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06/06/2024 | FRANCE | N°22/01776

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section a, 06 juin 2024, 22/01776


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS















ARRÊT N°



N° RG 22/01776 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IOGW



VH



TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE NIMES

29 avril 2022

RG:19/02935



[T]

[Z]



C/



[X]





































Grosse délivrée

le

à Selarl Chabannes-Reche

...

SCP Lemoine Clabeaut





















COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A





ARRÊT DU 06 JUIN 2024





Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NIMES en date du 29 Avril 2022, N°19/02935



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Mme...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/01776 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IOGW

VH

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE NIMES

29 avril 2022

RG:19/02935

[T]

[Z]

C/

[X]

Grosse délivrée

le

à Selarl Chabannes-Reche ...

SCP Lemoine Clabeaut

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

ARRÊT DU 06 JUIN 2024

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NIMES en date du 29 Avril 2022, N°19/02935

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Nathalie AZOUARD, Présidente de Chambre,

Madame Virginie HUET, Conseillère,

M. André LIEGEON, Conseiller,

GREFFIER :

Céline DELCOURT, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 09 Avril 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 06 Juin 2024.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTES :

Mme [V] [T]

née le 02 Janvier 1967 à [Localité 10]

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Philippe RECHE de la SELARL CHABANNES-RECHE-BANULS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

Mme [U] [Z] veuve [T]

née le 08 Mars 1939 à [Localité 9]

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Philippe RECHE de la SELARL CHABANNES-RECHE-BANULS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉE :

Mme [J] [X]

née le 12 Décembre 1948 à [Localité 10]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Christèle CLABEAUT de la SCP LEMOINE CLABEAUT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 04 Janvier 2024

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Nathalie AZOUARD, Présidente de Chambre, le 06 Juin 2024,par mise à disposition au greffe de la Cour

Mme [X] et les consorts [T] sont voisins mitoyens au 7 et au [Adresse 6].

En 1976, un plan de délimitation a été dressé par le Cabinet [Y], géomètre de la commune de [Localité 3], et avalisé par les consorts [X]/[T].

M. [T], aujourd'hui décédé, a édifié un « cabanon/garage » en limite séparative des deux fonds.

A la suite du décès de M. [L] [T], c'est désormais sa fille Mme [V] [T] qui est propriétaire avec sa mère de cet immeuble.

Mme [X] est propriétaire de la parcelle [Cadastre 8] venant aux droits de M. [D].

* * *

Mme [X] considérant que cette construction empiète illégalement sur son fonds, par acte du 12 octobre 2017, a assigné Mme [U] [T] et Mme [V] [T] devant le tribunal d'instance de Nîmes, sur le fondement des articles 544 et suivants du code civil ainsi que des articles 1382 et suivants du même code, afin de les condamner à démolir sous astreinte la construction édifiée illégalement sur la parcelle des époux [X] et à effectuer les travaux de remblais y afférents, à lui payer la somme de 3 000 euros pour résistance abusive ainsi que la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens de l'instance.

Par jugement en date du 14 mai 2019, le tribunal d'instance de Nîmes s'est déclaré incompétent pour connaître de l'affaire au profit du tribunal de grande instance de Nîmes.

Le tribunal judiciaire de Nîmes, par jugement contradictoire du 29 avril 2022, a :

- Constaté que le cabanon-garage-studio construit illégalement empiète sur la propriété de Madame [J] [X] cadastrée [Cadastre 8] sur la commune de [Localité 3].

