RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 22/04024 - N°Portalis DBVH-V-B7G-IU2V
ID - NR
JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION D'UZES-TRIB DE PROXIMITE
08 novembre 2022 RG:11-21-0491
SAS S.N.M.A.
C/
[U]
[C]
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
Grosse délivrée
le 07/03/2024
à Me Georges Pomies Richaud
à Me Roch-Vincent Carail
à Me Laure Reinhard
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1ère chambre
ARRÊT DU 07 MARS 2024
Décision déférée à la cour : jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d'Uzès en date du 08 novembre 2022, n°11-21-0491
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre
Mme Delphine Duprat, conseillère
M. Nicolas Maury, conseiller
GREFFIER :
Mme Audrey Bachimont, greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 05 février 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 07 mars 2024.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
La SAS SNMA
RCS de Nîmes n° 337 944 623, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité
[Adresse 5]
[Localité 9]
Représentée par Me Georges Pomies Richaud de la Selarl Cabinet Lamy Pomies-Richaud Avocats Associes, postulant, avocat au barreau de Nîmes
Représentée par Me Hervé Ghevontian, plaidant, avocat au barreau de Marseille
INTIMÉS :
M.[T] [U]
né le 13 juin 1941 à [Localité 15]
Ehpad [12] [Adresse 13]
[Adresse 13]
[Localité 7]
représenté par sa tutrice, Mme [R] [C],
Représenté par Me Roch-Vincent Carail de l'AARPI Bonijol-Carail-Vignon, plaidant/postulant, avocat au barreau de Nîmes
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale n°é022/004893 du 27/12/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Nîmes)
Mme [R] [C]
en sa qualité de tutrice de M.[T] [U]
[Adresse 4]
[Localité 8]
Représentée par Me Roch-Vincent Carail de l'AARPI Bonijol-Carail-Vignon, plaidant/postulant, avocat au barreau de Nîmes
La SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 10]
Représentée par Me Laure Reinhard de la SCP RD Avocats & Associes, plaidante/postulante, avocate au barreau de Nîmes
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre, le 07 mars 2024, par mise à disposition au greffe de la cour
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
M.[T] [U] a été placé sous sauvegarde de justice puis sous tutelle, confiée à Mme [R] [C], par ordonnances du 11 février 2020 puis du 12 octobre 2020.
Suivant acte sous seing-privé du 31 janvier 2019 il avait acquis auprès de la SAS SNMA un véhicule Ford Ecosport au prix de 12 194,76 euros financé par un contrat de crédit affecté conclu le même jour avec la SA BNP Paribas Personal Finance.
Par acte du 25 octobre 2021 M.[U] représenté par sa tutrice a assigné cet établissement bancaire au visa des articles 1129 et 414-1 du code civil en nullité de la vente. Il a mis en cause la SAS SNMA par acte du 29 avril 2022.
Par jugement du 8 novembre 2022 le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d'Uzès :
- a prononcé l'annulation du contrat de vente du véhicule Ford Ecosport immatriculé [Immatriculation 11] et du crédit affecté en date du 31 janvier 2019,
- a ordonné la restitution du véhicule à la SAS SNMA,
- a condamné M.[U] à restituer les fonds perçus déduction faite des versements déjà effectués soit 4 803,55 euros à parfaire en cas de versements postérieurs au 30 décembre 2021 et dit que la SAS SNMA devra le relever et garantir du paiement de ce montant,
- a débouté M.[U] de sa demande de dommages et intérêts,
- a débouté les parties de leurs autres demandes subsidiaires et reconventionnelles,
- a condamné in solidum la SAS SNMA et la SA BNP Paribas Personal Finance à verser à M.[U] la somme de 1 800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- a condamné in solidum la SAS SNMA et la SA BNP Paribas Personal Finance aux dépens,
- a rappelé l'exécution provisoire de sa décision.
Le tribunal, écartant les arguments des défenderesses à jugé que du fait de ses troubles cognitifs et du fait qu'il résidait en EHPAD au moment de la conclusion du contrat la preuve était suffisamment rapportée de l'absence de consentement éclairé de M.[U] à cette date.
La SAS SNMA a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 14 décembre 2022.
