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07/07/2023 | FRANCE | N°23/00023

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section b, 07 juillet 2023, 23/00023


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS















ARRÊT N°



N° RG 23/00023 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IVJY



AL



TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'AVIGNON

20 décembre 2022

RG:22/00376



S.C.P. PATRICK MEDARD AGNES BERTONLAURENT GUEDJ



C/



[J]



Grosse délivrée

le

à















COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE


2ème chambre section B





ARRÊT DU 07 JUILLET 2023





Décision déférée à la Cour : Ordonnance du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AVIGNON en date du 20 Décembre 2022, N°22/00376



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Madame Nicole GIRONA, Présidente de Cha...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 23/00023 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IVJY

AL

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'AVIGNON

20 décembre 2022

RG:22/00376

S.C.P. PATRICK MEDARD AGNES BERTONLAURENT GUEDJ

C/

[J]

Grosse délivrée

le

à

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B

ARRÊT DU 07 JUILLET 2023

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AVIGNON en date du 20 Décembre 2022, N°22/00376

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre,

Mme Corinne STRUNK, Conseillère,

M. André LIEGEON, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 15 Mai 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 07 Juillet 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

S.C.P. PATRICK MEDARD, AGNES BERTON, LAURENT GUEDJ, [Y] [J]

Huissiers de Justice Associés Société civile professionnelle,

immatriculée au RCS de MARSEILLE sous le n° 316 319 185

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Elodie PELLEQUER de l'AARPI PERRYMOND-PELLEQUER, Plaidant, avocat au barreau de TOULON

INTIMÉE :

Madame [Y] [J]

née le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 5]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Jonathan SOUFFIR de l'AARPI EVY Avocats, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Représentée par Me Guillaume ANFFREY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Statuant sur appel d'une ordonnance de référé

Ordonnance de clôture rendue le 9 mai 2023

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre, le 07 Juillet 2023,par mise à disposition au greffe de la Cour.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 19 avril 2017, M. [F] [G], huissier de justice associé, a cédé à Mme [Y] [J], huissier de justice, les 247 parts sociales qu'il détient dans la SCP [F] [G] - Patrick Médard - Agnès Berton - Laurent Guedj, au prix de 1.000.000 EUR, avec effet au 20 avril 2018.

Mme [Y] [J] est en arrêt d'activité professionnelle depuis le 13 juillet 2021.

Par exploit de commissaire de justice du 2 août 2022, Mme [Y] [J] a fait assigner la SCP Patrick Médard - Agnès Berton - Laurent Guedj - [Y] [J] devant le président du tribunal judiciaire d'Avignon, statuant en référé, aux fins d'obtenir sa condamnation au rétablissement de sa rémunération en capital et de son acompte mensuel sur les bénéfices, et ce sous astreinte de 500 EUR par jour de retard à compter de la décision à intervenir.

Par ordonnance contradictoire du 20 décembre 2022, le président du tribunal judiciaire d'Avignon :

- a déclaré sans objet la demande de rétablissement de la rémunération en capital,

- a condamné la SCP Patrick Médard - Agnès Berton - Laurent Guedj - [Y] [J] à maintenir à titre provisionnel l'acompte de 11.500 EUR par mois à compter de décembre 2022, sous astreinte provisoire de 150 EUR par jour de retard passé le délai de 10 jours à compter de la signification de la présente décision,

- s'est réservé la liquidation de l'astreinte,

- a condamné la SCP Patrick Médard - Agnès Berton - Laurent Guedj - [Y] [J] à verser à Mme [Y] [J] la somme provisionnelle de 36.400 EUR au titre de la partie des acomptes mensuels sur les bénéfices non versée depuis le mois d'avril 2022,

- a condamné la SCP Patrick Médard - Agnès Berton - Laurent Guedj - [Y] [J] à payer à Mme [Y] [J] la somme de 3.000 EUR en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par déclaration du 28 décembre 2022, la SCP Patrick Médard - Agnès Berton - Laurent Guedj ' [Y] [J] a interjeté appel de cette ordonnance, sauf en ce qu'elle a déclaré sans objet la demande de rétablissement de la rémunération en capital.

