H] au remboursement des frais supportés par la SCI Laval concernant le démontage et remontage des balustrades entre les parcelles [Cadastre 5] et [Cadastre 6] pour un montant de 1 150 euros;

- Condamner Madame [F] [H] au paiement de la somme de 4 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, l'appelante fait essentiellement valoir que :

I.Sur la prétendue fin de non-recevoir du fait du prétendu défaut de qualité à défendre :

- le cahier des charges étant un document contractuel opposable à chaque coloti et occupant, il appartient au juge, à la demande d'un coloti, d'interpréter les clauses ambiguës d'un cahier des charges contre l'intimée qui dispose non seulement de la qualité pour défendre mais également de l'intérêt puisqu'une somme de 600 000 euros lui a été versée à titre de liquidation d'astreintes prononcées ; qu'elle a engagé cette action en interprétation des dispositions de l'article 8 du cahier des charges par voie d'exception dans le cadre d'un conflit entre colotis à la suite des procédures intentées par l'intimée à son encontre, le fait de ne pas avoir effectué une telle demande devant le juge des référés ou le juge de l'exécution n'ayant pas pour effet d'éteindre une telle possibilité de défense dès lors que cette interprétation sera indispensable au sort du litige.

II. Sur la prétendue irrecevabilité de sa demande tendant à faire dire et juger que les ouvrages servant d'accès au lot, tels que les portails et clôtures, n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 8 du cahier des charges

Sur l'absence d'autorité de la chose jugée des décisions rendues par le juge de l'exécution

-il résulte de l'article 480 du code de procédure civile que l'autorité de la chose jugée concerne uniquement le litige tranché dans son dispositif, de sorte que l'on ne peut conférer l'autorité de la chose jugée à ce qui serait implicitement compris dans le dispositif comme cela ressort d'une jurisprudence constante ; qu'en l'espèce, le juge de l'exécution n'a pas tranché dans le dispositif de son ordonnance en date du 13 octobre 2015 la question concernant l'application de l'article 8 du cahier des charges aux portails servant d'accès au lot n°11 ou aux ouvrages non implantés sur la limite séparative du lot, mais a uniquement tranché la question portant sur la liquidation d'astreinte comme l'a rappelé la Cour de cassation (2e Civ., 9 juin 2022, n°21-11.235) ; que, par conséquent, le jugement sera infirmé et sa demande sera déclarée recevable ;

- en réplique aux conclusions adverses, en soutenant qu'il a été jugé dans les motifs de la décision du juge de l'exécution du 13 octobre 2015 que le portail fait partie de la clôture, l'intimée fait fi de la décision de la Cour de cassation du 9 juin 2022 ; que Mme [H] ne saurait invoquer une décision du 7 février 2019 dans laquelle la cour d'appel d'Aix-en-Provence a admis l'autorité de la chose jugée attachée à la décision du juge de l'exécution en date du 13 octobre 2015 en ce qu'elle est contraire à la position de la Cour de cassation dans l'arrêt précité, ou bien encore considérer que les décisions définitives acquises ne peuvent être remises en cause même si elles sont contraires à l'arrêt de la Cour de cassation ; que l'intimée déforme la réalité des faits et notamment le dispositif de la décision du juge de l'exécution en date du 21 mars 2023 en soutenant que le juge de l'exécution a expressément jugé que le portail devait satisfaire aux stipulations de l'article 8 du cahier des charges du lotissement et qu'il n'était pas nécessaire de déclarer expressément que le portail était assimilable à une clôture, alors que le juge de l'exécution dans le dispositif de son jugement a tout simplement liquidé l'astreinte ordonnée par la cour d'appel d'Aix-en-Provence dans son arrêt du 9 décembre 2021 qui a été cassé par la Cour de cassation dans sa décision du 22 juin 2023 et que la question de l'appartenance ou de l'assimilation d'un portail à la clôture au sens de l'article 8 n'a jamais été tranchée dans le dispositif de cette décision.

Sur l'absence d'autorité de la chose jugée de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence en date du 28 septembre 2023

- si la cour d'appel d'Aix-en-Provence, dans un arrêt du 28 septembre 2023 sur appel d'un jugement du tribunal de grande de Grasse du 19 septembre 2019, a considéré que le portail n'est pas concerné par le litige et que le muret réalisé pouvait être qualifié de clôture au sens de l'article 8 du cahier des charges du lotissement, le dispositif mentionne uniquement le montant de la liquidation d'astreintes ; que les motifs du jugement du juge de l'exécution sont dépourvus de l'autorité de la chose jugée, de sorte que l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence n'a pas pour effet de la priver de sa demande d'interprétation de l'article 8 du cahier des charges du lotissement.

III/ Sur la non-application de l'article 8 du cahier des charges aux portails servant d'accès au lot

Sur la fonctionnalité de l'ouvrage du portail impropre à la qualification de clôture

- l'article 8 du cahier des charges ne contient aucune restriction liée aux portails et/ou aux voies d'accès ;

- un portail ne peut être assimilé à une clôture au sens de l'article 8 du cahier des charges puisque même si un portail pouvait servir à clôturer une parcelle, il ne s'agit pas de sa fonctionnalité principale qui est d'assurer une voie d'accès à la propriété et non pas de la clôturer ; que, selon cet article, les clôtures en bordure des voies sont constituées « par des murs bahuts d'une hauteur au plus égale à 0 m 50, surmontés de grilles (') » ; qu'aucun portail du lotissement ne peut être conforme à ces exigences, de sorte que le but de l'action de Mme [H] est de voir la hauteur de son portail abaissée à 1 m 50 ; qu'il résulte d'un arrêt de la cour d'appel de Lyon (CA Lyon, 6 juin 2005, n°03/04639) que même si une construction édifiée en limite séparative d'un lot sert à le clôturer (comme le fait le garage), une telle construction ne peut en aucun cas être assimilée à une clôture au sens d'un cahier des charges du lotissement étant donné que sa nature est différente de celle d'une clôture ; que l'inopposabilité de la règle de construction des clôtures fixée par l'article 8 du cahier des charges aux portails a déjà été tranchée dans un arrêt de la cour d'appel de Dijon du 19 décembre 2017 (CA Dijon, 19 décembre 2017, n°15/01745) ; qu'en l'espèce, il est évident que ni pas sa nature ni par sa fonctionnalité un portail ne peut en aucun cas être assimilé dans le silence du cahier des charges à une clôture au sens de l'article 8 du cahier des charges comme le juge la cour d'appel d'Aix-en-Provence dans l'arrêt en date du 28 septembre 2023 ; que l'interprétation selon laquelle les portails devraient respecter « la seule hauteur stipulée par l'article 8 du cahier des charges, dès lors qu'ils servent à clôturer un lot » est surprenante et peu logique dans la mesure où l'on ne peut pas appliquer partiellement les règles, que, par conséquent, le portail ne peut en aucun cas être assimilé à une clôture au sens des dispositions de l'article 8 du cahier des charges du lotissement.

