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13/06/2024 | FRANCE | N°23/03425

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 1ère chambre, 13 juin 2024, 23/03425


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





























ARRÊT N°



N° RG 23/03425 - N°Portalis DBVH-V-B7H-I7TC



AG



JUGE DE LA MISE EN ETAT DE NIMES

19 octobre 2023 RG:22/03827



[J]



C/



[B]































Grosse délivrée

le 13/06/2024

à Me Stépha

ne Gouin

à Me Georges Pomies Richaud











COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

1ère chambre



ARRÊT DU 13 JUIN 2024





Décision déférée à la cour : ordonnance du juge de la mise en état de Nîmes en date du 19 octobre 2023, N°22/03827



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Mme Audrey Gentilini, conseillère, a entendu les pl...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 23/03425 - N°Portalis DBVH-V-B7H-I7TC

AG

JUGE DE LA MISE EN ETAT DE NIMES

19 octobre 2023 RG:22/03827

[J]

C/

[B]

Grosse délivrée

le 13/06/2024

à Me Stéphane Gouin

à Me Georges Pomies Richaud

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

1ère chambre

ARRÊT DU 13 JUIN 2024

Décision déférée à la cour : ordonnance du juge de la mise en état de Nîmes en date du 19 octobre 2023, N°22/03827

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Audrey Gentilini, conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre,

Mme Delphine Duprat, conseillère,

Mme Audrey Gentilini, conseillère,

GREFFIER :

Mme Audrey Bachimont, greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 06 mai 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 13 juin 2024.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANT :

Me [T] [J]

en qualité de liquidateur judiciaire de la Société Services et Recherches S.E.R - I.R.S.A, désigné à cette fonction par jugement du tribunal de commerce de Montpellier du 22 février 2013.

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Stéphane Gouin de la Scp Lobier & Associés, avocat au barreau de Nîmes

INTIMÉE :

Mme [U] [R], [X] [B]

née le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 5] (13)

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Georges Pomies Richaud de la Selarl Cabinet Lamy Pomies-Richaud Avocats Associés, postulant, avocat au barreau de Nîmes

Représentée par Me Thierry Berger, plaidant, avocat au barreau de Montpellier

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre, le 13 juin 2024, par mise à disposition au greffe de la cour

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme [N] [F], secrétaire de la société Ser Irsa qui avait pour objet social la formation pour la prise en charge de malades souffrant de la maladie d'Alzheimer, a détourné à son profit plusieurs chèques destinés à l'URSSAF après les avoir falsifiés.

Par jugement du 22 mars 2012, elle a été condamnée par le tribunal correctionnel de Montpellier pour faux et usage de faux. La société Ser Irsa, représentée par Me [U] [B], s'est constituée partie civile et l'affaire a été renvoyée sur intérêts civils au 20 septembre 2012.

Cette société a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Montpellier du 2 juillet 2012, puis en liquidation judiciaire le 22 février 2013. Me [T] [J] a été désigné en qualité de liquidateur judiciaire.

Par arrêt du 1er avril 2014, la cour d'appel de Montpellier, statuant sur l'appel formé par Mme [F], a réformé la peine prononcée à son encontre, retenu la constitution de partie civile de la société Ser Irsa représentée par Me [B] et renvoyé l'affaire devant le tribunal correctionnel de Montpellier statuant sur intérêts civils.

Le pourvoi en cassation formé par Mme [F] à l'encontre des dispositions pénales et civiles de cet arrêt a été rejeté le 25 mars 2015.

Par jugement du 16 novembre 2015, le tribunal correctionnel de Montpellier a constaté la non-comparution de la partie civile et pris acte de son désistement implicite.

Par actes des 24 août 2022 et 9 novembre 2022, Me [T] [J], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Ser Irsa, a saisi le tribunal judiciaire de Nîmes aux fins de voir engager la responsabilité de Me [B] et en paiement de la somme de 117 152,47 euros.

Par ordonnance du 19 octobre 2023, le juge de la mise en état, saisi d'un incident soulevé par Me [B], a déclaré prescrite l'action en responsabilité de Me [J] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Ser Irsa à son encontre, a déclaré irrecevables les demandes pour cause de prescription et condamné Me [J] à payer à Me [B] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par déclaration du 2 novembre 2023, Me [J], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Ser Irsa, a interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance du 22 janvier 2024, la procédure a été clôturée le 29 avril 2024 et l'affaire fixée à l'audience du 6 mai 2024.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS

Par conclusions notifiées le 24 janvier 2024, Me [T] [J], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Ser Irsa demande à la cour d'infirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions et statuant à nouveau de débouter Me [B] de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel.