- Constaté que la possession de cette construction ne remplit pas les conditions de l'article 2261 du code civil,

- Constaté que la prescription acquisitive n'est pas acquise,

- Condamné Mme [U] [Z] veuve [T] et Mme [V] [T] à démolir la partie du « cabanon-garage-studio de 25 m² » qui empiète sur la propriété de Madame [J] [X] et le comblement de la cave creusée illégalement dans un délai de trois mois à compter de la signification de la décision à intervenir,

- Dit qu'à défaut d'exécution dans l'intégralité des destructions et comblement de la cave prescrits ci-dessus dans le délai susvisé, Mme [U] [Z] veuve [T] et Mme [V] [T] devront payer à Mme [J] [X] une astreinte de 150 euros par jour de retard pendant une période de 10 mois au-delà de laquelle il sera à nouveau statuer en tant que de besoin par la juridiction de céans,

- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- Condamné Mme [U] [Z] veuve [T] et Mme [V] [T] au paiement in solidum des entiers dépens,

- Condamné Mme [U] [Z] veuve [T] et Mme [V] [T] à payer in solidum à Mme [J] [X] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par acte du 23 mai 2022, Mme [U] [Z] veuve [T] et Mme [V] [T] ont régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par conclusions d'incident du 17 octobre 2022, Mme [J] [X] a saisi le conseiller de la mise en état d'une demande de radiation en application de l'article 524 du code de procédure civile, puis s'est désistée de son incident.

Par ordonnance du 26 septembre 2023, le conseiller de la mise en état a notamment constaté le désistement de l'incident de radiation de l'appel de Mme [J] [X].

Par ordonnance du 31 octobre 2023, la clôture de la procédure a été fixée au 4 janvier 2024, l'affaire a été fixée à l'audience du 30 janvier 2024, puis déplacée à l'audience du 9 avril 2024 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 06 juin 2024.

EXPOSE DES MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 juillet 2022, Mme [U] [Z] veuve [T] et Mme [V] [T], appelantes, demandent à la cour de :

- Déclarer l'appel des concluantes recevable et bien fondé,

- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

- Constater à la lecture du plan d'état des lieux établi par Monsieur [Y] géomètre expert qu'une partie du garage et de la clôture séparative des deux fonds cadastrés [Cadastre 8] et [Cadastre 7] se situe sur la parcelle de Madame [X],

- Juger en l'état des documents produits que cet empiètement remonte au tout le moins avant le 11 mai 1986 soit depuis plus de trente ans avant la délivrance de l'assignation introductive d'instance,

- Juger en conséquence que les concluantes sont désormais propriétaires par usucapion de la bande de terrain litigieuse située au droit du muret séparatif entre les deux parcelles cadastrées [Cadastre 8] et [Cadastre 7] et sur laquelle a été implantée le cabanon /garage litigieux par application de l'article 2261 du Code civil,

- Débouter en conséquence Madame [X] de l'intégralité de ses demandes fins et conclusions,

- La condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au paiement la somme de 2500 € au titre article 700 du code de procédure civile,

- Ordonner la publication de l'arrêt à intervenir au Service de Publicité Foncière.

Au soutien de leurs prétentions, les appelantes font essentiellement valoir qu'il n'est pas contesté que le cabanon est en réalité un garage qui a été construit au droit de la clôture physique délimitant à l'époque les deux fonds et que cette limite séparative matérialisée par le mur de clôture ne correspond pas aux limites établies en 1976 par le géomètre expert [Y].

Elles exposent que M. et Mme [T] sont propriétaires depuis 1974 d'une parcelle cadastrée section [Cadastre 7] comprenant leur maison d'habitation à [Localité 3] et que depuis cette date ils se sont comportés de manière continue, non interrompue, paisible, publique et non équivoque en qualité de propriétaires.

Elles affirment que la seule question qui doit être tranchée par le juge est celle de la date à laquelle le « cabanon/garage » a été construit. Elles soulignent que les attestations versées aux débats permettent de dater la construction de ce cabanon au plus tard à la fin de l'année 1985 et reprochent au premier juge de les avoir écartées aux motifs qu'« elles ne mentionnent pas de façon manuscrite qu'elles sont établies en vue de leur production en justice et que ses auteurs ont connaissance qu'une fausse attestation de leur part les expose à des sanctions pénales », alors qu'il résulte d'une jurisprudence constante que les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité, le juge ne pouvant donc rejeter une attestation comme non conforme aux exigences dudit article sans préciser en quoi l'irrégularité constatée constituait l'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public faisant grief à la partie qui l'attaque. Elles considèrent qu'en l'espèce l'absence de cette formalité ne cause aucun grief à la partie adverse compte tenu de la teneur très précise des déclarations des attestants.