Aux termes de ses conclusions notifiées par RPVA le 28 avril 2023, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, la SCP Patrick Médard - Agnès Berton - Laurent Guedj - [Y] [J], appelante, demande à la cour, au visa de l'article 835 du code de procédure civile et des articles 1835, 1843-3 et 1852 du code civil, de :

Sur le fond :

- infirmer l'ordonnance du 20 décembre 2022 en ce qu'elle l'a condamnée à maintenir à titre provisionnel l'acompte de 11.500 EUR par mois à compter de décembre 2022, sous astreinte provisoire de 150 EUR par jour de retard passé le délai de 10 jours à compter de la signification de la présente décision, a réservé la liquidation de l'astreinte, l'a condamnée à verser à Mme [Y] [J] la somme provisionnelle de 36.400 EUR au titre de la partie des acomptes mensuels sur les bénéfices non versée depuis le mois d'avril 2022, l'a condamnée à payer à Mme [Y] [J] la somme de 3.000 EUR en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau,

- juger l'absence de trouble manifestement illicite,

- juger qu'aucun dommage imminent n'est prouvé,

- juger qu'il existe des contestations sérieuses,

En conséquence,

- dire n'y avoir lieu à référé,

- déclarer irrecevables les demandes formulées par Mme [Y] [J],

En toutes hypothèses :

- débouter Mme [Y] [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- débouter Mme [Y] [J] de sa demande de condamnation de la SCP au paiement de la somme de 10.000 EUR au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance,

- débouter Mme [Y] [J] de sa demande de condamnation de la SCP au paiement de la somme de 10.000 EUR au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel et des dépens,

- la condamner à verser une somme de 10.000 EUR sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.

Au soutien de son appel, la SCP Patrick Médard - Agnès Berton - Laurent Guedj ' [Y] [J] entend rappeler à titre liminaire que l'acompte mensuel dont il est question est composé d'une partie rémunérant l'industrie et d'une autre partie rémunérant le capital.

Sur la demande de rétablissement de l'acompte mensuel de Mme [Y] [J], elle indique que le bénéfice est réparti entre les associés à hauteur de 60 % proportionnellement aux parts en capital qu'ils possèdent et à hauteur de 40 % au titre de leurs parts en industrie.

Elle soutient que l'associé qui n'exerce plus pour une cause autre que pénale ou disciplinaire conserve son droit aux bénéfices en sa totalité pendant six mois, perd 50 %, au-delà de six mois, sur la part en industrie, et perd, au-delà de douze mois, 100% de sa part en industrie, mais conserve sa part des bénéfices en rémunération de ses parts sociales.

Elle entend souligner que Mme [Y] [J] est en arrêt d'activité, cas prévu par les statuts, et que depuis le 8 janvier 2023, elle ne justifie plus de sa situation, alors même qu'elle est toujours associée de la SCP et perçoit sa rémunération, outre le fait qu'elle a été révoquée de la gérance et ne peut donc plus prétendre à aucune rémunération à ce titre, rémunération liée à des fonctions techniques qu'elle n'exerce plus.

Elle explique que la part en industrie rémunère le travail et la rémunération des parts sociales, le capital, et considère qu'il est normal que l'associé qui ne travaille plus perde son droit à rémunération au titre du travail, mais conserve celui qui vient rémunérer la part en capital qu'il détient. Elle rappelle que l'acompte 2022 s'élevait à 11.150 EUR et que la décision de l'assemblée générale du 28 février 2022 a mis en 'uvre l'article 23 alinéa 4 des statuts, à savoir la suppression des 40 % de la part en industrie de Mme [Y] [J] consécutivement à son arrêt d'exercice depuis le 13 juillet 2021.

Ensuite, elle soutient que Mme [Y] [J] était irrecevable à solliciter le rétablissement de l'acompte en question en l'absence de contestation de l'assemblée générale du 28 février 2022 à effet du 14 janvier 2022, pourtant régulièrement déposée au greffe.