Il soutient que le juge de la mise en état ne pouvait pas se fonder sur un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 14 juin 2023 alors que celui-ci n'était évoqué par aucune des parties, sans avoir au préalable réouvert les débats, en violation de l'article 16 du code de procédure civile.

Se fondant sur les dispositions de l'article 2225 du code civil, sur ce revirement de jurisprudence et sur la décision du Conseil constitutionnel du 28 septembre 2023, il soutient que la notion de fin de mission de l'avocat est imprécise, qu'il appartient à l'avocat de prouver qu'il a exécuté son obligation d'information concernant l'existence des voies de recours contre les décisions rendues à l'encontre de son client et qu'à défaut, la prescription ne court pas, sa mission n'étant pas achevée.

Il ajoute que l'avocat doit informer son client de son intention d'être déchargé de son mandat.

Il en déduit que son action à l'encontre de Me [B] n'est pas prescrite, celle-ci ne l'ayant pas informé de sa volonté de ne pas poursuivre son mandat et lui-même ne l'ayant pas déchargée.

Par conclusions notifiées le 4 décembre 2023, Me [U] [B] demande à la cour de confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions, de débouter Me [J], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Ser Irsa, de ses demandes et y ajoutant, de le condamner à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Elle conteste le fait que le juge se serait fondé sur un moyen nouveau pour statuer, n'ayant fait qu'interpréter l'article 2225 du code civil au regard de la jurisprudence, et l'arrêt rendu le 14 juin 2023 ne constituant pas un revirement.

Elle soutient que son mandat a pris fin lors de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Montpellier le 1er avril 2014, dès lors qu'elle ne pouvait représenter Me [J], en qualités de liquidateur judiciaire de la société Ser Irsa, devant la Cour de cassation, et qu'il était nécessaire qu'elle soit à nouveau mandatée pour le représenter devant le tribunal correctionnel statuant sur intérêts civils à la suite du rejet du pourvoi, ce qui n'a pas été le cas.

Elle soutient qu'en tout état de cause son mandat, même s'il avait perduré, a pris fin à l'expiration des délais de recours contre le jugement du 16 novembre 2015 ; que les courriers que lui a adressés Me [J], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Ser Irsa, n'ont pas eu pour effet de prolonger sa mission, aucun échange entre eux n'ayant eu lieu, et qu'elle n'a pas reçu mission d'exécuter la décision de justice obtenue.

Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 954 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en responsabilité

Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Il n'est pas contesté que l'action en responsabilité contractuelle engagée par Me [J] à l'encontre de Me [B] est soumise à ce délai dont celle-ci soutient qu'il a commencé à courir sur le fondement de l'article 2225 du code civil à la fin de sa mission d'avocat, qu'elle fixe au 11 avril 2014, date d'expiration du délai de recours contre l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier.

Me [J], quant à lui, soutient que la prescription n'a pas couru, en application des articles 412 et 419 du code de procédure civile, dès lors que cette avocate ne l'a pas informé des voies de recours susceptibles d'être exercées contre l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier ni de son intention de ne pas poursuivre la mission confiée.

Aux termes de l'article 2225 du code civil, l'action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice, y compris à raison de la perte ou de la destruction des pièces qui leur ont été confiées, se prescrit par cinq ans à compter de la fin de leur mission.

Le délai de prescription de l'action en responsabilité du client contre son avocat, au titre des fautes commises dans l'exécution de sa mission, court à compter de l'expiration du délai de recours contre la décision ayant terminé l'instance pour laquelle il avait reçu mandat de représenter et d'assister son client, à moins que les relations entre le client et son avocat aient cessé avant cette date.

Ainsi, l'avocat est exposé à une action en responsabilité durant cinq années à compter du jour de la décision faisant grief à son client, délai auquel il faut ajouter le délai de recours.

En l'espèce, il convient de vérifier quelle était la mission confiée par Me [J] à Me [B] et de déterminer si cette mission a pris fin et à quelle date.

C'est vainement que l'appelant excipe de la violation par le premier juge du principe du contradictoire, dès lors que la jurisprudence évoquée au jugement n'est que la mise en 'uvre des dispositions de l'article 2225 du code civil, moyen de droit évoqué par les deux parties et qui n'était donc pas nouveau.

Sur le fond, il ressort des éléments du dossier que Me [B] assistait la société Ser Irsa devant le tribunal correctionnel de Montpellier, qui a déclaré recevable sa constitution de partie civile et renvoyé l'affaire sur intérêts civils à l'audience du 20 septembre 2012.

