RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/04273 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IIN2
VH
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'ALES
15 octobre 2021
RG:21/00746
Compagnie d'assurance AREAS ASSURANCES
C/
[J]
[E]
S.A.S. URETEK FRANCE
Société QBE INSURANCE EUROPE LIMITED
Grosse délivrée
le
à Me Laroche
Selarl Lamy Pomies Richaud
SCP AKCIO
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
2ème chambre section A
ARRÊT DU 27 JUIN 2024
Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ALES en date du 15 Octobre 2021, N°21/00746
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Nathalie AZOUARD, Présidente de Chambre,
Madame Virginie HUET, Conseillère,
M. André LIEGEON, Conseiller,
GREFFIER :
Mme Céline DELCOURT, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 14 Mai 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 27 Juin 2024.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
Compagnie d'assurance AREAS ASSURANCES AREAS ASSURANCES prise en la personne de son representant légal en exercice, domicilié es qualite audit siege.
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentée par Me Sylvie LAROCHE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉS :
M. [Z] [J]
né le 12 Mars 1988 à [Localité 11]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représenté par Me Georges POMIES RICHAUD de la SELARL CABINET LAMY POMIES-RICHAUD AVOCATS ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représenté par Me Camille AUGIER, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER
Mme [N] [E] épouse [J]
née le 12 Mai 1991 à [Localité 10] (AFRIQUE DU SUD)
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Georges POMIES RICHAUD de la SELARL CABINET LAMY POMIES-RICHAUD AVOCATS ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Camille AUGIER, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER
S.A.S. URETEK FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représentée par Me Pascale COMTE de la SCP AKCIO BDCC AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Stéphanie NGUYEN NGOC, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Société QBE INSURANCE EUROPE LIMITED
[Adresse 1]
[Localité 9]
Représentée par Me Pascale COMTE de la SCP AKCIO BDCC AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Stéphanie NGUYEN NGOC, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 18 Avril 2024
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Nathalie AZOUARD, Présidente de Chambre, le 27 Juin 2024,par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Les époux [S] ont souscrit auprès de la société Areas dommages, avec effet au 9 octobre 1995, un contrat d'assurance multirisque habitation formule Privilège n°06460038 F02 couvrant leur habitation principale située [Adresse 6] (Gard). Ce contrat a été résilié le 1er octobre 2012.
Un arrêté de catastrophes naturelles lié à des mouvements de terrains différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols au cours de la période du 1er janvier 2012 au 31 mars 2012 ayant notamment touché la commune de [Localité 3] a été pris.
La maison des époux [S] ayant été affectée par ce phénomène, la société Areas dommages a diligenté une expertise amiable. Une étude géotechnique a été réalisée par la société GIA Ingénierie (20.05.2014) sur demande du cabinet Hudault (02.02.2015), expert technique mandaté par la société Areas dommages, laquelle a confirmé que le sinistre subi par les époux [S] était bien en relation avec la sécheresse, ce qui a conduit la société Areas dommages à financer des premiers travaux de reprise en sous-'uvre des fondations et de reprise des dommages en façades et à l'intérieur de la maison.
Par acte du 28 janvier 2020, les époux [J], nouveaux propriétaires de l'immeuble pour l'avoir acquis des époux [S] selon un acte notarié du 20 décembre 2017, ont assigné en référé devant le tribunal de grande instance d'Alès la société Areas dommages ainsi que les époux [S] et les entreprises ayant réalisé les travaux.
Par ordonnance de référé du tribunal judiciaire d'Alès du 11 juin 2020, une mesure expertise judiciaire a été confiée à M. [M] [T] qui a déposé son rapport le 25 mars 2021.
Au cours des opérations d'expertise, la société Solea BTP, sapiteur géotechnicien, est également intervenue.
Sur la base du rapport d'expertise judiciaire, par acte du 28 mai 2021, les époux [J] ont assigné à jour fixe la société Areas dommages, la société Uretek France qui avait réalisé les travaux d'injection de résine en sous-'uvre préconisés par la société Areas dommages, ainsi que son assureur, la société QBE Insurance Europe Limited, aux fins d'obtenir, au visa des articles 1240 et suivants, 1792 et suivants du code civil, le paiement de diverses sommes au titre des travaux de reprise et de leurs autres préjudices.
La société Areas dommages a, quant à elle, demandé à ce qu'il soit sursis à statuer aux demandes des époux [J] dans l'attente de la mise en cause des époux [S], pour que ces derniers prennent en charge les travaux de reprise de la façade et de remise en état des embellissements.
Le tribunal judiciaire d'Alès, par jugement contradictoire du 15 octobre 2021, a :
- Donné acte à QBE Europe SA /NV de ce qu'elle vient aux droits de la société QBE Insurance Europe Limited ;
- Donné acte à QBE Europe SA /NV de son intervention volontaire ;
- Mis hors de cause la société QBE Insurance Europe Limited ;
- Débouté la société Areas dommages de sa demande de sursis à statuer;
- Débouté les époux [J] de leurs demandes à l'encontre de la société Uretek et de son assureur, la société QBE Europe SA/NV ;
- Condamné la compagnie d'assurances Areas assurances à payer aux époux [J] la somme de 274 141 euros TTC au titre des travaux de reprise des désordres sur leur immeuble et des frais annexes ;
- Débouté les parties de leurs plus amples demandes ;
- Condamné la compagnie d'assurances Areas assurances aux dépens distraits au bénéfice de Me Guiraudou Samson ;
- Condamné la compagnie d'assurances Areas assurances à payer la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile aux époux [J] ;
- Ordonné l'exécution provisoire du jugement.
Par acte du 2 décembre 2021, la société Areas dommages a régulièrement interjeté appel de cette décision en ses seules dispositions la concernant.