Par ailleurs, elle invoque l'absence de trouble manifestement illicite puisqu'elle a agi dans le respect des dispositions statutaires. Elle relève également l'absence de dommage imminent en faisant valoir que Mme [Y] [J], qui prétend se trouver dans une situation financière précaire, est en arrêt maladie depuis juillet 2021, bénéficie d'un contrat de groupe prévoyance souscrit par la chambre départementale des huissiers auprès de la compagnie Groupama, d'une assurance de prêt emprunteur souscrite auprès de la compagnie Metlife et d'indemnités journalières versées par la CPAM au titre du régime général.

A ce propos, elle expose que, depuis le 13 juillet 2021, Mme [Y] [J] d'une part, ne justifie pas de l'intégralité de ses arrêts de travail et d'autre part, ne justifie pas des sommes perçues au titre de la prévoyance, relevant sur ce point que la compagnie Groupama a organisé une expertise médicale laissant supposer que les garanties lui sont acquises, et pas davantage des indemnités journalières versées par le régime général et des sommes prises en charge par l'assurance emprunteur.

Elle ajoute que l'intéressée ne verse pas le moindre élément concernant ses difficultés financières et notamment aucun justificatif de facture, aucune lettre de relance ou mise en demeure, et souligne qu'elle n'a pas de charges sociales à assumer, leur prise en charge étant avancée par la SCP, et expose qu'en toutes hypothèses, des contestations sérieuses quant au bien-fondé des demandes formulées par Mme [Y] [J] existent.

Concernant l'indemnité procédurale, elle soutient que Mme [Y] [J] dispose d'une trésorerie suffisante pour régler près de 50.000 EUR d'honoraires au Cabinet Qaban, que celle-ci ne saurait lui faire supporter les honoraires réglés à l'un de ses trois conseils depuis le 9 octobre 2018 pour les contentieux divers et variés qu'elle a engagés et que le choix de multiplier ainsi les conseils est personnel et ne saurait justifier la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Enfin, elle expose que l'étude est depuis de nombreux mois fragilisée par la procédure judiciaire initiée par l'intimée dont la finalité est d'obtenir une valorisation à la hausse de ses parts sociales en instaurant une pression procédurale et financière sur la SCP.

Mme [Y] [J], en sa qualité d'intimée, par conclusions notifiées par RPVA le 9 mai 2023 et auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, demande à la cour, au visa des articles 47, 835 et 700 du code de procédure civile, de :

- dire et juger que la suppression de l'acompte mensuel de 11.150 EUR sur les bénéfices constitue un trouble manifestement illicite et lui fait courir un dommage imminent,

En conséquence :

- confirmer l'ordonnance du 20 décembre 2022 en ce qu'elle a condamné la SCP Patrick Médard - Agnès Berton - Laurent Guedj - [Y] [J] à maintenir à titre provisionnel l'acompte de 11.500 EUR par mois à compter de décembre 2022, sous astreinte provisoire de 150 EUR par jour de retard passé le délai de 10 jours à compter de la signification de la décision,

- confirmer l'ordonnance du 20 décembre 2022 en ce qu'elle a condamné la SCP Patrick Médard - Agnès Berton - Laurent Guedj - [Y] [J] à verser à Mme [Y] [J] la somme provisionnelle de 36.400 EUR au titre de la partie des acomptes mensuels sur les bénéfices non versée depuis le mois d'avril 2022,

En conséquence :

- condamner la SCP Patrick Médard - Agnès Berton - Laurent Guedj - [Y] [J] exerçant sous l'enseigne GMBG à rétablir l'acompte sur les bénéfices de Maître [Y] [J] d'un montant mensuel de 11.150 EUR sous astreinte de 500 EUR par jour de retard à compter de la décision à intervenir, et à payer à Mme [Y] [J] la somme de 36.400 EUR au titre de la partie des acomptes non versée depuis le mois d'avril 2022,