Cette société ayant été placée en liquidation judiciaire, Me [J], en qualité de liquidateur, a par courrier du 21 janvier 2014, confié à Me [B] la mission de se constituer pour son compte à l'audience du 11 février 2014 de la cour d'appel de Montpellier, suite à l'appel interjeté par Mme [F].

Par arrêt du 1er avril 2014, cette cour a notamment reçu sa constitution de partie civile, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Ser Irsa et renvoyé l'affaire sur intérêts civils devant le tribunal correctionnel de Montpellier.

Puis, par courrier du 11 avril 2014, Me [J] a adressé à Me [B] « à titre d'information et pour suite à donner », une copie du pourvoi formé par Mme [F].

Comme l'a justement relevé le premier juge, l'avocat ne peut représenter son client devant la Cour de cassation. Ainsi, l'instance pour laquelle Me [B] avait reçu mandat d'assister la société Ser Irsa a-t-elle pris fin avec l'arrêt de la cour d'appel.

C'est une instance différente qui s'est ouverte devant la Cour de cassation, et également une nouvelle instance qui s'est poursuivie devant le tribunal correctionnel de Montpellier statuant sur intérêts civils.

Le courrier du 11 avril 2014 ne peut s'analyser comme confiant à Me [B] une nouvelle mission d'assistance ou de représentation, que ce soit devant la Cour de cassation ou devant le tribunal correctionnel, s'agissant d'une simple information.

En effet, Me [B] ne pouvait se voir donner mission de représenter les intérêts du liquidateur de la société Ser Irsa dans le cadre du pourvoi interjeté, n'ayant pas la qualité d'avocat au Conseil, et aucune mission de se constituer dans le cadre de l'instance sur intérêts civils ne lui a été confiée.

Quand bien même elle n'aurait pas informé son client des voies de recours possibles à l'encontre de la décision du 1er avril 2014, ce manquement s'analyserait en une faute susceptible d'engager sa responsabilité mais serait sans effet sur la prescription de l'action.

L'appelant ne peut donc pas se prévaloir des dispositions de l'article 412 du code de procédure civile pour prétendre que le délai de prescription n'a pas couru.

Il ne peut davantage se prévaloir des dispositions de l'article 419 du même code, dans la mesure où la fin de la mission d'assistance de Me [B] a résulté de celle de l'instance pour laquelle cette mission lui avait été confiée, et ne nécessitait donc de sa part aucune diligence supplémentaire.

Au contraire, il appartenait à Me [J] ès qualités de lui confier un nouveau mandat dans le cadre de l'instance se poursuivant sur intérêts civils, mandat qui ne peut résulter, comme l'a parfaitement énoncé le premier juge, de courriels adressés entre le 15 avril 2016, soit deux ans après l'arrêt de la cour d'appel, et le 28 septembre 2018, ayant pour seul objet d'obtenir des informations sur l'avancement de la procédure sur intérêts civils et ne pouvant suffire à établir la continuité de la mission précédemment confiée.

Toutefois, c'est à tort que le juge de la mise en état a fixé le point de départ du délai de prescription au 1er avril 2014, alors qu'il ressortait de sa motivation que ce point de départ devait être fixé au jour de l'expiration des délais de recours contre cette décision.

L'arrêt du 1er avril 2014 étant contradictoire, le délai de pourvoi commençait à courir à compter de son prononcé. Ce délai expirait donc le 7 avril 2014, date qui sera retenue comme date de fin de la mission de Me [B].

L'appelant disposait ainsi d'un délai pour agir en responsabilité expirant le 7 avril 2019. Or, son action a été introduite le 24 août 2022, soit plus de cinq ans après, de sorte que la prescription est acquise.

Dans ces conditions, il convient de confirmer, par substitution de motifs, la décision du juge de la mise en état de Nîmes qui a déclaré irrecevable comme prescrite l'action en responsabilité introduite par Me [J], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Ser Irsa à l'encontre de Me [B].

Sur les autres demandes

L'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a condamné Me [J], ès qualités, aux dépens et à payer à Me [B] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Me [J], ès qualités, qui succombe en appel, sera condamné aux dépens de la procédure.

Il serait en outre inéquitable de laisser à la charge de Me [B] les frais engagés en appel et non compris dans les dépens. Me [J], ès qualités, sera condamné à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nîmes du 19 octobre 2023 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne Me [T] [J], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Ser Irsa, aux dépens d'appel,

Condamne Me [T] [J], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Ser Irsa à payer à Me [U] [B] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par le présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23/03425
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;23.03425 ?
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