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16/05/2024 | FRANCE | N°21/00416

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 1ère chambre, 16 mai 2024, 21/00416


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



















ARRÊT N°



N° RG 21/00416 -

N° Portalis DBVH-V-B7F-H5UJ



DD



TRIBUNAL JUDICIAIRE D'AVIGNON

04 janvier 2021

RG :19/02808



Sarl AUTO NEGOCE 84



C/



[V]



































Grosse délivrée

le 16/05/2024

à Me

Alexandra Bouillard

à Me Michel Disdet





COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

1ère chambre



ARRÊT DU 16 MAI 2024



Décision déférée à la cour : jugement du tribunal judiciaire d'Avignon en date du 04 janvier 2021, N°19/02808



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Mme Delphine Duprat, conseillère, a entendu les plaidoi...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/00416 -

N° Portalis DBVH-V-B7F-H5UJ

DD

TRIBUNAL JUDICIAIRE D'AVIGNON

04 janvier 2021

RG :19/02808

Sarl AUTO NEGOCE 84

C/

[V]

Grosse délivrée

le 16/05/2024

à Me Alexandra Bouillard

à Me Michel Disdet

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

1ère chambre

ARRÊT DU 16 MAI 2024

Décision déférée à la cour : jugement du tribunal judiciaire d'Avignon en date du 04 janvier 2021, N°19/02808

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Delphine Duprat, conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre,

Mme Delphine Duprat, conseillère,

Mme Audrey Gentilini, conseillère,

GREFFIER :

Mme Nadège Rodrigues, greffière, lors des débats, et Mme Audrey Bachimont, greffière, lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 26 mars 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 16 mai 2024.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

La Sarl AUTO NEGOCE 84, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Alexandra Bouillard, avocate au barreau d'Avignon

INTIMÉ :

M. [I] [V]

né le 18 juillet 1978 à [Localité 5]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Michel Disdet de la Scp Disdet et associés, avocat au barreau d'Avignon

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre, le 16 mai 2024, par mise à disposition au greffe de la cour

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 11 juillet 2018, M.[I] [V] a acheté à la Sarl Auto Négoce 84 un véhicule d'occasion Audi TT immatriculé [Immatriculation 6] au prix de 20 900 euros, avec une garantie contractuelle de 12 mois.

Le 08 janvier 2019, il a confié ce véhicule au garage Audexia qui a dignostiqué: 'véhicule récupéré en l'état, défaut EV + réservoir canister, fuite huile moteur au niveau du carter et turbo, 2 pneus avant craquelés, support de lave-phare droit, renfort de caisse mauvais état, capot moteur frotte sur la carrosserie, fuite de liquide de refroidissement, fuite d'huile boîte de vitesse'.

Par courrier du jour-même 08 janvier 2019 il a sollicité du vendeur l'annulation de la vente, demande rejetée par courrier du 21 janvier 2019.

Son assureur de protection juridique Pacifica a missionné le cabinet Sola expertise et l'expert M.[Y] a tenu deux réunions en présence d'un expert missionné par Auto Négoce 84

- le 19 février 2019, au cours de laquelle il a constaté que le véhicule avait été accidenté et réparé en mai 2016,

- et le 02 mai 2019 au cours de le constructeur a indiqué que le moteur n'était pas d'origine,

étant noté que le véhicule a connu une panne moteur le 11 mars 2019 entre les deux réunions.

Par acte du 13 septembre 2019, M.[V] a fait assigner la Sarl Auto Négoce 84 devant le tribunal judiciaire d'Avignon qui par jugement contradictoire du 04 janvier 2021:

- a annulé la vente,

- a condamné la Sarl Auto Négoce 84

- à rembourser à M.[V] le prix de vente soit la somme de 20 900 euros,

- à lui payer les sommes de

- 1 150,12 euros au titre des frais de diagnostic, dépannage, remorquage,

- 500 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral,

- 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- a dit qu'à défaut de règlement spontané de ces condamnations, le montant des sommes retenues par l'huissier en charge de l'exécution seront supportés par la Sarl Auto Négoce 84 en sus de celles mises à sa charge sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et ce en application de l'article 10 du décret du 08 mars 2001 modifiant le décret du 12 décembre 1996,

- a ordonné l'exécution provisoire,

- a condamné la Sarl Auto Négoce 84 aux dépens.

Par déclaration du 29 janvier 2021, la Sarl Auto Négoce 84 a interjeté appel de cette décision.

Par arrêt avant dire droit du 07 avril 2022, la cour a ordonné une expertise judiciaire, sursis à statuer sur les demandes et réservé les dépens et demandes au titre des frais irrépétibles.

