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07/07/2023 | FRANCE | N°22/01656

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section b, 07 juillet 2023, 22/01656


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 22/01656 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IN4T



CS



TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX D'ANNONAY

15 avril 2022

RG :5120000005



[K]



C/



[X]

[C]

















COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B



ARRÊT DU 07 JUILLET 2023





Décis

ion déférée à la Cour : Jugement du Tribunal paritaire des baux ruraux d'ANNONAY en date du 15 Avril 2022, N°5120000005



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Mme Corinne STRUNK, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposi...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/01656 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IN4T

CS

TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX D'ANNONAY

15 avril 2022

RG :5120000005

[K]

C/

[X]

[C]

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B

ARRÊT DU 07 JUILLET 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal paritaire des baux ruraux d'ANNONAY en date du 15 Avril 2022, N°5120000005

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Corinne STRUNK, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre

Mme Corinne STRUNK, Conseillère

M. André LIEGEON, Conseiller

GREFFIER :

Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 09 Mai 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 07 Juillet 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANT :

Monsieur [L] [K]

né le 01 Février 1975 à [Localité 17]

[Adresse 18]

[Adresse 18]

[Localité 2]

Comparant,

assisté de Me Olivier MARTEL, avocat au barreau d'ARDECHE

INTIMÉS :

Monsieur [T] [X]

né le 10 Octobre 1951 à [Localité 19]

[Adresse 20]

[Adresse 20]

[Localité 1]

Représenté par Me Matthias MULLER-KAPP, avocat au barreau d'ARDECHE

Madame [D] [C] épouse [X]

née le 17 Janvier 1951 à [Localité 16]

[Adresse 20]

[Adresse 20]

[Localité 1]

Représentée par Me Matthias MULLER-KAPP, avocat au barreau d'ARDECHE

Statuant en matière de baux ruraux après convocation des parties par lettres simples et lettres recommandées avec avis de réception du 15 mars 2023 et 22 mars 2023.

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre, le 07 Juillet 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte sous seing privé en date du 14 janvier 2010, M. [T] [X] et Mme [D] [C], son épouse, ont donné à bail à ferme à M. [L] [K], exploitant agricole et éleveur de brebis, un ensemble de 12 parcelles de terrains agricoles sur la commune de [Localité 19] cadastrées section AS [Cadastre 14], [Cadastre 15] (classe 01), [Cadastre 15] (classe 02), [Cadastre 4], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9] et section AT [Cadastre 10], [Cadastre 11], [Cadastre 12] et [Cadastre 13], représentant une superficie totale de 7ha 25a 91ca, moyennant un loyer annuel de 756 € à payer au 15 janvier de l'année suivante, et révisable selon indice du fermage.

Par courriers recommandés avec accusé de réception des 21 et 22 janvier 2020, les bailleurs ont mis en demeure M. [K] de payer son loyer.

Par requête du 17 novembre 2020, ces derniers ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux d'Annonay, et ont fait convoquer M. [K] aux fins d'obtenir sa condamnation à régler le fermage pour les années 2019 et 2020 et de voir prononcer la résiliation du bail à ferme pour défaut de paiement de fermages et agissements de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds.

L'audience de conciliation a eu lieu le 18 mai 2021. Aucune solution amiable n'a abouti malgré un transport sur les lieux organisé le 9 juin 2021.

Par jugement du 30 novembre 2021, le tribunal paritaire des baux ruraux d'Annonay a :

- jugé que le bail à ferme liant les parties fixe pour terme du paiement du fermage un terme échu au 15 janvier de chaque année ;

- débouté en conséquence les époux [T] [X] et [D] [C] de leurs demande de condamnation de [L] [K] en résiliation du bail pour impayés de loyers et au paiement du fermage 2021 ;

- débouté les mêmes de leur réclamation en injonction de clore les parcelles données à bail en limite de celle AS n° [Cadastre 3] [Localité 19] 07 ;

- prononcé un sursis à statuer s'agissant de la demande de résiliation du bail pour défaut d'entretien des lieux loués dans l'attente de la réalisation de travaux et de leur justification ;

