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14/03/2024 | FRANCE | N°23/02870

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section a, 14 mars 2024, 23/02870


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS















ARRÊT N°



N° RG 23/02870 - N° Portalis DBVH-V-B7H-I564



VH



JUGE DE LA MISE EN ETAT D'AVIGNON

17 juillet 2023

RG:20/00301



[B] ÉPOUSE [Z]

[Z]

S.A.S. TARCOS



C/



[T] [S]

[O]

SAS AIX@COMPTA-AUDIT ET CONSEIL

S.A. PARFUMS CHRISTIAN DIOR

S.C.E.A. COSMEFLORE















Grosse dé

livrée

le

à Me Baumhauer

Selarl LX NIMES

Selarl Lamy Pomies-Richaud

SCP Fortunet et associés















COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A





ARRÊT DU 14 MARS 2024





Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Juge de la mise en état d'AVIGN...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 23/02870 - N° Portalis DBVH-V-B7H-I564

VH

JUGE DE LA MISE EN ETAT D'AVIGNON

17 juillet 2023

RG:20/00301

[B] ÉPOUSE [Z]

[Z]

S.A.S. TARCOS

C/

[T] [S]

[O]

SAS AIX@COMPTA-AUDIT ET CONSEIL

S.A. PARFUMS CHRISTIAN DIOR

S.C.E.A. COSMEFLORE

Grosse délivrée

le

à Me Baumhauer

Selarl LX NIMES

Selarl Lamy Pomies-Richaud

SCP Fortunet et associés

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

ARRÊT DU 14 MARS 2024

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Juge de la mise en état d'AVIGNON en date du 17 Juillet 2023, N°20/00301

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Nathalie AZOUARD, Présidente de Chambre,

Madame Virginie HUET, Conseillère,

M. André LIEGEON, Conseiller,

GREFFIER :

Mme Céline DELCOURT, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 16 Janvier 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 14 Mars 2024.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTS :

Madame [U] [B] ÉPOUSE [Z]

née le [Date naissance 6] 1968 à [Localité 13]

[Adresse 1]

[Localité 12]

Représentée par Me Jordan BAUMHAUER de la SCP GASSER-PUECH-BARTHOUIL-BAUMHAUER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON

Monsieur [Y] [Z]

né le [Date naissance 5] 1962 à [Localité 12]

[Adresse 1]

[Localité 12]

Représenté par Me Jordan BAUMHAUER de la SCP GASSER-PUECH-BARTHOUIL-BAUMHAUER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON

S.A.S. TARCOS société par actions simplifiée au capital de 7 500 euros, immatriculée au RCS d'AVIGNON sous le n°814 896 817, représentée par son président en exercice domicilié ès-qualité de droit audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 12]

Représentée par Me Jordan BAUMHAUER de la SCP GASSER-PUECH-BARTHOUIL-BAUMHAUER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON

INTIMÉS :

Madame [H] [T] [S]

née le [Date naissance 7] 1955 à [Localité 16] (BRESIL)

[Adresse 17]

[Localité 4]

Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LX NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Mickael CHEMLA de la SELARL DENIAU AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Monsieur [J] [O]

né le [Date naissance 8] 1959 à [Localité 15]

[Adresse 10]

[Localité 12]

Représenté par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LX NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Mickael CHEMLA de la SELARL DENIAU AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

SAS AIX@COMPTA-AUDIT ET CONSEIL inscrite au RCS d'Aix-en-Provence sous le n° 533 378 196, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités au siège social sis

[Adresse 14]

[Adresse 14]

[Localité 3]

Représentée par Me Georges POMIES RICHAUD de la SELARL CABINET LAMY POMIES-RICHAUD AVOCATS ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Christophe LAVERNE de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

S.A. PARFUMS CHRISTIAN DIOR prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 9]

[Localité 11] / FRANCE

Représentée par Me Jean-philippe DANIEL de la SCP FORTUNET ET ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON

S.C.E.A. COSMEFLORE SCEA COSMEFLORE, prise en la personne de son administrateur judiciaire : LA SELARL 'DE SAINT RAPT BERTHOLET', es qualité d'Administrateur Provisoire désignée à cette fonction par Ordonnance de référé en date du 30 avril 2018 rendue par Monsieur le Président du Tribunal de Grande Instance d'AVIGNON, prise en la personne de son représentant légal domicilié au siège social sis [Adresse 2] à [Localité 12]

assigné à personne habilitée le 30/10/23

[Adresse 2]

[Localité 12]

Affaire fixée en application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile

ARRÊT :

Arrêt réputé contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Nathalie AZOUARD, Présidente de Chambre, le 14 Mars 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DU LITIGE

Selon assignations signifiées le 10 janvier 2020, la SCEA COSMEFLORE représentée par son administrateur provisoire a saisi le tribunal judiciaire d'Avignon aux fins :

- De déclarer la SCEA COSMEFLORE recevable en ses demandes ;

- De dire et juger que Mme [U] [B] épouse [Z], aurait commis des fautes de gestion engageant sa responsabilité en qualité de gérante de droit ;

- Dire et juger que M. [Y] [Z] aurait commis des fautes de gestion engageant sa responsabilité en qualité de gérant de fait ;

- Dire et juger que preuve serait rapportée de détournements frauduleux des actifs de la société COSMEFLORE et que les défendeurs se seraient ainsi rendus coupables de concurrence déloyale ;

- Dire et juger que la preuve des comportements déloyaux et contraires à l'intérêt social de la société COSMEFLORE, des dirigeants de droit et de fait et de la société TARCOS serait rapportée ;

- Dire et juger que les détournements de fonds dont s'agit auraient profité aux époux [Z], directement ou indirectement par l'intermédiaire des structures civiles et commerciales dans lesquelles ils détiennent des participations et/ou des mandats sociaux notamment la SAS TARCOS, TT PARTENARIATS jusqu'à leur dissolution à leur profit, NOBLIN AS SL ;

- Dire et juger que la société PARFUMS CHRISTIAN DIOR aurait déloyalement poursuivi les relations d'affaires entreprises avec la société COSMEFLORE aux dépens de celle-ci avec les époux [Z], leur société TARCOS et leurs sociétés espagnoles et qu'elle aurait ainsi engagé sa responsabilité solidaire au titre des préjudices subis par la société COSMEFLORE ;

- Dire et juger que la société AIX@COMPTA aurait activement participé aux fautes et

détournements stigmatisés en s'abstenant de remplir ses obligations contractuelles, légales et déontologiques et qu'en conséquence elle aurait engagé sa responsabilité dans les préjudices subis par la société COSMEFLORE ;

- Condamner personnellement et solidairement Mme et M. [Z], la société TARCOS, la société PARFUMS CHRISTIAN DIOR et la société AIX@COMPTA au paiement de la somme de 269 774 euros HT qui aurait été identifiée par le rapport d'expertise [D] ;

- Condamner personnellement et solidairement Mme et M. [Z], la société TARCOS, la société PARFUMS CHRISTIAN DIOR et la société AIX@COMPTA au paiement des sommes suivantes :

- 31 248, 88 euros au titre du matériel prétendument détourné et aux dépenses prétendument induites au titre de la non restitution d'un appareil de filtration ;

- 269 774 euros au titre des sommes prétendument détournées ;

- 64 955,08 euros au titre de prétendus détournements révélés après le rapport [D];

- 120 000 euros versés par la société PARFUMS CHRISTIAN DIOR au titre d'une indemnité transactionnelle perçue par la société TT PARTENARIATS puis les époux [Z] à sa dissolution ;

- 300 000 euros au titre de la prétendue perte du chiffre d'affaires CHRISTIAN DIOR ;

- Faire interdiction aux époux [Z], et à leurs sociétés TARCOS, NOBLIN et plus généralement à toutes leurs sociétés d'user de la dénomination sociale COSMEFLORE;

- Condamner solidairement les requis à fermer le site www.cosmeflore.com sous astreinte de 1 200 euros par jour de retard ;

- Dire et juger que la décision devra être publiée sur le site internet www.dior.com pendant 6 mois ;

- Dire et juger que la décision à intervenir sera publiée aux frais avancés et solidaires des requis dans la limite de 5 000 euros HT par publication dans les magazines ELLE et FIGARO MADAME ;

- Condamner solidairement les requis à verser 14 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

* * *

Mme [H] [T] [S] et M. [J] [O] sont intervenus à la procédure.

