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23/05/2024 | FRANCE | N°22/01262

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section a, 23 mai 2024, 22/01262


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 22/01262 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IMYE



NA



TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE CARPENTRAS

18 janvier 2022 RG :21/00279



S.A.S.U DOMENOV



C/



[I]









































Grosse délivrée

le

à Selarl Avouepericchi



Me Colloca







COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A



ARRÊT DU 23 MAI 2024





Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CARPENTRAS en date du 18 Janvier 2022, N°21/00279



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Mme Nathalie AZOUARD, Présiden...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/01262 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IMYE

NA

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE CARPENTRAS

18 janvier 2022 RG :21/00279

S.A.S.U DOMENOV

C/

[I]

Grosse délivrée

le

à Selarl Avouepericchi

Me Colloca

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

ARRÊT DU 23 MAI 2024

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CARPENTRAS en date du 18 Janvier 2022, N°21/00279

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Nathalie AZOUARD, Présidente de Chambre, et M. André LIEGEON, Conseiller, ont entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats et en ont rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Nathalie AZOUARD, Présidente de Chambre

Virginie HUET, Conseillère

André LIEGEON, Conseiller

GREFFIER :

Céline DELCOURT, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 26 Mars 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 23 Mai 2024.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

S.A.S.U DOMENOV, représentée son mandataire ad hoc la COMPAGNIE IMMOBILIERE MEDITERRANEE MAISONS INDIVIDUELLES, Société par actions simplifiée immatriculée au RCS de MANOSQUE sous le n° 707 150 157 dont le siège social est [Adresse 7] (FRANCE), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège désigné par une ordonnance du Tribunal de commerce d'AIX-EN-PROVENCE du 11 octobre 2023

55 AV de la 1ERE DIV FRANCAISE LIBRE

Les Plâtrières CS20044

[Localité 2]

Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Géraldine PUCHOL de la SELARL SELARL JEANNIN PETIT PUCHOL, Plaidant, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMÉE :

Mme [N] [I]

née le 24 Février 1950 à [Localité 8]

Chez Madame [D] [X]

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par Me Alexandre NAZ de la SELARL CONCORDE AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de LYON

Représentée par Me Cindy COLLOCA, Postulant, avocat au barreau de CARPENTRAS

INTERVENANTE

S.A.S. COMPAGNIE IMMOBILIERE MEDITERRANEE MAISONS INDIVIDUELLES immatriculée au RCS de Manosque sous le n° 707 150 157, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège représentant en qualité de liquidateur de la société DOMENOV dont le iège social est [Adresse 4] (FRANCE), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Géraldine PUCHOL de la SELARL SELARL JEANNIN PETIT PUCHOL, Plaidant, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 29 Février 2024

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Nathalie AZOUARD, Présidente de Chambre, le 23 Mai 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme [I] a signé avec la Société DOMENOV, demanderesse, un marché de travaux pour la rénovation d'un studio et d'un garage lui appartenant à [Localité 9], [Adresse 10], le 2 août 2016, pour un montant de 107.885 euros TTC.

Les travaux ont débuté le 30 avril 2019 selon la société DOMENOV, le 28 juin ou le 1er juillet 2019 selon Mme [I].

Puis, le projet a été modi'é, conduisant à l'adjonction d'un certain nombre de prestations et au retrait de certaines autres, un avenant n°1 a été régularisé le 20 mai 2019 par les parties dont il résulte un solde de plus-value de 17.208 euros TTC.

Au cours des travaux, un litige s'est noué entre les parties. En effet, Mme [I] a refusé de payer les situations de travaux à compter du mois de novembre 2019, opposant un rapport d'expertise privé du Cabinet [L] EXPERTISE, mandaté par ses soins, aux termes duquel il est prétendu que la Société DOMENOV n'aurait accompli que 50 % des travaux facturés pour 80% du marché.

Mme [I] a cessé de régler les différents appels de fonds postérieurs à novembre 2019.

La Société DOMENOV lui a notifié par lettre recommandée avec accusé de réception le 28 aout 2020 la suspension du chantier en application de l'article 16 des conditions générales du contrat.

Mme [I], par la voie d'un conseil, a noti'é par courrier du 3 février 2021, une résiliation du marché aux torts de la société DOMENOV en la convoquant à des opérations de réception le 26 février 2021 auxquelles cette dernière ne s'est pas rendue.

La société DOMENOV a assigné, suivant exploit du 11 février 2021, Mme [I] devant la juridiction de céans aux 'ns de voir constater la résiliation du marché de travaux à ses torts exclusifs et de solliciter sa condamnation à diverses indemnités.

Mme [I] a conclu au rejet des demandes de la société DOMENOV et a sollicité, à titre reconventionnel, de la voir condamner à lui payer diverses sommes.

Le jugement rendu le 18 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Carpentras a statué ainsi qu'il suit :

Dit que le contrat de rénovation conclu entre Mme [N] [I] et la société DOMENOV ne constitue pas un marché à forfait,

Dit que le marché de travaux régularisé entre la société DOMENOV et Mme [N] [I] a été résilié aux torts exclusifs de la société DOMENOV par courrier recommandé avec avis de réception du 3 février 2021 à bon droit,

Rejette l'ensemble des demandes formulées par la société DOMENOV,

Condamne la société DOMENOV à payer la somme de 12 231€ à Mme [N] [I] au titre du trop-perçu concernant les travaux facturés mais non réalisés,

Déboute Mme [N] [I] de ses demandes au titre des pénalités de retard et du préjudice de jouissance,

Condamne la société DOMENOV à payer à Mme [N] [I] la somme de 5000€ au titre du préjudice moral,

Condamne la société DOMENOV à payer à Mme [N] [I] la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamne la société DOMENOV aux entiers dépens de l'instance y compris le remboursement du coût du commandement.

Autorise la SELARL CONCORDE AVOCATS à recouvrer directement les sommes dues par la société DOMENOV,

Ordonne l'exécution provisoire.

