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16/05/2024 | FRANCE | N°23/03426

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section a, 16 mai 2024, 23/03426


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS















ARRÊT N°



N° RG 23/03426 - N° Portalis DBVH-V-B7H-I7TE



AL



JUGE DE LA MISE EN ETAT D'ALES

03 octobre 2023

RG:23/00162



S.A.S. JEAN-MARC FLOUTIER



C/



Compagnie d'assurance ALLIANZ IARD

S.A.R.L. CONCEPT GARDOIS





























Grosse délivrée

le


à Me Combe

SCP Rey Galtier

Selarl Catois















COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A





ARRÊT DU 16 MAI 2024





Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Juge de la mise en état d'ALES en date du 03 Octobre 2023, N°23/00162



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉB...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 23/03426 - N° Portalis DBVH-V-B7H-I7TE

AL

JUGE DE LA MISE EN ETAT D'ALES

03 octobre 2023

RG:23/00162

S.A.S. JEAN-MARC FLOUTIER

C/

Compagnie d'assurance ALLIANZ IARD

S.A.R.L. CONCEPT GARDOIS

Grosse délivrée

le

à Me Combe

SCP Rey Galtier

Selarl Catois

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

ARRÊT DU 16 MAI 2024

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Juge de la mise en état d'ALES en date du 03 Octobre 2023, N°23/00162

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Nathalie AZOUARD, Présidente de Chambre,

Madame Virginie HUET, Conseillère,

M. André LIEGEON, Conseiller,

GREFFIER :

Véronique LAURENT-VICAL, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 19 Mars 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 16 Mai 2024.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

S.A.S. JEAN-MARC FLOUTIER

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Alexia COMBE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉES :

Compagnie d'assurance ALLIANZ IARD, Entreprise régie par le Code des Assurances, immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° 542 110 291, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège,

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean Philippe GALTIER de la SCP REY GALTIER, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Alain DE ANGELIS de la SCP DE ANGELIS-SEMIDEI-VUILLQUEZ-HABART-MELKI-BARDON, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE

S.A.R.L. CONCEPT GARDOIS inscrite au RCS de Nîmes sous le n° 353 030 497 dont le siège sis

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Thierry CATOIS de la SELARL CATOIS THIERRY, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'AVIGNON

Affaire fixée en application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Nathalie AZOUARD, Présidente de Chambre, le 16 Mai 2024,par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DU LITIGE

La SARL CONCEPT GARDOIS, assurée auprès de la société ALLIANZ IARD, a réalisé pour le compte de la SARL JEAN-MARC FLOUTIER, devenue en 2021 la SAS JEAN-MARC FLOUTIER, plusieurs ouvrages (hangar, extension et auvents) entre 1997 et 2017 qui ont donné lieu à l'établissement de dix factures.

La SARL JEAN-MARC FLOUTIER s'est plainte en 2019 d'infiltrations d'eau de pluie dans son hangar auprès de la SARL CONCEPT GARDOIS.

Une expertise amiable a été confiée par la SA ALLIANZ IARD au cabinet d'expertise ETIENNE qui, dans un rapport du 11 février 2020, a confirmé l'existence d'infiltrations.

En l'absence de toute solution amiable, la SAS JEAN-MARC FLOUTIER a saisi le juge des référés d'une demande d'expertise judiciaire.

Par ordonnance du président du tribunal judiciaire d'ALES en date du 1er avril 2021, M. [W] [T] a été désigné en qualité d'expert.

Ce dernier a clôturé son rapport le 27 décembre 2021.

La SARL CONCEPT GARDOIS n'a pas donné suite à la mise en demeure de procéder aux travaux de reprise qui lui a été adressée le 18 octobre 2022, et par acte des 30 novembre et 1er décembre 2022, la SAS JEAN-MARC FLOUTIER a assigné devant le tribunal judiciaire d'ALES la SARL CONCEPT GARDOIS et la société ALLIANZ IARD aux fins d'obtenir la condamnation de la SARL CONCEPT GARDOIS à réaliser sous astreinte les travaux préconisés par l'expert, et à défaut, sa condamnation au paiement de la somme de 52.826,40 EUR au titre de la réfection de la toiture, outre le paiement de diverses sommes en réparation de ses préjudices.