* * *

Antérieurement, la SCEA COSMEFLORE avait diligenté une procédure devant le juge des référés du tribunal judiciaire d'Avignon à l'encontre de la SCEA Cosmeflore et de la SAS Tarcos, et obtenu, par ordonnance du 30 avril 2018, une mesure d'expertise judiciaire sur la gestion globale comptable et financière de la SCEA Cosmeflore ainsi que la désignation de Mme [X] [D] pour y procéder.

Le rapport d'expertise judiciaire de Mme [X] [D] a été rendu le 21 mars 2019.

* * *

Le 22 juillet 2019, la SELARL de Saint Rapt & Bertholet, administrateur provisoire de la société Cosmeflore, a déposé plainte auprès du procureur de la République d'Avignon à l'encontre de la SAS Tarcos et de M. et Mme [Z].

* * *

Par conclusions d'incidents du 21 décembre 2022, la SAS TARCOS et les époux [Z] ont saisi le juge de la mise en état du tribunal pour voir ordonner le sursis à statuer de l'instance civile pendante dans l'attente de l'issue d'une procédure pénale actuellement en cours.

Le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Avignon, par ordonnance du 17 juillet 2023, a statué comme suit :

- Rejetons la demande de sursis à statuer,

- Condamnons la SAS Tarcos, [U] [B] épouse [Z] et [Y] [Z] aux dépens d'incidents,

- Renvoyons l'affaire à l'audience de mise en état du 5 septembre 2023 à 09h30,

- Rappelons que la présente ordonnance bénéficie de l'exécution provisoire.

Par acte du 1er septembre 2023, M. et Mme [Z] et la SAS Tarcos ont interjeté appel de cette décision.

Un changement de chambre pour connaître de l'affaire est intervenu le 20 septembre 2023.

La SA PARFUMS CHRISTIAN DIOR a constitué avocat mais n'a pas conclu.

La SCEA Cosmeflore, prise en la personne de la SELARL De Saint Rapt et Bertholet, ès qualités d'administrateur provisoire, à laquelle la déclaration d'appel et les conclusions d'appel ont été signifiées le 30 octobre 2023, et le 11 janvier 2024, à personne habilitée ainsi que les conclusions de Mme [T] [S] et de M. [O] et l'avis de fixation avec assignation, le 7 décembre 2023, à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.

L'affaire a été fixée à bref délai à l'audience du 16 janvier 2024 à 8h45 par application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile et mise en délibéré par mise à disposition au greffe de la décision le 7 mars 2024.

 

EXPOSE DES MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

 

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 janvier 2024, M. [Y] [Z] et Mme [U] [B] épouse [Z] ainsi que la SAS Tarcos, appelants, demandent à la cour de :

Vu ensemble les articles 4 du code de procédure pénale et 378 et 789 du code de procédure civile;

- Infirmer l'ordonnance rendue le 17 juillet 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Avignon ;

- Statuant à nouveau, ordonner le sursis à statuer dans l'attente de la décision de classement sans suite du Procureur de la République ou de la décision statuant sur l'action publique suite à la plainte du 22 juillet 2019 déposée par l'administrateur provisoire de la société Cosmeflore ;

Vu ensemble les articles 696 et 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société Cosmeflore prise en la personne de son administrateur judiciaire aux entiers dépens et frais d'incident.

 

Au soutien de leurs prétentions, les appelants font essentiellement valoir que :

Sur la recevabilité de l'appel :

- lorsque le juge de la mise en état rejette la demande de sursis, comme dans la présente affaire, l'appel immédiat peut directement être interjeté, sans avoir à solliciter l'autorisation du premier président. Ils affirment que l'article 380 du code de procédure civile n'a pas vocation à s'appliquer.