Par arrêt du 12 octobre 2023, la cour a ordonné la réouverture des débats et invité les parties à présenter leurs observations sur la requalification de l'erreur en vice caché, moyen relevé d'office sur le fondement des dispositions de l'article 12 du code de procédure civile, et renvoyé l'examen de l'affaire au 07 décembre 2023 puis au 26 mars 2024.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS

Par conclusions notifiées le 12 juillet 2023, la Sarl Auto Négoce 84 demande à la cour :

- d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,

et statuant à nouveau

- de débouter M. [V] des ses demandes d'annulation de la vente du 11 juillet 2018 sur le fondement de l'erreur et du dol

- de le condamner à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

L'appelante soutient que les conditions d'annulation de la vente pour vice du consentement ne sont pas réunies dès lors que les désordres n'étaient pas présents lors de la vente, qu'ils sont la conséquence d'une usure normale pour un véhicule acheté d'occasion 7 ans après sa mise en circulation et que l'acquéreur a contribué au dommage en refusant de faire procéder aux réparations nécessaires dans le cadre de la garantie contractuelle et en continuant à utiliser le véhicule en dépit de l'affichage des voyants lumineux afférents à un problème de liquide de refroidissement.

Par observations du 19 mars 2024, elle soulève les fins de non recevoir tirées

- de la prescription de l'action en garantie des vices cachés,

- du caractère nouveau d'une demande en appel,

Par conclusions notifiées le 17 février 2023 M.[I] [V] demande à la cour :

- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

- de rejeter comme non pertinente et inutile la demande d'expertise judiciaire,

- de prononcer la nullité de la vente du 11 juillet 2018,

- de condamner la Sarl Auto Négoce 84 à lui payer les sommes de

- 20 900 euros en remboursement du prix de vente,

- 1 150,12 euros au titre des frais,

- 5 00 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,

- d'ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,

- de condamner l'appelante à lui payer une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de la condamner aux dépens et dire et juger qu'à défaut de règlement spontané de ces condamnations, elle supportera le montant des sommes retenues par l'huissier en charge de l'exécution, en sus de celles mises à sa charge sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en application de l'article 10 du décret du 08 mars 2001 modifiant celui du 12 décembre 1996.

Par observations du 12 mars 2024, il soutient que son consentement a été vicié pour cause d'erreur dès lors qu'il ignorait que le véhicule avait été gravement accidenté lors de l'achat et avait fait l'objet d'une remise en circulation en dehors de la procédure réglementaire avec remplacement du moteur d'origine par un moteur usagé.

Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action en garantie des vices cachés

La Sarl Auto Négoce 84 soutient que sur ce fondement l'action doit être déclarée prescrite.

Selon l'article 1648 al 1 du Code civil l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.

La première référence à l'existence d'un vice caché résulte du rapport déposé le 11 janvier 2023 de l'expertise ordonnée par arrêt du 07 avril 2022.

La date de dépôt de ce rapport constitue donc le point de départ du délai.

Par arrêt du 12 octobre 2023, la cour a ordonné la réouverture des débats et invité les parties à présenter leurs observations sur la requalification du fondement de l'action de l'erreur en vice caché.

Suivant observation du 12 mars 2024, M.[V] a sollicité l'annulation de la vente sur ce fondement.

Il a donc agi dans les délais légaux et son action n'est pas prescrite.

La fin non recevoir tirée de la prescription de l'action en garantie des vices cachés sera rejetée.

Sur la fin de non-recevoir tirée du caractère nouveau de la demande d'annulation sur le fondement du vice caché

Soutenant que la formation du contrat n'a été affectée d'aucun vice du consentement, la Sarl Auto Négoce 84 en déduit que l'appelant ne peut maintenir sa demande d'annulation du contrat, et encore moins la fonder sur un vice caché, sauf à suggérer à la cour de prononcer une résolution judiciaire, demande dont elle n'est pas saisie.

Selon l'article 12 du code de procédure civile le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposées

La cour a ainsi motivé : 'En application des dispositions de l'article 12 du code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.

Les conclusions expertales font référence à l'existence d'un vice caché affectant le véhicule. La demande d'annulation de la vente fondée sur l'erreur ne peut par conséquent prospérer mais les parties seront invitées à présenter leurs observations sur la requalification de l'erreur en vice caché afin que le litige puisse être tranché dans le respect du principe contradictoire découlant de l'article 16 du code de procédure civile. La réouverture des débats sera par conséquent ordonnée.'