L'implantation de la construction à l'intérieur du lot

- l'article 8 du cahier des charges du lotissement indique que pour constituer une clôture l'ouvrage doit être implanté soit en bordure de voies, soit en mitoyenneté de deux fonds ; que le portail n'est implanté ni en bordure de voie, ni en mitoyenneté de deux fonds, mais bien à l'intérieur de la propriété, c'est-à-dire en retrait ; que si l'on peut admettre visuellement l'emplacement de ce portail « en bordure du [Adresse 3] » tel n'est manifestement pas le cas si l'on essaie d'établir une obligation prétendument opposable à ce portail issue d'un document juridique, en l'espèce le cahier des charges du lotissement qui s'applique aux clôtures situées exclusivement « en bordure des voies » ; que le portail qui n'est pas situé en limite de propriété ne peut pas être assimilé à une clôture au sens de l'article 8 du cahier des charges ; que, par conséquent, ces dispositions ne sont pas applicables aux ouvrages situés « en retrait » des voies comme le confirme la jurisprudence et que peu importe qu'il s'agisse d'un portail, d'une terrasse ou d'un mur, la cour refusant que les règles issues d'un cahier des charges de lotissement concernant des clôtures puissent s'appliquer à un ouvrage implanté en retrait de la limite séparative ; que dans l'esprit du cahier des charges du lotissement la règlementation des clôtures « en bordure des voies desservant les divers lots » concerne les clôtures qui collent immédiatement la limite séparative de chaque lot, mais sans la franchir.

IV. Sur la non-application de l'article 8 du cahier des charges aux murets d'enceinte et aux ouvrages servant de soutènement aux terres

Sur l'amalgame opéré par le juge entre les notions « clôture » et « mur de soutènement »

- le jugement du tribunal de grande instance de Grasse en date du 26 avril 2019 est critiquable en ce qu'il n'a pas répondu à la question de l'applicabilité ou non aux murs de soutènement des restrictions posées aux clôtures par l'article 8 du cahier des charges, le juge considérant qu'il est inutile de répondre à cette question, étant donné que l'édification du mur de soutènement est « la conséquence des travaux effectués par la SCI [Adresse 8] », alors qu'un mur de soutènement ne peut en aucun cas être assimilé à une simple clôture au sens des dispositions du cahier des charges du lotissement ; que même si le mur a été construit en limite de propriété de la voie, il constitue, en raison de sa fonction, un mur de soutènement et non un mur de clôture ; que les dispositions relatives aux clôtures ne lui sont donc pas applicables comme l'énonce la jurisprudence ; que Mme [H] ne s'oppose pas à ce que le muret qu'elle a rehaussé à gauche du grand portail soit considéré comme un mur de soutènement qui retient les terres exhaussées.

Sur la méthode de mesurage de la hauteur des clôtures

- le cahier des charges reste muet sur la méthode de mesurage à retenir afin de se conformer aux dispositions de l'article 8 dudit cahier ; qu'il existe deux méthodes différentes pour mesurer la hauteur de la clôture litigieuse : à partir du sol du chemin situé en contrebas ou à partir du terrain lui appartenant étant donné qu'il existe une nette différence altimétrique entre ces deux points ; que la méthodologie de calcul de la hauteur d'une clôture en présence d'un mur de soutènement a été établie devant les juridictions administratives et validée par les juridictions judiciaires, celles-ci prévoyant que la hauteur doit être mesurée depuis le sol du fonds le plus élevé, de sorte qu'en l'espèce la mesure doit être prise à partir du sol de la parcelle [Cadastre 5] lui appartenant puisque c'est le fonds le plus élevé ; que les travaux d'exhaussement « sans restrictions administratives » n'existent pas et qu'ils sont soumis à déclaration préalable ou à permis d'aménager, à moins qu'ils ne soient nécessaires à l'exécution d'un permis de construire ; qu'en l'espèce, les travaux qu'elle a réalisés n'ont violé aucune règle et étaient conformes à toutes les prescriptions, y compris celles du cahier des charges.

Sur les des travaux réguliers d'aménagements sur le terrain modifiant la fonction de l'ouvrage

- les décisions rendues par le premier juge et la cour d'appel d'Aix-en-Provence sont critiquables en ce que « l'ouvrage serait qualifié de clôture par les juridictions dans la mesure où les travaux de nivellement réalisés postérieurement n'auraient pas eu pour effet d'ôter une telle qualification à l'ouvrage » et en ce qu'elles « sanctionneraient une prétendue violation de l'article 8 du cahier des charges sur le seul motif que des travaux, réalisés en toute légalité, auraient modifié la nature de l'ouvrage en la transformant partiellement (') » ; que les travaux d'exhaussement qu'elle a réalisés sur une partie de sa parcelle [Cadastre 5], afin de pouvoir niveler son terrain qui était en pente à cet endroit, sont réguliers ; que suite à l'exécution de ces travaux d'exhaussement, il était indispensable de procéder à la modification de la clôture existante en rajoutant un mur de soutènement afin de pouvoir maintenir les terres ; que ni les travaux d'exhaussement ni la modification de la clôture existante en bordure de la parcelle [Cadastre 5] n'ont été soumis à l'obtention d'une quelconque autorisation d'urbanisme ;

- les dispositions du cahier des charges du lotissement ne prévoient aucune interdiction concernant les travaux d'exhaussement du sol ni aucune restriction liée à l'édification des murs de soutènement ; que l'intimée assimile à tort ce mur de soutènement à une clôture au sens de l'article 8 du cahier des charges ; que la hauteur de la clôture est conforme à l'article précité dans la mesure où elle ne dépasse pas 1 m 50 réglementaire, le mesurage ayant été réalisé à partir de son terrain qui est le plus élevé ; qu'elle n'a donc commis aucune infraction aux dispositions du cahier des charges du lotissement ou à celles du code de l'urbanisme comme le confirme un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence dans un cas similaire (CA Aix-en Provence, 17 février 2009, n°06/21894) ;

- elle démontre que la clôture est implantée à l'intérieur de la propriété, c'est-à-dire en retrait, de sorte que les dispositions de l'article 8 du cahier des charges qui prévoient qu'elles s'appliquent aux « clôtures en bordure des voies desservant les divers lots » seront écartées comme le confirme la jurisprudence ;

- si selon l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, le 28 septembre 2023, l'article 8 du cahier des charges réglementant la hauteur des clôtures « n'a pas un objectif de délimitation mais d'esthétique' », cette interprétation semble faire fi des dispositions de l'alinéa 1 de l'article 8 du cahier des charges selon lequel « Tout acquéreur de lot sera tenu de clôturer dans un délai d'un an à compter du jour de la vente », dont l'objectif reste la délimitation du lot et non l'harmonisation esthétique, d'autant qu'aucune pièce au dossier ne permet de démontrer la volonté du lotisseur de maintenir une unité esthétique des clôtures.