Au fond :

- la plainte ayant été déposée avant d'engager la procédure devant le tribunal judiciaire d'Avignon et une enquête préliminaire étant en cours, ayant été convoqués pour être auditionnés, il est d'une bonne administration de la justice que soit ordonné par le juge de la mise en état le sursis à statuer facultatif dans la mesure où :

* il y a une identité de cause entre les termes de la plainte déposée et ceux de l'assignation,

* en l'espèce, « la faute civile et la faute pénale sont très proches, pour ne pas dire identiques » et on doit envisager une décision de classement ou de relaxe dans le cas où le parquet viendrait à poursuivre,

*le sursis à statuer ne ferait perdre aucun droit aux parties mais permettrait d'éviter les situations dans lesquelles ils seraient relaxés au pénal et condamnés au civil ou réciproquement,

- l'ordonnance est critiquable en ce que, pour les débouter de leurs demandes, elle s'est fondée uniquement sur le défaut d'identité entre la faute civile et la faute pénale, alors que le juge répressif est saisi in rem et qu'en conséquence la faute pénale n'est caractérisée qu'au travers des faits de l'espèce qui sont identiques.

* * *

En l'état de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 novembre 2023, Mme [H] [T] [S] et M. [J] [O], intimés, demandent à la cour de :

Statuant sur l'appel formé par la SAS Tarcos, M. [Y] [Z] et Mme [U] [B] épouse [Z], à l'encontre de l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état d'Avignon le 17 juillet 2023,

- Confirmer l'ordonnance du 17 juillet 2023 en toutes ses dispositions, 

- Débouter la SAS Tarcos, M. [Y] [Z] et Mme [U] [B] épouse [Z], de toutes leurs demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires.

- Condamner la SAS Tarcos, M. [Y] [Z] et Mme [U] [B] épouse [Z], à payer à Mme [H] [T] [S] et M. [J] [O], la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel.

Ils font valoir en substance que :

- la décision rejetant la demande de sursis ne peut faire l'objet d'un recours dès lors qu'elle doit être considérée comme une mesure d'administration judiciaire ;

- qu'aucun appel n'est possible ;

- que si l'appel immédiat est possible, c'est sous réserve d'une autorisation rendue par le premier président ;

- que le sursis à statuer n'est pas numéroté dans le code avec les exceptions de procédure, mais aux articles 378 et suivants du code de procédure civile

- il résulte de l'article 4 du code de procédure pénale que c'est seulement l'action civile en réparation de l'infraction poursuivie qui peut faire l'objet d'un sursis à statuer, toutes les autres actions pendantes devant les juridictions civiles pouvant se poursuivre nonobstant les poursuites pénales, de sorte qu'en l'espèce, il n'y a pas lieu de prononcer le sursis dans la mesure où il n'est pas nécessaire d'attendre le résultat de l'action pénale pour caractériser les fautes civiles, objet de la procédure devant le tribunal judiciaire, les pièces produites, notamment le rapport d'expertise, étant amplement suffisantes ;

- la demande de sursis à statuer de M. et Mme [Z] ainsi que de la société Tarcos a un caractère dilatoire dans la mesure où la plainte a été déposée en juillet 2019 et que ce n'est qu'en décembre 2022 qu'ils ont sollicité un sursis à statuer, venant d'obtenir judiciairement la main levée des saisies conservatoires qui avaient été autorisées par le juge de l'exécution ;

- que le dossier est en état d'être jugé.

* * *

En l'état de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 janvier 2024, la SAS Aix@compta-audit et conseil, intimée, demande à la cour de :

Vu l'appel interjeté à l'encontre de l'ordonnance rendue le 17 juillet 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Avignon,

Statuer ce que de droit sur cet appel,

- Donner acte à la SAS Aix@compta audit et conseil de ce qu'elle ne s'oppose pas au sursis à statuer sollicité.

- Réserver les dépens.

Elle fait valoir en substance qu'elle ne s'oppose pas au sursis à statuer sollicité par la SAS Tarcos et M. et Mme [Z], en application de l'article 4 du code de procédure civile et du principe général selon lequel le juge civil peut prononcer un sursis dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, dès lors qu'en l'espèce il est exposé qu'une plainte, qui a antérieurement été déposée le 22 juillet 2019, a conduit à une convocation de M. et Mme [Z] le 5 décembre 2022 pour qu'ils soient entendus sur les faits, le 30 janvier 2023, qui sont ceux de l'instance civile.

* * *

Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

 

MOTIFS :

Selon l'article 795 du code de procédure civile : 'Les ordonnances du juge de la mise en état ne sont pas susceptibles d'opposition.