- enjoint à [L] [K] d'accomplir des travaux de nettoyage de la végétation de toute nature y compris branches et arbres cassés envahissant:

* les deux points d'eau visités lors du transport sur les lieux du 9 juin 2021 afin de permettre l'accès auxdits points d'eau et éviter leur dépérissement/assèchement/perte ;

* les clôtures ceignant les parcelles section AT n° [Cadastre 10] et AT n°[Cadastre 13] à [Localité 19] (07) afin de permettre la sauvegarde des fils, maillages et poteaux, outre leur accessibilité ;

et ce avant le 30 janvier 2022;

- ordonné le renvoi de la cause pour partie du litige pendant à l'audience du 2 mars 2022 à laquelle les parties devront chacune pour leur part justifier des travaux accomplis, en leur nature, et effets sur le devenir de l'exploitation (éventuelle insuffisance ou pas);

- jugé n'y avoir lieu à indemnité de l'article 700 du code de procédure civile et a réservé les dépens.

Par jugement contradictoire en date du 15 avril 2022, le tribunal paritaire des baux ruraux d'Annonay a :

- écarté toute exception d'inexécution d'entretien et de travaux soulevée par le défendeur ;

- jugé que les parcelles mises à bail (bail à ferme) au profit de [L] [K] par les époux [X] présentent des désordres imputables à un défaut d'entretien du fermier ;

- jugé que les détériorations constatées compromettent la bonne exploitation du fonds;

- prononcé en conséquence la résiliation de bail à ferme liant les parties (bail du 14 janvier 2010 parcelles commune de [Localité 19] 07 cadastrées section AS n° [Cadastre 14] et [Cadastre 15] ( classe 1), [Cadastre 15] (classe 2), [Cadastre 4], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9] et section AT n° [Cadastre 10], [Cadastre 11], [Cadastre 12] et [Cadastre 13] ;

- ordonné l'expulsion de [L] [K] des lieux et de tous occupants de son chef ;

- jugé n'y avoir lieu à assortir la présente décision d'expulsion d'une astreinte;

- rappelé que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de plein droit ;

- débouté les époux [X] de leur demande d'indemnité au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné [L] [K] aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration du 13 mai 2022, M. [L] [K] a interjeté appel du jugement rendu en toutes ses dispositions excepté l'absence de condamnation d'une quelconque partie aux frais irrépétibles.

L'affaire a été appelée à l'audience du 9 mai 2023.

A cette audience, M. [L] [K], en sa qualité d'appelant, assisté de son conseil, expose ses prétentions et moyens et s'en rapporte à ses conclusions en date du 4 avril 2023 pour le surplus.

L'appelant souhaite voir la cour, recevoir l'appel, le dire bien fondé, infirmer le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux du 15 avril 2022 en toutes ses dispositions, débouter M. et Mme [X] de toutes leurs demandes, fins et conclusions, et les condamner au paiement d'une indemnité de 3.000 €, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Au soutien de son appel, M. [L] [K] rappelle qu'en droit rural, les manquements reprochés au fermier, pour prononcer la résiliation du bail, doivent être suffisamment sérieux pour que l'on puisse considérer que l'état du fonds soit en état de sensible dégradation, ou susceptible d'être dégradé à terme.

Il fait donc valoir que les griefs de manquement à l'entretien retenus à son encontre, réels s'agissant d'un point d'eau et d'une clôture, n'entachent que de manière très partielle l'exploitation du fonds, dans son ensemble, bien exploité par ailleurs, et sont très insuffisants pour que la résiliation du bail de ce chef soit retenue.

Il précise qu'en l'état, seule la parcelle AT [Cadastre 13], dans l'îlot 1 de la location, serait visée par la plainte d'une végétation envahissante au niveau de la clôture, ce qui parait bien insuffisant pour emporter résiliation du bail à ferme dans son intégralité. Selon lui, les éléments produits ne paraissent pas suffisamment probants, ni précis, au regard de la superficie concernée par rapport à l'ensemble de la propriété louée pour convaincre la cour d'agissements d'une gravité ou d'une portée suffisante, pour compromettre la bonne exploitation du fonds. Il ajoute sur ce point que le tribunal n'avait aucunement constaté l'envahissement partiel de la parcelle AT [Cadastre 13] par les ronciers lors du transport sur les lieux le 18 mai 2021, à présent dénoncé, en cause d'appel par les intimés.