Au terme de ses conclusions notifiées par voie électronique le 25 août 2023 elle demande à la cour :
Vu les articles 414-1, 464 et 1129 du Code civil,
Vu l'article L. 312-56 du code de la consommation,
- de la déclarer recevable et bien fondée en son appel,
- d'infirmer la décision dont appel, rendue le 8 novembre 2022 par le tribunal de proximité d'Uzès contentieux de la protection en ce qu'elle
- a prononcé l'annulation du contrat de vente du véhicule Ford EcoSport immatriculé [Immatriculation 11] et du crédit affecté, en date du 31 janvier 2019, passés entre M.[T] [U], la SAS SNMA et la SA BNP Paribas Personal Finance en qualité de prêteur,
- a ordonné la restitution de ce véhicule par M.[T] [U] entre ses mains,
- a condamné M.[U] à restituer les fonds perçus déduction faite des règlements déjà effectués, soit 4 803,55 euros à parfaire en cas de paiement postérieurs au 30 décembre 2021 et dit qu'elle devra le relever et garantir du paiement de ce montant,
- l'a déboutée de ses autres demandes subsidiaires et reconventionnelles,
- l'a condamnée in solidum avec la SA BNP Paribas Personal Finance à verser à M.[U] la somme de 1 800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens,
- a rappelé l'exécution provisoire de la décision
et statuant à nouveau,
Constatant la parfaite validité du contrat de vente du véhicule Ford EcoSport 1.5 TDCI conclu entre M.[U] et elle en date du 18 février 2019, et qu'elle n'a commis aucune faute ni causé aucun préjudice à M.[U] et qu'il n'y a lieu à aucune indemnisation
- de rejeter les appels incidents formés à son égard,
- de débouter purement et simplement M.[U] représenté par sa tutrice,
- de débouter également la SA BNP Paribas Personal Finance de l'ensemble de ses demandes formées à son égard,
- de juger qu'il s'agit d'une demande nouvelle formée pour la première fois en appel,
- de la décharger de toute condamnation,
- de condamner tout succombant au paiement de la somme de 3 000 euros à son profit au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle soutient que la preuve n'est pas rapportée que M.[U] était atteint de troubles cognitifs caractérisant l'absence de consentement éclairé au moment de la conclusion du contrat d'achat du véhicule litigieux de sorte que ce contrat est parfaitement valide, et que sa condamnation à le relever du montant du prêt qu'il a souscrit pour l'acquisition du véhicule est totalement infondée.
Au terme de ses dernières conclusions régulièrement notifiées le 27 octobre 2023 M.[T] [U] demande à la cour :
- de dire et juger l'appel recevable mais mal fondé,
Vu l'article L.312-55 du code de la consommation, les articles 1129 et 414-1 du Code civil,
- de débouter la SAS SNMA de l'ensemble de des demandes, fin et conclusions
- de constater son insanité d'esprit à la date de signature du contrat d'achat du véhicule de marque Ford modèle EcoSport et du contrat de crédit affecté à l'acquisition dudit véhicule,
- de constater l'absence de validité du contrat d'achat du véhicule en raison de l'absence de consentement,
- de prononcer la nullité de ce contrat, et par voie de conséquence (celle) du contrat de crédit daté du 31 janvier 2019,
En conséquence,
Vu l'article 312-56 du code de la consommation,
- de condamner la SAS SNMA
- à le garantir du remboursement du prêt, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retour à compter de la signification du jugement à intervenir,
- au remboursement des sommes qu'il a versées indument au titre de l'assurance automobile obligatoire, à savoir la somme de 1 236 euros, sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir,
- à (lui) porter et payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice sur le fondement de l'article 1240 du Code civil,
- de débouter la SA BNP Paribas Personal Finance de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- de constater la restitution du véhicule à la SAS SNMA intervenue le 19 juillet 2023,
A titre subsidiaire dans le cas où la SA BNP Paribas Personal Finance ne serait pas déboutée de sa demande en paiement :
Vu les articles L.312-12 et suivants et L.341-2 du code de la consommation
- de prononcer la déchéance du droit aux intérêts de la SA BNP Paribas Personal Finance,
- de l'autoriser à procéder au règlement de la somme mise à sa charge par mensualités de 30 euros,
- de condamner solidairement la SAS SNMA et la SA BNP Paribas Personal Finance à porter et payer la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, en première instance et la somme de 2 500 euros sur le même fondement, ainsi qu'aux entiers dépens, en cause d'appel.