En date du 17 mars 2023, la SARL CONCEPT GARDOIS a notifié par RPVA des conclusions d'incident tendant à l'irrecevabilité des prétentions de la SAS JEAN-MARC FLOUTIER pour cause de prescription.

Par ordonnance du 3 octobre 2023, le juge de la mise en état a :

déclaré irrecevable la demande de la SAS JEAN-MARC FLOUTIER à l'encontre de la SARL CONCEPT GARDOIS et de la SA ASSURANCE ALLIANZ IARD en raison de la forclusion de son action en garantie décennale et de la prescription de son action en responsabilité contractuelle,

condamné la SAS JEAN-MARC FLOUTIER aux entiers dépens y compris ceux de référé,

dit n'y avoir lieu aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration au greffe du 2 novembre 2023, la SAS JEAN-MARC FLOUTIER a interjeté appel de cette ordonnance.

Aux termes des dernières écritures de la SAS JEAN-MARC FLOUTIER notifiées par RPVA le 6 mars 2024, il est demandé à la cour de :

vu les articles 122 et 789 du code de procédure civile,

vu les articles 1194, 1217 et suivants, 1231-1 et suivants du code civil,

vu les articles 2240 et suivants du code civil,

vu les articles 1792 et suivants du code civil,

vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

vu l'ordonnance d'incident rendue par le juge de la mise en état près le tribunal judiciaire d'ALES en date du 3 octobre 2023,

vu la jurisprudence visée,

vu le rapport de l'expert judiciaire,

vu les pièces annexées,

infirmer l'ordonnance d'incident rendue par le juge de la mise en état près le tribunal judiciaire d'ALES en date du 3 octobre 2023 en ce qu'elle a :

déclaré irrecevable la demande de la SAS JEAN-MARC FLOUTIER à l'encontre de la SARL CONCEPT GARDOIS et de la SA ASSURANCE ALLIANZ IARD en raison de la forclusion de son action en garantie décennale et de la prescription de son action en responsabilité contractuelle,

condamné la SAS JEAN-MARC FLOUTIER aux entiers dépens y compris ceux relatifs à la procédure en référé,

dit n'y avoir lieu aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Ce faisant,

réformer la décision entreprise en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

déclarer recevable la demande de la SAS JEAN-MARC FLOUTIER à l'encontre de la SARL CONCEPT GARDOIS et de la SA ASSURANCE ALLIANZ IARD comme n'étant ni prescrite, ni forclose,

renvoyer l'affaire au fond à la mise en état devant le tribunal judiciaire d'ALES,

En toutes hypothèses,

rejeter toutes demandes plus amples ou contraires de la société CONCEPT GARDOIS et la société ALLIANZ IARD,

débouter la société CONCEPT GARDOIS et la société ALLIANZ IARD de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

condamner la société CONCEPT GARDOIS à payer à la SAS JEAN-MARC FLOUTIER la somme de 3.000 EUR au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens, en ce compris ceux de la procédure de référé et les honoraires de l'expert judiciaire (d'un montant de 4.954,98 EUR).

Aux termes de ses écritures, la SAS JEAN-MARC FLOUTIER conteste la forclusion de son action fondée sur les dispositions de l'article 1792 du code civil. Elle soutient qu'il ressort du rapport d'expertise amiable du 11 février 2020 établi à la demande de la société ALLIANZ IARD que l'origine du sinistre réside dans les travaux réalisés le 5 août 2014 et réceptionnés le 12 août 2014, relatifs à l'extension Nord sur laquelle ont été constatés les désordres, ainsi que la SARL CONCEPT GARDOIS l'a déclaré à son assureur avant de se rétracter lors des opérations d'expertise et pendant l'instance. Elle ajoute qu'elle avait donc jusqu'au 12 août 2024 pour agir, ce qui rend son action recevable.