En date du 10 mai 2022, la société Uretek France, la SA QBE Insurance Europe Limited et la SA QBE Europe SA / NV ont notifié par RPVA des conclusions d'incident demandant au conseiller de la mise en état de :
vu l'article 564 du code de procédure civile,
vu l'article 914 du code de procédure civile,
vu les pièces produites,
- déclarer irrecevables les conclusions d'appel régularisées par la société Areas dommages le 10 février 2022,
- déclarer irrecevables les demandes formulées par la société Areas dommages en cause d'appel et tendant :
* A titre principal, à voir « dire et juger que la garantie de la compagnie Areas dommages ne s'applique pas en l'espèce »,
* A titre subsidiaire, à voir « condamner la société Uretek et son assureur la société QBE Insurance Europe Limited à relever et garantir la compagnie Areas dommages de la moitié des condamnations prononcées à son encontre »,
* à voir « infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a condamné la compagnie Areas dommages à prendre en charge les frais de déménagement, les frais de garde-meubles et le préjudice de jouissance pendant les travaux »,
- condamner la société Areas dommages à payer à la société Uretek France et son assureur QBE Europe SA / NV la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 ainsi que les entiers dépens de l'incident.
Par ordonnance du 10 janvier 2023, le conseiller de la mise en état a :
- Dit régulier en la forme et recevable l'appel formé par la société Areas dommages à l'encontre du jugement du tribunal judiciaire d'Alès du 15 octobre 2021,
- Débouté la société Uretek France et son assureur, la SA QBE Europe SA/NV, de leur demande tendant au prononcé de l'irrecevabilité des conclusions de la société Areas dommages,
- Dit que la demande de la société Areas dommages tendant à « dire et juger que la garantie de la compagnie Areas dommages ne s'applique pas en l'espèce » ou à « déclarer que la garantie de la compagnie Areas dommages ne s'applique pas en l'espèce » ne constitue pas une demande,
- Dit en conséquence que la cour n'est saisie, à ce titre, d'aucune demande,
- Déclaré nouvelles à l'égard de la société Uretek France et de son assureur les demandes de la société Areas dommages tendant, à titre subsidiaire, à voir :
* « condamner la société Uretek et son assureur la société QBE Insurance Europe Limited à relever et garantir la compagnie Areas dommages de la moitié des condamnations prononcées à son encontre »,
* infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a condamné la compagnie Areas dommages à prendre en charge les frais de déménagement, les frais de garde-meubles et le préjudice de jouissance pendant les travaux »
-Déclarons en conséquence irrecevables à l'égard de la société Uretek France et de son assureur lesdites demandes,
- Dit que la cour reste saisie, concernant les époux [J], de la demande de la société Areas dommages tendant à infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la compagnie Areas dommages à prendre en charge les frais de déménagement, les frais de garde-meubles et le préjudice de jouissance pendant les travaux,
- Condamné la société Areas dommages à payer à la société Uretek France et la société QBE Europe SA/NV la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Débouté les époux [J] et la société Areas dommages de leurs demandes présentées à titre,
- Condamné la société Areas dommages aux entiers dépens de l'incident.
Par ordonnance du 30 janvier 2024, la clôture de la procédure a été fixée au 18 avril 2024, l'affaire a été appelée à l'audience du 14 mai 2024 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 27 juin 2024.
EXPOSE DES MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 septembre 2022, la société Areas Dommages, appelante, demande à la cour de :
- Déclarer recevable l'appel interjeté par la compagnie Areas dommages.
- Infirmer le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire d'Alès en date du 15 octobre 2021 en toutes ses dispositions.
En conséquence,
A titre principal,
- Déclarer que la garantie de la compagnie Areas dommages ne s'applique pas en l'espèce.
A titre subsidiaire,
Si par extraordinaire, la cour devait retenir la garantie de la compagnie Areas dommages,
- Infirmer le jugement de première instance en ce qu'il n'a pas retenu la responsabilité de la société Uretek et de son assureur la société QBE Insurance Europe Limited.
- Déclarer que la société Uretek est responsable à hauteur de 50 % des nouveaux désordres.
En conséquence,
- Condamner la société Uretek et son assureur la société QBE Insurance Europe Limited à relever et garantir la compagnie Areas dommages de la moitié des condamnations prononcées à son encontre.
En toute hypothèse,
Vu l'article L. 125-1 alinéa 3 du code des assurances,
Vu l'article 5.1 des conditions générales du contrat d'assurance,
- Infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a condamné la compagnie Areas dommages à prendre en charge les frais de déménagement, les frais de garde-meubles et le préjudice de jouissance pendant les travaux.
- Condamner la partie succombante à porter et payer à la compagnie Areas dommages une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Sylvie Laroche, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, l'appelante fait essentiellement valoir que :
A titre principal : sur son absence de garantie
- le jugement est critiquable en ce qu'il a retenu sa garantie en considérant que l'assureur est tenu de réparer tant que les désordres persistent alors que cette décision va à l'encontre de la jurisprudence de la Cour de cassation qui a modéré le principe selon lequel l'assureur est tenu, dans le cadre de la garantie catastrophes naturelles dont il est redevable vis-à-vis de son assuré, de financer des travaux permettant de remédier de façon définitive aux désordres engendrés par l'élément naturel en retenant que l'assureur multirisques habitation ne pouvait être tenu pour responsable si les travaux ont été mal conçus par le maître d''uvre et mal exécutés par l'entreprise (3e Civ., 16 sept. 2021, pourvoi n°19-24.382) ; qu'en l'espèce la solution de réparation qu'elle avait retenue était parfaitement adaptée à la configuration des lieux dès lors que les époux [S] mettaient en 'uvre les travaux nécessaires à écarter les venues d'eau des fondations de la maison ; que l'échec des travaux d'injection de résine qu'elle a financés trouve son origine aussi bien dans la mise en 'uvre d'un drain inapproprié par les époux [S] que par un manque de soin dans l'injection de la résine expansive de la part de la société Uretek ; que par conséquent le jugement sera infirmé en ce qu'il a retenu sa garantie.
A titre subsidiaire : sur un partage de responsabilité
- il résulte du rapport d'expertise que les travaux d'injection de résine expansive par la société Uretek n'ont pas donné les résultats escomptés ; que la responsabilité de la société Uretek doit donc être retenue en application de l'article 1231-1 du code civil, de sorte que la société Uretek et son assureur doivent prendre en charge la moitié des condamnations prononcées au titre des travaux de reprise et que le jugement sera infirmé en ce qu'il a écarté la responsabilité contractuelle de la société Uretek ;
- dans la mesure où l'article L. 125-1 alinéa 3 du code des assurances prévoit que la garantie des effets de catastrophes naturelles couvre uniquement les dommages matériels portant atteinte à la structure et à la substance des biens, a contrario, les frais et pertes subis ne sont pas couverts, notamment les frais de relogement ou de déplacement du mobilier, de même que la perte d'usage ou de loyer ; que sa garantie ne couvre donc pas les frais de déménagement/emménagement, de garde-meubles et le préjudice de jouissance pendant les travaux, l'article 5.1 des conditions générales du contrat d'assurance précisant notamment que : « Les préjudices indirects tels que les frais de relogement, la perte d'usage des locaux, le gardiennage des locaux, de déplacement du mobilier et autres frais sont exclus de la garantie » ; qu'en conséquence le jugement sera infirmé sur ce point.