Il soutient qu'atteint de la maladie d'Alzheimer depuis plusieurs années et présentant des troubles cognitifs depuis 2016 il n'a pu valablement consentir à un tel acte qui doit donc être annulé, et le vendeur condamné à le garantir du remboursement du prêt auprès du prêteur ainsi qu'à lui rembourser les mensualités de l'assurance obligatoire du véhicule qu'il a payées. Il soutient la nullité tant du contrat de vente que du contrat de crédit attaché.
A titre subsidiaire il excipe des dispositions de l'article L.312-2 du code de la consommation pour voir déchoir la banque de son droit aux intérêts et solliciter de larges délais de paiement le cas échéant.
Au terme de ses conclusions du 28 août 2023 la SAS BNP Paribas Personal Finance demande à la cour :
- de réformer le jugement rendu le 8 novembre 2022 par le juge des contentieux de la protection, près le tribunal de proximité d'Uzès en ce qu'il :
- a prononcé l'annulation du contrat de vente du véhicule Ford EcoSport immatriculé [Immatriculation 11] et du crédit affecté, en date du 31 janvier 2019, passés entre M.[U], la SAS SNMA et elle-même en qualité de prêteur,
- l'a condamnée in solidum avec la SAS SNMA aux dépens et à verser à M.[U] la somme de 1 800 euors au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- a rappelé son exécution provisoire.
Statuant à nouveau
A titre principal
- de débouter M.[U] représenté par sa tutrice de l'ensemble de ses demandes d'annulation des contrats,
Et à titre reconventionnel
- de le condamner à lui porter et payer la somme de 7 690,24 euros, outre intérêts au taux conventionnel de 4,98 % l'an, à compter du 2 novembre 2021 et jusqu'à complet paiement,
- de le condamner à lui restituer le véhicule Ford EcoSport 1.5 TDCI 95ch FAP Titanium n° de série WF0BXXMRKBFU15868 immatriculé [Immatriculation 11] lui appartenant en vertu de la clause de réserve de propriété, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir et, à défaut de remise volontaire, de l'autoriser à appréhender le véhicule en quelque lieu qu'il se trouve, au besoin avec le concours de la force publique, précision faite que le prix de revente du véhicule viendra en déduction de la créance,
- de débouter M.[U] de toute autre demande, fin ou prétention,
Subsidiairement, en cas de confirmation de la décision en ce que l'annulation des contrats est prononcée
- de confirmer la décision entreprise en ce que le tribunal :
- a ordonné la restitution du véhicule Ford ECoSport immatriculé [Immatriculation 11] par M.[U] à la SAS SNMA
- l'a condamné à restituer les fonds perçus déduction faite des règlements déjà effectués, soit 4 803,55 euros à parfaire en cas de paiement postérieurs au 30 décembre 2021 et dit que la SAS SNMA devra relever et garantir M.[U] du paiement de ce montant
- l'a débouté de sa demande au titre de dommages et intérêts
- a débouté les parties de leurs autres demandes subsidiaires et reconventionnelles
En tout état de cause
- de condamner la partie succombante à lui porter et payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d'instance.
Elle soutient que M.[U] ne rapporte aucunement la preuve de l'existence de l'altération effective de ses capacités au jour de la conclusion du contrat ni du fait que le vendeur ou elle-même en auraient eu connaissance, et avoir régulièrement consulté le FICP avant déblocage des fonds le 25 février 2019 et s'oppose à l'octroi de tout délai de paiement.
Au cas où la cour annulerait les contrats, elle sollicite la confirmation du jugement en ce qui concerne le paiement du capital prêté sous déduction des échéances déjà versées, ou, en cas de faute avérée de la SAS SNMA, la condamnation de cette dernière à lui rembourser le montant de ce capital.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile il est expressément référé aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIVATION
*sur la validité du contrat de vente du véhicule et du contrat de crédit affecté
Selon l'article 414-1 du Code civil, pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit. C'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte.
La SAS SNMA produit le bon de commande du 29 janvier 2019, établi au nom de M.[U] [T] [Adresse 6] [Adresse 2] et comportant le n° de Tèl.portable [XXXXXXXX01], l'E-mail [Courriel 14] et la profession : B1-EMPLOYE,
d'un véhicule Ford EcoSport 1.5 TDCI 95ch FAP Titanium mis en circulation pour la première fois le 28/09/2016 présentant 40 000 km au compteur au prix de 15 507 euros, soit 16 194,76 euros en ce compris diverses prestations et déduction d'une remise.