Par ailleurs, elle expose que l'examen des factures des différentes interventions de la SARL CONCEPT GARDOIS ne permet pas d'établir avec certitude l'exacte teneur des travaux réalisés aux différentes dates, et que l'expert s'est contenté en réalité de rapporter l'historique présenté par cette dernière pour considérer que le bâtiment le plus ancien avait été réalisé en 1997 et l'extension en 2008. Elle ajoute que la photographie satellite commentée par la SARL CONCEPT GARDOIS n'a pas de caractère probant. En outre, elle fait valoir en toute hypothèse que la qualification d'ouvrage n'est pas limitée aux seuls travaux consistant à édifier et à construire mais englobe également ceux effectués sur un ouvrage ou un bâtiment existant lorsqu'il s'agit de faire disparaître des malfaçons affectant l'ouvrage principal, et soutient en conséquence que les travaux entrepris en 2014 et 2017 pour réparer le solin (pose d'une pièce sous la couverture du premier bâtiment en 2014 et injection de mousse expansive entre les deux couvertures en 2017), ayant pour objet la reprise de l'étanchéité de l'ouvrage, doivent s'analyser en un nouvel ouvrage permettant la mobilisation de la garantie décennale. Aussi, elle estime qu'un nouveau délai de dix ans a en tout état de cause commencé à courir au plus tôt le 5 août 2014 et au plus tard le 9 août 2017, de sorte que son action est recevable.

Aux termes des dernières écritures de la SARL CONCEPT GARDOIS notifiées par RPVA le 22 janvier 2024, il est demandé à la cour de :

vu les articles 2224, 2251 du code civil,

vu l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'ALES du 3 octobre 2023,

confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'ALES du 3 octobre 2023,

débouter la SAS JEAN-MARC FLOUTIER de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la SARL CONCEPT GARDOIS,

juger irrecevable l'action et les demandes de la SAS JEAN-MARC FLOUTIER à l'encontre de la SARL CONCEPT GARDOIS car prescrites,

juger irrecevable l'action et les demandes de la SAS JEAN-MARC FLOUTIER à l'encontre de la SARL CONCEPT GARDOIS car forclose dans son action au titre de la responsabilité décennale,

condamner la SAS JEAN-MARC FLOUTIER à payer à la SARL CONCEPT GARDOIS la somme de 3.000 EUR au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la SAS JEAN-MARC FLOUTIER aux entiers dépens qui comprendront ceux de 1ère instance.

La SARL CONCEPT GARDOIS expose que la facture du 5 août 2014 est incomplète, ce qui ne permet pas d'identifier les travaux concernés et la date de leur réalisation. Elle précise, au vu de la photographie aérienne, que les travaux effectués en 2014 concernent un auvent alors que les infiltrations concernent le bâtiment construit en 2008, ce que confirme le rapport d'expertise amiable. Elle indique encore, s'agissant des infiltrations, que le rapport amiable et le constat de la SCP DESTAS-JULLIEN du 22 décembre 2020 les localisent au même endroit, soit au niveau du hangar construit en 2008, ce que confirme l'expert judiciaire qui souligne que la facture du 5 août 2014 ne concerne pas la zone où celles-ci ont été constatées. Elle ajoute, au visa de l'article 2224 du code civil, que l'action de la SAS JEAN-MARC FLOUTIER sur le fondement de la responsabilité décennale est donc forclose et celle engagée sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun prescrite. En outre, elle fait valoir qu'elle n'a à aucun moment renoncé à se prévaloir de la prescription, sa participation à la mesure d'instruction en référé et la proposition faite à cette occasion ne caractérisant pas une telle renonciation.