En outre, elles font observer que le premier juge n'a pas pris en compte une photographie datée du 7 juillet 1985 sur laquelle figure le garage litigieux. Concernant une prise de vue IGN du 11 mai 1986 sur laquelle le cabanon peut être distingué, elles reprochent également au premier juge d'avoir mentionné que « Attendu toutefois que les requises versent au dossier un courrier en date du 22/06/2016 avec annexé une prise de vue IGN en date du 11 mai 1986 produite par M. [W] géomètre-expert, courrier dans lequel ce dernier indique : " J'ai l'honneur de vous faire parvenir la photo aérienne du 11.05.1986 certifiée ainsi que trois agrandissements. Le cabanon est parfaitement apparent sur les documents." ; que cependant, le courrier de M. [W] et les photographies ne sont accompagnées d'aucun document émanant de l'IGN certifiant la date de prise de vue de ces photographies aériennes, de sorte que l'affirmation de M. [W] contenue dans le courrier du 4 juin 2016 qui intervenait dans le cadre d'un mandat des défenderesses ne saurait en l'absence de production de la certification par l'IGN de la date de prise de vue des photos aériennes être prise en considération » alors qu'il suffisait de consulter au verso la photographie originale produite pour constater qu'elle était bien datée et certifiée, ce qui n'a d'ailleurs jamais été discuté par l'intimée, de sorte qu'elles démontrent bien en application de l'article 2261 du code civil l'existence trentenaire du « cabanon », la construction étant nécessairement antérieure au 11 mai 1986, et le seul acte interruptif de prescription étant l'assignation délivrée le 12 octobre 2017. Elles font valoir qu'elles n'ont pas signé le compte rendu du conciliateur et que ce dernier est en tout état de cause soumis à la confidentialité.

En réplique aux écritures de la partie adverse, elles font valoir que l'obtention d'une autorisation d'urbanisme n'est pas mentionnée à l'article 2261 du code civil comme condition de l'usucapion.

En l'état de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 octobre 2022, Mme [J] [X], intimée, demande à la cour de :

Vu l'article 2261 du code civil,

Vu l'article 1240 du code civil

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Vu le jugement du tribunal judiciaire de Nîmes en date du 29 avril 2022,

Vu la déclaration d'appel du 23 mai 2022,

Vu les présentes conclusions et les pièces versées aux débats,

- Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nîmes en date du 29 avril 2022,

- Constater que le cabanon-garage-studio a été construit illégalement sans aucune autorisation d'urbanisme,

- Constater que le cabanon-garage-studio construit illégalement empiète sur la propriété de Madame [X],

- Constater que la possession de cette construction ne remplit pas les conditions de l'article 2261 du code civil,

- Constater que la prescription acquisitive n'est pas acquise,

- Rejeter l'intégralité des demandes fins et prétentions de Madame [U] [T] et de Madame [V] [T],

- Ordonner la démolition de la partie du « cabanon-garage-studio de 25 m² » qui empiète sur la propriété de Madame [X] et le comblement de la cave creusée illégalement dans un délai d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir, et ce sous astreinte de 250 € par jour de retard passé ce délai,

- Condamner Madame [U] [T] et de Madame [V] [T] in solidum à porter et payer à Madame [X] une somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la résistance abusive et injustifiée opposée,

- Les condamner in solidum au paiement d'une somme de 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens, en ce compris la sommation d'huissier.

L'intimée expose qu'elle est devenue propriétaire par acte de donation en date du 31 janvier 1970 de la parcelle cadastrée [Cadastre 8] sise [Adresse 5].

Elle fait valoir que Mmes [T] ne contestent pas le fait que la construction a été réalisée en limite séparative et qu'elle empiète illégalement sur sa propriété. Elle affirme qu'il n'est pas non plus contesté que Mme [V] [T] s'était engagée à démolir le « cabanon » avant la fin de l'année et à tailler les arbres débordant sur la propriété [X] le 21 septembre 2015, devant le médiateur M. [P].