En l'état de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 25 août 2023, M. [Z] [J] et Mme [N] [J], intimés, demandent à la cour de :
Vu les articles L.125-1 et suivants du Code des assurances ;
Vu les articles 1231-1 et suivants du Code civil ;
Vu les articles 1792 et suivants du Code civil ;
Vu les pièces versées aux débats ;
1. Sur les désordres :
- Juger du caractère définitif du jugement du 15.10.2021 en ce qu'il a condamné la compagnie Areas assurances au paiement de la somme de 257 781 euros TTC au titre des travaux de reprise.
- Infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas condamné in solidum la SAS Uretek France et son assureur QBE Insurance Europe Limited et statuant de nouveau :
- Condamner in solidum la SAS Uretek France et QBE Insurance Europe Limited en application de la responsabilité décennale et à titre subsidiaire la SAS Uretek France au titre de sa responsabilité contractuelle, au paiement de la somme de 257 781 euros TTC au titre des travaux de reprise ;
2. Sur les préjudices :
- Confirmer le jugement en date du 15.10.2021 en ce qu'il a condamné la compagnie Areas assurances au paiement de la somme de 16 360 euros au titre des frais de déménagements, frais de garde-meubles, préjudice de jouissance pendant les travaux ;
- Infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas retenu le montant global de 37 180.01 euros au titre des préjudices subis par les consorts [J] ;
- Infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas condamné in solidum la SAS Uretek France et son assureur la société QBE Insurance Europe Limited et statuant de nouveau :
- Condamner in solidum la société Areas assurances, la SAS Uretek France et son assureur la société QBE Insurance Europe Limited au paiement de la somme de 37 180.01 euros au titre des préjudices subis par les consorts [J] ;
- Juger que le montant de la condamnation à l'indemnisation du préjudice relatif à la perte de jouissance de l'extension (700 euros par mois) sera actualisé au jour de l'arrêt à intervenir ;
3. En tout état de cause :
- Infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas condamné in solidum la société Areas assurances, la SAS Uretek France et son assureur la société QBE Insurance Europe Limited, au paiement de la somme 5 995,50 euros au titre de la facture Solea, réglée par les consorts [J] dans le cadre de l'expertise judiciaire et intégrant les dépens et
statuant de nouveau :
- Condamner in solidum la société Areas assurances, la SAS Uretek France et son assureur la société QBE Insurance Europe Limited au paiement de la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner in solidum la société Areas assurances, la SAS Uretek France et son assureur la société QBE Insurance Europe Limited aux entiers dépens de l'instance en ce compris les frais d'expertise judiciaire, comprenant la somme de 5 995,50 euros au titre de la facture Solea, réglée par les consorts [J].
M. et Mme [J] font valoir en substance que :
Sur le paiement des travaux de reprise
- il ressort du rapport de l'expert que les nombreuses fissures compromettent la solidité de l'ouvrage dans son ensemble, de sorte que la nature décennale des désordres est acquise ; que le désordre actuel a pour origine un phénomène de retrait-gonflement déclaré auprès d'Areas dommages en 2012 ; que l'expert a confirmé que les désordres actuels avaient la même origine que ceux apparus en 2012 ayant fait l'objet d'une prise en charge, ce qu'a reconnu Areas assurances, et que les travaux préconisés par Areas assurances et réalisés par Uretek n'ont pas permis de remédier aux désordres ; que l'expert a également confirmé la responsabilité de la société Areas assurances et de la société Uretek et fixé le montant global à 257 781 euros TTC montant non contesté et retenu par le jugement déféré ;
* sur la responsabilité d'Areas assurances :
- en application des articles L.125-1 et suivants du code des assurances, l'assureur catastrophe naturelle est tenu par son obligation de couverture pérenne du sinistre ; que la société Areas assurances est donc tenue à une obligation de reprise efficace, le principe de la couverture étant celui de la réparation intégrale du dommage ;
- il résulte de l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 10 janvier 2023 que la cour d'appel n'est pas saisie d'une demande d'infirmation du jugement intervenu en ce qu'il a retenu que la garantie de la société Areas dommages était acquise et condamné cette dernière au paiement des travaux de reprises des désordres sur leur immeuble et des frais annexes ; que, par conséquent, le jugement déféré est définitif en ce qu'il a condamné la société Areas assurances au paiement de la somme de 257 781 euros TTC au titre des travaux de reprise, et la demande de la société Areas dommages tendant à contester le principe de son obligation de couverture ne saurait prospérer ;
- la société Areas dommages est à l'origine d'une faute en préconisant des travaux insuffisants et moins onéreux ; que l'expert judiciaire et son sapiteur confirment la faute de l'assureur dans le choix de la solution technique indemnisée ;
- tant le cabinet Hudault, GIA Ingénierie qu'Uretek ont précisé la nécessité de réaliser des travaux de traitement hydrique pour assurer l'efficacité des injections de résine ; que l'assureur n'a pas opéré les précautions nécessaires pour déterminer la solution de réparation adéquate consistant, en sus des injections, au traitement hydrique des sols d'assise et qu'ayant refusé de prendre en charge ces travaux essentiels ayant considéré que ces travaux relevaient de l'amélioration de l'ouvrage, la société Areas dommages est à l'origine d'une faute ;
- l'expert judiciaire et son sapiteur rejettent la défaillance du drain réalisé par les consorts [S] comme cause des désordres ;
* sur la responsabilité de la société Uretek :
- la nature décennale des désordres a été confirmée par l'expert ; que la société Uretek avait parfaitement connaissance des travaux annexes préconisés par la société GIA Ingénierie et le cabinet Hudault pour traiter les variations hydriques au pourtour de la maison, en complément des injections de résine ; que l'expert et son sapiteur précisent que seuls d'importants travaux d'imperméabilisation globale pourraient permettre la solution par injection de résine sans toutefois en garantir l'efficacité ; que la société Uretek a donc accepté de réaliser des travaux en connaissance de l'insuffisance du traitement hydrique prévu ; que l'expert a retenu que les travaux annexes préconisés par les cabinets Hudault et GIA Ingénierie, connus d'Uretek au moment des travaux, étaient insuffisants pour assurer une reprise pérenne par injection, de sorte qu'il conviendra de réformer le jugement et de condamner la société Uretek France en application de la responsabilité décennale des constructeurs ;
- à titre subsidiaire, l'expert reconnaît que la société Uretek a manqué à son obligation de résultat ; que, d'une part, dans la mesure où la solution d'injection de résine s'avère inefficace en tout état de cause et, d'autre part, dans la mesure où l'expert relève que les travaux accessoires étaient insuffisants à pérenniser les injections de résine, la responsabilité de la société Uretek doit être reconnue ; qu'il conviendra donc de réformer le jugement déféré et de condamner la société SAS Uretek France en application de la responsabilité contractuelle de droit commun des constructeurs ;
- en conséquence, il conviendra de condamner in solidum la SAS Uretek France et son assureur QBE Insurance Europe Limited en application de la responsabilité décennale et, à titre subsidiaire, la SAS Uretek France au titre de sa responsabilité contractuelle, au paiement de la somme de 257 781 euros TTC au titre des travaux de reprise.
