La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/05/2024 | FRANCE | N°22/02037

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section c, 02 mai 2024, 22/02037


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 22/02037 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IO63



LM



JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE NIMES

17 mai 2022 RG :22/00386



[Y]

[Y]



C/



S.C.I. [F]































Grosse délivrée

le

à Me Chevenier

Selarl Leonard Vezian ...



<

br>


COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section C



ARRÊT DU 02 MAI 2024





Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge des contentieux de la protection de NIMES en date du 17 Mai 2022, N°22/00386



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Madame Sylvie DODIVERS, Présidente de chambre, a ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/02037 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IO63

LM

JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE NIMES

17 mai 2022 RG :22/00386

[Y]

[Y]

C/

S.C.I. [F]

Grosse délivrée

le

à Me Chevenier

Selarl Leonard Vezian ...

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section C

ARRÊT DU 02 MAI 2024

Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge des contentieux de la protection de NIMES en date du 17 Mai 2022, N°22/00386

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Sylvie DODIVERS, Présidente de chambre, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Sylvie DODIVERS, Présidente de chambre

Mme Laure MALLET, Conseillère

Madame Sandrine IZOU, Conseillère

GREFFIER :

Mme Céline DELCOURT, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 01 Février 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 11 Avril 2024, prorogé à e jour,

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTS :

Monsieur [V] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Marie-camille CHEVENIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 22/3755 du 29/06/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Nîmes)

Madame [B] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Marie-camille CHEVENIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/003919 du 20/07/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Nîmes)

INTIMÉE :

S.C.I. CHANZY société civile immobilière immatriculée au RCS de Nîmes sous le numéro 422 961 060, représentée par son Gérant

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Romain LEONARD de la SELARL LEONARD VEZIAN CURAT AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Benoît LAVAGNE D'ORTIGUE de l'AARPI LOG Avocats, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 11 Janvier 2024

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Sylvie DODIVERS, Présidente de chambre, le 02 mai 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte sous seing privé en date du 1er décembre 2021, la SCI Chanzy prise en la personne de son représentant légal en exercice, M. [T] [W] a donné en location à M. [V] [Y] et Mme [B] [Y] un appartement situé [Adresse 1]) moyennant un loyer mensuel de 465 euros charges comprises.

Selon courrier du 25 janvier 2022, le conseil de la SCI Chanzy a adressé un courrier à M. et Mme [Y] aux fins d'annulation du contrat de bail.

Par acte du 14 mars 2022, la SCI Chanzy a fait assigner M. [V] [Y] et Mme [B] [Y] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nîmes aux fins de :

faire droit à l'ensemble des demandes de Monsieur [W] pris en sa qualité de représentant de la SCI ;

constater l'insanité d'esprit de Monsieur [W] au moment de la formation du contrat ;

prononcer la nullité du contrat de bail conclu avec les époux [Y] ;

condamner les défendeurs au paiement de la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par jugement réputé contradictoire du 17 mai 2022, le juge du contentieux de la protection du tribunal judicaire de Nîmes a :

-prononcé la nullité du contrat de bail consenti le 1er décembre 2021 à M. [V] [Y] et Mme [B] [Y] sur le bien situé [Adresse 1] ;

-condamné M. [V] [Y] et Mme [B] [Y] à payer à la SCI Chanzy la somme de 200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamné M. [V] [Y] et Mme [B] [Y] aux entiers dépens.

-rappelé le caractère exécutoire de la présente décision.

Par déclaration du 16 juin 2022, M et Mme [Y] ont relevé appel de ce jugement.

Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 9 septembre 2022, auxquelles il est expressément référé, M. [V] [Y] et Mme [B] [Y] demandent à la cour de :

-déclarer juste et bien fondé l'appel de M. et Mme [Y],

-réformer en toutes ses dispositions la décision déférée,

Statuant à nouveau,

-déclarer valide le contrat de bail en date du 1er décembre 2021,

-ordonner la remise des quittances de loyers sous astreintes de 50 € par jours de retard à compter à compter du prononcé de la décision à intervenir avec intérêts au taux légal,

-condamner la SCI Chanzy aux entiers dépens d'instance,

-condamner la SCI Chanzy à porter et payer la somme de 1500C au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de leur appel, ils soutiennent qu'ils ont pris à bail le logement par l'intermédiaire de Mme [G] qui avait charge depuis de nombreuses années de louer les appartements de la SCI Chanzy et qui assurait la gestion des locations avec l'accord de M. [W].

