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02/05/2024 | FRANCE | N°22/01219

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section a, 02 mai 2024, 22/01219


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS















ARRÊT N°



N° RG 22/01219 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IMUA



VH



TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AVIGNON

01 mars 2022

RG:21/00061



S.A.S. VEDEN'ALU



C/



[C]

[B]





























Grosse délivrée

le

à Me Levetti

Selarl Marmillot















COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A





ARRÊT DU 02 MAI 2024





Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AVIGNON en date du 01 Mars 2022, N°21/00061



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Mme Nathalie AZOUARD, Présidente de Chambre...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/01219 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IMUA

VH

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AVIGNON

01 mars 2022

RG:21/00061

S.A.S. VEDEN'ALU

C/

[C]

[B]

Grosse délivrée

le

à Me Levetti

Selarl Marmillot

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

ARRÊT DU 02 MAI 2024

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AVIGNON en date du 01 Mars 2022, N°21/00061

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Nathalie AZOUARD, Présidente de Chambre,

Madame Virginie HUET, Conseillère,

M. André LIEGEON, Conseiller,

GREFFIER :

Mme Véronique LAURENT-VICAL, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 05 Mars 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 02 Mai 2024.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

S.A.S. VEDEN'ALU Société par actions simplifiée au capital de 7 500,00 €, immatriculée au RCS de AVIGNON sous le n° 481 097 806 prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Régis LEVETTI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CARPENTRAS

INTIMÉS :

Monsieur [U] [C]

né le 28 Février 1958 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Roland MARMILLOT de la SELARL SOCIETE D'AVOCAT ROLAND MARMILLOT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'AVIGNON

Madame [D] [B] épouse [C]

née le 25 Septembre 1969 à CARPENTRAS (84200)

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Roland MARMILLOT de la SELARL SOCIETE D'AVOCAT ROLAND MARMILLOT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'AVIGNON

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 17 Mai 2023

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Nathalie AZOUARD, Présidente de Chambre, le 02 Mai 2024,par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Suivant bon de commande du 4 février 2015, M. [U] [C] et son épouse Mme [D] [B] ont fait réaliser par la SAS Veden'Alu la fourniture et la pose de volets roulants sur leur bien immobilier situé à [Localité 3] (Vaucluse) pour un montant de 64 645,83 euros.

A l'issue de la réalisation des prestations, la SAS Veden'Alu a émis une facture pour un montant total de 59 786,31 euros le 8 septembre 2015.

M. [C] a fait établir un constat d'huissier en date du 11 juin 2018 par Maître [Y] qui a constaté que plusieurs volets de leur résidence étaient éraflés et/ou cabossés.

M. et Mme [C] ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance d'Avignon qui, par ordonnance du 25 mars 2019, a ordonné une mesure d'expertise afin notamment de déterminer l'étendue des désordres et leur imputabilité.

M. [R] [F] a rendu son rapport définitif le 29 septembre 2020.

Par acte d'huissier du 8 juin 2021, M. et Mme [C] ont fait assigner la SAS Veden'Alu devant le tribunal judiciaire d'Avignon aux fins d'obtenir notamment sa condamnation à leur régler la somme de 5 533 euros au titre des travaux de reprise, avec intérêts au taux légal à compter de mars 2017, mois du sinistre, la somme de 2000 euros au titre de la résistance abusive, outre la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire.

Le tribunal judiciaire d'Avignon, par jugement contradictoire du 1er mars 2022, a :

- Déclaré l'action fondée sur la garantie de bon fonctionnement irrecevable comme prescrite,

- Constaté que la garantie décennale est inapplicable,

- Condamné la SAS Veden'Alu à régler à [D] [B] épouse [C] et [U] [C] la somme de 3 850 euros au titre des réparations avec intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2021 (date de l'assignation),

- Rejeté la demande de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive,

- Condamné la SAS Veden'Alu à régler à [D] [B] épouse [C] et [U] [C] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles,

- Condamné la SAS Veden'Alu aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise à hauteur de 4 601,79 euros ordonnée par ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance d'Avignon en date du 25 mars 2019 (RG 19/00100), qui seront recouvrés directement par Maître Roland Marmillot,

- Rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

Par acte du 31 mars 2022, la SAS Veden'Alu a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Un changement de chambre pour connaître de l'affaire est intervenu le 9 mai 2022.