- infirmer l'ordonnance du 20 décembre 2022 en ce qu'elle n'a accordé à Mme [Y] [J] qu'un montant de 3.000 EUR au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau :

- condamner la SCP Patrick Médard - Agnès Berton - Laurent Guedj - [Y] [J] au paiement de la somme de 10.000 EUR au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance,

En tout état de cause :

- débouter la SCP Patrick Médard - Agnès Berton - Laurent Guedj - [Y] [J] de l'intégralité de ses demandes,

- la condamner au paiement de la somme de 10.000 EUR sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre du remboursement des frais engagés pour la présente procédure d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Rappelant le conflit qui l'oppose aux autres membres de la SCP, Mme [Y] [J] expose que la suppression de l'acompte mensuel de 11.150 EUR sur les bénéfices constitue un trouble manifestement illicite et lui fait courir un dommage imminent. Elle indique que rien ne justifie que son acompte mensuel, qui ne représente que 45 % de sa quote-part provisionnelle, soit réduit dans la mesure où la SCP est tenue de garantir 60 % de sa quote-part de bénéfices, quelle que soit la durée de son indisponibilité.

Elle dénonce qu'une partie de l'acompte mensuel de 11.150 EUR a été supprimée unilatéralement lors de l'assemblée générale du 28 février 2022, sans aucune information préalable, pour être réduit à la somme de 6.600 EUR, soit une baisse de 4.550 EUR. Elle précise que l'assemblée générale n'a en aucun cas voté la moindre suppression de l'acompte sur les bénéfices mais n'a fait que voter la suppression d'une partie de la quote-part de ses bénéfices annuels, les notions d'acompte mensuel et de bénéfices annuels devant être distinguées.

Elle considère que cette suppression constitue un trouble manifestement illicite dès lors que les statuts de la SCP ne permettent pas la réduction des acomptes mensuels et qu'à aucun moment, la résolution ne mentionne que l'acompte mensuel sur les bénéfices sera réduit dans les mêmes proportions que la quote-part de bénéfices annuels. Elle souligne sur ce point que le raisonnement fait par l'appelante est faux et trompeur. Elle précise que la rémunération de l'associé n'est autre que sa quote-part de bénéfices annuels dont le montant n'est connu qu'en fin d'exercice et que l'acompte mensuel ne correspond qu'à une avance très restreinte sur le montant de cette rémunération, comme cela ressort des comptes de l'exercice 2021 qui fixe sa quote-part de bénéfices à la somme de 303.181 EUR. Elle ajoute qu'en tout état de cause, la perte de 40 % de son droit aux bénéfices à compter du second semestre 2022 n'aurait pas le moindre impact sur le montant des acomptes, en considération des sommes auxquelles elle pouvait prétendre, même après la suppression de ses droits en industrie, la rémunération en capital correspondant à 60 % de la rémunération globale étant maintenue.

De plus, elle soutient que la réduction de l'acompte mensuel crée un dommage imminent en ce qu'elle a pour effet de rendre sa rémunération disponible inférieure au montant de ses charges mensuelles professionnelles et ne permet pas le remboursement de ses prêts professionnels dont le montant total est supérieur à la somme de 6.600 EUR par mois.

Concernant sa situation personnelle, elle indique justifier de ses arrêts maladie et de son incapacité à revenir travailler au sein de l'étude. Elle ajoute que le syndrome dépressif dont elle est atteinte ne figure pas dans la liste des affections psychologiques limitativement énumérées au contrat de prévoyance souscrit par la chambre des huissiers et ne fait donc l'objet d'aucune couverture, ce qui exclut toute indemnisation. Elle fait encore valoir que le même constat peut être dressé en ce qui concerne l'assurance emprunteur souscrite auprès de Metlife, au vu de ses conditions générales, de sorte que pas davantage, elle n'a perçu à ce titre la moindre indemnité.