Sur l'indemnisation des préjudices
- conformément à l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 10 janvier 2023 leur demande tendant à la réformation du jugement déféré en ce qu'il n'a pas retenu le montant global de 37 180,01 euros au titre des préjudices qu'ils ont subis demeure recevable ;
- que l'expert a confirmé la nécessité pour eux de déménager durant les travaux, l'existence d'un préjudice au titre des frais de stockage / garde-meubles ainsi que d'un préjudice de jouissance durant les travaux de reprise, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Areas assurances au paiement des sommes retenues par l'expert au titre de ces différents préjudices respectivement de 7 630,01 euros TTC, 1 350 euros TTC et 7 200 euros ;
- l'opération d'extension de l'ouvrage existant était prévue dès l'origine puisqu'ils avaient intégré ce souhait comme condition suspensive à la vente ; que du fait de l'impossibilité de réaliser les travaux d'extension, ils subissent un préjudice de 700 € par mois depuis le 1er juin 2019, date de fin des travaux d'extension, durée à laquelle il faut ajouter celle des travaux de reprise de 3 mois, soit un total de 21 000 euros comme l'a retenu l'expert qui a confirmé l'existence de ce préjudice ; que le jugement est critiquable en ce qu'il les a déboutés de leur demande aux motifs qu'ils ne rapportaient pas la preuve d'une utilisation future et d'un manque à gagner ainsi que d'un comportement fautif de l'assureur alors que cette demande d'indemnisation ne correspond pas à une perte d'exploitation commerciale d'un local mais strictement à l'indemnisation de la perte de jouissance de l'agrandissement du fait des désordres ; que la société Areas est ainsi tenue à réparation intégrale du ce préjudice subi qui est la conséquence directe de la carence de celle-ci ; qu'après actualisation, le préjudice global est fixé à 37 180,01 euros ;
-nonobstant toute obligation de réparation du préjudice subi, la société Areas assurances est également tenue au paiement de ces sommes en application de son obligation de couverture résultant du contrat Privilèges, le « tableau des garanties » prévoyant au titre dudit contrat l'indemnisation des « frais de déménagements, emménagement, perte d'usage de locaux, perte de loyers » ; qu'en conséquence, il conviendra d'infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas retenu le montant global de cette somme et de condamner in solidum la société Areas assurances, la SAS Uretek France et son assureur la société QBE Insurance Europe Limited au paiement de la somme de 37 180,01 euros au titre des préjudices qu'ils ont subis.
Sur les frais et dépens de l'instance :
- le jugement ne s'est pas prononcé sur le remboursement de la somme de 5 995,50 € au titre de la facture Solea qu'ils ont réglée dans le cadre des opérations d'expertise sur demande de l'expert judiciaire alors que le devis a été validé par l'expert et n'a pas été contesté par les parties à l'expertise, de sorte que le jugement sera infirmé sur ce point et qu'il conviendra de condamner in solidum la société Areas assurances, la SAS Uretek France et son assureur, la société QBE Insurance Europe Limited, aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, comprenant la somme de 5 995,50 € au titre de la facture Solea.
En l'état de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 mai 2022, la société Uretek France, la SA QBE Insurance Europe Limited, intimées, et la SA QBE Europe SA / NV, intervenante volontaire, demandent à la cour de :
À titre principal
- Donner acte à QBE Europe SA /NV de son intervention volontaire au lieux et place de QBE Insurance Europe Limited
Vu l'article 914 du code de procédure civile,
Vu les articles 564 et 565 du code de procédure civile,
- Déclarer irrecevables les conclusions de la compagnie Areas dommages.
- Déclarer irrecevables les demandes de la compagnie Areas dommages à l'encontre de la Société Uretek France, et son assureur QBE Europe SA/NV
- Confirmer le jugement en toutes ses dispositions
À titre subsidiaire
- Débouter la compagnie Areas Assurance de son recours dommages matériels, immatériels, frais, intérêts, article 700 et dépens, à l'encontre de la société Uretek France et de son assureur la compagnie QBE Europe SA/NV
A titre infiniment subsidiaire
Vu le rapport d'expertise judiciaire,
Vu les pièces produites,
Vu la jurisprudence de la Cour de cassation,
Vu l'article 1240 du Code Civil,
Vu les fautes commises par Areas assurances dans la gestion amiable du sinistre,
Dans l'hypothèse d'une condamnation in solidum à l'encontre des parties défenderesses
Dans les rapports entre co-obligés,
- Condamner la société Areas assurances à relever et garantir la société Uretek France et son assureur la compagnie QBE Europe SA/NV de l'ensemble des condamnations susceptibles d'être prononcées à leur encontre au titre des dommages matériels, préjudices accessoires, intérêts, frais, article 700 et dépens comprenant les honoraires de l'Expert judiciaire et de son sapiteur.