Aux termes des dernières conclusions de la société ALLIANZ IARD notifiées par RPVA le 26 janvier 2024, il est demandé à la cour de :

vu les articles 122 et 789 du code de procédure civile,

vu les articles 1792 et 1792-4-1 du code civil,

vu l'article L. 241-1 du code des assurances,

A titre principal :

confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance d'incident rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'ALES en date du 3 octobre 2023,

En conséquence :

débouter la SAS JEAN-MARC FLOUTIER de son appel et de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

rejeter toutes demandes dirigées à l'encontre de la société ALLIANZ IARD,

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où l'ordonnance du 3 octobre 2023 serait réformée, en tout ou partie,

juger que les demandes formulées par la SAS JEAN-MARC FLOUTIER à l'encontre de la société ALLIANZ IARD sont irrecevables car forcloses,

débouter la SAS JEAN-MARC FLOUTIER de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

rejeter toutes demandes dirigées à l'encontre de la société ALLIANZ IARD,

En tout état de cause :

condamner la SAS JEAN-MARC FLOUTIER à verser à la société ALLIANZ IARD la somme de 5.000 EUR au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la SAS JEAN-MARC FLOUTIER ou tout succombant aux entiers dépens.

La société ALLIANZ IARD soutient que les infiltrations alléguées concernent uniquement des ouvrages réceptionnés en 1997 et 2008, selon le rapport d'expertise judiciaire, et que la facture du 5 août 2014 dont se prévaut la SAS JEAN-MARC FLOUTIER ne concerne donc pas la construction des ouvrages litigieux, faisant en réalité référence à d'autres prestations. Elle ajoute que le délai décennal a en conséquence commencé à courir en 1997 pour le bâtiment le plus ancien et en 2008 pour l'extension, en l'absence de tout acte interruptif de prescription intervenu avant la date d'expiration de ce délai, et considère que c'est donc à bon droit que le premier juge a déclaré irrecevable l'action de la SAS JEAN-MARC FLOUTIER, quel que soit le fondement retenu.

Pour un rappel exhaustif des moyens des parties, il convient, par application de l'article 455 du code de procédure civile, de se référer aux dernières écritures des parties notifiées par RPVA.

MOTIFS

SUR LA RECEVABILITE DE L'ACTION

Dans son ordonnance, le juge de la mise en état retient la forclusion de l'action en responsabilité décennale engagée par la SAS JEAN-MARC FLOUTIER. Il relève que la SARL CONCEPT GARDOIS est intervenue à plusieurs reprises sur la propriété de la SAS JEAN-MARC FLOUTIER et notamment en 1997 pour la construction d'un hangar (facture n°97090006) et en 2008 pour l'extension de ce hangar (factures n°468 et 475 du 3 juillet 2008). Retenant l'existence d'une réception tacite en 1997 et 2008, il expose, au vu notamment du rapport d'expertise, que les infiltrations se situent au raccord des deux ouvrages réalisés en 1997 et 2008, et que la SARL CONCEPT GARDOIS est intervenue en vain pour réparer le solin à l'occasion d'autres travaux effectués en 2014 et 2017 (facture n°2014091 du 5 août 2014 et facture n°2017050 du 9 août 2017), ces travaux, non concernés par les infiltrations d'eau, consistant respectivement dans la construction d'un auvent à l'avant des deux bâtiments et d'un auvent couvrant deux pressoirs. Il ajoute, au visa des articles 1792-6 et 1792-4-1 du code civil, que l'action de la SAS JEAN-MARC FLOUTIER est, au regard de la date de réception tacite retenue, forclose, peu important la date à laquelle celle-ci a eu connaissance des infiltrations.

Par ailleurs, le premier juge indique que la prescription de l'action en responsabilité contractuelle de droit commun, d'une durée de dix ans, a également commencé à courir à compter de la réception tacite intervenue en 2008. Il ajoute, au visa de l'article 2240 du code civil, que la proposition formulée par M. [D], technicien de la SARL CONCEPT GARDOIS selon les indications du rapport d'expertise, de réaliser des travaux de reprise ne constitue pas, la preuve que celui-ci bénéficiait d'un mandat de représentation du gérant de la SARL CONCEPT GARDOIS n'étant en outre nullement rapportée, un engagement, ce qui exclut tout effet interruptif de prescription, et considère, en conséquence, que la prescription de l'action en responsabilité contractuelle de droit commun est acquise.