V Sur les demandes reconventionnelles de Mme [H]

Sur l'irrecevabilité des demandes de Mme [H]

1) Sur le défaut d'intérêt et de qualité à agir

-il résulte de l'article 13 du cahier des charges que c'est uniquement les « acquéreurs », c'est-à-dire les propriétaires de leurs lots dans le lotissement « [Adresse 8] », qui peuvent saisir le juge sur le terrain de la responsabilité contractuelle pour faire respecter par un autre propriétaire /coloti les dispositions du présent cahier des charges ; qu'en l'espèce Mme [H] n'est pas propriétaire du lot n°9 qui, ayant été subdivisé en deux lots (lot n°1 et lot n°2), est organisé sous le régime de la copropriété et qu'étant l'un des deux copropriétaires du lot n° 9, elle ne possède manifestement pas du statut de « coloti » du lot n° 9, qui est considéré comme un lot indivisible, dès lors, d'une part, que selon les dispositions de l'article 9 du cahier des charges c'est uniquement les lots 12, 13 et 14 qui pourraient recevoir des immeubles collectifs, et d'autre part, qu'il y est clairement stipulé « qu'il ne pourrait être bâti qu'une seule construction par lot », que « les constructions jumelées ne seraient autorisées qu'en cas d'ablotissement » et « qu'aucune subdivision de lot ne pourrait être autorisée » ; que, par conséquent, elle n'a ni qualité ni intérêt à agir sur le terrain de la responsabilité contractuelle pour faire respecter les dispositions du cahier des charges du lotissement et qu'elle ne pourra le faire que sur le terrain de la responsabilité délictuelle ; que rien n'interdit à Mme [H] de convoquer une assemblée générale des copropriétaires afin de statuer sur l'exercice d'une éventuelle action judiciaire à l'encontre d'un autre coloti ; qu'en invoquant une action ut singuli l'intimée fait très certainement référence aux dispositions de l'article 15 de la loi du 10 juillet 1965, alors qu'en premier lieu la loi du 10 juillet 1965 ne régit pas le fonctionnement des lotissements et que l'action ut singuli doit être expressément prévue par la loi, et en deuxième lieu, que même à supposer l'application de l'article 15 de la loi du 10 juillet 1965, il faut distinguer deux actions visées par cet article : l'action du copropriétaire pour la défense de la « propriété ou la jouissance de son lot », qu'il engage seul à charge d'en informer le syndic (al. 2), et l'action « d'intérêt collectif » qui peut être exercée « conjointement ou non » avec le syndicat « en vue de la sauvegarde des droits afférents à l'immeuble » ; qu'en l'absence de l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires Mme [H] n'a pas de qualité à agir ; que cette dernière ne justifie pas non plus de l'intérêt à agir au sens de l'article 31 du code de procédure civile au vu de la dernière jurisprudence de la Cour de cassation.

2)Sur l'absence du préjudice

- selon les dispositions de l'article 13 du cahier des charges, une éventuelle action judiciaire est conditionnée à l'existence d'un préjudice personnel des colotis ; que la seule violation des règles contenues dans le cahier des charges ne constitue pas en elle-même un préjudice justifiant une action judiciaire comme l'a jugé la cour d'appel d'Aix-en-Provence concernant un cas similaire (CA Aix-en-Provence, 16 octobre 2008, n°07/09115) ; qu'en l'espèce aucun préjudice subi par Mme [H] n'a été démontré en l'absence d'expertise, de constat, de chiffrage, de sorte que le jugement sera infirmé et les demandes reconventionnelles de l'intimée seront déclarées irrecevables.

Sur le caractère infondé des demandes reconventionnelles

- le portail qui par sa nature et par sa fonctionnalité ne peut en aucun cas être assimilé à une clôture au sens des dispositions de l'article 8 du cahier des charges et qui se situe à l'intérieur du lot n°11, alors que l'article précité s'applique aux clôtures « en bordure des voies desservant les divers lots », ne pourra être déclaré comme « non conforme » aux exigences posées par ledit article ;

- le mur édifié sur le lot n°11 à gauche du portail d'accès qui est un mur de soutènement qui par sa nature et sa fonctionnalité ne peut en aucun cas être assimilé à une clôture au sens de l'article précité qui d'ailleurs ne prévoit aucune restriction quant à l'édification des murs de soutènement ni aux travaux de terrassement, et dont la hauteur de la clôture mesurée depuis le sol à l'intérieur du lot ne dépasse pas 1 m 50 réglementé, ne pourra être déclaré comme « non conforme » au sens de l'article précité ;

- sur la mise en conformité aux dispositions de l'article 8 du cahier des charges de la clôture édifiée entre les parcelles [Cadastre 5] et [Cadastre 6] :

* sur la non-application de cet article, il ressort de l'une des photos annexées au constat d'huissier du 18 septembre 2018 que la balustrade était implantée en retrait de quelques centimètres de la limite séparative entre deux lots clôturés par la grille et donc à l'intérieur du lot n°11 et qu'elle ne pouvait en aucun cas être considérée comme une clôture au sens des dispositions du cahier des charges du lotissement, de sorte que ces dernières ne lui sont pas applicables ; que concernant la hauteur de la clôture, il résulte du constat d'huissier du 16 avril 2019 que les mesures ont été prises à partir du sol du lot n°9, tandis que la hauteur de la clôture entre deux terrains en pente doit être prise à partir du sol du terrain le plus élevé, en l'espèce, à partir du lot n°11 ; que par conséquent, ce constat d'huissier n'est pas probant et que Mme [H] sera déboutée de ses demandes ;

* sur le démontage réalisé, étant donné qu'elle a réalisé des travaux afin de démonter cette balustrade à la suite de sa condamnation par le juge des référés par ordonnance du 23 mars 2016 et qu'il sera constaté par la cour que la balustrade était conforme aux dispositions du cahier des charges, Mme [H] sera condamnée au remboursement des travaux de démontage et remontage pour une somme de 1 150 euros.