- Sur la résiliation du marché de travaux le tribunal relève que les parties ont conclu un contrat de rénovation signé 1e 8 août 2016 constitué de conditions générales, conditions particulières et d'une notice descriptive des travaux ainsi que d'un avenant n°1 du 20 mai 2019 contresigné par les parties.

Le tribunal rappelle qu'en application de l'article 1793 du code civil, lorsqu'un architecte ou un entrepreneur s 'est chargé de la construction à forfait d'un bâtiment, d'après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l'augmentation de la main d''uvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d'augmentations faits sur ce plan, si ces changements ou augmentations n'ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu avec la propriétaire .

Les premiers juges considèrent qu'en l'espèce, la rénovation lourde du studio nécessitant l'adaptation et la modi'cation du gros 'uvre et ne représentant pas de simples travaux d'aménagement peuvent être assimilés à une construction au sens de 1'article 1793, mais que par contre, de principe, ne peut être quali'é de marché à forfait la convention par laquelle un entrepreneur a été chargé de travaux de rénovation et de transformation d'un immeuble, alors qu'aucun document sérieux n'avait été établi, que le devis préparé était très imprécis et que les plans n'avaient aucun caractère contractuel, et qu'il en va de même lorsque les conditions d'exécution des travaux, les délais, les obligations des entreprises, la masse des travaux ainsi que les conditions de règlement sont mal définis.

Or selon la décision critiquée, la société DOMENOV ne produit aucun plan ni de conception ni d'exécution mais seulement un devis général sans précision sur la masse des travaux, leur coût sinon global pour l'intégralité des travaux, le délai d'exécution étant 'xé très vaguement par une clause des conditions générales.

Elle ajoute qu'il résulte des pièces fournies par Mme [I] que le marché a avancé sans aucun ordre ni plan dé'ni et que la société DOMENOV n'a d'ailleurs même pas respecté les versements prévus contractuellement puisqu'elle n'a pas hésité d'une part à exiger des versements à 30%, 50%, 70% de l'achèvement des travaux et d'autre part à calculer ces versements non par rapport à l'achèvement des fondations, étant observé qu'il n'y en avait pas, en l'espèce, ni à l'achèvement des murs, à la mise hors d'eau, à 1'achèvement des cloisons et à la mise hors d'air, ou l'achèvement des travaux d'équipement, de plomberie, de menuiseries et de chauffage mais en calculant, pour chaque appel de fonds, le pourcentage de la partie 'xe, de la maçonnerie, des menuiseries extérieures, du placo, de l'é1ectricité, de la plomberie, du carrelage, de l'enduit, la société DOMENOV, allant jusqu'à réclamer un appel de fonds de 80% alors que la maçonnerie n'était pas achevée et que la terrasse n'était pas démolie notamment.

Ainsi pour la juridiction de première instance il s'ensuit que ce marché de travaux ne peut être qualifié de marché à forfait et par conséquent, les articles 1793 et 1794 du code civil étant inapplicables au cas d'espèce, il y a lieu, en présence d'un simple marché de travaux, de statuer au visa de l'article 1183 dans sa version antérieure au regard de la date des faits, lequel article dispose que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point son engagement.

Les premiers juges rappellent ensuite que, dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit, la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, ayant le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander en justice la résolution avec dommages et intérêts.

Au cas d'espèce, le tribunal relevant que la société DOMENOV n'a jamais établi de plan de conception, ni de plan d'exécution, ni indiqué le montant des travaux et le prix HT et TTC poste par poste, ni le délai d'exécution des travaux, n'a pas respecté les conditions contractuelles quant aux appels de fonds, a également ignoré les demandes de Mme [I] quand cette dernière s'est interrogée sur ces points et est restée taisante la plupart du temps sur les malfaçons signalées régulièrement, rapport à l'appui du cabinet [L] EXPERTISE, qui les a constatées, retient que la société DOMENOV a commis de nombreuses fautes, entrainant la résiliation du marché par Mme [I], à bon droit aux torts de la société.

La décision critiquée considère que de plus fort la société DOMENOV est mal fondée à solliciter l'indemnité de résiliation prévue à l'article 28 des conditions générales du contrat en cas dc résiliation du contrat par le maitre de 1'ouvrage.

- Sur les demandes en paiement de la société DOMENOV la décision déférée reprend les conditions contractuelles et les appels de fonds effectués et rappelle qu'en application de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et qu'il appartient donc à la société DOMENOV de démontrer que les travaux étaient au stade d'achèvement correspondant aux appels de fonds ce qu'elle ne fait pas, les éléments produits (photographies de l'état du chantier au moment de son arrêt, facture du sous-traitant) étant insuffisants pour démontrer l'état d'avancement du chantier alors qu'inversement, Mme [I] produit le rapport d'expertise du cabinet [L] EXPERTISE qui, certes, n'est pas contradictoire mais peut être retenu comme élément de preuve de même que ceux versés aux débats par la demanderesse.

Au vu de ces considérations les premiers rejettent la demande de la société DOMENOV.

- Sur les demandes de Mme [I] :

* Sur le trop-perçu de 12 231 € la décision déférée au vu du rapport non sérieusement critiqué du cabinet [L] EXPERTISE, retient que Mme [I] a payé la somme de 12.231 € en trop et que la société DOMENOV sera condamnée à la lui rembourser.

* Sur les pénalités de retard réclamées en application des clauses contractuelles, les premiers juges considèrent compte tenu d'une part, que les parties ne s'accordent pas sur la date d'ouverture du chantier, (pour 1e constructeur le 30 avril 2019, pour Mme [I] le 28 juin ou le 1er juillet 2019) sans que des éléments véritablement probants soient produits, et d'autre part, que le contrat prévoyait une durée d'exécution des travaux d'un mois par tranche commencée de 10.000€ de montant contractuel et Mme [I] ayant cessé ses versements postérieurement à novembre 2019, le constructeur était en droit, même si, au 'nal la résiliation est prononcée à ses torts exclusifs, de suspendre les travaux au vu du con'it l'opposant au maitre de l'ouvrage, si bien que les pénalités de retard contractuelles ne seront pas dues.