Enfin, elle forme un appel incident en ce que l'ordonnance entreprise ne lui a accordé qu'un montant de 3.000 EUR au titre de l'article 700 du code de procédure civile alors que les frais engagés en première instance sont en réalité largement supérieurs. S'agissant des frais de la procédure d'appel, elle considère que ladite procédure était nécessaire en raison du comportement fautif de la SCP consistant à la priver de sa rémunération en violation totale des statuts dans le seul but de l'asphyxier financièrement pour la contraindre à leur céder ses parts à des conditions inacceptables.

La clôture de la procédure est intervenue le 9 mai 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 15 mai 2023, pour être mise en délibéré, par disposition au greffe, le 7 juillet 2023.

MOTIFS

SUR LE RETABLISSEMENT DE L'ACOMPTE MENSUEL ET LA PROVISION

L'article 835 alinéa 1 du code de procédure civile dispose : ' Le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection, dans les limites de sa compétence, peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite '.

Il est de principe, en application de ces dispositions, qu'il n'y a pas lieu de constater une quelconque urgence qui se trouve en réalité présumée dans ces deux hypothèses qui sont alternatives. En outre, il est constant, au visa de ces dispositions, que l'existence d'une contestation sérieuse sur le fond du droit ne fait pas obstacle aux pouvoirs du juge des référés de prescrire des mesures s'il constate par ailleurs un trouble manifestement illicite ou un dommage imminent.

L'illicéité du trouble, pour être manifeste, doit apparaître clairement, ce qui implique, s'agissant de la violation de dispositions légales ou réglementaires ou de stipulations contractuelles, que celle-ci doit être à ce point évidente qu'elle justifie, sans contestation possible, qu'il soit mis fin à l'acte perturbateur, qu'il s'agisse d'un fait matériel ou d'un acte juridique. Aussi, l'existence d'un trouble manifestement illicite doit être écartée lorsque la solution du litige est subordonnée à l'interprétation de la règle de droit ou de la stipulation contractuelle que l'on invoque et inversement, l'existence d'un trouble manifestement illicite peut être retenue lorsque l'acte dont on se prévaut est dépourvu de toute ambiguïté et ne prête pas à discussion.

Le dommage imminent peut être défini comme celui qui n'est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer (Com 13/04/2010 n°09-14.386). La gravité du dommage importe peu et celui-ci doit être apprécié à la date à laquelle le juge statue.

L'article 23 ' REPARTITION DES BENEFICES ' des statuts énonce :

'

L'assemblée peut décider, sur le bénéfice distribuable, la mise en réserve générale ou spéciale de toute somme qu'elle juge utile. Le surplus constitue le bénéfice distribué.

Soixante pour cent de ce bénéfice sont répartis entre les Associés et leurs ayants droit proportionnellement au nombre de parts en capital qu'ils détiennent.

Quarante pour cent des bénéfices sont répartis entre les Huissiers de Justice Associés en fonction de leurs parts d'industrie.

('.)

Sous réserve des dispositions et règlements applicables à la rémunération du suppléant chargé, le cas échéant, de la gestion de l'Office dont la Société est titulaire (Article 9 du décret du 29 février 1956 pris pour l'application du décret du 20 mai 1955), l'associé empêché d'exercer ses fonctions pour une cause autre que pénale ou disciplinaire conserve son droit aux bénéfices, sans changement, pendant un délai de six mois.

Au-delà, et pendant une nouvelle période de six mois, ses droits aux bénéfices, prévus au paragaphe 3 sont réduits de moitié, la deuxième moitié étant attribuée aux autres Associés.

Passée cette deuxième période, il perd ses droits aux dits bénéfices, mais les conserve pour la part correspondant à ses parts sociales.

('.)'

L'article 25 ' ACOMPTES SUR LES BENEFICES ' prévoit :

' Si la fraction écoulée d'un exercice en cours est bénéficiaire, chaque associé peut percevoir mensuellement à titre d'acompte sur sa part de bénéfice distribuable en fin d'exercice, une quotité du produit net du mois fixée par la majorité en nombre des associés ou les associés d'une commun accord.'