A titre subsidiaire, sur le caractère disproportionné des demandes reconventionnelles de remise en conformité

- l'action en démolition étant soumise au contrôle de proportionnalité et ce contrôle étant transposé en matière de lotissement, il convient, dans le cas où la violation des dispositions du cahier des charges serait constatée, de procéder au contrôle de proportionnalité entre le coût et l'importance des travaux de remise en conformité et l'intérêt pour les créanciers comme le prévoit également l'article 1121 du code civil ; qu'en l'espèce le caractère disproportionné de la remise en conformité avec l'article 8 du cahier des charges exigée par l'intimée est manifeste puisque, d'une part, le portail ne peut être constitué par un mur bahut et une grille, et d'autre part, la suppression du mur de soutènement risque de compromettre la stabilité du terrain et la viabilité des plantations existantes depuis déjà plus de 10 ans ; qu'en outre concernant le préjudice subi par Mme [H], il ne peut qu'être constaté l'absence de quelconques désagréments même théoriques dans la jouissance de son lot dont elle est propriétaire, étant par ailleurs relevé qu'elle a déjà perçu la somme de 600 000 euros à titre de la liquidation des astreintes prononcées pour la non-conformité de ces ouvrages.

En l'état de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 avril 2024, Mme [F] [H], intimée, demande à la cour de :

Vu les articles 31 et 122 du code de procédure civile ;

- Déclarer irrecevable la demande d'interprétation des dispositions contractuelles du cahier des charges du lotissement "[Adresse 8]" formée par la SCI Laval à l'encontre de la concluante en l'état de ce que cette dernière n'a pas qualité pour défendre sur cette demande qui ne peut être dirigée qu'à l'encontre de la seule ASL du lotissement.

Subsidiairement et vu l'Arrêt de la Cour d'Appel d'Aix en Provence en date du 1er mars 2012 et l'ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Grasse en date 23 mars 2016 ;

Vu le jugement définitif du juge de l'Exécution du tribunal de grande instance de Grasse en date du 13 octobre 2015 ; l'Arrêt définitif de la Cour d'Apple d'Aix en Provence en date du 7 février 2019 ; l'Arrêt définitif de la Cour d'Appel d'Aix en Provence en date du 16 janvier 2015 ; le Jugement du J.E.X. du T.J. de Grasse en date du 21 mars 2023 ;

- Débouter la SCI Laval de sa demande visant à ce qu'il soit jugé que les ouvrages objet de la présente procédure (mur de clôture et portail de la propriété de la SCI Laval au droit du [Adresse 3] et mur de clôture séparant les lots 9 et 11) ne sont pas soumis aux dispositions de l'article 8 du cahier des charges du lotissement "[Adresse 8]".

- En tout état de cause, débouter la SCI Laval de sa demande tendant à obtenir la condamnation de la concluante à lui payer une somme de 1.150 € au titre du "démontage et remontage des balustrades entre les parcelles [Cadastre 5] et [Cadastre 6]".

Vu les articles 1134 et 1143 du Code Civil dans leur rédaction applicable au présent litige ;

Vu le cahier des charges du lotissement "[Adresse 8]" ;

Vu l'Arrêt de la Cour d'Appel d'Aix en Provence en date du 1er mars 2012 et l'ordonnance de référé du T.G.I.de Grasse en date 23 mars 2016;

- Déclarer recevables et bien fondées le demandes de la concluante tendant à ce que la SCI Laval soit condamnée à :

* mettre en conformité aux prescriptions de l'article 8 al. 1 du Cahier des charges du lotissement "[Adresse 8]" le mur et le portail édifiée sur son lot n° 11 parcelle cadastrée [Cadastre 5], Commune d'[Localité 1], au droit du [Adresse 3] et en bordure de cette voie ;

* mettre en conformité aux prescriptions de l'article 8 al. 3 du Cahier des charges du lotissement "[Adresse 8]" la clôture qu'elle a édifié entre la parcelle [Cadastre 5] et la parcelle [Cadastre 6] ;

- Dès lors, confirmer de ces chefs le jugement du TGI de Grasse en date 26 avril 2019, sauf à dire que chacune de ces deux condamnations seront assorties d'une astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la signification de l'Arrêt à venir.

- Condamner la SCI Laval à payer à Madame [H] une somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du C.P.C.

- Condamner la SCI Laval aux entiers dépens de l'instance dont distraction est requis au profit de Maître Brigitte Maurin pour ceux dont il en a fait l'avance (article 699 du code de procédure civile).

L'intimée fait valoir en substance que :

- la SCI n'a pas qualité pour défendre sur la demande d'interprétation judiciaire d'un cahier des charges de lotissement formée par la SCI Laval, seule l'ASL ayant cette qualité dès lors que le cahier des charges d'un lotissement est un document contractuel qui engage tous les colotis et non pas seulement la SCI Laval à son égard ; que la question n'est pas de savoir si le juge judiciaire dispose du pouvoir d'interpréter un document d'origine contractuelle lorsque ses clauses sont ambiguës, mais uniquement si une demande d'interprétation d'un tel document formée à titre principal doit être dirigée contre l'ASL ou contre n'importe lequel des colotis, en faisant le parallèle avec une demande d'interprétation d'un règlement de copropriété ; que le fait d'avoir fait condamner la SCI Laval devant le juge des référés, puis devant le juge de l'exécution, pour ne pas avoir respecté les dispositions de l'article 8 du cahier des charges du lotissement ne change rien au bien-fondé de la fin de non-recevoir qu'elle entend opposer à l'appelante.

- Sur le portail de la SCI Laval

La question de savoir si le portail de la SCI Laval fait partie de sa clôture a déjà donné lieu à des décision définitives du juge de l'exécution