* Sur le préjudice de jouissance pour lequel Mme [I] demande réparation la juridiction retient que Mme [I] ayant été rétablie dans ses droits, n'aura réglé que le prix des travaux effectués et non celui d'un immeuble achevé, si bien qu'elle ne peut réclamer un préjudice de jouissance outre le fait qu'elle ne justifie pas de la difficulté invoquée à trouver des entreprises aux fins d'achèvement des travaux.

*Sur le préjudice moral dont Mme [I] sollicite l'indemnisation à hauteur de la somme de 7000 €, le tribunal expose qu'il est certain que Mme [I] a subi des tracas du fait des conditions de la réalisation fautive du chantier et du présent procès pour lesquels elle est bien fondée à obtenir réparation fixée à la somme de 5 000 €.

La société DOMENOV a interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe en date du 6 avril 2022.

Par ordonnance, la clôture de la procédure a été fixée au 29 février 2024, l'affaire a été fixée à l'audience du 26 mars 2024, et mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 23 mai 2024.

 

EXPOSE DES MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

 

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 octobre 2023, la société DOMENOV, représentée par son mandataire ad'hoc, demande à la cour de :

Vu les articles 1134 et 1147 ancien et 1794 du Code civil,

Vu l'article L111-1 et L212-1 du Code de la consommation,

Vu l'article 1152 du Code civil dans sa version applicable,

INFIRMER le jugement du tribunal judiciaire de CARPENTRAS du 18 janvier 2022 en ce qu'il a statué comme suit :

« - DIT que le contrat de rénovation conclu entre Madame [N] [I] et la Société DOMENOV ne constitue pas un marché à forfait ;

- DIT que le marché de travaux régularisé entre la Société DOMENOV et Madame [N] [I] a été résilié aux torts exclusifs de la Société DOMENOV par courrier recommandé avec avis de réception du 3 février 2021 à bon droit,

- REJETTE l'ensemble des demandes formulées par la société DOMENOV ;

- CONDAMNE la Société DOMENOV à payer la somme de douze mille deux cent trente et un euros (12 231 €) à Madame [I] au titre du trop-perçu concernant les travaux facturés mais non réalisés ;

- CONDAMNE la Société DOMENOV à payer à Madame [N] [I] la somme de cinq mille euros (5.000 €) au titre du préjudice moral ;

- CONDAMNE la société DOMENOV à payer à Madame [N] [I] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- CONDAMNE la Société DOMENOV aux entiers dépens de l'instance y compris le remboursement du cout du commandement ;

- AUTORISE la SELARL CONCORDE AVOCATS à recouvrer directement les sommes dues par la société DOMENOV »

Le REFORMANT,

-Qualifier le contrat conclu entre Madame [I] et la Société DOMENOV de marché à forfait ;

-Prononcer la résiliation judiciaire du contrat aux torts exclusifs de Madame [I] ;

-Condamner Madame [I] à payer à la Société DOMENOV représentée par son mandataire ad hoc la Société CIM MI la somme de 24.462,40 € TTC au titre de l'état d'avancement de l'exécution du contrat de construction au moment de sa résiliation et assorti des intérêts de 1% par mois à compter de leur échéance respective, savoir à compter du 15 décembre 2019 pour une première somme de 12.231,20 € et à compter du 15 janvier 2020 pour la seconde même somme ;

-Condamner Madame [I] à payer à la société DOMENOV représentée par son mandataire ad hoc la société CIM MI la somme de 12.231,20 € au titre de l'indemnité de résiliation dudit contrat ;

-Assortir les sommes ci-dessus des intérêts au taux légal à compter du 4 aout 2020 capitalisés par anatocisme à compter de l'assignation en justice,

-Débouter Madame [I] de toutes ses demandes fins ou conclusions ;

-Confirmer le jugement au besoin par substitution de motifs en ce qu'il a débouté Madame [I] de ses demandes au titre des pénalités de retard de livraison,

Subsidiairement, limiter les prétentions de Madame [I] au titre des pénalités de retard à la somme de 2.943 € et débouter Madame [I] de toutes demandes plus amples ou contraires ;

-Confirmer le jugement au besoin par substitution de motifs en ce qu'il a débouté Madame [I] de sa demande au titre du préjudice de jouissance ;

-Débouter Madame [I] de son appel incident quant au quantum du préjudice moral ;

-Débouter Madame [I] de sa demande au titre des frais engagés prétendument pour l'expertise amiable ;

-Débouter Madame [I] de sa demande au titre des frais engagés pour le constat de Maitre [O], huissier de justice ;

-Débouter Madame [I] de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et des dépens ;

-Condamner Madame [I] à payer à la Société DOMENOV représentée par son mandataire ad hoc la société CIM MI la somme de 8.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

-Condamner Madame [I] aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de la SELARL AVOUEPERICCHI.

L'appelante fait d'abord valoir à titre liminaire que :

-la Société DOMENOV a fait l'objet d'une dissolution amiable en date du 24 juin 2022 et la Société CIM MI a été désignée en qualité de liquidateur.

-puis, par procès-verbal de décision de l'associé unique du 28 juin 2023, il a été procédé à la clôture définitive de la liquidation de la Société DOMENOV et la cessation de la personnalité morale a mis fin au mandat de représentation de la Société COMPAGNIE IMMOBILIERE MEDITERRANEE MAISONS INDIVIDUELLES (CIM MI) en qualité de liquidateur amiable de la Société DOMENOV. -par ordonnance du Tribunal de commerce d'AIX-EN-PROVENCE du 11 octobre 2023 la Société COMPAGNIE IMMOBILIERE MEDITERRANEE MAISONS INDIVIDUELLES (CIM MI) es qualités a été désignée aux fins :

*d'entreprendre ou d'autoriser toute démarche ou action en justice utile à la défense des intérêts de la Société DOMENOV au titre du ou des contentieux en cours,

* de représenter la Société DOMENOV pendant toute la durée du ou des contentieux et procédure d'expertise en cours,

-cette désignation régularise la procédure, la Société DOMENOV étant à nouveau valablement représentée par son mandataire ad hoc dans le cadre de la présente instance, si bien que les moyens d'irrecevabilité soulevés par Mme [I] seront écartés.