- Limiter la quote-part contributive de la société Uretek France au titre des dommages matériels, des préjudices accessoires, intérêts, frais, article 700 et dépens à 5 %.
- Condamner in solidum les époux [J] et Areas assurances à payer à la société Uretek France et QBE Europe SA/NV la somme de 4 000 euros HT au titre de l'article 700 ainsi que les entiers dépens qui seront conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, recouvrés par Maître Aude Guiraudon Samsan, Avocat au Barreau de Alès.
Elles font valoir en substance que :
Sur l'intervention volontaire de la compagnie QBE Europe SA/NV aux lieu et place de la compagnie Insurance Europe Limited
- la société Areas dommages a régularisé une déclaration d'appel à l'encontre de la SA QBE Insurance Europe Limited et non pas de la société QBE Europe SA/NV qui n'a pas été intimée alors que le jugement avait donné acte de l'intervention volontaire de cette dernière aux lieu et place de la SA QBE Insurance Europe Limited ; que la société QBE Europe SA/NV intervient donc volontairement de nouveau demandant la confirmation du jugement sur ce point.
Irrecevabilité de la demande de condamnation dirigée à leur encontre
- dans le cas où le conseiller de la mise en état se déclarerait incompétent au bénéfice de la formation collégiale de la cour, la demande de condamnation dirigée à leur encontre constitue une demande nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile ; que les demandes de la société Areas dommages seront, en application des articles 464 et 465 du code de procédure civile, déclarées irrecevables à leur encontre.
A titre subsidiaire, sur la confirmation du jugement
Les principes de droit applicables au litige
- la présomption de responsabilité prévue à l'article 1792 du code civil n'emporte pas présomption d'imputabilité ; que le caractère inefficace des travaux de reprise n'a eu aucune incidence sur la cause du sinistre qui est imputable à la sécheresse ; que la réparation des désordres n'est pas de nature à engager la responsabilité décennale de l'entreprise qui a exécuté une prestation réparatoire inefficace comme l'a jugé la Cour de cassation (3e Civ., 8 avril 2014, RDI Juillet 2014, page 411) ; que l'assureur de dommages est tenu au financement d'une solution définitive et pérenne et que ce principe dégagé par la Cour de cassation à l'encontre de l'assureur dommages-ouvrage est transposable à l'assureur « Sécheresse » (3e Civ., 11 février 2009, RDI 2009 p. 258), de sorte qu'il appartient à l'assureur « Sécheresse » qui a financé en phase amiable des travaux d'injection inefficaces de prendre en charge, au titre de son obligation à garantie, les travaux lourds qui in fine s'imposent et dont il a fait l'économie en phase amiable ; qu'en application de l'article 1792 du code civil, le locateur d'ouvrage se dégage de la présomption de responsabilité pesant sur lui si les désordres sont attribués au périmètre d'intervention d'une entreprise tierce.
Imputabilité des travaux identifiée dans le cadre de l'expertise judiciaire : application des principes dégagés par la Cour de cassation
- en l'espèce, les travaux lourds aujourd'hui validés par l'expert judiciaire ne trouvent pas leur cause dans le caractère inefficace de la campagne d'injections confiée à la société Uretek, mais bien dans l'épisode de sécheresse de 2012 ; que l'arrêt rendu par la Cour de cassation, le 16 septembre 2021, n'est pas transposable au cas d'espèce dès lors que la Cour de cassation considère que la cour d'appel a estimé à bon droit que l'assureur Sècheresse ne pouvait être tenu pour responsable de l'inefficacité des travaux qu'elle finance lorsque la maîtrise d''uvre de ces derniers est confiée à un tiers, alors qu'en l'espèce la société Areas dommages n'a financé aucune prestation de maîtrise d''uvre puisque son expert a défini les interventions à prévoir pour mettre un terme définitif aux conséquences de la sècheresse de 2012 ; que si la société Areas dommages soutient en substance que sa garantie « Sécheresse » ne serait pas due dès lors que l'« échec » des travaux d'injections réside dans la mise en 'uvre d'un drain inapproprié par les vendeurs, il convient de relever que ces travaux étant radicalement indissociables de la technique par injections, validée par l'expert « Sécheresse », il appartenait à la société Areas dommages de financer une prestation de maîtrise d''uvre pour veiller à la parfaite coordination entre les travaux d'injections et les travaux nécessaires à la pérennité de ces derniers, de sorte qu'au regard de la jurisprudence précitée et des dispositions de l'article L. 125-1 du code des assurances, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu qu'il appartient à la société Areas dommages de prendre en charge la solution de reprise qui s'impose aujourd'hui selon l'expert judiciaire pour mettre un terme définitif au sinistre « Sécheresse » pour lequel elle a mobilisé sa garantie, outre les postes annexes nécessaires à la mise en oeuvre de cette solution et validés par l'expert judiciaire.
Imputabilité des désordres à des causes extérieures exonératoires de responsabilité : non-respect des recommandations formulées par la société Uretek
- le géotechnicien GIA Ingénierie intervenu en phase amiable a préconisé un traitement de sol par injection sous réserve d'un traitement hydraulique périphérique qui n'a pas été mis en 'uvre ; que l'expert judiciaire décrit en pages 13 et 37 de son rapport la défaillance des ouvrages confiés à des entreprises tierces et destinés à assurer la pérennité des travaux d'injections confiés à la société Uretek ; qu'il s'agit d'une circonstance qui caractérise une cause extérieure exonératoire de la responsabilité de cette dernière ; qu'en conséquence le jugement sera confirmé sur ce point ; que l'appel en garantie de la société Areas dommages à leur encontre sur le fondement de la responsabilité délictuelle ne saurait valablement prospérer dès lors que l'expertise judiciaire n'a mis en évidence aucune faute de la société Uretek dans l'exécution de ses travaux, que les désordres sont consécutifs à la défaillance d'ouvrage dont la mise en 'uvre ne relève pas de son périmètre d'intervention et que la société Uretek a valablement exercé son devoir de conseil à l'attention de l'expert Sécheresse sur la nécessité de réaliser les travaux permettant d'assurer la pérennité des injections.