Enfin, le juge de la mise en état précise que le fait pour la SAS JEAN-MARC FLOUTIER d'avoir participé aux opérations d'expertise qui ont permis de mettre en lumière l'origine des infiltrations et la date à laquelle l'ouvrage affecté par le désordre a été construit, ne caractérise pas une renonciation, telle que prévue par l'article 2251 du code civil, à se prévaloir de la prescription.

L'article 1792 du code civil dispose : « Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère. »

En application des articles 1792-4-1 et 1792-6 du code civil, toute action fondée sur les dispositions de l'article 1792 précité doit être engagée dans les dix ans de la réception.

La SARL CONCEPT GARDOIS a procédé, pour le compte de la SAS JEAN-MARC FLOUTIER, entre 1997 et 2017, à la réalisation de travaux consistant dans la réalisation de divers ouvrages de type hangars, extensions et auvents.

Ainsi que l'établissent le constat d'huissier du 22 décembre 2020 et les rapports d'expertise amiable du 11 février 2020 et judiciaire du 27 décembre 2021, la SAS JEAN-MARC FLOUTIER a subi des infiltrations d'eau par toiture qui ont endommagé la marchandise stockée.

Du rapport d'expertise judiciaire, il ressort que ces infiltrations d'eau qui ont pour cause l'absence de pose en 2008 de bacs acier du même type que ceux installés en 1997, se situent à la jonction du raccord existant entre la partie ancienne du hangar créé en 1997 situé côté Nord et l'extension réalisée en 2008. Cette localisation apparaît confirmée par le rapport d'expertise amiable du cabinet ETIENNE missionné par la société ALLIANZ IARD, assureur de la SARL CONCEPT GARDOIS, de sorte que c'est à tort, ainsi que l'a justement retenu le premier juge, que la SARL CONCEPT GARDOIS rattache les infiltrations objet du litige aux travaux effectués en 2014 et 2017 et ayant donné lieu aux factures précitées des 5 août 2014 et 9 août 2017, ceux-ci n'étant nullement concernés par les désordres relevés par l'expert.

Toutefois, il est établi, au vu du rapport d'expertise judiciaire, qu'à l'occasion de la réalisation de ces travaux, la SARL CONCEPT GARDOIS est intervenue pour tenter de remédier à ces infiltrations en procédant en 2014 à l'installation en sous-face de la toiture d'un closoir puis en 2017 à l'injection d'une mousse en polyuréthane destinée à obturer à la jonction entre les deux parties de la toiture les espaces existants et à interdire en conséquence la pénétration d'eau. Au demeurant il sera noté qu'aux termes de ses écritures, la SARL CONCEPT GARDOIS ne remet pas en cause l'existence de ces interventions. En outre, le rapport d'expertise amiable du cabinet ETIENNE, dont les constatations ont été faites au contradictoire de la SARL CONCEPT GARDOIS qui n'a alors élevé aucune contestation, confirme pour le moins l'existence de l'intervention réalisée en 2017.

Ces travaux de reprise qui visent à assurer l'étanchéité du toit et comportent l'adjonction de nouveaux matériaux sont eux-mêmes constitutifs d'un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil. Et il n'est pas contesté, aucune observation n'étant formée à ce sujet par les parties, qu'ils ont, en l'absence de toutes réserves alors formulées, été tacitement réceptionnés par la SAS JEAN-MARC FLOUTIER en même temps que les travaux objet des factures des 5 août 2014 et 9 août 2017 dont il n'est pas soutenu qu'elles seraient restées impayées. Enfin, il n'est pas discuté que l'atteinte à l'étanchéité du hangar rend celui-ci impropre à sa destination, de sorte que les désordres tenant à la persistance d'infiltrations d'eau, non apparents lors de la réception, présentent un caractère décennal.