Sur le fond la société DOMENOV fait essentiellement valoir, que :

-le tribunal a fait droit aux demandes de Mme [I] en se fondant sur les rapports d'expertises amiables du cabinet [L] EXPERTISE alors qu'il est de jurisprudence constante que le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise amiable même réalisée au contradictoire de la partie adverse, les rapports amiables ne sont corroborés par aucune autre pièce établie contradictoirement,

-le contrat conclu entre les parties le 8 août 2016 respecte bien les conditions du marché à forfait de l'article 1793 du code civil et de l'article L 111-1 du code de la construction, en ce que :

*l'intégralité des travaux est décrite dans la notice descriptive et l'avenant n°1,

*le prix et les modalités de paiement sont définis dans les conditions générales de vente et les autres prestations éventuelles sont précisées aux conditions particulières,

*les modalités de paiement sont stipulées à l'article 14 des conditions générales de vente,

*le délai d'exécution est précisé tant dans les conditions générales que dans les conditions particulières,

-la résiliation du marché de travaux à forfait doit être prononcée aux torts exclusifs de Mme [I] car la société DOMENOV n'a commis aucune faute, l'état d'avancement facturé correspond bien à l'état d'avancement du chantier comme le démontrent : les factures du sous-traitant, les photographies du chantier, et les travaux d'électricité qui étaient en cours, de sorte que Mme [I] devait s'acquitter du montant des travaux à hauteur de 80% tel que prévu aux conditions contractuelles, la société DOMENOV respectait les délais d'exécution et c'est le défaut de paiement par Mme [I] qui a contraint la société à stopper le chantier, Mme [I] n'est pas fondée à revendiquer l'application du marché poste par poste avec une évaluation financière faite par son seul mandataire le cabinet [L] EXPERTISE et son refus réitéré de régler les appels de fonds à hauteur de travaux réellement exécutés caractérise sa volonté unilatérale de résilier le contrat avant son terme,

-la société DOMENOV est donc créancière de Mme [I] qui doit la somme correspondant à l'état d'avancement du chantier au moment de la résiliation à savoir 80% du montant du marché de travaux soit une somme de 24 462,40 € TTC représentant l'appel de fonds de 70% du montant du marché, rien n'interdisant des appels de fonds intermédiaires pour 12 231,20 € TTC et l'appel de fonds de 80 % pour 12 231,20 € TTC et correspondant à l'indemnité de résiliation prévue aux conditions générales du contrat article 28, cette clause n'étant pas abusive et cette clause ne devant pas être qualifiée de clause pénale, seul l'article 1152 ancien du code civil pouvant s'appliquer aux présent litige,

-la demande formée par Mme [I] au titre d'un prétendu trop-perçu de 12 231 € doit être rejetée car elle s'appuie uniquement sur le rapport amiable du cabinet [L] EXPERTISE,

- Mme [I] ne peut prétendre à l'indemnisation d'un préjudice moral en ce qu'elle est à l'origine de la situation de blocage et en ce qu'elle n'apporte aucun élément sur l'existence et le quantum de ce préjudice,

- Mme [I] doit être déboutée de sa demande pour des pénalités de retard de livraison car ce n'est qu'en raison de l'attitude de Mme [I] que la société a dû suspendre le chantier alors que sans l'opposition de Mme [I] le chantier aurait pu être livré dans les délais, et en tout état de cause si la demande était retenue en son principe les dispositions de l'ordonnance n° 2020-306, modifiée par l'ordonnance n° 2020-407 sur les délais d'exécution pour faire face à l'épidémie de covid-19 doivent être appliquées de sorte que la période d'indemnisation ne pourra en tout état de cause qu'être limitée du 11 novembre 2020 au 3 février 2021 (date de réception du chantier),

- Mme [I] à l'origine du litige n'est pas plus fondée à revendiquer un préjudice de jouissance et ce préjudice en tout état de cause n'étant pas justifié.

En l'état de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 décembre 2023, Mme [I] demande à la cour de :

Vu les articles 1134, 1147 et 1183 (anciens) du code civil,

Vu l'article L111-1 du Code de la consommation,

Vu les articles 514 et suivants du code civil,

Vu la jurisprudence,

Vu les pièces versées au débat,

CONFIRMER le jugement rendu le 18 janvier 2022 par le Tribunal judiciaire de CARPENTRAS en ce qu'il a :

« - Dit que le contrat de rénovation conclu entre Madame [I] et la société DOMENOV ne constitue pas un marché à forfait,

- Dit que le marché de travaux régularisé entre la société DOMENOV et Madame [I] a été résilié aux torts exclusifs de la société DOMENOV par courrier recommandé avec avis de réception du 3 février 2021,

- Rejeté l'ensemble des demandes formulées par la société DOMENOV,

- Condamné la société DOMENOV à payer la somme de 12 231 € à Madame [I] au titre du trop-perçu concernant les travaux facturés mais non réalisés »,

REFORMER le jugement rendu le 18 janvier 2022 par le Tribunal judiciaire de CARPENTRAS en ce qu'il a :

- Débouté Madame [I] de ses demandes au titre des pénalités de retard et du préjudice de jouissance,

- Condamné la société DOMENOV à payer à Madame [I] la somme de 5 000 € au titre du préjudice moral.

STATUANT DE NOUVEAU PAR L'EFFET DEVOLUTIF DE L'APPEL :

- Constater que le marché de travaux régularisé entre la société DOMENOV et Madame [I] a été résilié aux torts exclusifs de la société DOMENOV par courrier recommandé avec avis de réception du 3 février 2021.

- Rejeter l'ensemble des demandes formulées par la société DOMENOV.

- Condamner la société DOMENOV à payer la somme de 12 231 € à Madame [I] au titre du trop-perçu concernant les travaux facturés mais non réalisés.

- Condamner la société DOMENOV à payer la somme de 9 774,67 € à Madame [I] au titre des pénalités de retard.

- Condamner la société DOMENOV à payer la somme de 6 000 € à Madame [I] au titre de son préjudice de jouissance.