A titre subsidiaire, recours de la société Uretek et son assureur QBE Europe SA/NV
- l'assureur « catastrophe naturelle » engage sa responsabilité contractuelle à l'égard de l'assuré, délictuelle à l'égard des tiers, pour toute faute commise dans le cadre de la gestion amiable du sinistre ; qu'en l'espèce la société Uretek a pris soin de rappeler les travaux nécessaires à la pérennité des injections au stade de son devis du 8 juillet 2014, dûment validé par le cabinet Hudault, expert « Sécheresse » et a exercé son devoir de conseil en rappelant les travaux complémentaires auxquels était subordonnée la pérennité de sa prestation d'injections ; que la société Areas dommages, en faisant l'économie d'une prestation de maîtrise d''uvre qui aurait permis d'assurer l'interface entre les travaux d'injections confiés à la société Uretek et les travaux de second-'uvre à prévoir après l'intervention de celle-ci, a commis une faute dans la gestion amiable du sinistre, engageant sa responsabilité délictuelle à l'encontre de la société Uretek dès lors que l'expert judiciaire et son sapiteur géotechnicien confirment que les travaux par injections n'ont pas donné satisfaction ; qu'en conséquence la société Areas dommages sera condamnée à relever et garantir la société Uretek de l'ensemble des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre au principal, dommages matériels et immatériels, frais, article 700, intérêts, et dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire.
A titre infiniment subsidiaire, sur la contribution à la dette en cas de condamnation in solidum
- au stade la contribution à la dette, il conviendra de limiter la quote-part de la société Uretek à 5 % du quantum.
Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION :
A titre liminaire :
1 ' Sur l'intervention volontaire :
La cour donne acte à QBE Europe SA /NV de son intervention volontaire aux lieu et place de QBE Insurance Europe Limited.
2 ' sur les irrecevabilités :
La cour rappelle que le conseiller de la mise en état par ordonnance en date du 10 janvier 2023 a déjà statué comme suit :
Déclare nouvelles à l'égard de la société Uretek France et de son assureur les demandes de la société Areas dommages tendant, à titre subsidiaire, à voir :
* « condamner la société Uretek et son assureur la société QBE Insurance Europe Limited à relever et garantir la compagnie Areas dommages de la moitié des condamnations prononcées à son encontre »,
* infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a condamné la compagnie Areas dommages à prendre en charge les frais de déménagement, les frais de garde-meubles et le préjudice de jouissance pendant les travaux »
- Déclarons en conséquence irrecevables à l'égard de la société Uretek France et de son assureur lesdites demandes,
La cour constate que les conclusions des parties n'ont pas été modifiées suite à l'ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état, en conséquence, constate qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces points qui ont déjà été déclarés irrecevables.
Sur la responsabilité de la société AREAS et de URETEK France :
Il n'est pas contesté que les désordres sont de nature décennale et sont consécutifs à un épisode de sécheresse.
Aeras et Uretek se rejettent mutuellement la faute de l'inefficacité des travaux de reprise et la prise en charge finale du préjudice.
Au visa de l'article 1792 du code civil, il n'est pas sérieusement contesté que Areas dommages, en tant qu'assureur, a l'obligation de prendre en charge les désordres subis par les propriétaires successifs de la maison. En revanche se pose la question d'un éventuel partage de responsabilité avec la société Uretek qui a réalisé les travaux de reprise inefficaces.
Se pose ainsi la question de l'imputabilité des désordres à la société Uretek, la Cour de cassation excluant la responsabilité décennale de l'entrepreneur des travaux de reprise faute d'imputabilité (cass. 3e civ. 7 sept. 2011, n°10-10.763 ou 15 mai 2013, n° 11-24.274). Il appartient donc à la cour de rechercher si les dommages résultent au moins pour partie de l'entrepreneur des travaux de reprise. En cas d'absence d'imputabilité ou en cas de travaux inutiles ou sans intérêt, il engage uniquement sa responsabilité contractuelle pour défaut du devoir de conseil. La Cour de cassation jugeant dans cette hypothèse (même arrêt confirmé par l'arrêt de principe du 11 mars 2015, n°13-28.351), que l'entrepreneur manque à son obligation de conseil par le fait que bien qu'intervenant pour exécuter les préconisations de l'expert, il lui appartenait de procéder à des vérifications minimales et d'émettre auprès des maitres de l'ouvrage des réserves sur l'efficacité des travaux prescrits. L'arrêt énonce que ce manquement à l'obligation de conseil de l'entrepreneur a contribué à la persistance des dommages.
* * *
En l'espèce, il résulte du rapport Soléa (page 9 sur 42), daté de 2020, sur demande de l'expert judiciaire, qu'en 2012, lors d'un épisode de catastrophe naturelle de nouvelles fissures sont apparues et conformément à l'étude GIA, « les sols ont été injectés par une résine expansive sous l'ensemble des fondations. Depuis lors l'ouvrage continue de se déformer » (sic).
« Ces sols peuvent donc être considérés comme sensibles aux variations d'état hydrique (') à risque élevé de retrait gonflement » (sic, page 33).
Dans le cadre de l'approche des remèdes envisageables le rapport indique (page 41) : « dans ces conditions, il apparait nécessaire d'avoir recours à une stabilisation de l'ouvrage par reprise en sous 'uvre généralisée. Etant donné le contexte topographique et la présence de la cave partielle et de plots isolés d'un ancien confortement, nous vous conseillons vivement de retenir un confortement par pose de micropieux ».
L'expert judiciaire dans son rapport en date du 25 mars 2021 indique « qu'à l'évidence les travaux de reprise nécessaires à la remise en état des lieux en 2015 n'ont pas eu l'effet escompté dans la durée. Les injections réalisées ne confèrent pas à l'ouvrage une rigidité supplémentaire ». Il précise « concernant les travaux d'agrafage des fissures, les constructions en agglos de ciment ne présentent pas les qualités de traction suffisantes pour bien réagir aux travaux réalisés. Concernant la pose du drain agricole contre la maison au Nord, il est peu efficace. (') pour s'affranchir des variations hydrauliques et reporter les charges de la construction vers le substratum compact, la solution consiste à sceller des micropieux dans cette couche. La gestion des variations hydrauliques n'est pas assurée, sauf à entreprendre d'importants travaux autour de l'ouvrage auquel cas il n'y a plus de problème d'argile gonflante » (page 13 du rapport).