- l'appelante a déjà soutenu devant la juridiction de l'exécution dans le cadre des procédures en liquidation d'astreinte en exécution de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 1er mars 2012 que son portail ne constituait pas une clôture ; que dans son jugement en date du 13 octobre 2015, le juge de l'exécution a considéré qu'il convenait de constater que le portail fait partie de la clôture et que, même si ce point n'a pas été repris dans le dispositif, le principe de sécurité juridique impose qu'il soit tenu compte de cette décision pour statuer sur les prétentions de la SCI Laval ; que cette dernière n'a pas interjeté appel de ce jugement ; que dans son arrêt définitif du 7 février 2019, rendu sur appel du jugement du juge de l'exécution du 8 novembre 2016, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a considéré que le jugement définitif du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Grasse en date du 13 octobre 2015 faisait obstacle à ce que la SCI Laval sollicite qu'il soit considéré que le portail en cause ne fasse pas partie de la clôture ; que déjà, dans son arrêt définitif du 16 janvier 2015, la cour d'appel d'Aix-en-Provence avait considéré que l'obligation de mise en conformité au cahier des charges, pour laquelle la SCI Laval a été condamnée, portait bien également sur le portail de sa propriété BK 63 ; que dans son dernier jugement en date du 21 mars 2023, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Grasse a expressément dans le dispositif de sa décision précisé que sa décision de liquider l'astreinte concernée résultait de la carence de la SCI Laval à mettre le mur et le portail édifiés sur le lot n° 11 parcelle cadastrée [Cadastre 5] en conformité avec l'article 8 du cahier des charges ; que la cour d'appel d'Aix-en-Provence a, aux termes d'un nouvel arrêt en date du 28 septembre 2023, jugé, cette fois dans le seul corps de sa décision et non dans son dispositif, que le portail ne faisait pas partie de la clôture ; que cette décision est en parfaite contradiction avec l'ensemble des autres décisions définitives ayant statué sur ce point ; que cette atteinte manifeste au principe de sécurité juridique a entrainé un double pourvoi en cassation, formé tant par la SCI Laval que par elle-même ; qu'afin d'éviter de créer plus d'insécurité et au vu du nombre de fois où la juridiction de l'exécution s'est prononcée de manière affirmative sur le fait de savoir si le portail faisait partie de la clôture la cour ne pourra que juger dans le même sens ; que la SCI Laval se réfère à nouveau à l'arrêt de la Cour de cassation du 9 juin 2022 qui n'a pas été rendu à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 7 février 2019 qui, tout comme le jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Grasse du 13 octobre 2015, est définitif ; qu'il ne sert par conséquent à rien de tenter de remettre en cause cet arrêt du 7 février 2019 qui est irrévocable, peu importe qu'il soit prétendument contraire à une décision de la Cour de cassation qui ne le concerne en rien ; que la SCI Laval affirme qu'elle aurait déformé le dispositif du jugement du juge de l'exécution du 21 mars 2023 alors que ce dernier a bien expressément jugé que le portail devait être mis en conformité avec l'article 8 du cahier des charges dans le dispositif de son jugement, ce qui implique nécessairement que la hauteur du portail est bien concernée par les dispositions de cet article et le fait que l'astreinte ainsi liquidée soit celle ordonnée par la cour d'appel d'Aix-en-Provence aux termes de son arrêt du 9 décembre 2021 dont la décision a ensuite été cassée n'y change rien, ce jugement du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Grasse étant toujours revêtu de l'autorité de la chose juge tant qu'il n'est pas remis en cause par une juridiction supérieure.

Sur le fait qu'un portail ne servirait prétendument pas à clôturer une parcelle

- un portail a nécessairement pour objet de clôturer une parcelle ; que les décisions citées par la SCI Laval (CA Lyon, 6 juin 2005 et CA Dijon, 19 décembre 2017) ne sont pas applicables à l'espèce, les faits relatifs auxdites décisions étant différents de ceux de l'espèce ; qu'elle ne prétend pas que le portail de la SCI Laval, ou de tout autre coloti, devrait être constitué d'un mur bahut surmonté d'une grillage ; que le fait qu'un portail permette l'accès à une parcelle n'est pas en soi un argument qui permet de l'exclure des dispositions de l'article 8 du cahier des charges du lotissement, l'objet même de cet article étant justement de garantir une certaine harmonie entre les différents lots ; que la jurisprudence a déjà eu l'occasion de préciser que le portail est un élément de la clôture (C.E., 21 juillet 2009, n°309.356).

Sur le fait que le portail litigieux serait en retrait de la voie publique

- l'article 8 du cahier des charges prohibe « les clôtures en bordure des voies » dépassant 1m50 ; que peu importe que ce portail soit situé en limite exacte du domaine public routier communal, ou encore quelques centimètres à l'intérieur ou à l'extérieur de cette limite, dès lors qu'il est évident qu'il borde le "[Adresse 3]" ; que les faits ayant donné lieu aux arrêts suivants (arrêt de la Cour de cassation en date du 28 mai 1997, pourvoi n° 95-15.672, ainsi qu'à celui du 19 mars 2008, pourvoi n° 07-10.287 ; arrêt de la cour d'appel de Rouen (12 avril 2006, n° RG 04/04642) ; cour d'appel d'Aix-en-Provence du 7 octobre 2011 (R.G. 08/10030) ; l'arrêt de cette même cour du 11 avril 2007 (R.G. 03/19113) cités par la SCI Laval, sont différents de ceux de l'espèce, et si l'article 8 du cahier des charges ne concernait que les ouvrages (clôtures) situés en exacte limite de propriété (au millimètre près donc), il ne prendrait pas la peine de mentionner "les clôtures en bordure des voies desservant les divers lots", mais "les clôtures en limite de propriété de chaque parcelle aux droits des voies".

- Sur le mur de clôture de la SCI Laval au droit de la voie publique

- la SCI Laval prétend que le mur de clôture situé en amont de son portail serait en réalité un "mur de soutènement" et qu'il ne serait donc nullement concerné par les dispositions du cahier des charges du lotissement alors que c'est la SCI Laval qui a procédé à un exhaussement de ses terres puis a installé dans ce mur un coffret technique comme cela ressort de la comparaison des photographies extraites du procès-verbal de constat d'huissier du 5 janvier 2010 et de celui du 10 mars 2016, de sorte que la SCI Laval ne peut prétendre pouvoir s'affranchir du respect des stipulations du cahier des charges ; que ce n'est pas le fait que la SCI Laval ait "transformé" le mur de clôture initial de son lot en "mur de soutènement", en ayant obtenu pour ce faire un permis de construire, qui peut justifier une violation du cahier des charges dès lors qu'une autorisation administrative de construire est toujours consentie sous respect du droit des tiers et donc des stipulations d'un cahier des charges de lotissement, document de droit privé ; que le fait que la hauteur de la clôture doive prétendument être mesurée de l'intérieur de la propriété, et non de la voie publique, est une allégation nullement fondée dans la mesure où il suffirait à n'importe quel coloti qui voudrait édifier un mur d'une hauteur supérieure à celle autorisée d'exhausser les terres de sa propriété, et ce sans limite.

- Sur la condamnation de la SCI Laval à respecter les stipulations du cahier des charges

- la SCI Laval ne respecte pas les prescriptions de l'article 8 du cahier des charges du lotissement concernant une clôture entre son lot n° 11 (parcelle [Cadastre 5]) et le lot n° 9 (parcelle [Cadastre 6], assiette de la copropriété dont dépend son lot) puisque celle-ci est constituée d'une balustrade dont la hauteur varie entre 1 m 20 et 1 m 55 comme cela ressort du procès-verbal de constat d'huissier du 10 mars 2016 ; que cette clôture a été modifiée après l'audience du 19 mars 2019 comme en fait état le procès-verbal de constat d'huissier du 16 avril 2019, puis encore récemment, cette clôture étant constituée d'un mur surmonté d'un grillage, sans être conforme aux dispositions de l'article précité comme cela résulte du procès-verbal de constat dressé le 5 décembre 2023 ; qu'il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour de cassation que quelle que soit sa date, le cahier des charges d'un lotissement constitue un document contractuel dont les clauses engagent les colotis entre eux pour toutes les stipulations qui y sont contenues et ses dispositions continuent toutes à s'imposer contractuellement entre lotis, même si elles sont devenues caduques pour l'administration, peu importe par ailleurs que le cahier des charges soit ou non approuvé, et qu'un coloti a le droit de demander que ce qui a été fait en contravention du cahier des charges soit détruit, et ce, indépendamment de l'importance du dommage ; qu'elle est donc bien fondée à solliciter de la cour qu'elle porte l'astreinte prononcée en première instance à la somme de 500 € par jour de retard, et ce, sans délai après la signification de sa décision à venir.