- Condamner la société DOMENOV à payer la somme de 7 000 € à Madame [I] au titre de son préjudice moral.

- Condamner la société DOMENOV à payer la somme de 4 150 € à Madame [I] au titre des frais engagés pour l'expertise amiable effectuée par le cabinet [L] EXPERTISE,

- Condamner la société DOMENOV à payer la somme de 389,70 € à Madame [I] au titre des frais engagés pour le constat de Maître [O], Huissier de justice

- Condamner la société DOMENOV au paiement d'une somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du

Code de Procédure Civile.

- Condamner la même aux entiers dépens de l'instance avec distraction au profit de la SELARL CONCORDE DROIT IMMOBILIER, avocat sur son affirmation de droit.

Mme [I] fait essentiellement valoir :

-sur la valeur probante des rapports d'expertise du cabinet [L] EXPERTISE, qu'un rapport d'expertise amiable même réalisé de façon non contradictoire, peut valoir preuve dès lors qu'il est soumis à la libre discussion des parties, que la société DOMENOV a eu communication des rapports d'expertise et a même été convoquée aux opérations d'expertise, convocations non suivies d'effet, que les rapports d'expertise amiables sont corroborés par le constat d'huissier du 26 juillet 2022, les factures et les bons de commande des sous-traitants, discordant avec les appels de fonds de la société DOMENOV, l'échange de mails entre les parties et les photographies prises du chantier ;

-sur la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société DOMENOV, que la société DOMENOV a été particulièrement opaque sur le coût des travaux, aucun détail poste par poste n'étant communiqué, que la société DOMENOV n'a fourni aucun plan d'exécution ou de planning de suivi des travaux ne permettant pas ainsi un contrôle, que l'étude béton prévue dans la notice descriptive n'a jamais été réalisée, qu'il existe une discordance entre la facturation émise par la société DOMENOV et l'avancement réel du chantier et que DOMENOV ne peut fonder ses appels de fonds sur un échéancier applicable à la construction de maison individuelle et pas à la rénovation d'un bâtiment ancien, certains postes comme les fondations, murs et mise hors d'eau étant sans objet au cas présent, si bien que la société DOMENOV ne peut affirmer que l'état d'avancement du chantier est de 80% en englobant des postes de travaux qui n'existent pas, que la société DOMENOV dès l'ouverture du chantier a sollicité un appel de fonds non conformes aux clauses contractuelles (30% du prix demandé au lieu de 20% au contrat) et incluant des travaux (placo) n'ayant même pas débuté, que la société DOMENOV ne s'est pas déplacée lors de la réception du chantier à laquelle elle avait été convoquée alors qu'elle estime que sa facturation était justifiée en l'état de l'avancement du chantier, que c'est la société DOMENOV qui a interrompu de manière injustifiée l'exécution des travaux au mois de janvier 2020 ce qui a généré un retard important et empêché Mme [I] de prendre possession de l'ouvrage et de faire réaliser les aménagements ;

-sur le rejet des demandes de DOMENOV, que la société qui sollicite une somme de 24 462,40 € correspondant à un avancement des travaux à hauteur de 80% ne rapporte pas la preuve que les travaux ont été réalisés dans cette proportion alors que la cliente rapporte la preuve contraire, que la société DOMENOV ne peut venir solliciter l'indemnité de résiliation prévue au contrat à hauteur de 10% du prix convenu, cette clause N°28 des conditions générales constituant une clause abusive au sens de l'article L 212-1 du code de la consommation car le contrat ne prévoit pas en réciproque le droit pour le maître de l'ouvrage de percevoir une indemnité équivalente en cas de résiliation par le constructeur, ce qui entraine un déséquilibre significatif entre les parties et qu'en tout état de cause la résiliation du contrat intervenant aux torts exclusifs du constructeur la demande de paiement d'une indemnité à ce titre ne peut être fondée ;

-sur ces demandes en paiement, qu'elle est légitime à demander le paiement d'un trop-perçu à hauteur de 12 231 € puisque l'avancement des travaux réels étant de 50% elle aurait dû régler au titre des appels de fonds la somme de 61 156 € alors qu'elle a réglé celle de 73 387 €, qu'elle est aussi bien fondée à solliciter le paiement de pénalités de retard prévues au contrat ( 279 jours+ 1/3000ème x105 104€) dans la mesure où selon les clauses contractuelles les travaux ayant débuté le 30 avril 2019 ( selon DOMENOV), ils auraient dû être finalisés et réceptionnés le 30 avril 2020 alors que lors de la résiliation du marché le 3 février 2021 ils n'étaient pas terminés, qu'elle est tout autant légitime à revendiquer l'indemnisation d'un préjudice de jouissance dans la mesure où il est démontré que lors de la réception du chantier le 26 février 2021 le bien était inhabitable et de la difficulté de trouver des entreprises pour terminer les travaux, qu'enfin son préjudice moral a été minoré car elle a dû pallier la désorganisation et la mauvaise foi de la société DOMENOV ce qui a généré tracas et inquiétude.

MOTIFS :

-Sur la qualification du contrat du 2 août 2016:

Il sera rappelé qu'un marché est qualifié à forfait s'il remplit les conditions suivantes :

-dès lors qu'il a été convenu un prix nettement déterminé et insusceptible de varier selon des éléments incertains, et ce même si les parties n'ont pas employé le terme « forfait », la stipulation de « prix fermes selon devis joint » ou « prix global ferme et non révisable » suffisant à caractériser un tel contrat et le prix devant être fixé à l'avance avec précision, de façon globale et définitive,

-dès lors qu'il s'agit de la construction d'un bâtiment, la notion de construction s'entendant comme des travaux qui constituent une véritable transformation des lieux,

-dès lors que les travaux de construction sont édifiés pour le compte du propriétaire du sol,

-dès lors qu'il y a un plan arrêté et convenu avec le maître de l'ouvrage, ce qui implique que les travaux faisant l'objet du forfait aient été définis avec précision pour fixer l'étendue et les limites de l'engagement contractuel et que le plan ait été convenu avec le maître de l'ouvrage lui-même.