Par ordonnance du 9 mars 2023, la clôture de la procédure a été fixée au 17 mai 2023, l'affaire a été appelée à l'audience du 12 juin 2023, renvoyée au 12 décembre 2023, puis déplacée au 5 mars 2024 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 2 mai 2024.

EXPOSE DES MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 novembre 2022, la SAS Veden'Alu, appelante, demande à la cour de :

Vu les pièces,

Vu les dispositions de l'article 1792-3 du code civil,

- Confirmer le jugement rendu le 1er mars 2022 en ce qu'il a déclaré l'action fondée sur la garantie de bon fonctionnement irrecevable comme prescrite et en ce qu'il a constaté que la garantie décennale comme étant inapplicable,

- Recevoir l'appel interjeté par la société Veden'Alu du jugement rendu le 1er mars 2022 par le tribunal judiciaire d'Avignon en ce qu'il a :

* Condamné la SAS Veden'Alu à régler à [D] [B] épouse [C] et [U] [C] la somme de 3 850 euros au titre des réparations avec intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2021 (date de l'assignation),

* Condamné la SAS Veden'Alu à régler à [D] [B] épouse [C] et [U] [C] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles,

* Condamné la SAS Veden'Alu aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise à hauteur de 4 601,79 euros ordonnée par ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance d'Avignon en date du 25 mars 2019 (RG 19/00100), qui seront recouvrés directement par Maître Roland Marmillot,

Statuant à nouveau,

- Infirmer la décision entreprise sur les chefs du jugement rendu le 1er mars 2022 par le tribunal judiciaire d'Avignon en ce qu'il a :

* Condamné la SAS Veden'Alu à régler à [D] [B] épouse [C] et [U] [C] la somme de 3 850 euros au titre des réparations avec intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2021 (date de l'assignation),

* Condamné la SAS Veden'Alu à régler à [D] [B] épouse [C] et [U] [C] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles,

* Condamné la SAS Veden'Alu aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise à hauteur de 4 601,79 euros ordonnée par ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance d'Avignon en date du 25 mars 2019 (RG 19/00100), qui seront recouvrés directement par Maître Roland Marmillot,

Faisant application de la règle specialia generabilus derogant,

Vu la jurisprudence,

- Juger que la mise en 'uvre de la prescription découlant des dispositions de l'article 1792-3 du code civil interdit toute action et dès lors toute condamnation, à l'encontre de la société Veden'Alu sur la base de la responsabilité contractuelle,

En conséquence,

- Débouter les consorts [C] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

- Débouter les consorts [C] de leur appel incident,

- Condamner les époux [C] à restituer l'ensemble des sommes découlant des sommes qui leur ont été versées au titre de l'exécution provisoire du jugement dont appel, et ce avec intérêt de droit à compter de l'arrêt à intervenir,

- Condamner les époux [C] à verser à la société Veden'Alu la somme de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Les condamner aux entiers dépens en ce compris les frais de première instance et les frais d'expertise judiciaire, ainsi que ceux d'appel.

Au soutien de ses prétentions, l'appelante fait essentiellement valoir que :

- au visa de l'article 1792-3 du code civil, la prescription biennale de l'action fondée sur la garantie de bon fonctionnement est acquise depuis le 12 décembre 2017, les menuiseries ayant été posées en décembre 2015 et le solde de la facture étant daté du 12 décembre 2015, d'autant que l'assignation en référé du 21 février 2019, qui ne vise aucun désordre particulier, ne peut interrompre la prescription, et que l'assignation au fond date du 8 juin 2021 ;

- la garantie décennale n'est pas applicable dès lors que les désordres sont survenus au cours de l'année de parfait achèvement ; que M. et Mme [C] n'ont pas adressé de mise en demeure en application de l'article 1792-6 du code civil ; que les travaux ne constituent pas un ouvrage et qu'ils ne peuvent être qualifiés d'éléments d'équipement indissociables ;

- en application du principe specialia generalibus derogant, dans la mesure où les premiers juges ont constaté la prescription de l'action sur le fondement de l'article 1792-3 du code civil, elle ne pouvait être condamnée sur le fondement de la responsabilité de droit commun ;

- subsidiairement, M. et Mme [C] ne rapportent pas la preuve que le désordre invoqué lui est imputable et qu'elle ne peut être condamnée sur la base d'un devis effectué par une autre entreprise qui n'a pas été soumis à l'appréciation de l'expert judiciaire ;