En réplique aux conclusions adverses, elle fait valoir essentiellement que :

- en sa qualité de coloti, elle peut solliciter le respect du cahier des charges du lotissement ; que l'article 9 n'interdit nullement la construction d'immeuble collectif sur le lot 9 ; que quand bien même le cahier des charges aurait interdit la construction d'un immeuble collectif sur le lot 9 (ce qui n'est pas le cas), cela n'aurait de toute façon aucune incidence sur le fait que ce lot restait soumis au cahier des charges et que, par conséquent, son ou ses propriétaires étaient en droit d'exiger le respect du cahier de charges par tout autre coloti ; qu'elle avait déjà dû engager une procédure judiciaire à l'encontre des auteurs de la SCI Laval, les consorts [G], lesquels avaient également construit un ouvrage en méconnaissance du cahier des charges du lotissement ; que la cour d'appel d'Aix-en-Provence, dans un arrêt du 25 juin 2009 avait jugé qu'elle avait qualité à agir ; à titre superfétatoire, elle précise qu'en sa qualité de copropriétaire de l'immeuble édifié sur le lot n° 9 du lotissement "[Adresse 8]", elle est parfaitement en droit d'engager une action ut singuli quand bien même cette dernière appartiendrait, selon la SCI Laval, au syndicat des copropriétaires, et qu'elle doit dans cette hypothèse simplement appeler en la cause le syndicat des copropriétaires concerné, ce dernier étant partie à la présente procédure ; que ce n'est pas sur le fondement de la loi de 1965 qu'elle fonde ses demandes à l'encontre de la SCI Laval, mais exclusivement sur les dispositions du cahier des charges du lotissement ; que si seul le syndicat des copropriétaire de l'immeuble dont dépend son lot a qualité pour agir pour faire respecter les dispositions contractuelles du cahier des charges du lotissement, elle a, en sa qualité de copropriétaire, qualité pour engager cette action à titre personnel ; que les obligations en cause limitant la hauteur des clôtures et précisant leur consistance a pour objet de garantir une certaine harmonie entre les différents lots du lotissement ; qu'elle justifie d'un préjudice personnel, la SCI Laval portant manifestement atteinte à l'harmonie recherchée, son lot étant situé à proximité immédiate du mur et le portail édifié sur le lot n° 11 parcelle cadastrée [Cadastre 5] (propriété de la SCI Laval) et les divers ouvrages étant situés juste sous ses fenêtres, mais que l'action en respect du cahier des charges du lotissement lui est de plein droit ouverte en sa qualité de propriétaire d'un bien dépendant d'un lot du lotissement concerné, de sorte que la fin de non-recevoir soulevée par la SCI Laval ne pourra qu'être jugée mal fondée, l'ancien article 1143 du code civil n'imposant pas que le créancier de l'obligation justifie de l'existence d'un préjudice particulier, citant la jurisprudence considérant qu'en cas de violation d'un cahier des charges d'un lotissement le demandeur à l'action n'avait pas à justifier de son préjudice pour obtenir le respect des obligations qu'il stipule ; que le portail et le mur de clôture édifiés par la SCI Laval au droit de la voie publique, comme elle l'a démontré ci-dessus, sont soumis aux stipulations de l'article 8 du cahier des charges contrairement à ce que prétend cette société, et qu'il en est de même concernant la clôture réalisée par la SCI Laval entre les deux lots du lotissement cadastrés section [Cadastre 5] et [Cadastre 6] dès lors que, contrairement à ce qu'affirme la SCI Laval qui prétend avoir totalement supprimé la clôture, elle en a édifié une nouvelle qui ne satisfait pas plus aux prescriptions de l'article 8 du cahier des charges et qui est implantée entre les lots n° 9 et 11 ; qu'à l'argument de la SCI Laval selon lequel la mesure de la hauteur de sa clôture doit être effectuée depuis l'intérieur de son lot, elle répond de la même façon que pour ce qui concerne son mur de clôture au droit du [Adresse 3], la SCI Laval ayant là rehaussé son terrain comme le démontre la comparaison de la photographie issue d'un procès-verbal de constat en date du 5 janvier 2010 montrant l'état des lieux avant que la SCI Laval ne procède à l'exhaussement de son terrain et de la photographie 13 du procès-verbal de constat en date du 16 avril 2019 faisant étant de l'exhaussement du sol de la parcelle de la SCI Laval, de sorte que la SCI Laval n'est pas fondée à prétendre qu'il y a lieu à infirmation du jugement de première instance de ce chef au motif qu'elle aurait procédé à la dépose des balustrades qu'elle avait édifiées alors que, depuis, elle a édifié un nouveau mur de clôture en totale infraction avec les dispositions du cahier des charges du lotissement ; que la SCI Laval ne saurait invoquer un arrêt de la Cour de cassation en date du 13 juillet 2022 (n° 21-16.407) qui a fait application du principe de la disproportion entre le coût de la mise en conformité des ouvrages concernés et l'intérêt du créancier pour refuser la démolition d'un immeuble collectif qui avait été édifié en infraction à un cahier des charges d'un lotissement, alors qu'en l'espèce il ne s'agit pas de la démolition d'un immeuble mais de la simple diminution de la hauteur de clôtures pour un coût qui est sans commune mesure avec la démolition d'un immeuble collectif, étant relevé que la SCI Laval a mis en vente sa propriété au prix de 25 000 000 euros et que le montant des astreintes qui ont été à ce jour liquidées est à plus de 600 000 euros.

Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur la fin de non-recevoir relative à la qualité à se défendre soulevée par Mme [H] :

Une association syndicale peut exercer des actions en justice à condition que celles-ci s'inscrivent dans les compétences qui relèvent de ses statuts.

Il est constant que le lot n°9 fait partie du cahier des charges du lotissement, peu importe qu'il ait été séparé en deux lots (n°1 et n°2), ainsi Mme [H] garde la qualité de coloti, outre sa qualité de co- propriétaire, étant souligné que le syndicat des copropriétaires est, lui, bien dans la cause.

Il est aussi de jurisprudence constante que tout loti est recevable à agir par voie civile, que la seule qualité de coloti fonde recevable la demande de respect du cahier des charges du lotissement sans avoir à prouver un préjudice (Cass. 3e civ., 14 mars 2006, n° 05-11.334 JurisData n° 2006-032743).

Mme [H] pouvait donc agir en justice afin de solliciter le respect du cahier des charges du lotissement.