En ce qui concerne cette dernière condition, il est constant que le devis des travaux de rénovation ou de transformation d'un immeuble doit être très précis, avec en particulier un accord des parties quant à l'étendue des constructions, des dimensions, des matériaux et que les conditions d'exécution des travaux, les obligations des entreprises, la masse des travaux ainsi que les conditions de règlements doivent être bien définies.

En l'espèce il ressort des pièces versées au débat par les parties que le contrat de rénovation signé entre Mme [I] et la Société DOMENOV le 2 août 2016 comprend :

-des conditions générales,

-des conditions particulières,

-une notice descriptive des travaux.

Le prix convenu pour la réalisation des travaux de construction est porté non pas sur les conditions particulières mais sur la notice descriptive reproduit tel qu'il suit :

Montant HT des travaux réalisés par DOMENOV : 99 352,73 €

Montant TVA des travaux réalisés par DOMENOV : 9 936,27 €

Montant TTC des travaux réalisés par DOMENOV : 107 885,00 €

Option :

Aménagement du garage en suite (salle de bain + chambre) 22 400,00 €

Fourniture et pose de 2 splits 4 100,00 €

Si le prix convenu entre les parties malgré l'absence de mention du terme « forfait » doit être considéré comme un prix nettement déterminé et non révisable, et si la notice descriptive de travaux comprend les caractéristiques techniques du projet avec un détail assez précis des prestations poste par poste et des matériaux employés, pour autant force est de constater que :

-les plans d'exécution annexés à la notice descriptive à l'échelle 1/50 sont très sommaires et ne comprennent qu'un plan de sol, aucun plan de coupe, et que sur le plan de sol il n'est porté aucune indication sur l'emplacement des prises de courant, les coffres pour les réseaux techniques' contrairement à ce qui est prévu dans les conditions particulières,

-les conditions particulières ne contiennent aucune mention sur les modalités de règlement du chantier, sauf à renvoyer aux conditions générales en son article 14 lequel article prévoit des échelonnements des versements dont certains ne peuvent manifestement correspondre au chantier de Mme [I] en l'occurrence :

° 25% à l'achèvement des fondations,

° 40% à l'achèvement des murs,

° 60% à la mise hors d'eau,

Puisque le présent chantier porte sur la rénovation d'un bâtiment existant et qu'il n'est prévu dans les caractéristiques techniques du projet aucune fondation, aucune construction de murs extérieurs, aucune création de toiture', si bien que les échelonnements des versements ne peuvent correspondre à la présente situation,

-les conditions particulières renvoient pour l'essentiel aux conditions générales pour les délais d'ouverture du chantier et surtout sur la durée des travaux et la mention selon laquelle le délai d'exécution des travaux est d'un mois par tranche commencée de 10 000 € de montant contractuel est bien trop imprécis et confus pour répondre aux exigences de l'article 1793 du code civil.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que le contrat passé entre Mme [I] et la société DOMENOV le 2 août 2016 présente des lacunes majeures qui dépouillent le marché de son caractère forfaitaire et le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a dit que le contrat de rénovation conclu entre Mme [I] et la société DOMENOV ne constitue pas un marché à forfait.

-Sur la résiliation du contrat du 2 août 2016 :

Les juges de première instance ont à bon escient rappelé que se trouvant en présence d'un simple marché de travaux et donc d'un contrat synallagmatique soumis aux dispositions de l'article 1183 et 1134 du code civil applicable aux faits de l'espèce, la partie envers laquelle l'engagement contractuel n'a point été exécuté est en droit de demander au juge, l'exécution forcée de la convention, ou sa résolution avec l'octroi de dommages et intérêts.

En l'espèce Mme [I] soutient que c'est à bon droit en raison du non-respect par la société DOMENOV de ses obligations contractuelles qu'elle a notifié à cette dernière le 3 février 2021 la résiliation du marché à ses torts exclusifs.

Elle reproche en particulier à la société DOMENOV d'avoir fait des appels de fonds à hauteur de 80% de l'état d'avancement du chantier alors que seulement 50% des travaux étaient réalisés, d'avoir réalisé des travaux de mauvaise qualité et d'être à l'origine du retard du chantier.

La société DOMENOV oppose que c'est la suspension injustifiée par Mme [I] du paiement des appels de fonds qui sont justifiés à hauteur de 80% du montant global du chantier, qui est à l'origine de l'arrêt du chantier et reproche au jugement de première instance de s'être fondé uniquement sur le rapport d'expertise amiable du cabinet [L] EXPERTISE mandaté par Mme [I], pour considérer que la société DOMENOV avait commis de nombreuses fautes dans l'exécution du marché, justifiant la résiliation de celui-ci aux torts exclusifs de la société.

Il est en effet constant qu'un juge peut fonder sa décision sur un rapport d'expertise amiable établi de façon non contradictoire à partir du moment où ce rapport est soumis à la libre discussion des parties, et à la condition que ce rapport d'expertise, réalisé à la demande d'une seule partie, et même à supposer que la partie adverse y ait été régulièrement appelée, soit corroboré par d'autres pièces soumises au débat contradictoire.

En l'espèce Mme [I] a fait intervenir le cabinet [L] EXPERTISE qui a émis 3 avis : le 20 septembre 2019, le 3 avril 2020 et 8 juillet 2020, d'où il ressort que diverses obligations contractuelles n'ont pas été respectées par le maître d''uvre en particulier :

-l'absence des plans d'exécution prévus au contrat,

-la démolition de la terrasse béton prévue au contrat n'a pas été réalisée,

-pas de réalisation de l'étanchéité du mur contre terre du garage contractuellement prévue,

-le plafond rampant prévu au contrat en plaques de plâtre BA13 a été réalisé en BA10,

-lors de la dernière visite du chantier le 19 mai 2020 l'état d'avancement de ce dernier est de 50,39%.