Elle soutient que la propriété est imprescriptible et que Mmes [T] ne pourraient donc se voir attribuer une bande de terrain qui lui appartient comme le confirment son acte de propriété ainsi que le plan établi par M. [Y] en 1976, dont les limites ont été confirmées par un procès-verbal de rétablissement de limites, réalisé par M. [S], géomètre expert, le 25 septembre 2018.

Elle fait valoir que la prescription trentenaire n'est pas acquise, rappelant qu'il appartient à celui qui la revendique de rapporter la preuve que les conditions d'application de l'article 2261 du code civil sont remplies et qu'en l'espèce tel n'est pas le cas. Elle considère, en effet, qu'il y a une impossibilité matérielle de dater la construction au regard des attestations versées aux débats imprécises, vagues et irrecevables en justice ainsi que des photographies qui sont inexploitables. Elle fait remarquer que le « cabanon » qui apparaîtrait sur les clichés ne peut être que le hangar agricole construit par son père, M. [D], et qui a ensuite été détruit en 1991 lors de la construction de son habitation. Elle indique que sur le cliché datant de 1986 qu'elle verse aux débats, l'on peut voir qu'un seul bâtiment qui consiste dans ce hangar agricole, et sur celui datant de 1988, les deux bâtiments : d'une part, le hangar agricole construit par M. [D], d'autre part, le cabanon construit par M. [T], de sorte qu'au regard de ces clichés IGN la construction date de 1988, ce qui est confirmé par des attestations qu'elle produit.

Elle ajoute que la possession invoquée n'a pas été paisible et non équivoque puisque dès 2011 elle a informé l'administration de l'empiétement, entamé les démarches de médiation et des tentatives amiables auprès de ses voisines, qu'elle a déposé une plainte le 14 février 2015 et qu'un courrier de Mme [V] [T] en date du 10 février 2016 fait état de son acceptation de mettre fin au litige de manière amiable. Par ailleurs, elle soutient que « nul ne peut prescrire en vertu d'une possession s'établissant sur des actes illicites ou irréguliers », qu'en l'espèce Mmes [T] ne versent au débat aucune autorisation d'urbanisme concernant la réalisation de ce cabanon-garage-studio sur sa propriété et que, par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné la démolition du garage illicite et le rebouchage de la cave creusée sur sa propriété, sous astreinte.

Elle fait valoir qu'elle justifie de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la résistance abusive et injustifiée de Mmes [T] dès lors que l'empiètement a un caractère incontestable du fait de la construction illicite et irrégulière et qu'il crée des nuisances sonores ainsi que dans la mesure où en raison du comportement de la famille [T] elle est suivie psychologiquement.

Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

La cour rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de 'constatations' ou de 'dire' lorsqu'elles constituent de seuls moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.

Sur la demande principale d'usucapion :

La cour constate que les consorts [T] ne contestent pas que le cabanon/garage soit construit sur une bande de terrain qui appartient à Mme [X].

Mesdames [T] entendent invoquer à leur profit l'usucapion de la bande de terrain litigieuse en ce compris celle sur laquelle a été construit le garage.

Les conditions de l'acquisition de la propriété par possession acquisitive sont posées à l'article 2261 du code civil. Ce dernier dispose : « Pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire ».

Il appartient ainsi aux appelantes d'apporter la preuve de l'existence d'une possession continue et non interrompue paisible publique non équivoque et exercée à titre de propriétaire pendant plus de trente ans.

Au titre de la possession continue pendant 30 ans :

Selon les appelantes, les attestations versées aux débats dans le cadre de la première instance permettaient de dater la construction de ce cabanon au plus tard à la fin de l'année 1985.

Le tribunal a retenu comme irrecevables étant non conformes aux exigences de l'article 202 du code de procédure civil les attestations versées aux débats. Il n'a pas retenu non plus un courrier en date du 22 juin 2016 avec annexé une prise de vue IGN en date du 11 mai 1986 dans lequel M. [W] affirme que le cabanon / garage est parfaitement apparent, le premier juge estimant que les photos versées ne sont accompagnées d'aucun document de l'IGN certifiant la date de prise de vue de ces clichés de sorte que les documents ne peuvent être retenus comme recevables.