Pour autant, la demande visant à « interpréter une clause du cahier des charges » (sic), si elle peut être à l'initiative du seul coloti doit nécessairement être dirigée à l'encontre de l'ensemble des colotis ou de l'ASL.

En effet, l'interprétation du cahier des charges, si elle relève bien de la compétence et de l'office du juge judiciaire, intéresse nécessairement l'ensemble des colotis qui doivent, à l'instar des procédures visées aux articles L 442-9 et L 442-10 du code de l'urbanisme, être informés de la demande d'interprétation du cahier des charges qui régit leurs rapports, afin que ces derniers puissent apprécier la portée exacte de la demande d'interprétation.

De la même manière la modification du cahier des charges, suivants les hypothèses, s'effectue à la majorité ou à l'unanimité des colotis. Une demande d'interprétation du cahier des charges intéresse nécessairement l'ensemble des colotis.

La cour constate que la SCI Laval a intérêt à se défendre, qu'elle a intérêt à la procédure mais constate aussi qu'elle ne peut statuer hors la présence de tous les colotis ou de l'ASL dans le cadre d'une demande d'interprétation du cahier des charges applicable à l'ensemble du lotissement.

Ainsi comme le souligne Mme [H], tout copropriétaire dispose d'une action contre tout autre copropriétaire fondée sur une violation du règlement de copropriété. Mais si un copropriétaire veut voir judiciairement interpréter un règlement de copropriété alors son action ne pourra être engagée qu'à l'encontre du seul syndicat des copropriétaires, dont l'objet est de représenter l'intérêt collectif de tous ses membres. En parallèle, un coloti peut agir contre un autre coloti afin que soit respecté le cahier des charges, mais l'action en interprétation du cahier des charges doit s'exercer contre l'ASL représentant tous les colotis.

Il y a donc lieu de déclarer irrecevables les demandes de la SCI Laval en interprétation du cahier des charges en l'absence en la cause de l'ASL ou de l'ensemble des colotis.

Sur la demande de confirmation du jugement du 26 avril 2019 en tout état de cause de Mme [H] :

Aux termes des dispositions de l'article 8 du cahier des charges du lotissement "[Adresse 8]" :

"Tout acquéreur de lot sera tenu de clôturer.

Les clôtures en bordure des voies desservant les divers lots seront constituées par des murs bahuts, d'une hauteur au plus égale à 0 m 50, surmontés de grilles, type gantois, grille en fer forgé ou bois ajouré, d'une hauteur telle que la hauteur totale de la clôture y compris le mur sera au plus égale à 1m 50 (') ".

"Les clôtures entre lots seront constituées soit par des murettes en béton recouvert d'un enduit d'une hauteur maximum de 0.20 surmontées d'un grillage d'une hauteur maximum de 1m00, soit par un simple grillage de 1m20, posé sur fil de fer entre piquets en fer à T ou en Y, soit enfin par une simple haie vive maintenue taillée à 1m20".

Sur l'application de l'article 8 du cahier des charges du lotissement au portail :

Le relevé cadastral versé au débat par la SCI LAVAL atteste que le portail est sur le lot numéro 11, parcelle [Cadastre 5].

Le moyen fondé sur l'implantation du portail litigieux en retrait de la voie publique est inopérant, les dispositions de l'article 8 du cahier des charges concernent les clôtures en bordures des voies et non en limite des voies desservant les lots, dès lors la situation du portail est sans influence sur l'application des dispositions précitées.

Le moyen fondé sur le fait que le portail ne serait pas une clôture est tout aussi inopérant, le portail servant aussi à clôturer à ceci près qu'il assure une fonction de clôture qui a la particularité d'être amovible.

Il convient par conséquent de constater que les dispositions de l'article 8 du cahier des charges sont bien applicables au portail lequel fait partie de la clôture. Par ailleurs, il n'est pas contesté que la hauteur du portail ne respecte pas les conditions de l'article 8 du cahier des charges.

Il convient donc de confirmer le jugement du TGI de Grasse en date du 26 avril 2019 sur ce point.

Sur l'application de l'article 8 à la clôture qui borde la voie :

Sa hauteur a été mesurée à 8 reprises par huissier (8 constats d'huissier entre 2010 et 2022) à partir du [Adresse 3] qui longe la parcelle [Cadastre 5] à une hauteur totale muret et grille compris de 2,10 et même de 2,12 en dernier lieu soit à une hauteur qui excède de plusieurs dizaines de centimètres la hauteur maximum de 1,50 mètre pour les clôtures prescrites par le cahier des charges du lotissement.

La SCI prétend en premier lieu que cette construction n'est pas une clôture mais un mur de soutènement, et produit un plan de géomètre-expert dressé le 14 avril 2015 matérialisant un dénivelé de 64 cm entre le [Adresse 3] et les terres situées à l'arrière de la construction.

Toutefois la SCI reconnaît expressément aujourd'hui, comme lors de plusieurs instances, que ce dénivelé est consécutif aux travaux d'exhaussement des terres de sa propriété qu'elle a réalisés à cet endroit. Elle invoque le fait qu'elle a obtenu en 2011 un permis de construire l'autorisant à réaliser ces travaux, qui n'a pas été contesté.

Toutefois un permis de construire n'est délivré que sous réserve du droit des tiers et de surcroit par son ordonnance du 6 avril 2011, le juge des référés a condamné la SCI à remettre cette clôture en conformité avec l'article 8 du cahier des charges du lotissement ; or un constat d'huissier dressé le 2 avril 2010 à la requête de Madame [H] à partir de la voie publique faisait ressortir que le mur litigieux atteignait à cette date une hauteur se situant entre 2,45 m et 2,65 m, alors, par hypothèse, qu'à cette époque la SCI n'avait pas encore sollicité un permis de construire puisque sa demande de permis de construire est intervenue le 1er octobre 2010 et le permis délivré le 18 avril 2011 après la date de l'ordonnance de référé du 6 avril 2011.

C'est donc bien délibérément que la SCI a fait le choix de se mettre en infraction avec le cahier des charges du lotissement. Sa clôture était déjà d'une hauteur non conforme avant même l'exhaussement des terres de sa propriété et la délivrance du permis de construire.

Par ailleurs en ce qui concerne la localisation de cette clôture, dont la SCI prétend qu'elle ne se situe pas en bordure de voie et qu'elle n'est donc pas concernée par le cahier des charges du lotissement, il y a lieu de statuer en ce que le cahier des charges a pour objet de maintenir l'unité esthétique des clôtures des différents lots du lotissement et non pour objet de délimiter les lots de copropriétés : en réglementant la hauteur des clôtures le cahier des charges du lotissement n'a pas un objectif de délimitation mais d'esthétique et lorsque le cahier des charges à valeur contractuelle énonce que les clôtures concernées sont celles qui sont «en bordure de voie», ceci vise les clôtures longeant les voies quand bien même elles ne se situent pas exactement à la limite.