- elle ne saurait être condamnée au paiement de dommages-intérêts pour résistance abusive, ayant fait intervenir dès l'origine un fabricant pour des questions de réglage, n'ayant plus reçu de réclamation jusqu'à son assignation en justice et s'étant fait représenter lors de la procédure de référé et de la procédure au fond ;

- selon la société Bubendorff qu'elle a fait intervenir, le défaut est imputable à M. et Mme [C], de sorte que ces derniers étaient informés de l'origine des désordres ;

- en réplique aux conclusions adverses, les intimés ne sollicitent pas la réformation du jugement déféré en ce qu'il a consacré le principe de la prescription de l'action sur le fondement de la garantie de bon fonctionnement en application de l'article 1792-3 du code civil et qu'ils ne formulent aucune observation au sujet des différentes interventions en réparation, mises en fonctionnement et responsabilités dans les conditions d'utilisation les concernant, de sorte que leurs demandes ne sauraient être accueillies pour les motifs exposés ci-dessus.

En l'état de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 février 2023, contenant appel incident, M. et Mme [C], intimés, demandent à la cour de :

Vu les articles 1103, 1231-1 et 1792 et suivants du code civil,

Vu les anciens articles 1134 et 1147 du code civil,

Vu la jurisprudence citée,

Vu les pièces versées aux débats,

Vu le jugement du 1er mars 2022 du tribunal judiciaire d'Avignon,

Il est demande à la cour de céans :

- Recevoir les conclusions d'intimé et l'appel incident des époux [C],

A titre principal :

- Confirmer le jugement visé en ce qu'il a retenu la responsabilité contractuelle de droit commun de la société Veden'Alu,

A titre subsidiaire :

- Réformer le jugement visé en ce qu'il a déclaré l'action fondée sur la garantie de bon fonctionnement irrecevable comme prescrite,

- Réformer le jugement visé en ce qu'il a constaté que la garantie décennale est inapplicable,

En tout état de cause :

- Confirmer le jugement visé en ce qu'il a condamné la société Veden'Alu à payer aux époux [C] la somme de 3.850 euros TTC au titre des réparations des volets avec intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2021 (date de l'assignation),

- Confirmer le jugement visé en ce qu'il a condamné la société Veden'Alu à régler aux époux [C] la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles,

- Confirmer le jugement visé en ce qu'il a condamné la société Veden'Alu aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise à hauteur de 4.601,79 euros ordonnée par ordonnance du juge des référés du tribunal judicaire d'Avignon en date du 25 mars 2019 (RG 19/00100),

- Confirmer le jugement visé en ce qu'il a rappelé que l'exécution provisoire est de droit,

- Réformer le jugement visé en ce qu'il a condamné la société Veden'Alu uniquement à la somme de 3.850 euros TTC au titre des désordres,

- Réformer le jugement visé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive,

- Réformer le jugement visé en ce qu'il n'a pas statué sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

En conséquence, et statuant à nouveau partiellement :

- Condamner la société Veden'Alu à payer aux consorts [C] la somme de 5.533 euros TTC au titre de l'intégralité des travaux de reprise, outre les intérêts de droit au taux légal à compter du 8 juin 2021 (date de l'assignation),

- Condamner la société Veden'Alu à payer aux consorts [C] la somme de 2.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de sa résistance abusive et de sa mauvaise foi patente,

- Condamner la société Veden'Alu à payer aux consorts [C] la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance et d'appel,

- Condamner la société Veden'Alu aux entiers dépens de la procédure d'appel.

Ils font valoir en substance que :

- il résulte du procès-verbal de constat d'huissier du 11 juin 2018 et du rapport d'expertise judiciaire que l'ensemble des désordres et dysfonctionnements est imputable à la société Veden'Alu ; que cette dernière engage sa responsabilité, à titre principal, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, en application de l'article 1231-1 du code civil, l'action en référé ayant été engagée en 2019, soit dans le délai de 5 ans à compter de la réception tacite des travaux en décembre 2015 ; que le devis établi par la société ABCD Menuiseries le 25 mai 2020 chiffre le montant des travaux de reprise confiés à la société Veden'Alu à hauteur de 5 533 euros TTC, de sorte que cette dernière sera condamnée à leur payer cette somme à ce titre,