Elles ne peuvent être frappées d'appel ou de pourvoi en cassation qu'avec le jugement statuant sur le fond.

Toutefois, elles sont susceptibles d'appel dans les cas et conditions prévus en matière d'expertise ou de sursis à statuer.

Elles le sont également, dans les quinze jours à compter de leur signification, lorsque :

1° Elles statuent sur un incident mettant fin à l'instance, elles ont pour effet de mettre fin à celle-ci ou elles en constatent l'extinction ;

2° Elles statuent sur une exception de procédure ou une fin de non-recevoir ;

3° Elles ont trait aux mesures provisoires ordonnées en matière de divorce ou de séparation de corps ;

4° Dans le cas où le montant de la demande est supérieur au taux de compétence en dernier ressort, elles ont trait aux provisions qui peuvent être accordées au créancier au cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable'.

* * *

En l'espèce, la décision déférée est une décision de rejet de sursis à statuer. Mme [T] [S] et M. [O], intimés, font valoir divers moyens, lesquels posent à la cour deux questions :

- l'appel immédiat d'une décision du juge de la mise en état qui rejette une décision de sursis à statuer est-il possible '

- dans l'affirmative, cet appel est-il soumis à l'autorisation du premier président tel que posé par l'article 380 du code de procédure civile '

* * *

En application de l'article 795 (ancien article 776), les ordonnances du juge de la mise en état ne peuvent être frappées d'appel qu'avec la décision sur le fond.

L'article 795 du code de procédure civile énonce cependant un certain nombre de cas dans lesquels les ordonnances du juge de la mise en état peuvent faire l'objet d'un appel immédiat.

Il s'agit tout d'abord des décisions ordonnant une expertise ou prononçant un sursis à statuer ( al. 3). Dans cette hypothèse, l'appel immédiat est possible dans les conditions prévues en matière d'expertise ou de sursis à statuer. L'article 795 du code de procédure civile renvoie donc aux articles 272 et 380 du code de procédure civile, lesquels requièrent une autorisation du premier président de la cour d'appel en cas de motif grave et légitime.

Par ailleurs, sont également susceptibles d'appel, notamment, les décisions statuant sur une exception de procédure (alinéa 4, 2ème).

S'il est constant que le sursis à statuer s'analyse en une exception de procédure selon la jurisprudence, bien que comme le souligne l'appelant, sa place dans le code de procédure civile pourrait laisser envisager un régime autonome, le législateur dans la rédaction de l'article 795 du code de procédure civile prévoit expressément en son 3ème aliéna l'hypothèse de la 'matière' ...'du sursis à statuer'. Il renvoie ainsi aux articles 272 et 380 du code de procédure civile.

L'article 272 dispose : 'La décision ordonnant l'expertise peut être frappée d'appel indépendamment du jugement au fond sur autorisation du premier président de la cour d'appel s'il est justifié d'un motif grave et légitime'.

Selon l'article 380 du code de procédure civile : « La décision de sursis peut être frappée d'appel sur autorisation du premier président de la cour d'appel s'il est justifié d'un motif grave et légitime. (...)'.

* * *

L'intimé argue qu'aucun appel immédiat n'est ouvert contre une décision refusant de surseoir à statuer, seul un appel au fond étant possible.

Réponse de la cour sur le premier moyen :

La jurisprudence a admis qu'un appel immédiat était possible contre l'ordonnance du juge de la mise en état qui rejette une demande de sursis, sous réserve d'être autorisé par le premier président de la cour d'appel dès 2015.

« Attendu que l'arrêt attaqué (Versailles, 6 mars 2014), statuant sur l'appel immédiat formé contre l'ordonnance d'un juge de la mise en état ayant rejeté une demande de sursis à statuer formée par Mme [F] et M. [V], a infirmé cette ordonnance et, statuant à nouveau, a ordonné le sursis à statuer dans l'attente de l'issue d'une procédure pénale ;

Attendu que la demande de sursis à statuer constituant une exception de procédure, l'ordonnance d'un juge de la mise en état qui statue sur une telle demande peut faire l'objet d'un appel immédiat, sous réserve d'être autorisé par le premier président de la cour d'appel lorsque le sursis a été ordonné ; qu'ayant relevé que le juge de la mise en état avait rejeté la demande de sursis à statuer, c'est sans commettre d'excès de pouvoir que la cour d'appel a statué sur l'appel dont elle était saisie ;

La Cour de cassation a validé l'appel immédiat contre l'ordonnance du juge de la mise en état qui avait rejeté l'exception de sursis à statuer.