Ainsi il importe peu que la clôture litigieuse se situe en retrait des limites des lots suivant le plan du lotissement et elle n'en reste pas moins "en bordure de voie" au sens du cahier des charges et doit ainsi être mise en conformité avec le cahier des charges du lotissement.

La cour relève par ailleurs, qu'il importe peu que le mur ait acquis une fonction de « soutènement » puisque c'est uniquement du fait de la SCI.

Il incombe ainsi à la SCI Laval de ramener la hauteur de cette clôture à celle prescrite par le cahier des charges du lotissement en supprimant en tant que de besoin les terres excédentaires rapportées au-dessus du terrain naturel après avoir réglé ainsi qu'il lui appartient la question du déplacement éventuel du ou des coffrets techniques encastrés dans la partie maçonnée de cette clôture.

Il convient donc de confirmer le jugement du TGI de Grasse en date du 26 avril 2019 sur ce point.

Sur la clôture entre les deux lots BK 63 et BK 64"

a/ sur la demande de mise en conformité aux prescriptions de l'article 8 al. 3 du cahier des charges du lotissement "[Adresse 8]" la clôture qu'elle a édifiée entre la parcelle [Cadastre 5] et la parcelle [Cadastre 6].

Il résulte du procès-verbal de constat d'huissier de justice en date du 12 novembre 2012 que la clôture réalisée ne respecte pas les prescriptions du cahier des charges du lotissement.

Le premier juge a fait droit à la demande de mise en conformité.

Suite à la condamnation de la SCI LAVAL par le juge des référés dans son ordonnance du 23 mars 2016, la société SCI LAVAL a démonté les balustrades objet du litige, ce qui a été constaté par l'huissier de justice et dans l'arrêt de la cour d'appel d'Aix en date du 28 septembre 2023.

Il n'y a pas lieu d'infirmer le jugement mais de constater que ce point est devenu sans objet en raison du démontage de la balustrade.

b/ En revanche, la SCI Laval considérant que sa balustrade était en conformité avec le cahier des charges sollicite le paiement des travaux réalisés à la suite de la condamnation du juge des référés. Il est ainsi demandé à la cour de condamner Madame [H] au remboursement des travaux de démontage et remontage pour une somme de 1 150 euros.

Or, comme il a déjà été indiqué, il importe peu que la balustrade ait été construite en retrait de quelques centimètres de la limite séparative.

Il y a lieu de rejeter aussi le moyen tiré de la méthode de calcul de la hauteur de la clôture en présence d'une différence entre les deux terrains, étant donné que le rehaussement des terres comme il a été dit n'est du fait que de la SCI Laval.

Il convient donc de rejeter la demande en paiement de la SCI Laval.

- sur l'astreinte :

Le procès-verbal de constat du 17 mars 2022 dressé par la SELARL Ragué & Associés, commissaires de justice, précise qu'à la gauche du portail d'entrée, le muret de clôture de la propriété de la société civile immobilière Laval présente, dans la partie la plus haute, une hauteur de 1,28 m à laquelle il convient d'ajouter 0,84 m de grille métallique et une haie végétale dépassant ladite grille de plus de 1,50 m.

La comparaison de la photographie n°1.3 dudit procès-verbal de constat avec la photographie n°21 contenue dans le procès-verbal de constat dressé par la SELARL Ragué & Associés le 12 novembre 2012 démontre que le muret de clôture, la grille métallique à la gauche du portail en fer forgé sont restés à l'identique entre 2012 et 2022, en contravention de l'article 8 et des prescriptions judiciaires.

La société civile immobilière Laval invoque une cause étrangère liée à l'impossibilité technique de procéder à la mise en conformité du mur en raison du coffret technique qui y est encastré et qui ne lui appartient pas, au fait que le mur fait office de soutènement que sa destruction serait, ainsi, de nature à entraîner des difficultés importantes équivalant à une impossibilité d'exécution.

Cependant ces difficultés ne sont pas constitutives d'une cause étrangère.

En effet, la notion de cause étrangère est issue du droit de la responsabilité contractuelle et recouvre ici la force majeure, le fait du tiers, la faute de la victime, la perte de la chose par cas fortuit, le fait du prince.

Or, s'agissant du mur, la fonction de soutènement du mur est la conséquence de travaux effectués postérieurement à son achat par la SCI Laval et n'existait pas au moment de l'acquisition du bien immobilier par celle-ci. La SCI ne peut, dès lors, s'en prévaloir pour justifier une impossibilité technique de se mettre en conformité avec le cahier des charges. Cette fonction du mur n'est pas, en tout état de cause, étrangère, laquelle doit être imprévisible, insurmontable et extérieure.

S'agissant du coffret technique, la société civile immobilière Laval ne rapporte pas la preuve de ce qu'elle se serait rapprochée du concessionnaire EDF en vue de sa dépose et repose ou de son déplacement et qu'elle se serait heurtée, à cette occasion, à une fin de non-recevoir de la part de ce service.

L'astreinte allouée par le juge sera confirmée sans que le montant de l'astreinte ne soit modifié, celle-ci n'étant pas disproportionnée, eu égard d'une part au nombre d'années sans exécution de l'obligation et d'autre part aux revenus exceptionnels de la SCI qui met en vente un bien à 25 000 000 euros, justifiant qu'elle est en capacité de régler une astreinte à 250 euros par jour de retard. Il n'y a pas plus lieu en revanche de l'augmenter.

Il convient donc de confirmer le jugement du TGI de Grasse en date du 26 avril 2019 sur ce point.

Sur les frais du procès :

Succombant à l'instance, la SCI [Adresse 8] sera condamnée à en régler les entiers dépens, de première instance et d'appel en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, avec distraction directe au profit de Maitre Gilles BROCA, avocat, pour ceux dont il en a fait l'avance concernant les dépens de première instance, et au profit de Maître Brigitte MAURIN, avocate, pour ceux dont elle en a fait l'avance concernant la procédure d'appel.

L'équité commande par ailleurs d'une part de confirmer le jugement de première instance et, concernant l'appel, de condamner la SCI [Adresse 8] à payer à Madame [F] [H] la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par celle-ci sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, par arrêt contradictoire, statuant en matière civile, rendu publiquement en dernier ressort,

- Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Déclare irrecevables les demandes « en interprétation  des clauses du cahier des charges » de la SCI [Adresse 8],

Rejette la demande en paiement de la SCI [Adresse 8] au titre de la balustrade,

Condamne la SCI [Adresse 8] aux dépens d'appel,

Condamne la SCI [Adresse 8] à payer à Madame [F] [H] la somme de 5 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section a
Numéro d'arrêt : 23/03527
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;23.03527 ?
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