En l'espèce, le montant de l'acompte mensuel fixé au sein de la SCP est de 11.150 EUR, comme le démontre l'historique des comptes de la SCP produit aux débats, et non de 11.500 EUR comme indiqué par erreur dans l'ordonnance de référé.

Lors de l'assemblée générale du 28 février 2022 a été soumise au vote une résolution intitulée 'Première résolution' ainsi libellée :

' L'Assemblée Générale, après avoir entendu la lecture du rapport de la gérance, constate l'arrêt de l'activité de Maître [J] depuis le 31 juillet 2021.

Cet arrêt d'activité a été partiellement justifié par un unique certificat médical prescrivant un arrêt du 6 septembre 2021 au 7 octobre 2021.

Aucun autre élément n'a été fourni à la SCP pour justifier de l'absence de cet associé depuis maintenant plus de 6 mois.

Il est demandé à l'Assemblée Générale de se prononcer sur la mise en oeuvre des dispositions de l'article 23 alinéa 4 des statuts à l'encontre de Maître [J] à compter du 14 janvier 2022 et ainsi réduire de moitié la part en industrie de Maître [J] à compter du 14 janvier 2022. L'autre moitié sera répartie comme prévu aux statuts'

Me Patrick Médard, Me Agnès Berton et Me Laurent Guedj, présents lors de l'assemblée générale, ont voté en faveur de cette résolution. Mme [Y] [J], qui a voté par procuration, s'est prononcée contre cette résolution qui a ainsi été adoptée à 75 %, selon les termes du procès-verbal.

Comme le relève à juste titre Mme [Y] [J], aucune résolution portant sur le montant de l'acompte versé n'a été soumise au vote des associés et les statuts ne prévoient aucune disposition corrélant le montant de cet acompte à une réduction de la part en industrie. Au demeurant, il sera relevé, s'agissant d'un acompte, que sa nature est indéterminée et ne tend pas dès lors, en l'absence de toute précision dans les statuts, à rémunérer l'associé selon ses droits en capital et en industrie, les acomptes versés s'imputant en fin d'année sur la somme allouée au titre de la quote-part de bénéfices, sans distinction aucune entre ce qui relève de l'apport en industrie et de l'apport en capital.

Il s'ensuit que la SCP Patrick Médard - Agnès Berton - Laurent Guedj - [Y] [J] ne pouvait, en l'absence de tout fondement statutaire et de tout vote en assemblée générale ou de tout accord de l'ensemble des associés, procéder unilatéralement à la réduction de l'acompte mensuel versé à Mme [Y] [J]. A cet égard, il sera précisé qu'il ne peut être fait grief à cette dernière de ne pas avoir contesté le procès-verbal de l'assemblée générale du 28 février 2022 dès lors que le vote de la résolution n°1 portant sur la réduction puis la suppression de sa part en industrie apparaît régulier en la forme et conforme aux statuts dont les clauses sont claires et dépourvues de toute ambiguïté, et observé que la réduction à proportion de l'acompte versé procède en réalité de la seule volonté des autres associés qui sont allés au-délà de ce que les statuts prévoient et autorisent. Il en résulte que cette décision unilatérale des associés, qui ne repose en définitive sur aucun fondement, constitue un trouble manifestement illicite.

Dès lors, c'est à bon droit, étant encore observé qu'il n'est pas démontré que le versement d'un acompte mensuel de 11.150 EUR était de nature à excéder les droits de Mme [Y] [J] dans les bénéfices de l'année 2022, que le premier juge a condamné la SCP Patrick Médard - Agnès Berton - Laurent Guedj - [Y] [J] à maintenir à titre provisionnel cet acompte mensuel de 11.150 EUR, et non de 11.500 EUR comme indiqué par erreur, à compter de décembre 2022, et a condamné, visant également les dispositions de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, la SCP Patrick Médard - Agnès Berton - Laurent Guedj - [Y] [J] à verser à Mme [Y] [J] la somme provisionnelle de 36.400 EUR, qui n'est pas discutée dans son quantum, au titre de la partie des acomptes mensuels sur les bénéfices non versée depuis le mois d'avril 2022.