Ils ajoutent qu'il n'est pas justifié de la mise sous curatelle et du véritable état de santé de M. [W].

Enfin, ils expliquent que la fille de M. [W] n'acceptait en réalité pas que le logement soit loué à des retraités.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 4 octobre 2023, auxquelles il est expressément référé, la SCI Chanzy demande à la cour de :

Vu les articles 414-1, 1128 et 1129 du code civil,

Vu le jugement rendu le 17 mai 2022 par le juge chargé des contentieux de la protection, dont appel,

-confirmer le jugement rendu le 17 mai 2022 par le juge chargé des contentieux de la protection dans toutes ses dispositions ;

-condamner les consorts [Y] à payer à la SCI Chanzy une indemnité d'occupation mensuelle fixée à la somme de 465 euros, à compter du 1er décembre 2021 (date d'entrée dans les lieux) et jusqu'à la libération effective des lieux, le 28 décembre 2022 ;

-constater que toute somme réglée par les Consorts [Y] depuis leur entrée dans les lieux devra être déduite des sommes dues au titre de l'indemnité d'occupation, et constater qu'à date la somme due est égale à zéro euro ;

Y ajoutant,

-condamner les consorts [Y] à verser à la SCI Chanzy une somme de 2 103,82 euros à titre des dommages-intérêts correspondant aux frais de remises en état ;

-débouter les consorts [Y] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;

-condamner les consorts [Y] à payer à la SCI Chanzy la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamner les consorts [Y] aux entiers dépens.

Elle réplique que les troubles cognitifs de M. [W] sont démontrés que ce soit antérieurement à la conclusion du contrat, au moment du contrat ou postérieurement, qu'il n'était donc pas sain d'esprit avant ou après la conclusion du contrat de bail.

Elle fait valoir que Mme [G] n'a jamais été la mandataire de la SCI Chanzy et qu'une plainte a d'ailleurs été déposée à son encontre.

La clôture de la procédure est intervenue le 11 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la nullité du contrat de bail du 1er décembre 2021,

Selon l'article 1128 du code civil « Sont nécessaires à la validité d'un contrat :

1° Le consentement des parties ;

2° Leur capacité de contracter ;

3° Un contenu licite et certain. »

Selon l'article 414-1 du code civil « Pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit. C'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte. »

Il appartient donc à celui qui agit en nullité pour insanité d'esprit de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte et à celui qui défend de démontrer au contraire que l'acte a été accompli dans un intervalle lucide

La SCI Chanzy soutient que son gérant (qualité justifiée par les pièces produites aux débats), M. [W] âgé de 86 ans, était atteint au moment de la conclusion du contrat de bail du 1er décembre 2021 de troubles cognitifs importants.

Il ressort des documents médicaux versés aux débats :

-que le 24 février 2021, 9 mois avant la signature du contrat litigieux, le compte rendu de consultation du docteur [S], spécialiste des maladies du système nerveux périphérique et les maladies vasculaires, précisait que M. [W] présentait des troubles cognitifs et était de fait suivi en centre mémoire. Il était d'ailleurs constaté ce jour-là des troubles attentionnels,

-que le 17 décembre 2021, soit 15 jours seulement après la signature du contrat litigieux, le compte rendu de consultation dressé par le docteur [P] notait une nette aggravation des troubles cognitifs et faisait état du fait qu'une mesure de protection était en cours, outre de nettes difficultés de communication,

-que le médecin traitant de M. [W] certifie le 22 décembre 2021 que l'état de santé de M. [W] acec troubles cognitifs justifie une mise sous curatelle.

Ces constatations médicales, qui ne sont pas contredites par les appelants, révèlent que M. [W] était atteint dès février 2021 de troubles cognitifs qui se sont nettement aggravés précisément à une époque contemporaine de l'acte litigieux, la nécessité d'une mesure de protection ayant même été mentionnée par les médecins qui assuraient son suivi régulier, requête qui sera déposée le 22 décembre 2022.

Il est donc démontré qu'au moment de la conclusion du contrat de bail, le représentant de la SCI Chanzy ne disposait pas de toutes ses facultés pour comprendre la portée de son engagement et les appelants ne démontrent pas le contraire.

M.et Mme [Y] répliquent que le contrat de location a été conclu par l'intermédiaire de Mme [G] qui s'occupait seule de la gestion des trois appartements de l'immeuble à la même adresse (signature des contrats de bail, établissement de deux quittances, démarches auprès de la CAF, relances de loyers etc.) et qu'elle possédait d'ailleurs en permanence un contrat de bail tamponné de la SCI Chanzy et signé de sa main afin de faire signer le bail aux futurs locataires.

