RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 23/02963 - N°Portalis DBVH-V-B7H-I6I5
DD
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE NIMES
31 août 2023 RG:22/00922
[G]
C/
[F]
Grosse délivrée
le 07/03/2024
à Me Philippe Pericchi
à Me Cécile Agnus
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1ère chambre
ARRÊT DU 07 MARS 2024
Décision déférée à la cour : ordonnance du tribunal judiciaire de Nîmes
hors JEX, JLD, J. EXPRO, JCP en date du 31 août 2023, n°22/00922
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Delphine Duprat, conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre
Mme Delphine Duprat, conseillère
M.Nicolas Maury, conseiller
GREFFIER :
Mme Audrey Bachimont, greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 01 février 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 07 mars 2024, les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANT :
M. [S] [G]
né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 8]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Me Philippe Pericchi de la Selarl Avouepericchi, plaidant/postulant, avocat au barreau de Nîmes
Représenté par Me Rémi Jeannin de la Selarl Jeannin Petit Puchol, plaidant, avocat au barreau d'Aix-en-Provence
INTIMÉ :
M. [R] [F]
né le [Date naissance 4] 1953 à [Localité 7] (Maroc)
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représenté par Me Cécile Agnus de la Selarl Agnus & Associes, postulant, avocat au barreau de Nîmes
Représenté par Me Julie O'Rorke, plaidante, avocate au barreau de Toulon
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre, le 07 mars 2024, par mise à disposition au greffe de la cour
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Par arrêt du 12 mars 2004 la cour d'appel d'Aix en Provence a prononcé le divorce entre les époux [F].
Le tribunal de grande instance de Toulon a ouvert la procédure de liquidation-partage des intérêts patrimoniaux des anciens époux par jugement du 09 juillet 2015.
Me [G], conseil de M. [F], a formalisé une déclaration d'appel le 31 août 2015 devant la cour d'appel d'Aix en Provence.
Par ordonnance du 21 octobre 2015, le conseiller de la mise en état de cette cour a déclaré irrecevable l'appel interjeté aux motifs que les prescriptions formelles de l'article 901 du code de procédure civile n'avaient pas été respectées.
Par arrêt sur déféré du 17 février 2016, la cour a confirmé cette décision.
Par acte du 9 septembre 2020, M.[F] a attrait en responsabilité, son avocat Me [G] devant le tribunal judiciaire de Nice.
Par ordonnance du juge de la mise en état de ce tribunal du 31 janvier 2022, le dossier a été dépaysé devant le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nîmes qui par ordonnance du 31 août 2023 :
- a débouté Me [G] de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription,
- a rejeté toutes les demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- a sursis à statuer dans l'attente de l'issue définitive de la procédure en cours devant Me [I], notaire à [Localité 6], aux fins de liquidation des intérêts pécuniaires des ex époux [F]-[W] (...).
Par déclaration du 18 septembre 2023, Me [G] a relevé appel de la décision en ce qu'elle a écarté la prescription de l'action de M.[F].
Par ordonnance du 02 octobre 2023, la procédure a été clôturée le 18 janvier 2024 et l'affaire fixée à l'audience du 1er février 2024.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS
Par conclusions notifiées par voie électronique le 6 octobre 2023, Me [S] [G], appelant, demande à la cour :
- de réformer l'ordonnance en ce qu'elle :
« l'a débouté de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription,
« a rejeté toutes les demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
« a réservé les dépens. »
Et, statuant à nouveau :
- de déclarer les demandes de M.[F] irrecevables, comme prescrites à son égard, dès lors qu'il a été dessaisi de ses intérêts à compter du 03 septembre 2015, par application des dispositions de l'article 418 du code de procédure civile,
En conséquence,
- de rejeter sans examen au fond ses demandes ;
- de le condamner reconventionnellement à lui payer la somme de 6 000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles de première instance et d'appel, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- de le condamner reconventionnellement aux entiers dépens de première instance (en ce compris ceux de l'incident) et d'appel, qui seront distraits au profit de Me Pericchi, avocat postulant, qui affirme y avoir pourvu.
Il soutient que s'agissant des missions judiciaires d'avocat, les actions en responsabilité se prescrivent par cinq années ; qu'il a été dessaisi du dossier par l'intimé le 03 septembre 2015, de sorte que les dispositions de l'article 418 du code de procédure civile s'appliquent ; que lorsque le client est à l'initiative de la révocation du mandat de son avocat, l'absence de constitution du successeur n'a d'effet que dans les rapports entre l'avocat révoqué et l'adversaire mais n'a aucune incidence dans les rapports entre l'avocat révoqué et son client ; qu'ainsi, il ne peut lui être reproché d'avoir initié une procédure en déféré.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 6 novembre 2023, M.[R] [F], intimé, demande à la cour
- de confirmer l'ordonnance attaquée,
- de rejeter toutes autres demandes
- d'infirmer la décision en ce qu'elle a rejeté la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile
et statuant à nouveau,
- de condamner Me [G] à lui verser la somme de 3 460 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens en première instance, le condamner aux entiers dépens, distraits au profit de Me Agnus, qui y a pourvu sur son affirmation de droit, article 696 du code de procédure civile
Il soutient que l'action n'est pas prescrite dès lorsque la remise du dossier au nouvel avocat désigné, a été réalisée le 15 septembre 2015 ; que de plus, l'action se prescrit à compter du prononcé de la décision constatant l'irrecevabilité de l'appel laquelle est intervenue le 21 octobre 2015 et a été confirmée le 25 mars 2016 ; que suivant l'article 418 du code de procédure civile, la représentation a été poursuivie puisque Me [G] a initié une procédure en déféré.
Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription
Pour rejeter le moyen tiré de la prescription de l'action en responsabilité, le tribunal a retenu que Me [G] avait reçu mandat de représenter M.[F] devant la cour d'appel d'Aix en Provence ; que c'est donc à l'expiration du délai de recours de l'ordonnance du 17 février 2016 que l'instance a pris fin et que le délai de la prescription quinquennale a commencé à courir de sorte que l'action introduite le 9 septembre 2020 n'était pas prescrite.
L'appelant soutient que son mandat a été expressément révoqué par son client le 3 septembre 2015, de sorte que le délai de la prescription a commencé à courir à cette date et que l'action engagée le 9 septembre 2020 est prescrite.
L'article 2225 du Code civil énonce que 'L'action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice, y compris à raison de la perte ou de la destruction des pièces qui leur ont été confiées, se prescrit par cinq ans à compter de la fin de leur mission'
La Cour de cassation juge que le délai de prescription de l'action en responsabilité du client contre son avocat, au titre des fautes commises dans l'exécution de sa mission, court à compter de l'expiration du délai de recours contre la décision ayant terminé l'instance pour laquelle il a reçu mandat de représenter et d'assister son client, à moins que les relations entre le client et son avocat aient cessé avant cette date. ( Civ. 1re, 14 juin 2023, no 22-17.520)
En l'espèce, le tribunal de grande instance de Nice a rendu son jugement le 9 juillet 2015.
Me [G] a relevé appel de cette décision le 1er septembre 2015, pour le compte de son client M.[F].
Le 03 septembre 2015, il a reçu un courrier de Me [K] lui indiquant que M.[F] lui avait demandé de prendre sa suite, et se proposant de venir chercher le dossier qui sera effectivement remis le 15 septembre 2015
Le 21 octobre 2015, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel d'Aix en Provence a déclaré l'appel irrecevable,
Le 03 novembre 2015, Me [G] a formé un déféré à l'encontre de cette ordonnance qui a été confirmée par arrêt du 17 février 2016.
Il en résulte que lorsque Me [G] a relevé appel de la décision, il était toujours investi d'un mandat par M.[F] et que le délai de prescription de l'action de ce dernier courait donc jusqu'à l'expiration du délai de recours contre la décision ayant terminé l'instance soit l'arrêt sur déféré du 17 février 2016.
Le courrier du 03 septembre 2015 ne saurait être considéré comme justifiant d'une date certaine mettant fin au mandat de représentation s'agissant d'un échange entre conseils et non d'un écrit exprimant la volonté du client à l'égard de son premier avocat.
Par ailleurs, il est produit nombres d'échanges entre les conseils faisant état de l'appel en cours et du mode opératoire à suivre pour pallier les difficultés liées au changement d'avocat pour la bonne continuation des instances en cours.
A cette fin, Me [G] a formé lui-même le déféré pour le compte de M.[F] et apparaît sur l'ordonnance de déféré comme étant son conseil.
Ainsi, s'il a bien pris acte dès le 03 septembre 2015 du souhait de son client de changer de conseil, il a entendu exercer son mandat jusqu'à la fin de sa mission, soit l'expiration des délais de recours à l'issue de la décision mettant fin à l'instance, raison pour laquelle il a soutenu le déféré devant la cour d'appel.
Le délai de prescription n'a donc commencé à courir qu'à compter de cette date soit le 17 février 2016.
L'action introduite par M [F] par acte du 9 septembre 2020 n'est donc pas prescrite et la décision sera confirmée en ce sens.
Sur les autres demandes
L'intimé sollicite l'infirmation de la décision en ce qu'elle a rejeté sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sursis à statuer sur les dépens,
L'appelant ayant succombé au terme de l'incident de première instance et en appel, il convient de le condamner à payer à M.[F] la somme de 3 460 euros, conformément à la facture d'honotaires que celui-ci produit, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Il sera également condamné aux dépens de la présente instance, distraits au profit de Me Agnus, qui y a pourvu sur son affirmation de droit, suivant l'article 696 du code de procédure civile, les dépens de l'instance toujours pendante devant le premier juge restant réservés à l'issue de celle-ci
PAR CES MOTIFS
LA COUR :
Confirme la décision sauf en ce qu'elle a rejeté la demande de M.[R] [F] au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Statuant à nouveau,
Condamne Me [S] [G] à payer à M.[R] [F] la somme de 3 460 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en première instance et en cause d'appel
Le condamne aux dépens de la présente instance, distraits au profit de Me Agnus, qui y a pourvu sur son affirmation de droit, suivant l'article 696 du code de procédure civile
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,