L'ordonnance du juge de la mise en état qui statue sur un sursis à statuer peut ainsi faire l'objet d'un appel immédiat indépendamment du jugement sur le fond.

Il y a donc lieu de rejeter ce premier moyen.

* * *

Dans un second temps, Mme [T] [S] et M. [O], intimés arguent que l'appel immédiat nécessitait une autorisation du premier président, tel que prévue par l'article 380 du code de procédure civile.

Les appelants affirment eux, que si lorsque le juge de la mise en état accorde le sursis à statuer l'appel n'est recevable qu'avec une autorisation du premier président, mais qu'en revanche, lorsqu'il s'agit d'une décision rejetant le sursis à statuer, l'appel immédiat est possible sans autorisation du premier président.

Réponse de la cour sur le second moyen :

Cette interprétation retenue par les appelants reviendrait à ajouter à l'article 380 du code de procédure civile une condition restrictive qui viserait uniquement les décisions de rejet de sursis. L'article 380 se lirait ainsi comme l'article 272 qui indique précisément la décision'ordonnant' l'expertise, pour lire la décision 'ordonnant' le sursis à statuer. Cependant l'article 380 parle uniquement de décision sans préciser qu'elle ordonne ou pas le sursis.

Cette analyse reviendrait aussi à lire l'article 795 en deux sous hypothèses:

- l'alinéa 3 qui mentionne la 'matière du sursis' ne s'appliquerait en réalité qu'aux décisions qui ordonnent le sursis à statuer, renvoyant à l'article 380 du code de procédure civile

- l'alinéa 4, 2ème qui s'appliquerait par le biais du régime de l'exception de procédure, en cas de décision de rejet de sursis à statuer, en excluant l'article 380 du code de procédure civile et avec une procédure d'appel immédiat.

Dans un souci de cohérence juridique et de simplification du droit relevé par le législateur, il convient de lire l'article 380 du code de procédure civile par rapport aux articles 272 et 795 du même code et de lire que 'la décision de sursis' est la décision qui statue sur la demande de sursis.

* * *

L'article 795 alinéa 3 du code de procédure civile ne fait pas de distinction entre décision ordonnant le sursis ou décision rejetant le sursis et parle de 'matière' de sursis à statuer.

L'article 380 du code de procédure civile ne fait pas de distinction entre décision ordonnant le sursis ou décision rejetant le sursis, contrairement à l'article 272 qui indique la décision 'ordonnant l'expertise'.

Etant donné que l'article 795 alinéa 3 du code de procédure civile ouvre la voie de l'appel immédiat à la décision en 'matière de sursis à statuer' ; que l'article 380 du code de procédure civile impose une procédure d'appel immédiat sur autorisation du premier président en cas de 'décision de sursis' ; qu'en l'espèce, si l'appel immédiat était bien autorisé, la procédure d'autorisation du premier président n'a pas été respectée, rendant ainsi l'appel irrecevable.

Sur les demandes accessoires:

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la SAS TARCOS, Mme [U] [B] épouse [Z] et M. [Y] [R] [Z], appelants supporteront les dépens.

Il n'est pas inéquitable de laisser supporter à chaque partie ses frais irrépétibles. Les demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront ainsi toutes rejetées.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement , par arrêt réputé contradictoire, en matière civile, et en dernier ressort,

Déclare irrecevables l'appel formé par la SAS TARCOS, Mme [U] [B] épouse [Z] et M. [Y] [R] [Z],

Condamne la SAS TARCOS, Mme [U] [B] épouse [Z] et M. [Y] [R] [Z] aux entiers dépens.

Déboute l'ensemble des parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section a
Numéro d'arrêt : 23/02870
Date de la décision : 14/03/2024
Sens de l'arrêt : Irrecevabilité

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-14;23.02870 ?
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