M.[U] ne conteste pas en cause d'appel avoir signé ce bon de commande le 29 janvier 2019.
Il produit de son côté la facture d'achat du véhicule en date du 18 février 2019 détaillant la ventilation du prix de la manière suivante : 16 194,76
financement 12 194,76
reprise VO - 8 976,17
rachat Crédit - 8 976,17
reste à payer 4 000,00
ce qui indique que la SAS SNMA a repris un ancien véhicule (non décrit) en paiement partiel du prix.
Il produit également l'offre de contrat de crédit de la SA BNP Paribas Personal Finance établie à son nom par l'intermédiaire de la SNMA (SAS Maurin-Ford Orange) le 31 janvier 2019 valable jusqu'au 28 février 2019 qu'il ne conteste pas non plus avoir signée ni acceptée.
Pour rapporter la preuve qui lui incombe de son insanité d'esprit aux dates de conclusion de ces deux contrats les 29 et 31 janvier 2019 il produit d'abord le jugement du 12 octobre 2020 du tribunal de proximité d'Uzès le plaçant sous tutelle et désignant Mme [C] en qualité de tuteur aux biens et Mmes [M] et [H] en qualité de tutrices à sa personne.
Ce jugement vise un certificat médical daté du 24 janvier 2020 du Dr [Y], médecin spécialiste inscrit sur la liste établie par le procureur de la République, mais n'en reprend pas les mentions, pour dire qu''il est établi par l'ensemble du dossier et plus spécialement par les élements médicaux que M.[T] [U] présente une altération de ses facultés psychiques (maladie d'Alzheimer)'.
Par ailleurs, l'emploi du présent ne permet d'en déduire l'existence d'une telle altération qu'au jour de ce jugement.
Il produit ensuite un certificat médical du 10 janvier 2022 du Dr [Z] certifiant 'être le médecin traitant de M.[U] [T] né le 13/6/41 demeurant à la maison de retraite [12], suivre le patient depuis le 31 août 2016 alors qu'il était déjà [12] et qu'il présentait déjà à cette date des troubles cognitifs'.
Pour annuler le contrat de vente le premier juge a considéré comme établi que le 31 janvier 2019 M.[U] souffrait de troubles cognitifs rendant impossible son consentement à l'acquisition d'un véhicule dont il n'avait pas l'utilité du fait de son placement en EHPAD de sorte qu'était rapportée la preuve de l'absence de consentement éclairé de sa part lors de la conclusion de ce contrat.
Il s'est fondé pour ce faire non seulement sur le certificat médical précité du Dr [Z] mais aussi sur un second certificat du même médecin, dont la date n'est pas précisée, confirmant 'que M.[U] résidait bien à l'EHPAD [12] en janvier 2019 et présentait toujours des symptômes de la maladie d'Alzheimer'.
Toutefois, ce second certificat n'est pas produit aux débats devant la cour.
Le seul fait que M.[U] présentait des troubles cognitifs et résidait en EHPAD en janvier 2019 ne suffit pas à constituer la preuve qu'il présentait le 29 janvier 2019, ni le 31 janvier 2019, un trouble mental susceptible d'avoir entraîné son insanité d'esprit au sens de l'article 414-1 du Code civil, non plus que la preuve du fait que placé en EHPAD il n'en aurait pas eu l'utilité.
Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a annulé le contrat de vente conclu entre la SAS SNMA et M.[U].
Pour la même raison, le jugement sera aussi infirmé en ce qu'il a annulé le contrat de prêt accessoire.
En effet, il est bien stipulé au contrat de crédit 'rapports entre le contrat de prêt et le contrat de vente : Le présent contrat de crédit servant exclusivement à financer le contrat relatif à la fourniture de biens particuliers, ces deux contrats sont liés et constituent une opération commerciale unique.'.
*sur la demande reconventionnelle en paiement de la BNP Paribas Personal Finance
La recevabilité de cette demande n'est pas contestée par M.[U].
L'intimée produit la mise en demeure avec accusé de réception adressée le 2 novembre 2021 au débiteur domicilié à cet effet chez sa tutrice pour avoir paiement de la somme de 7 727,82 euros ventilée comme suit :
principal : 7 161,15 euros
indemnité légale : 533,47 euros
intérêts : 33,20 euros
ainsi que l'avis de réception signé au nom de M.[T] [U] par Mme [C].