En l'espèce, les appelantes versent aux débats :

M. [H] [R] ex-époux de Madame [V] [T] précise dans son attestation du 20 avril 2017, avoir rencontré sa future épouse « début septembre 1985 » (') "Je me souviens très bien que lorsque je suis entré dans la famille, Monsieur [T] [L], mon ex-beau-père, avait bien terminé cet appentis fermé derrière la maison. Je suis resté dans la famille pendant 25 ans et mon ex- beau-père s'était basé sur la clôture déjà faite par la famille [X] (grillage à l'époque) pour y construire cet appentis"' « à ce moment-là aucun litige ».

Madame [A] [B], une voisine propriétaire d'une parcelle contigüe domiciliée au [Adresse 2] atteste : « lorsque M. [T] a bâti la petite construction » (') « Quant à la date de construction, je peux la situer précisément au cours de l'année 1985 au plus tard. Cette année-là nous avons fêté les 20 ans d'une de mes nièces dans ma cour et chacun se souvient de son existence ».

Madame [M] [G], une autre voisine domiciliée [Adresse 4] atteste le 7 mai 2017 :

« En mai 1984, nous sommes arrivés à [Adresse 4] dans notre villa, juste face à celle de la famille [T] [L] située au n°9. J'atteste qu'à cette époque, Monsieur [T] a construit un petit local fermé. Il voulait y remiser son matériel et je me souviens également qu'il a décidé de creuser une cave juste en dessous... ».

M. et Mme [K], voisins, situés [Adresse 1] attestent le 16 mars 2018 : « Nous nous souvenons que 3 ou 4 ans plus tard, ils ont construit un appentis fermé qui s'est terminé courant 1985. Puisque nous étions invités à la communion de leur fille [E] au mois de mai 1984. »

Il est constant que les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité.

L'intimée verse aux débats plusieurs attestations. Deux sont inutiles concernant la construction du cabanon garage puisqu'elles attestent de nuisances sonores. Deux autres sont plus que laconiques car elles attestent simplement d'une phrase par chacune des s'urs de l'intimée que pour l'une « j'atteste avoir vu M. [T] [L], construire son garage courant année 1988 » et l'autre « en 1988 j'atteste avoir vu M. [T] construire son garage, ignorant qu'il construisait sur notre terrain ». Ces deux attestations de deux personnes nées en 1933 et 1932 ne seront pas retenues par la cour, en ce qu'elles affirment simplement un fait sans le rattacher à un quelconque évènement, ou moment de vie qui permettrait de le rendre crédible.

Les appelantes versent aux débats par l'intermédiaire de M. [W] géomètre expert, une prise de vue IGN du 11 mai 1986 sur laquelle peut être distingué le cabanon. Il est annexé à cette photographie un courrier en date du 22 juin 2016 avec la prise de vue IGN en date du 11 mai 1986 de M. [W] géomètre-expert, courrier dans lequel ce dernier indique : " J'ai l'honneur de vous faire parvenir la photo aérienne du 11.05.1986 certifiée ainsi que trois agrandissements. Le cabanon est parfaitement apparent sur les documents." La photographie, contrairement à ce qu'indique le premier juge, est certifiée au verso par « le chef de la photothèque nationale ».

La simple affirmation par l'intimée que l'expert géomètre se trompe et que le cabanon sur la photographie est celui de son père, appuyée par une autre photographie qui serait datée de 1988, est insuffisante pour venir démentir l'affirmation du géomètre. Le permis de construire de 1991 de M. [D] n'est pas plus probant.

La cour déduit des attestations circonstanciées et concordantes ajoutées à la photographie aérienne certifiée que le « cabanon/garage » litigieux a été nécessairement construit avant le 11 mai 1986 et non pas en 1988 comme le soutient l'intimée.

La possession continue et non interrompue est donc démontrée, pour être de plus de trente ans.