Elle a ainsi en son office respecté l'article 12 invoqué en donnant ou restituant leur exacte qualification aux faits et actes litigieux invoqués par les parties au soutien de leurs prétentions et en soumettant cette qualification juridique aux contradictoire.

La demande d'application de la garantie des vices cachés de M.[V] n'est donc pas une demande nouvelle mais un changement de qualification juridique de sa demande qui doit donc être déclarée recevable.

Sur la résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés

M.[V] soutient que la présence de liquide de refroidissement non conforme dans le moteur du véhicule litigieux constitue un vice caché, cause exclusive des dommages subis.

La Sarl Auto Négoce 84 s'oppose à la demande d'annulation judiciaire du contrat et soutient que l'appelant a commis des fautes ayant concouru à la survenance du dommage.

Selon l'article 1641 du Code civil le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Selon les articles 1645 et 1646 du même code, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur. S'il ignorait les vices de la chose, il ne sera tenu qu'à la restitution du prix, et à rembourser à l'acquéreur les frais occasionnés par la vente.

Il incombe à l'acheteur de rapporter la preuve du vice caché et de ses différents caractères. (Com. 12 oct. 2004, no 03-12.632 P).

Le véhicule vendu le 27 juin 2018 à M.[V] par la Sarl Auto Négoce 84 a été mis en circulation le 03 février 2011 en Allemagne.

Le 04 avril 2018 après avoir parcouru environ 33 000 kilomètres, il a été importé en France où il a été gravement accidenté le 17 mai 2018

Il a par suite été racheté par la Sas Cra Racchini et revendu à la Sarl Auto Négoce 84 qui l'a été réparé avant de la vendre à M.[V].

Le 31 août 2018, celui-ci a demandé à cette société de lui fournir les documents d'entretien du véhicule et indiqué que le voyant du catalyseur restait allumé depuis la vente.

Le 1er septembre 2018, le garage Audexia est intervenu pour un voyant moteur et un dysfonctionnement.

Le 08 janvier 2019, l'intimé a confié son véhicule au même garage pour diagnostic après constat de multiples anomalies de fonctionnement (voyant moteur allumé, fuites diverses, dysfonctionnements divers). La facture d'un montant de 114 euros mentionne : « Véhicule récupéré en l'état, défaut EV + réservoir canister, fuite huile moteur au niveau du carter et turbo, 2 pneus avant craquelés, support de lave-phare droit, renfort de caisse mauvais état, capot moteur frotte sur la carrosserie, fuite de liquide de refroidissement, fuite d'huile boîte de vitesses. »

M.[V] a par courrier du même jour sollicité l'annulation de la vente auprès de la Sarl Auto Negoce 84, qui s'y est opposée le 23 janvier 2019, et a proposé d'établir un devis de réparation des défauts constatés.

Le 11 mars 2019, le véhicule est tombé en panne en suite d'une casse moteur.

L'expert a retenu que le circuit de refroidissement a forcément été vidangé au cours de ces réparations, après quoi le niveau aura été complété avec un liquide autre que celui recommandé par Audi.

Ensuite, ce mélange de liquide aura forcément provoqué une acidité dévastatrice dans le circuit notamment au niveau de la durite en bakélite ou la fuite a pris naissance.

Il est sans équivoque que lorsque M.[V] a pris la livraison du véhicule celui ci était affecté d'une non conformité à ce niveau, ce qui par suite a généré les premiers éclairages de voyant du tableau de bord.

M.[V] ne pouvait se convaincre lui-même des anomalies lors de la vente, car si les conditions étaient réunies pour provoquer le perçage de la durite en bakélite puis les fuites du liquide de refroidissement, ces désordres n'avaient pas encore pris naissance à l'époque, ce qui constituait un vice caché pour l'acheteur.

Nous réitérons que lors de la vente, les conditions étaient réunies pour provoquer le perçage de la durite de bakélite, puis les fuites de liquide de refroidissement.

Il en résulte qu'antérieurement à la vente, le véhicule litigieux a été gravement accidenté et réparé, et qu'au cours de cette dernière intervention, le niveau du circuit de refroidissement a été complété avec un liquide qui a provoqué une acidité à l'origine du dommage.

Lors de la vente, ce vice préexistait et M.[V] ne pouvait en avoir connaissance.

L'expert conclut que la cause des désordres réside dans des défauts antérieurs à la vente, non apparents au moment de l'achat.

Il retient que toutes les conditions étaient réunies lors de la vente pour provoquer le perçage de la durite de bakélite, puis les fuites de liquide de refroidissement, de sorte que l'existence du vice rendait le véhicule impropre à son usage.