- l'adage « specialia generabilus derogant » ne peut être invoqué en l'espèce dans la mesure où lorsque la garantie légale ne s'applique pas, il est toujours possible pour le maître de l'ouvrage d'invoquer la responsabilité contractuelle de droit commun ;

- aucun élément probant et objectif ne permet de considérer qu'ils ont fait une mauvaise utilisation des volets, la société Bubendorff qui est intervenue étant le fournisseur des volets roulants litigieux ;

- à titre subsidiaire, la garantie de bon fonctionnement peut être mobilisée dès lors que le seul constat du dysfonctionnement de l'élément d'équipement dissociable est suffisant pour engager la responsabilité de l'auteur et qu'en l'espèce la déclaration de sinistre a été effectuée en mars 2017, soit dans le délai de deux ans ; que la garantie décennale peut également être mobilisée dans la mesure où il a été jugé que les volets roulants sont considérés comme faisant indissociablement corps avec l'ouvrage dès lors que le remplacement d'un des volets affectés détériorerait sensiblement l'ouvrage et que le défaut de fonctionnement d'un élément d'équipement dissociable est susceptible d'engager à la fois la responsabilité décennale et la garantie biennale de bon fonctionnement vu que le défaut de fonctionnement porte une atteinte à la destination de l'ouvrage ; qu'en l'espèce ils disposent d'un délai de 10 ans à compter du mois de décembre 2017 pour engager une procédure, soit jusqu'en décembre 2027, de sorte que l'action n'est pas prescrite.

Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

I - Sur la fin de non recevoir tirée de la forclusion biennale :

L'appelante sollicite la confirmation de la décision du premier juge en ce qu'il a retenu la 'prescription' de l'action.

L'intimé sollicite la réformation du jugement sur ce point mais n'avance pas de moyens au soutien de sa prétention.

Réponse de la cour :

L'article 1792-3 du code civil dispose que « Les autres éléments d'équipements de l'ouvrage font l'objet d'une garantie de bon fonctionnement d'une durée minimale de 2 ans à compter de sa réception ».

Les intimés disposaient donc d'un délai de 2 ans à compter de la réception des menuiseries livrées et posées par la société VEDEN'ALU pour engager une action judiciaire à leur encontre, soit jusqu'au paiement intégral de la facture, soit à la date non contestée du 12 décembre 2017.

Ce n'est que par acte en date du 21 février 2019, soit près de 3 ans et 2 mois suite à la réception des travaux litigieux que les époux [C] ont agi.

Il est constant que le délai biennal est un délai de forclusion et non de prescription.

Les époux [C] étaient donc forclos en leur action lors qu'ils ont agi. La décision du premier juge sera donc confirmée sur ce point.

II - Sur l'action en garantie décennale :

L'appelante sollicite la confirmation du jugement de première instance en ce que celui-ci a débouté les époux [C] de leur action sur le fondement de la responsabilité décennale.

Les intimés sollicitent à titre subsidiaire que l'appelante soit condamnée sur le fondement de la garantie décennale.

Réponse de la cour :

- sur la possibilité d'agir sur le fondement de la garantie décennale :

Le moyen soulevé par l'appelante relatif à la garantie de parfait achèvement est sans objet s'agissant en l'espèce de la garantie de bon fonctionnement.

- Sur le cumul d'action entre la garantie de bon fonctionnement et la décennale :

Théoriquement un même défaut de fonctionnement constitutif d'un désordre matériel peut les deux premières années à compter de la réception relever de la responsabilité décennale comme de la garantie biennale. Il est constant que même si dans la pratique le maître de l'ouvrage privilégie le plus souvent la responsabilité décennale, il peut actionner la garantie biennale. L'esprit de la loi Spinetta de subsidiarité permet donc d'envisager la responsabilité sur le fondement de 1792 du code civil puis de 1792-3 si la responsabilité décennale ne s'applique pas.

Ce moyen est donc aussi inopérant.

- sur le fait que les travaux soient constitutifs ou non d'un ouvrage :

Le premier juge a retenu que les travaux ne constituent pas un ouvrage.

L'article 1792-2 du code civil précise que « La présomption de responsabilité établie par

l'article 1792 s'étend également aux dommages qui affectent la solidité des éléments d'équipement d'un ouvrage, mais seulement lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec

les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert.

Un élément d'équipement est considéré comme formant indissociablement corps avec l'un des

ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert lorsque sa dépose, son démontage ou son remplacement ne peut s'effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage. »

En l'espèce, l'expertise judiciaire réalisée par M. [F] précise que les volets sont des 'éléments d'équipements constitués par des tabliers à lames dont le remplacement ne pose aucun problème'.