Or, s'il ressort des attestations des anciens locataires que Mme [G] a pu intervenir dans la gestion des appartements de la SCI Chanzy, il n'est absolument pas démontré qu'elle avait reçu un mandat à cette fin et notamment pour la conclusion du contrat de bail objet du litige alors même que la bailleresse a porté plainte pour ces agissements et que la pratique décrite par les appelants rappelée ci-dessus révèle au contraire un manque de discernement de M. [W].

En toute hypothèse, dans le contrat de mandat, l'exigence de consentement du mandant est double, elle doit exister au moment du contrat de mandat proprement dit et au moment de l'acte projeté, ici le contrat de bail.

Pour les motifs exposés ci-avant, M. [W] n'a pu consentir ni à l'un ni à l'autre et le mandat étant un contrat de représentation l'insanité d'esprit doit s'apprécier au regard du mandant.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de bail consenti le 1er décembre 2021 à M. [V] [Y] et Mme [B] [Y] sur le bien situé [Adresse 1].

Selon l'article 1178 du code civil, le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé et les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9. Toutefois, lorsque la remise en l'état antérieur s'avère impossible, la partie qui a bénéficié d'une prestation qu'elle ne peut restituer, telle que la jouissance d'un bien loué, doit s'acquitter d'une indemnité d'occupation.

En l'espèce, les appelants ont quitté les lieux, la restitution du bien a donc eu lieu.

Quant à la restitution des loyers, elle ne peut avoir lieu, les locataires qui ont bénéficié de l'appartement ne pouvant pas restituer cette jouissance. Il y a donc lieu à une restitution par équivalence monétaire en fixant une indemnité d'occupation qui sera évaluée à la somme mensuelle de 465 € du 1er décembre 2021 au 28 décembre 2022, dont les appelants se sont d'ores et déjà acquittée comme le reconnait la SCI Chanzy qui ne formule aucune demande à ce titre.

En revanche, l'intimée soutient que le bien a été restitué dégradé et sollicite la somme de 2 103,82 euros au titre de la remise en état.

Cependant, l'état des lieux d'entrée mentionnait déjà pour toutes les pièces que les murs, plafonds et sols sont « passables » sans aucune autre précision ne permettant pas la comparaison avec le procès-verbal d'état des lieux de sortie dressé à la demande de la SCI qui ne décrit pas précisément les dégradations apportées aux murs et aux sols.

Par ailleurs, l'intimée sollicite le remboursement d'une facture de désinfection (blattes) sans justifier que l'appartement en était atteint pendant l'occupation.

Quant à la fuite sous l'évier de la cuisine effectivement relevée par le commissaire de justice dans son constat, il ressort de la facture de la société M. [J] du 13 avril 2023 que sa reprise n'a pas été facturée.

En conséquence, la SCI Chanzy sera déboutée de sa demande.

Eu égard à la présente décision, la demande des appelants au titre de la délivrance des quittances de loyer n'est pas justifiée.

Sur les demandes accessoires,

Le jugement déféré sera infirmé concernant les frais irrépétibles et confirmé concernant les dépens.

En application de l'article 696 du code de procédure civile, à M. [V] [Y] et Mme [B] [Y], qui succombent, supporteront les dépens d'appel.

Il n'est pas inéquitable de laisser supporter à la SCI Chanzy ses frais irrépétibles de première instance et d'appel. Elle sera déboutée de sa demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné M. [V] [Y] et Mme [B] [Y] à payer à la SCI Chanzy la somme de 200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,

Fixe et condamne M. [V] [Y] et Mme [B] [Y] à payer à la SCI Chanzy une indemnité d'occupation mensuelle de 465 € du 1er décembre 2021 jusqu'à la libération effective des lieux le 28 décembre 2022,

Constate que M. [V] [Y] et Mme [B] [Y] se sont d'ores et déjà acquittés du montant de l'indemnité d'occupation ci-dessus fixée,

Déboute la SCI Chanzy de sa demande au titre de la remise en état du bien restitué,

Déboute M. [V] [Y] et Mme [B] [Y] de leur demande au titre des quittances de loyers,

Condamne M. [V] [Y] et Mme [B] [Y] aux dépens d'appel,

Déboute la SCI Chanzy de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section c
Numéro d'arrêt : 22/02037
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;22.02037 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award