Il s'ensuit, rappel étant fait que l'exécution de travaux de réparations est de nature à engager la responsabilité décennale de l'entrepreneur quand bien même ils sont inefficaces lorsqu'ils ont pour conséquence d'entraîner une aggravation du dommage, ce qu'il appartiendra au premier juge de déterminer, que le délai de prescription a commencé à courir à compter du 5 août 2014 et au plus tard à compter du 9 août 2017. Aussi, à la date des 30 novembre et 1er décembre 2022, correspondant à l'assignation au fond, le délai de forclusion prévu à l'article 1792-4-1 du code civil n'était pas expiré.

En conséquence, la SAS JEAN-MARC FLOUTIER sera déclarée recevable en son action fondée sur l'article 1792 du code civil.

Etant recevable pour les motifs précités à agir sur le fondement de ces dispositions, il n'y a pas lieu, le caractère décennal des désordres interdisant toute action en réparation sur un autre fondement, de se prononcer sur la prescription de l'action formée à titre subsidiaire par la SAS JEAN-MARC FLOUTIER au titre de la responsabilité contractuelle. Surabondamment, il sera rappelé que le délai de dix ans est applicable, en matière de construction, aux actions fondées sur la responsabilité contractuelle, de sorte qu'aucune prescription n'est en tout état de cause acquise.

L'ordonnance déférée sera donc infirmée en ce qu'elle a déclaré forclose l'action de la SAS JEAN-MARC FLOUTIER engagée sur le fondement de l'article 1792 du code civil et prescrite l'action de cette dernière engagée sur le fondement contractuel.

SUR L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE

L'ordonnance déférée sera confirmée en ses dispositions concernant l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

En équité, une indemnité de 1.500 EUR sera allouée en cause d'appel à la SAS JEAN-MARC FLOUTIER sur ce même fondement.

La SARL CONCEPT GARDOIS et la société ALLIANZ IARD, qui succombent, seront déboutées de leur demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant après débats en audience publique par mise à disposition au greffe, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

INFIRME, sauf en ses dispositions relatives à l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'ALES du 3 octobre 2023 en ses dispositions tenant à la forclusion de l'action engagée par la SAS JEAN-MARC FLOUTIER au titre de l'article 1792 du code civil et à la prescription de l'action engagée par cette dernière au titre de la responsabilité contractuelle,

Et statuant de ces seuls chefs,

DIT que l'action engagée par la SAS JEAN-MARC FLOUTIER sur le fondement de l'article 1792 du code civil n'est pas forclose,

DECLARE en conséquence recevable ladite action,

DIT que l'existence d'un désordre de nature décennale fait obstacle à toute action sur le fondement de la responsabilité contractuelle,

DIT en conséquence n'y avoir lieu à se prononcer sur la prescription de l'action engagée à titre subsidiaire par la SAS JEAN-MARC FLOUTIER sur le fondement de la responsabilité contractuelle,

Et y ajoutant,

CONDAMNE la SARL CONCEPT GARDOIS à payer à la SAS JEAN-MARC FLOUTIER la somme de 1.500 EUR sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE la SARL CONCEPT GARDOIS et la société ALLIANZ IARD de leurs demandes présentées à ce titre,

RENVOIE l'examen de l'affaire devant le tribunal judiciaire d'ALES,

CONDAMNE la SARL CONCEPT GARDOIS et la société ALLIANZ IARD aux entiers dépens de première instance et d'appel de l'incident, étant précisé qu'il appartiendra au tribunal de statuer sur les dépens de l'instance au fond et ceux liés à la procédure de référé et aux frais d'expertise.

Arrêt signé par la présidente de chambre et par la greffière.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section a
Numéro d'arrêt : 23/03426
Date de la décision : 16/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-16;23.03426 ?
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