Les époux [C] n'apportent pas d'éléments contradictoires démontrant que les volets sont indissociables de l'ouvrage ou comme le dit justement le premier juge que leur dépose, démontage ou remplacement nécessiterait de détériorer l'ouvrage.

Le premier juge a donc justement relevé que les volets étaient des éléments d'équipement constitués par les tabliers à lame dont le remplacement ne pose aucun problème et que dans ces conditions, ils ne pouvaient constituer un ouvrage et que dès lors, la garantie décennale ne pouvait s'appliquer aux désordres invoqués par les époux [C].

Il y a lieu de confirmer la décision des premiers juges en ce qu'elle a dit que la garantie décennale ne pouvait pas s'appliquer.

III - Sur la responsabilité contractuelle de la SAS Veden'Alu :

Les intimés sollicitent la confirmation de la décision de première instance sur le principe mais son infirmation sur le quantum alloué.

L'appelante, en raison de la règle specialia generabilus derogant, considère que la mise en ouvre de la prescription découlant des dispositions de l'article 1792-3 du code civil interdit toute action et dès lors toute condamnation, à l'encontre de la société VEDEN'ALU sur la base de la responsabilité contractuelle.

Réponse de la cour :

La Cour de cassation dans un arrêt de principe du 11 mars 1992 a énoncé le principe selon lequel les désordres qui relèvent d'une garantie légale ne peuvent donner lieu , contre les personnes tenues à cette garantie, à une action en réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun (Cass., 3ème civ. 11 mars 1992, n°90-15.633). Cette jurisprudence est depuis lors constante.

Les intimés ne peuvent dans un même temps actionner la garantie de bon fonctionnement et dire qu'elle ne s'applique pas. En l'espèce les désordres de fonctionnement des volets roulant relevaient bien de la garantie de bon fonctionnement, ils ne pouvaient donner lieu à une action en réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun. En effet les actions fondées sur la responsabilité contractuelle de droit commun après expiration de la garantie biennale de bon fonctionnement, lorsqu'elle était mobilisable, sont exclues.

Il y a donc lieu d'infirmer la décision du premier juge sur ce point et de débouter les époux [C] de leurs demandes de ce chef, l'action en responsabilité contractuelle de droit commun étant exclue.

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive :

L'exercice d'une action en justice étant un droit et la preuve d'une intention malveillante ou d'une erreur grossière équipollente au dol n'étant pas rapportée, la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée des intimés sera rejetée par confirmation de la décision déférée.

Sur les frais du procès :

Succombant à l'instance, les époux [C] seront condamnés à en régler les entiers dépens, de première instance et d'appel en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Aucune considération d'équité ne commande en revanche de faire droit à la demande formulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, tant en première insatnce qu'en appel, de la SAS Veden'Alu qui en sera déboutée, tout comme les époux [C] en ce qu'ils succombent.

PAR CES MOTIFS,

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant après débats en audience publique par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en matière civile et en dernier ressort,

- Confirme partiellement le jugement en ses dispositions soumises à la cour en ce qu'il a :

- déclaré l'action fondée sur la garantie de bon fonctionnement irrecevable comme prescrite,

- constaté que la garantie décennale est inapplicable

- rejeté la demande de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive,

- Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, en ce qu'il a :

- condamné la SAS Veden'alu à payer aux époux [C] la somme de 3.850 euros au titre des réparations avec intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2021,

- condamné la SAS Veden'alu à payer aux époux [C] la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamné la SAS Veden'alu à payer aux époux [C] aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise à hauteur de 4 601,79 euros ordonné par ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance d'Avignon en date du 25 mars 2019 (RG 19/00100) qui seront recouvrés directement par Maître Roland Marmillot

Statuant à nouveau de ces chefs :

- Déboute les époux [C] de leur demande au titre des réparations,

- Déboute les parties de leurs demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne Mme [D] [B] épouse [C] et M. [U] [C] aux dépens de première instance comprenant les frais d'expertise,

Y ajoutant,

- Condamne Mme [D] [B] épouse [C] et M. [U] [C] aux dépens d'appel,

- Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Arrêt signé par la présidente de chambre et par la greffière.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section a
Numéro d'arrêt : 22/01219
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;22.01219 ?
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