L'expert judiciaire répond sur les travaux entrepris en 2015 en indiquant : « le drain amont placé dans l'argile, bien qu'imparfait par l'absence de géotextile n'est pas à l'origine des désordres observés actuellement. Il sert tout au plus à collecter les eaux du coteau en amont qui auparavant devaient ruisseler en surface des sols et se disperser gravitairement » (page 15 du rapport). « Les injections de résine ne permettent pas de stabiliser les sols dans un contexte de sols argileux sensibles au retrait gonflement sous déséquilibre hydrique. Elles sont inefficaces dans le contexte actuel de la villa » (sic). L'expert judiciaire conclut, page 28 de son rapport, que les travaux de confortement engagés courant 2015 pour stabiliser l'ouvrage ne sont pas efficaces. Les injections de résine mises en 'uvre par la société Courtin n'assèchent pas le pourtour de la maison, l'eau recueillie au nord sur le trottoir redescend sur les fondations et les agrafages réalisés en façades par la société RD BAT ne fonctionnent pas.
Au titre de la responsabilité décennale :
L'appelante ne démontre pas que les travaux ont mal été réalisés par l'entreprise. Il ressort au contraire des précédentes constatations expertales que les désordres subis par les époux [J] ne sont pas imputables aux travaux réalisés par Uretek France. La solution réparatoire préconisée était inadaptée. Ainsi, la responsabilité de la société Uretek, sur le fondement de la responsabilité décennale, ne peut être engagée.
Il y a lieu en cela de confirmer le raisonnement du premier juge.
Au titre de la responsabilité contractuelle :
La société URETEK est soumise à un devoir de conseil, comme vu précédemment, consistant à informer le maitre d'ouvrage d'éventuelles difficultés.
Il ressort du « devis quantitatif estimatif » en date du 16 octobre 2014 que plusieurs mises en garde apparaissent en page 3 et en page 4:
« Les injections ne traitent que le sol et ne confèrent pas à l'ouvrage de rigidité supplémentaire. En cas de déficiences structurelles celles-ci devront faire l'objet de travaux complémentaires qui ne sont pas de notre compétence. (')
Protections hydriques : le maitre d'ouvrage assurera et vérifiera régulièrement le bon fonctionnement de ses écoulements et la collecte des eaux de toiture et de ruissellement, afin d'éliminer les infiltrations d'eau dans le sol à proximité des ouvrages traités. Il conviendra de mettre en place (ou de compléter) un trottoir périphérique étanche de manière à éloigner les eaux de façades (') »
En l'état de ces éléments, le maitre d'ouvrage était informé des limites de l'intervention de la société URETEK, celle-ci ayant donc rempli son obligation d'information.
Il convient ainsi de confirmer la décision du premier juge qui a débouté les époux [J] de leur demande contre la société URETEK et de son assureur.
Sur la demande d'exonération de garantie d'AREAS :
L'article L 125-1 du code des assurances dispose que : « Les contrats d'assurance, souscrits par toute personne physique ou morale autre que l'Etat et garantissant les dommages d'incendie ou tous autres dommages à des biens situés en France, ainsi que les dommages aux corps de véhicules terrestres à moteur, ouvrent droit à la garantie de l'assuré contre les effets des catastrophes naturelles, dont ceux des affaissements de terrain dus à des cavités souterraines et à des marnières sur les biens faisant l'objet de tels contrats.
En outre, si l'assuré est couvert contre les pertes d'exploitation, cette garantie est étendue aux effets des catastrophes naturelles, dans les conditions prévues au contrat correspondant.
Sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles, au sens du présent chapitre, les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises.
L'état de catastrophe naturelle est constaté par arrêté interministériel qui détermine les zones et les périodes où s'est située la catastrophe ainsi que la nature des dommages résultant de celle-ci couverts par la garantie visée au premier alinéa du présent article. Cet arrêté précise, pour chaque commune ayant demandé la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, la décision des ministres. Cette décision est ensuite notifiée à chaque commune concernée par le représentant de l'Etat dans le département, assortie d'une motivation. L'arrêté doit être publié au Journal officiel dans un délai de trois mois à compter du dépôt des demandes à la préfecture. De manière exceptionnelle, si la durée des enquêtes diligentées par le représentant de l'Etat dans le département est supérieure à deux mois, l'arrêté est publié au plus tard deux mois après la réception du dossier par le ministre chargé de la sécurité civile.
Aucune demande communale de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle ne peut donner lieu à une décision favorable de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle par arrêté interministériel lorsqu'elle intervient dix-huit mois après le début de l'événement naturel qui y donne naissance. Ce délai s'applique aux événements naturels ayant débuté après le 1er janvier 2007. Pour les événements naturels survenus avant le 1er janvier 2007, les demandes communales de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle doivent être déposées à la préfecture dont dépend la commune avant le 30 juin 2008.
Les cavités souterraines considérées peuvent être naturelles ou d'origine humaine. Dans ce dernier cas, sont exclus de l'application du présent chapitre les dommages résultant de l'exploitation passée ou en cours d'une mine ».
Comme l'a justement relevé le premier juge, il incombe à l'assureur de financer une réparation efficace des désordres, c'est-à-dire pérenne. Il est donc obligé de réparer les désordres qui ne sont que la persistance des désordres d'origine liés à l'état de catastrophe naturelle, lorsque les premiers travaux se sont révélés inefficaces pour y remédier.
Il a été démontré ci-dessus que les désordres persistants malgré les travaux de reprise sont la conséquence du phénomène de retrait gonflement déclaré en 2012 dans le cadre d'un épisode de sécheresse.
La décision du premier juge sera confirmée en ce qu'elle a retenu la garantie de l'assureur AREAS.
Sur le montant des préjudices :
Le premier juge a condamné la société Areas assurances à payer aux époux [J] la somme de 274 141 euros :
- 257 781 euros remise en état
- 16 360 euros (frais de déménagement, frais de garde meubles, préjudice de jouissance).
L'expert chiffre le montant total du cout des travaux nécessaires à la remise en état des lieux à la somme de 248 757 euros TTC.
Il ajoute les frais d'hébergement des époux [J] pendant les trois mois de travaux et les frais de déménagement à hauteur de 7 320 euros TTC et les frais de relogement à 700 euros par mois (page 27 du rapport).