Le caractère non équivoque n'est pas contesté.

* * *

Sur le caractère paisible de la possession :

L'intimée considère à tout le moins que la possession n'est pas paisible et que de surcroit elle est illégale.

Il est constant que le non-respect des règles de l'urbanisme applicables à des travaux de construction ne fait pas obstacle, en l'absence d'actes de possession illicites pour être contraires à l'ordre public ou aux bonnes m'urs, à ce que le possesseur du terrain d'assiette en acquiert la propriété par prescription.

Le moyen selon lequel Mesdames [T] ne versent aux débats aucune autorisation d'urbanisme concernant la réalisation du cabanon-garage sur la propriété de Mme [X] est ainsi inopérant.

Une résolution amiable du litige a été tentée en 2015. Il est rappelé que cela est et reste confidentiel et ne peut être produit dans une autre instance. En effet, au titre de l'article 129-4 du code de procédure civile concernant la conciliation ou aux termes de l'article 131-14 du même code concernant la médiation ; les constatations (du conciliateur ou du médiateur) et les déclarations qu'il recueille ne peuvent être ni produites ni invoquées dans la suite de la procédure sans l'accord des parties ni, en tout état de cause, dans une autre instance.

Le document versé aux débats intitulé : « compte rendu de médiation en date du 21 septembre 2015 » sera donc écarté des débats.

Madame [X] verse aux débats un dépôt de plainte en date du 14 février 2015 à la suite, selon elle, de violentes injures et des jets d'huile sur le mur de l'entrée de sa propriété. La lecture de ce procès-verbal de plainte démontre la dégradation des relations de voisinage mais non d'un conflit relatif à la propriété de ce mur.

En conclusion, il ressort de l'étude des pièces versées aux débats par les parties que le seul acte interruptif de prescription est l'assignation délivrée le 12 octobre 2017, alors que la possession était continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire depuis au moins le 11 mai 1986.

En conséquence, il y a lieu de retenir la prescription acquisitive et d'infirmer la décision sur ce point.

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive :

L'intimée sollicite le paiement de la somme de 2 500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la résistance abusive et injustifiée opposée.

Le droit d'agir en justice ne dégénère en abus que dans l'hypothèse de malice ou mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol mais l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une faute.

Il ne peut en l'espèce être reproché à Mesdames [T] d'avoir agi à l'encontre de Mme [X] en l'absence de preuve d'une mauvaise foi de leur part non caractérisée en l'espèce de sorte que la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive sera rejetée par voie de confirmation de la décision déférée.

Sur les frais du procès :

Succombant à l'instance, Mme [X] sera condamnée à en régler les entiers dépens, de première instance et d'appel en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Aucune considération d'équité ne commande en revanche de faire droit aux demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile, que ce soit en première instance ou en appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile, et en dernier ressort,

- Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a débouté Mme [X] de sa demande en procédure abusive,

Statuant à nouveau de ces chefs :

Constate à la lecture du plan d'état des lieux établi par M. [Y] géomètre expert qu'une partie du garage et de la clôture séparative des deux fonds cadastrés [Cadastre 8] et [Cadastre 7] se situe sur la parcelle de Mme [J] [X],

Dit en l'état des documents produits que cet empiètement remonte à tout le moins avant le 11 mai 1986 soit depuis plus de trente ans avant la délivrance de l'assignation introductive d'instance en date du 12 octobre 2017,

Dit en conséquence que Mme [V] [T] et Mme [U] [Z] veuve [T] sont désormais propriétaires par usucapion de la bande de terrain litigieuse située au droit du muret séparatif entre les deux parcelles cadastrées [Cadastre 8] et [Cadastre 7] et sur laquelle a été implanté le cabanon /garage litigieux construit par M. [T] par application de l'article 2261 du code civil,

Condamne Mme [J] [X] aux dépens de première instance,

Déboute les parties de leurs demandes respectives formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Y ajoutant,

Condamne Mme [J] [X] aux dépens d'appel,

Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section a
Numéro d'arrêt : 22/01776
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;22.01776 ?
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