Contrairement à ce que soutient la société DOMENOV ces avis sont corroborés par le procès-verbal de constat d'huissier en date du 26 juillet 2022 d'où il ressort qu'à cette date notamment, la démolition de la terrasse béton n'est toujours pas réalisée, le calfeutrement des fenêtres n'est pas réalisé, la chape n'a pas été réalisée sur l'ensemble de la surface, les raccordements électriques ne sont pas effectués, et l'ensemble des 49 photographies annexées au procès-verbal de constat rend compte d'un chantier qui manifestement n'est pas dans un état d'achèvement de 80% comme le soutient la société DOMENOV.

Pour s'opposer à ces éléments précis et circonstanciés la société DOMENOV, qui disposait aussi de la faculté de faire réaliser une expertise amiable ou un constat par commissaire de justice, produit seulement au débat pour justifier du respect de ses obligations contractuelles, une facture de l'entreprise [H] [G] en date du 24 avril 2020 portant sur la fourniture et la pose de faux plafond suspendu, de cloisons avec isolation acoustique et d'une porte à galandage, et quelques photocopies de photographies qui ne permettent pas de justifier d'un chantier réalisé à hauteur de 80%.

La cour ajoute que la société DOMENOV ne démontre pas non plus avoir répondu aux mails qui lui ont été adressés à de nombreuses reprises par Mme [I] en 2019 et 2020 et dans lesquels elle faisait part de ses inquiétudes sur de nombreux points et la société DOMENOV qui reconnait dans un courrier du 8 février 2021 avoir bien reçu la lettre du 3 février 2021 l'avisant de ce que les opérations de réception du chantier auraient lieu le 26 février 2021 ne s'est pas rendue à ces opérations.

Ainsi comme retenu par le jugement entrepris Mme [I] rapporte la preuve que la société DOMENOV a manqué à ses obligations contractuelles et ses manquements suffisamment graves et répétés justifient la résiliation du contrat du 2 août 2016, laquelle intervient aux torts exclusifs de la société DOMENOV.

Sur l'indemnité de résiliation anticipée :

La résiliation du contrat étant prononcée aux torts exclusifs du maître d''uvre ce dernier est mal fondé à solliciter qu'il soit fait application de la clause 28 du contrat qui prévoit en cas de résiliation du contrat par le maître de l'ouvrage en cours de chantier, le versement par ce dernier d'une indemnité forfaitaire de 10% du prix convenu en sus des sommes dues au titre des travaux déjà réalisés.

Le jugement dont appel sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société DOMENOV de sa demande à ce titre.

Sur les demandes en paiement au titre du chantier :

La société DOMENOV sollicite une somme de 24 462,40 € correspondant à l'appel de fonds de 70% du 29 novembre 2019 pour un montant de 12 231,20 € étant observé que le contrat ne prévoit pas d'appels de fonds à 70% de l'achèvement des travaux, et à l'appel de fonds de 80% en date du 31 décembre 2019 pour un montant de 12 231,20 € avec intérêt au taux conventionnel de 1% par mois à compter de leur échéance respective, soit à compter du 15 décembre 2019 pour le premier et à compter du 15 janvier 2020 pour le second.

Mme [I] sollicite à l'inverse la condamnation de la société DOMENOV à lui verser la somme de 12 231 € correspondant au trop-perçu qu'elle considère avoir versé dans la mesure où pour des travaux réalisés à hauteur de 50% le montant des sommes dues par le maître de l'ouvrage doit être de 61 156 €, alors qu'elle a réglé la somme de 73 387 €.

Il a déjà été considéré ci-dessus qu'il ressort des pièces produites au débat que le chantier n'a pas été réalisé à hauteur de 80% comme le soutient la société DOMENOV qui est défaillante à le démontrer et qu'il doit être retenu au vu des éléments produits par Mme [I] à savoir les avis du cabinet [L] EXPERTISE et le procès-verbal de constat du 26 juillet 2022 que le chantier a été réalisé à hauteur de 50%.

En prenant comme base du marché, le montant de 122 312 €, montant sur lequel le maître d''uvre a calculé les appels de fonds dont Mme [I] s'est acquittée, il apparait que pour des travaux réalisés à hauteur de 50% environ, Mme [I] aurait dû régler une somme de 61 156 € alors qu'il n'est pas discuté qu'elle a déjà réglé au titre des appels de fonds une somme de 73 387 € soit une différence en sa faveur de 12 231 €.

Par conséquent la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a condamné la société DOMENOV à payer à Mme [I] la somme de 12 231 € au titre du trop-perçu relatif aux travaux non réalisés.

-Sur les pénalités de retard :

Mme [I] comme en première instance sollicite la condamnation de la société DOMENOV à lui payer la somme de 9 774,67 € au titre des pénalités de retard de livraison contractuellement prévues.

L'article 22 du contrat du 2 août 2016 prévoit en effet qu'en cas de retard dans l'achèvement de la construction par rapport au délai visé à l'article 21, une pénalité de retard s'appliquera conformément aux conditions particulières et dans le respect de l'article R 231-14 du code de la construction et de l'habitation, cette pénalité étant de 1/3.000ème du prix convenu par jour de retard.

L'article 21 du contrat fixe le délai de réalisation qui selon les conditions particulières et générales est d'un mois par tranche commencée de 10 000 € de montant contractuel, plus le mois d'août, plus les délais prévus aux avenants éventuels.

Toutefois non seulement comme relevé par les premiers juges la date d'ouverture du chantier n'est pas certaine (30 avril, 28 juin ou 1er juillet 2019) et la cour ajoute qu'il n'est pas fait la démonstration de l'application des conditions particulières pour le délai de réalisation des travaux à savoir un mois par tranche commencée de 10 000 € de montant contractuel.

Mais surtout il est établi que Mme [I] a, de sa seule initiative et sans autorisation judiciaire, interrompu les paiements des travaux à compter de novembre 2019, si bien que même si elle est bien fondée dans sa demande de résiliation judiciaire du contrat aux torts de la société DOMENOV, sa suspension dans le paiement des travaux qui a entrainé la suspension du chantier ne la rend pas bien fondée à solliciter l'application de la clause contractuelle de l'article 22.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [I] de sa demande au titre de pénalités de retard.

-Sur le préjudice de jouissance :

Mme [I] soutient comme en première instance subir un préjudice de jouissance en ce que l'ouvrage est inhabitable en l'état, et qu'elle se heurte à la difficulté de trouver des entreprises pour finaliser les travaux.