Sans qu'il soit utile de se prononcer sur l'existence alléguée d'un dommage imminent, l'ordonnance déférée sera donc confirmée en ces dispositions, sauf en ce qui concerne l'astreinte d'un montant de 150 EUR par jour de retard passé le délai de dix jours à compter de la signification de l'ordonnance qui sera maintenue dans son quantum mais dont la durée sera limitée à un an, en application des articles L. 131-2 et R. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution.

La confirmation de la condamnation au maintien à titre provisionnel de l'acompte produisant effet pour l'avenir, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de Mme [Y] [J] tendant à la condamnation de la SCP Patrick Médard - Agnès Berton - Laurent Guedj - [Y] [J] à rétablir l'acompte sur les bénéfices de Mme [Y] [J] d'un montant mensuel de 11.150 EUR sous astreinte de 500 EUR par jour de retard à compter de la décision à intervenir.

SUR L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE

Le premier juge a justement apprécié, en équité, le montant de l'indemnité allouée à Mme [Y] [J] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. En outre, c'est à bon droit, au regard de la décision rendue, qu'il a débouté la SCP Patrick Médard - Agnès Berton - Laurent Guedj - [Y] [J] de sa demande présentée à ce titre.

L'ordonnance déférée sera donc confirmée en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande également, en cause d'appel, de faire application de ces dispositions en faveur de Mme [Y] [J] qui obtiendra donc à ce titre la somme de 3.000 EUR.

La SCP Patrick Médard - Agnès Berton - Laurent Guedj - [Y] [J], qui succombe, sera déboutée de sa demande en cause d'appel présentée à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en référé et en dernier ressort,

Confirme l'ordonnance rendue le 20 décembre 2022 par le juge des référés du tribunal judiciaire d'Avignon en ses dispositions soumises à la cour en ce qu'elle :

- a condamné la SCP Patrick Médard - Agnès Berton - Laurent Guedj - [Y] [J] à maintenir à titre provisionnel l'acompte mensuel à compter de décembre 2022, ledit acompte étant de 11.150 EUR et non de 11.500 EUR comme indiqué par erreur,

- s'est réservé la liquidation de l'astreinte,

- a condamné la SCP Patrick Médard - Agnès Berton - Laurent Guedj - [Y] [J] à verser à Mme [Y] [J] la somme provisionnelle de 36.400 EUR au titre de la partie des acomptes mensuels sur les bénéfices non versée depuis le mois d'avril 2022,

- a condamné la SCP Patrick Médard - Agnès Berton - Laurent Guedj - [Y] [J] à payer à Mme [Y] [J] la somme de 3.000 EUR en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

L'infirme en ce qui concerne l'astreinte prononcée et statuant à nouveau de ce seul chef,

Dit que la condamnation de la SCP Patrick Médard - Agnès Berton - Laurent Guedj - [Y] [J] à maintenir à titre provisionnel l'acompte de 11.150 EUR par mois à compter de décembre 2022 sera assortie d'une astreinte de 150 EUR par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance pendant une durée limitée à un an,

et y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande de Mme [Y] [J] tendant à la condamnation de la SCP Patrick Médard - Agnès Berton - Laurent Guedj - [Y] [J] à rétablir l'acompte sur les bénéfices de Maître [Y] [J] d'un montant mensuel de 11.150 EUR sous astreinte de 500 EUR par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

Condamne la SCP Patrick Médard - Agnès Berton - Laurent Guedj - [Y] [J] à payer à Mme [Y] [J], en cause d'appel, la somme de 3.000 EUR sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SCP Patrick Médard - Agnès Berton - Laurent Guedj - [Y] [J] de sa demande présentée à ce titre,

Condamne la SCP Patrick Médard - Agnès Berton - Laurent Guedj - [Y] [J] aux entiers dépens d'appel.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section b
Numéro d'arrêt : 23/00023
Date de la décision : 07/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-07;23.00023 ?
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