Pour s'exonérer de cette garantie, la Sarl Auto Negoce 84 soutient que l'acheteur a commis une série de fautes ayant concouru à la réalisation du dommage par casse du moteur. Il lui incombe donc de le prouver.

L'expert conclut à cet égard en ces termes :

« pour le principal, le véhicule est affecté d'une destruction du moteur par surchauffes répétées et corrosions de la cylindrée.(..) Lors de la vente le véhicule totalisait 47 160 Km, et il a été confié au garage Audexia pour diagnostic, concernant les éclairages et le voyant, les pertes de puissance et de liquide de refroidissement, en date du 08/01/19 à 61 593 Km, ce qui représente 14 433 Km parcourus depuis la vente, jusqu'à l'apparition de problèmes persistants. Depuis les réparations de carrosserie, jusqu'au premières pertes de liquide de refroidissement, se sont écoulés 13 mois avec 144 33 Km parcourus, durant lesquels l'acidité du liquide de refroidissement a fait son 'uvre en détériorant la durite de bakélite, jusqu'à son perçage au niveau du joint torique permettant une fuite plus importante.

Selon la pièce annexe N°11/2 jointe au pré-rapport, la facture du concessionnaire portant le N°304288 indiquait « véhicule récupéré en l'état » ce qui signifie qu'après avoir été informé du diagnostic, M.[V] n'a pas souhaité faire les réparations et a récupéré le véhicule dans l'état où il se trouvait.

Il est par conséquent, parfaitement démontré, qu'en date du 08/01/19, à 61 593 Km, il était informé du problème de réservoir de canister, et entre autres, de fuite d'huile et de liquide de refroidissement mais qu'il a néanmoins continué à utiliser le véhicule, en aggravant les désordres durant 2095 Km après le diagnostic du garage Audexia

(...) Durant la période où les fuites de liquide n'étaient pas importantes, le niveau du vase d'expansion réduisait au fur et à mesure, jusqu'à éclairage des voyants d'alerte au tableau de bord, suite à quoi M.[V] rétablissait régulièrement le niveau avec de l'eau.

Il n'y a rien d'étonnant que ces compléments avec de l'eau aient commencé à générer des surchauffes anormales avec surverses et éclairage répétitifs de voyants de température.

Ce n'est qu'ensuite, lorsque l'acidité a fini de dégrader la durite, en la rongeant jusqu'à la portée d'assise du joint torique, qu'une importante quantité de liquide de refroidissement a pu s'échapper et générer une surchauffe extrême du moteur.

Par la suite, le véhicule est resté immobilisé, et que c'est durant cette immobilisation que la corrosion s'est installée dans la cylindrée, du fait de la présence d'une importante quantité de liquide de refroidissement, étant précisé que s'il n'y avait pas eu d'eau, il n'y aurait pas eu de corrosion, car le liquide de refroidissement combat la corrosion' ».

Il en résulte que les vices existaient bien lors de la vente et n'ont fait que s'aggraver avec le temps.

Ils sont apparus très rapidement après la vente de juin 2018, M.[V] se manifestant dès le mois d'août auprès du vendeur pour solliciter l'ensemble des documents afférents au véhicule.

Ces vices existaient donc dans toute leur ampleur avant la vente, ne sont pas le résultat de l'usage du véhicule par l'acquéreur et le vendeur est donc tenu à la garantie prévue à l'article 1641 du Code civil.

La résolution de la vente, et non sa nullité, sera en conséquence prononcée.

Sur la restitution du prix et du véhicule litigieux

La Sarl Auto Négoce 84 soutient eu égard aux fautes de l'acquéreur n'être tenue qu'au remboursement de 20% du prix de la vente.

Selon l'article 1644 du Code civil, dans le cas des articles1641 et 1643 l'acquéreur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix, telle qu'elle sera arbitrée par experts.

L'acquéreur qui exerce l'action en garantie des vices cachés à l'égard de son vendeur dispose ainsi d'une option, laissée à sa discrétion, entre l'action rédhibitoire et l'action estimatoire.

En l'espèce, M.[V] sollicite la condamnation de la Sarl Auto Négoce 84 à lui restituer le prix de la vente soit la somme de 20 900 euros.

L'action rédhibitoire entraîne la résolution du contrat de vente et implique nécessairemen que le vendeur rende la totalité du prix versé et que l'acquéreur restitue la chose vendue.

La Cour de cassation rappelle que le vice caché, défini comme un défaut rendant la chose impropre à sa destination, ne donne pas lieu à une action en responsabilité contractuelle mais à une action en garantie.