Elle produit le détail de sa créance actualisée au 30 décembre 2021 à la somme de 7 690,24 euros.
**sur la demande de prononcé de la déchéance du droit aux intérêts
Pour voir prononcer cette déchéance à l'égard de l'établissement de crédit, M.[U] soutient que celui-ci n'a pas vérifié sa solvabilité à partir d'un nombre suffisant d'informations ni consulté le FICP.
Selon l'article L312-16 du code de la consommation en vigueur depuis le 1er juillet 2016 ici applicable, avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le prêteur consulte le fichier prévu à l'article L. 751-1, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné à l'article L. 751-6, (...), en l'occurrence l'arrêt du 26 octobre 2010 relative au FICP.
Selon l'article 2 de cet arrêté, dans sa version en vigueur du 03 octobre 2016 au 20 février 2020 ici applicable :
Consultations obligatoires et consultations facultatives.
Conformément aux dispositions des articles L. 511-33 et L. 522-19 du code monétaire et financier, les informations figurant dans le FICP sont réservées à l'usage exclusif des établissements et organismes mentionnés à l'article 1er qui ne peuvent consulter ce fichier à d'autres fins que celles mentionnées ci-dessous.
Ces établissements et organismes doivent obligatoirement consulter le FICP :
1° Avant toute décision effective d'octroyer un crédit tel qu'encadré par le chapitre II du titre Ier du livre III du code de la consommation dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2016-351 du 25 mars 2016 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d'habitation et avant tout octroi d'une autorisation de découvert remboursable dans un délai supérieur à un mois. (...)
2° Avant de proposer à un client la reconduction annuelle de son contrat de crédit renouvelable en application des articles L. 312-57 et suivants du code de la consommation.
3° Avant toute décision effective d'octroyer un crédit tel qu'encadré par le chapitre III du titre Ier du livre III du code de la consommation dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2016-351 du 25 mars 2016 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d'habitation. (...)
Ils peuvent également consulter le FICP :
1° Avant d'octroyer un crédit autre que ceux mentionnés ci-dessus ;
(...)
Et selon l'article 13 du même arrêté modifié par l'Ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 - art. 3 (V) :
Modalités de justification des consultations et conservation des données.
I. - En application de l'article L. 751-6 du code de la consommation, afin de pouvoir justifier qu'ils ont consulté le fichier, les établissements et organismes mentionnés à l'article 1er doivent, dans les cas de consultations aux fins mentionnées au I de l'article 2, conserver des preuves de la consultation du fichier, de son motif et de son résultat, sur un support durable.
Ils doivent être en mesure de démontrer que les modalités de consultation du fichier et de conservation du résultat des consultations garantissent l'intégrité des informations ainsi collectées.
Constitue un support durable tout instrument permettant aux établissements et organismes mentionnés à l'article 1er de stocker les informations constitutives de ces preuves, d'une manière telle que ces informations puissent être consultées ultérieurement pendant une période adaptée à leur finalité et reproduites à l'identique.
Le cas échéant, le résultat des consultations effectuées aux fins mentionnées au II de l'article 2 est conservé dans les conditions décrites ci-dessus.
(...) Au-delà du délai d'instruction, le résultat des consultations effectuées à ces fins doit être conservé sous forme d'archives, consultables uniquement à des fins d'audit ou dans le cadre de litiges. (...)
M.[U] soutient que la SA BNP Paribas Personal Finance doit justifier de la consultation du FICP avant la conclusion du contrat de crédit litigieux.
Mais d'une part cette consultation était ici facultative, s'agissant non pas d'un prêt immobilier ni d'une autorisation de découvert, mais d'un crédit à la consommation souscrit avant le 20 février 2020, date d'entrée en vigueur de l'arrêt du 17 février 2020 modifiant l'article 2 de l'arrêt du 26 octobre 2010 élargissant son champ d'application ; d'autre part la SA BNP Paribas Personal Finance justifie de cette consultation préalable.
S'agissant de la solvabilité de l'emprunteur, elle justifie que celui-ci a produit son avis d'imposition 2018 sur ses revenus de 2017, soit le dernier avis d'imposition émis à la date de l'emprunt en janvier 2019, établi au nom de M.et Mme [U] et faisant apparaître un revenu annuel de 25 980 euros pour le seul emprunteur, né en 1941 et en conséquence nécessairement retraité à la date de l'emprunt. Cet avis est d'ailleurs un avis de non-imposition.