S'il résulte du constat d'huissier en date du 26 juillet 2022 que l'ouvrage n'est pas terminé à cette date et qu'effectivement le bien n'est pas habitable en l'état, il sera rappelé que Mme [I] le 3 février 2021 a notifié à la société DOMENOV la résiliation du marché, et qu'elle ne produit au débat ni en première instance, ni en appel, de pièce démontrant comme elle le soutient, que depuis cette date elle a été dans l'impossibilité de trouver des entreprises pour terminer le chantier.

La décision critiquée sera donc confirmée sur ce point.

-Sur le préjudice moral :

Les juges de première instance ont retenu l'existence pour Mme [I] d'un préjudice moral en raison des tracas subis du fait des conditions de réalisation fautive du chantier et de la procédure judiciaire et lui ont alloué en réparation la somme de 5 000 €.

La société DOMENOV ne développe aucune critique de la motivation de première instance et Mme [I] ne démontre pas que la somme de 5 000 € serait insuffisante à réparer dans son intégralité le préjudice subi.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

-Sur les demandes accessoires :

Les juges de première instance ont à juste titre condamné la société DOMENOV aux dépens en ce compris le coût du commandement sans plus de précision, en conformité avec les prétentions de Mme [I] devant le tribunal judiciaire.

Devant la cour Mme [I] sollicite à nouveau que la société DOMENOV soit condamnée aux dépens mais sans demander que ces derniers comprennent le coût d'un commandement.

En revanche elle demande que la société DOMENOV soit condamnée à supporter la moitié des frais d'expertise du cabinet [L] pour un montant de 4 150 € et le coût du constat d'huissier du 26 juillet 2022 pour un montant de 389,70 €.

La société DOMENOV s'oppose à ces demandes aux motifs que la facture produite au débat pour les opérations réalisées par le cabinet [L] ne permet pas de s'assurer que les frais facturés sont bien en lien exclusif avec le présent litige dans la mesure où il apparait qu'avant même le présent contentieux, Mme [I] avait confié au cabinet [L] le suivi de l'intégralité du dossier d'assistance technique/conseil du chantier et qu'en tout état de cause tant le coût d'une expertise amiable que le coût du constat d'huissier doivent rester à la charge de Mme [I] qui supporte la charge de la preuve.

Il apparait en effet à la lecture de l'avis technique de construction du cabinet [L] EXPERTISE en date du 20 septembre 2019 que ce dernier s'est vu confier par Mme [I] une mission de suivi de l'intégralité du dossier d'assistance technique/conseil avec un suivi personnalisé des deux chantier studio et garage.

Il apparait également que le cabinet [L] EXPERTISE est également intervenu pour son avis technique comme cela ressort de la pièce n°26 produite par Mme [I] sur un autre ouvrage à savoir sur la construction d'une maison neuve que Mme [I] a confiée à une société MAS PROVENCE, ce qui est corroboré par les propres écritures de Mme [I] puisqu'elle précise en page 22 « Frais d'expertise privée par le cabinet [L] EXPERTISE : 8 300 € pour l'expertise DOMENOV et l'expertise MAS PROVENCE, soit la moitié 4 150 € pour l'expertise DOMENOV.

Or la facture du cabinet [L] EXPERTISE en date du 31 janvier 2019 (pièce 26) pour un montant total de 7 750 € ne comporte aucun détail sur les prestations facturées, se contentant de renvoyer à un devis n° 00034596 qui n'est pas produit et de mentionner à la désignation du bien : Maison et garage.

Par conséquent cette seule pièce et ses seules mentions ne permettent pas de savoir à quoi correspondent les prestations facturées par le cabinet [L] EXPERTISE, ni de vérifier qu'il s'agit bien de coût d'une mission en lien avec le présent litige et non en lien avec une mission plus générale de suivi personnalisé de l'intégralité du dossier d'assistance technique/conseil.

Par conséquent Mme [I] ne pourra qu'être déboutée de sa demande de voir condamner la société DOMENOV au paiement de la somme de 4 150 €.

En revanche Mme [I] justifie avoir dû supporter le coût du procès-verbal de constat en date du 26 juillet 2022 pour un montant de 389,70 €, acte qui s'avérait nécessaire pour corroborer devant la cour le rapport d'expertise amiable, si bien que la société DOMENOV qui succombe sera condamnée à en supporter le coût.

Par conséquent le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a mis les dépens de première instance à la charge de la société DOMENOV sauf en ce qu'il a compris au titre des dépens le coût d'un commandement.

En outre la société DOMENOV succombant au principal en son appel sera condamnée à supporter les dépens exposés dans le cadre de la procédure d'appel en ce compris le coût du constat d'huissier en date du 26 juillet 2022, à hauteur de 389,70 €.

Mme [I] sera déboutée de sa demande de condamnation de la société DOMENOV à la somme de 4 150 € au titre des frais d'expertise du cabinet [L] EXPERTISE.

La décision de première instance sera par ailleurs confirmée en ses dispositions au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et la société DOMENOV succombant en son appel sera condamnée à payer à Mme [I] la somme de 4 000 € au titre des frais irrépétibles exposés pour la procédure devant la cour.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement , contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 18 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Carpentras en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne celle relative aux dépens de l'instance,

S'y substituant sur ce point et y ajoutant,

Condamne la société DOMENOV aux dépens de première instance,

Condamne la société DOMENOV aux dépens de l'instance d'appel en ce compris le coût du constat d'huissier en date du 26 juillet 2022, à hauteur de 389,70 €,

Déboute Mme [N] [I] de sa demande de condamnation de la société DOMENOV à la somme de 4 150 € au titre des frais d'expertise du cabinet [L] EXPERTISE,

Condamne la société DOMENOV à payer à Mme [N] [I] la somme de 4 000 € au titre des frais irrépétibles exposés pour la procédure devant la cour en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par la présidente de chambre et par la greffière.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section a
Numéro d'arrêt : 22/01262
Date de la décision : 23/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-23;22.01262 ?
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