Dès lors, en l'espèce, l'éventuelle faute de l'acquéreur est inopérante.

La résolution ayant été prononcée, M.[V] est tenu de restituer le véhicule et la Sarl Auto Négoce Auto 84 de lui rembourser l'intégralité du prix de vente soit 20 900 euros.

Sur l'indemnisation des dommages subis par l'acquéreur

La Sarl Auto Négoce 84 soutient qu'étant de bonne foi, elle n'est pas tenue des demandes indemnitaires sur le fondement de l'article 1646 du Code civil.

M.[V] sollicite la confirmation du jugement sur ce point.

Si le vendeur connaissait les vices de la chose vendue, il est tenu, selon l'article 1645 du Code civil, outre à la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages-intérêts envers l'acquéreur, et une présomption irréfragable de mauvaise foi pèse sur le vendeur professionnel.

En pareille hypothèse, l'acquéreur peut donc réclamer réparation de tout préjudice imputable au vice (Civ. 1 , 30 janvier 1996, n 94-10.861)

En l'espèce, il n'est pas contesté que la Sarl Auto Négoce 84 est un professionnel du secteur de la vente et de la réparation de véhicules automobiles.

M.[V] est donc fondé à solliciter réparation de ses préjudices imputables au vice qu'il chiffre sans la détailler à la somme de 1 150,02 euros.

Le rapport d'expertise détaille de son côté les dépenses suivantes :

- 265,56 euros le 1er septembre 2018 (facture Audexia) pour un voyant moteur

- 110 euros le 11 mars 2019 (dépannage pour un voyant de catalyseur et perte de puissance)

- 114 euros le 08 janvier 2019 (facture Audexia) pour une intervention sur place

- 114 euros le 19 février 2019, (facture Audexia) pour un contrôle de véhicule avec expert

- 110 euros le 30 avril 2019, (facture de remorquage)

- 110 euros le 03 mai 2019, (facture de dépannage)

- 171 euros le 03 mai 2019, (facture Audexia)

Soit la somme totale de 994,56 euros

Ces factures telles que produites aux débats et dont il est justifié qu'elles concernent le véhicule litigieux, sont en lien de causalité direct avec les vices affectant le véhicule.

Le préjudice financier de M.[V] sera donc fixé à 994,56 euros et la décision infirmée sur ce point.

l'intimé sollicite au surplus la confirmation de la décision lui ayant octroyé la somme de 500 euros au titre de son préjudice moral.

Il est justifié qu'il a du en suite de l'achat de son véhicule se rendre à sept reprises dans différents garages pour le faire réparer et déanner pas moins de trois fois, ce qui constitue la preuve des tracas subis en lien avec l'existence des désordres affectant son véhicule, qu'il est juste d'indemniser à hauteur de 500 euros.

Sur les autres demandes

La Sarl Auto Négoce 84 qui succombe devra supporter les dépens de la présente instance en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et payer à M.[I] [V] la somme de 1 500 euros, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

A défaut de règlement spontané de ces condamnations, le montant des sommes retenues par l'huissier en charge de l'exécution, seront supportées par la société Auto Négoce 84 en sus de celles mises à sa charge sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et ce, en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 modifiant celui du 12 décembre 1996.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rejette la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action en garantie des vices cachés,

Déclare recevable la demande fondée sur la garantie des vices cachés,

Confirme le jugement en ce qu'il a condamné la Sarl Auto Négoce 84 à payer à M.[I] [V] la somme de 500 euros en réparation de son préjudice moral,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau

Prononce la résolution de la vente conclue entre la Sarl Auto Négoce 84 et M.[I] [V] le 11 juillet 2018 portant sur le véhicule Audi TT immatriculé [Immatriculation 6],

Ordonne la restitution du véhicule par M.[I] [V] à la Sarl Auto Négoce 84,

Ordonne la restitution du prix de vente soit la somme de 20 900 euros par la Sarl Auto Négoce 84 à M.[I] [V] ,

Condamne la Sarl Auto Négoce 84 à payer à M [I] [V] la somme de 994,56 euros en réparation de son préjudice matériel,

Y ajoutant

Condamne la Sarl Auto Négoce 84 aux entiers dépens,

La condamne à payer à M [I] [V] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit qu'à défaut de règlement spontané de ces condamnations, le montant des sommes retenues par l'huissier en charge de l'exécution, seront supportées par la Sarl Auto Négoce 84 en sus de celles mises à sa charge sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et ce, en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 modifiant celui du 12 décembre 1996.

Arrêt signé par le présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/00416
Date de la décision : 16/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-16;21.00416 ?
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