Elle justifie aussi de la production par l'emprunteur d'un échéancier de plan de paiement Engie à hauteur de 52 euros par mois.
Ces seuls renseignements étaient suffisants pour estimer la capacité de M.[U] de rembourser les échéances du prêt souscrit soit la somme mensuelle de 263,22 euros.
La demande de prononcé de la déchéance du droit aux intérêts sera en conséquence rejetée.
Compte-tenu de l'infirmation du jugement en ce qui concerne la validité du contrat de vente, et aucune faute ne pouvant être soutenue à l'encontre de la SAS SNMA, contractante, sur le fondement de la responsabilité délictuelle prévue à l'article 1240 du Code civil, les demandes de M.[U] tendant à se voir relevé et garanti du remboursement du prêt par cette société et de dommages et intérêts à ce titre doivent également être rejetées.
M.[U] sera en conséquence condamné à payer à la SA BNP Paribas Personal Finance la somme réclamée, qui produira intérêts au taux contractuel à compter de la date de la mise en demeure.
**sur la demande de délais de paiement
Selon l'article 1343-5 du Code civil le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.(...)
Pour soutenir sa demande M.[U] expose ne disposer après déduction de ses charges que d'un reste à vivre de 30 euros.
Toutefois, le tableau de son budget mensuel établi par sa tutrice inclut la mensualité du prêt de 263,22 euros pour parvenir à ce résultat, démontrant sa capacité de remboursement des échéances même dès avant le prononcé de la déchéance du terme par l'établissement de crédit.
Le prélèvement des échéances ayant été interrompu le 2 novembre 2021, et l'échéancier se terminant le 5 mars 2024, il n'y a pas lieu ici d'octroyer de délais de paiement.
*sur la demande de restitution du véhicule formée par la SA BNP Paribas Personal Finance
La clause de réserve de propriété dont excipe la SA BNP Paribas Personal Finance est ainsi stipulée à l'offre de contrat de crédit : 'Sûreté exigée : réserve de propriété au profit du vendeur avec subrogation au bénéfice du prêteur'.
Selon l'article 2367 du Code civil la propriété d'un bien peut être retenue en garantie par l'effet d'une clause de réserve de propriété qui suspend l'effet translatif d'un contrat jusqu'au complet paiement de l'obligation qui en constitue la contrepartie. La propriété ainsi réservée est l'accessoire de la créance dont elle garantit le paiement.
Faute pour M.[U] d'avoir exécuté son obligation à l'égard de la SA BNP Paribas Personal Finance, celle-ci est bien fondée à se prévaloir de la clause de réserve de propriété prévue au contrat et à obtenir en conséquence la restitution du véhicule aux lieu et place de la SAS SNMA à laquelle le prix a été intégralement versé.
Le prononcé d'une astreinte n'est cependant pas justifié.
*autres demandes
M.[U] qui succombe en toutes ses demandes devra supporter les dépens de l'entière instance.
L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dans ses rapports avec la SAS SNMA.
Il sera en revanche condamné à payer à la SA BNP Paribas Personal Finance la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement.
Statuant à nouveau,
Condamne M.[T] [U], représenté par sa tutrice Mme [C] à payer à la SA BNP Paribas Personal Finance la somme de 7 690,24 euros outre intérêts au taux conventionnel de 4,98 % l'an à compter du 2 novembre 2021 et jusqu'à complet paiement,
Condamne M.[T] [U] représenté par sa tutrice Mme [C] à restituer à la SA BNP Paribas Personal Finance le véhicule Ford EcoSport1.5TDCI95chFAPTitaniumn°WF0BXXMRKBFU15868 immatriculé [Immatriculation 11] et à défaut de remise volontaire autorise cettr société à appréhender ce véhicule en quelque lieu qu'il se trouve au besoin avec le concours de la force publique, précision faite que le prix de revente du véhicule viendra en déduction de la créance,
Déboute M.[T] [U] de ses demandes tendant au prononcé de la déchéance de la SA BNP Paribas Personal Finance de son droit aux intérêts et à l'octroi de délais de paiement,
Y ajoutant,
Condamne M.[T] [U] représenté par sa tutrice Mme [C] aux dépens de l'entière instance,
Condamne M.[T] [U] représenté par sa tutrice Mme [C] à payer la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu à application de ces dispositions dans les rapports de M.[T] [U] et la SAS SNMA.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,