Les époux [J] sollicitent la somme de 37 180,01 euros.
** *
La cour retient le montant des préjudices tels que fixés par l'expert qui n'ont pas été contestés :
Au titre des désordres
248 757 euros TTC : au titre du cout des travaux nécessaires à la remise en état des lieux, tel que fixé par l'expert et non sérieusement contesté (page 27 du rapport)
Au titre des préjudices autres :
L'assureur conteste l'étendue de sa garantie indiquant que l'article 5.1 des conditions générales du contrat d'assurance précise que : « Les préjudices indirects tels que les frais de relogement, la perte d'usage des locaux, le gardiennage des locaux, de déplacement du mobilier et autres frais sont exclus de la garantie », que l'article L 125-1 alinéa 3 du code des assurances prévoit que la garantie des effets de catastrophes naturelles couvre uniquement les dommages matériels portant atteinte à la structure et à la substance des biens.
Cependant les intimés ont à juste titre relevé que ce n'est pas sur l'état de sécheresse naturelle que sont sollicitées ces indemnisations, mais sur la mauvaise qualité des travaux de reprise. Ainsi le contrat multirisque correspond à la formule « PRIVILEGES », portant extensions multiples de garanties, le « tableau des garanties » (p.7) qui prévoit au titre du contrat PRIVILEGES, l'indemnisation des « frais de déménagements, emménagement, perte d'usage de locaux, perte de loyers », est applicable.
En conséquence, les frais suivants peuvent être retenus :
- 2 100 euros : au titre du cout des frais d'hébergement pendant les trois mois de travaux (700 euros x3, soit 2 100 euros)
- 7 630 euros : au titre des frais de déménagement (page 29 suite au dire du 5 mars 2021)
- 1 350 euros au titre des frais de stockage et garde-meubles pour les trois mois
- 7 200 euros au titre du préjudice de jouissance pour trois mois durant les travaux.
Les époux [J] sollicitent en outre :
- Un préjudice de jouissance concernant l'agrandissement étant considéré que l'opération d'extension était prévue dès l'origine (cet agrandissement étant énoncé dans le compromis de vente)
- S'il est exact que cette extension était prévue dès l'origine, le préjudice de jouissance de ces travaux est inexistant puisque les époux [J] auraient subis ces travaux mais seulement plus tôt dans le temps. En revanche, ils ont perdu la possibilité de jouir de l'extension qui aurait pu être réalisée en juin 2019.
- Ils considèrent qu'ils subissent un préjudice de 700 euros par mois depuis le mois de juin 2019.
- Si ce préjudice est réel, il sera ramené à de plus justes proportions et indemnisé à hauteur de 100 euros par mois, de juin 2019 à juin 2024 (puisque l'actualisation est sollicitée) outre les trois mois de travaux, soit 100 euros x 63 mois, soit : 6 300 euros au titre du préjudice lié à l'agrandissement.
Soit une indemnisation totale de : 24 580 euros au titre de l'ensemble des préjudices autres que la réparation des désordres.
Sur les frais du procès :
Il y a lieu de confirmer la décision du premier juge concernant les frais du procès. Il sera simplement précisé que les dépens de l'instance comprennent les frais d'expertise judiciaire, dont la somme de 5 995,50 € au titre de la facture SOLEA, réglée par les consorts [J].
En appel, succombant à l'instance, la compagnie d'assurance AREAS Assurances sera condamnée à en régler les entiers dépens, en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, avec distraction directe au profit de la SCP Maître Aude GUIRAUDON SAMSAN, Avocat au Barreau de ALES, avocats.
L'équité commande par ailleurs de condamner la compagnie d'assurance AREAS Assurances à payer aux époux [J] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par ceux-ci sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Aucune considération d'équité ne commande en revanche de faire droit à la prétention du même chef présentée par la société QBE INSURANCE EUROPE LIMITED qui en sera déboutée, tout comme la compagnie AREAS Assurances en ce qu'elle succombe.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile, et en dernier ressort,
- Confirme partiellement le jugement en ses dispositions soumises à la cour,
Pour plus de lisibilité, statuant à nouveau sur le tout :
Donne acte à QBE Europe SA /NV de son intervention volontaire aux lieu et place de QBE Insurance Europe Limited.
Rappelle que le conseiller de la mise en état par ordonnance en date du 10 janvier 2023 a déjà statué comme suit :
Déclare nouvelles à l'égard de la société Uretek France et de son assureur les demandes de la société Areas dommages tendant, à titre subsidiaire, à voir :
* « condamner la société Uretek et son assureur la société QBE Insurance Europe Limited à relever et garantir la compagnie Areas dommages de la moitié des condamnations prononcées à son encontre »,
* infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a condamné la compagnie Areas dommages à prendre en charge les frais de déménagement, les frais de garde-meubles et le préjudice de jouissance pendant les travaux »
- Déclarons en conséquence irrecevables à l'égard de la société Uretek France et de son assureur lesdites demandes,
Met hors de cause la société QBE Europe SA /NV,
En conséquence,
Déboute les époux [J] de leurs demandes à l'encontre de la société QBE Europe SA /NV,
Condamne la compagnie d'assurance AREAS Assurances à payer à M. [Z] [J] et Mme [N] [E] épouse [J] les sommes suivantes :
- 248 757 euros TTC : au titre du cout des travaux de reprise,
- 2 100 euros : au titre du cout des frais d'hébergement pendant les trois mois de travaux,
- 7 630 euros : au titre des frais de déménagement,
- 1 350 euros au titre des frais de stockage et garde-meubles pour les trois mois,
- 7 200 euros au titre du préjudice de jouissance pour trois mois durant les travaux,
- 6 300 euros au titre du préjudice lié à l'agrandissement,
- Aux dépens de première instance, comprenant les frais d'expertise judiciaire, dont la somme de 5 995,50 € au titre de la facture SOLEA,
- A la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance,
Y ajoutant,
- Condamne la compagnie d'assurance AREAS Assurances aux dépens d'appel, avec distraction directe au profit de la SCP Maître Aude GUIRAUDON SAMSAN, Avocat au Barreau de ALES, avocats,
- Condamne la compagnie d'assurance AREAS Assurances à payer à M. [Z] [J] et Mme [N] [E] épouse [J] la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les autres parties.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,