Concernant l'entretien des points d'eau, M. [K] indique que le bail à ferme conclu, qui lie les parties est un bail « type », et aucune disposition ne concerne une quelconque source et que les intimés n'ont jamais émis la moindre plainte sur le défaut d'entretien de la seule source dont l'existence et l'utilisation n'est pas contestée sur la parcelle AS [Cadastre 6]. Il ajoute que rien ne peut arrêter le débit d'une source, relativement abondante, et tel est le cas, et même si elle était encombrée de racines et d'une végétation foisonnante, elle trouverait son cheminement ailleurs.

En conséquence, il conclut que la demande de résiliation par les bailleurs, pour mauvaise exploitation du fonds sera écartée, comme non suffisamment avérée.

M. [T] [X] et Mme [D] [C] épouse [X], en leur qualité d'intimés, assistés de leur conseil, exposent leurs prétentions et moyens et s'en rapportent à leurs conclusions en date du 25 avril 2023 pour le surplus.

Les intimés demandent à la cour, au visa des articles L.411-31 et suivants du code rural et de la pêche maritime, des arrêtés du préfet de l'Ardèche en matière de fermage et de fixation des minima et maxima de prix des fermages, des articles 1240 et suivants du code civil et de l'article 700 du code de procédure civile, de :

- confirmer la résiliation du bail rural dont bénéficie M. [K] [L] pour agissements de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds ;

- condamner M. [L] [K] à libérer immédiatement les lieux sous astreinte de 30,00 € par jour de retard ;

Subsidiairement, si la résiliation du bail devait n'être pas prononcée :

- faire obligation à M. [K] de dégager la clôture et de remettre en état de culture l'ensemble de l'îlot Section AT parcelles n°[Cadastre 10] à [Cadastre 13], la parcelle n° [Cadastre 13] tout particulièrement, dans un délai déterminé (avant le 31 décembre 2021) et sous astreinte de 50,00 euros par jour de retard pendant 12 mois, autorisation étant donnée au bailleur d'effectuer ou faire effectuer les travaux aux frais du preneur au-delà de ce délai ;

- faire injonction à M. [K] de ne pas laisser son bétail, grand ou petit, entrer sur la parcelle n°[Cadastre 3] section AS à [Localité 19] en prenant toutes mesures techniques nécessaires, le tout sous astreinte de 100,00 euros par pénétration constatée ;

- faire obligation de M. [K] de ne laisser aucune végétation de type roselière ou composée de ligneux et/ou semi-ligneux prospérer à l'intérieur des enclos autour des points d'eau ;

Dans tous les cas,

- débouter M. [K] de toutes ses demandes ;

- accorder aux consorts [X] un montant de 2.500,00 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure civile ;

- condamner M. [L] [K] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Les intimés exposent que dans l'îlot n°1 la clôture le long de la parcelle Section AT n° [Cadastre 13] n'est manifestement pas entretenue et n'est visible qu'avec difficulté tant elle est prise dans une importante végétation comme en attestent les photographies aériennes récentes confirmant cet état de fait et démontrant que la forêt, à tout le moins les ronciers, avancent déjà significativement dans la parcelle sur plusieurs mètres.

Ils dénoncent le fait que M. [K] n'a réalisé aucun des travaux mis à sa charge, laissant la situation en l'état, qui ne cesse de s'aggraver, nonobstant l'obligation qui lui a été faite par le tribunal paritaire des baux ruraux en lui ayant laissé une date butoir au 31 janvier 2022.

Ils estiment que le défaut d'entretien des clôtures et de la parcelle elle-même du fait de l'enfrichement progressif ainsi que l'absence des travaux de remise en état sont de nature à compromettre la bonne exploitation du fond, étant précisé qu'ils ne revendiquent pas la résiliation du bail sur l'îlot n°2 au titre de défaut d'entretien des clôtures, qui restent encore aptes à leur office.

Ensuite, ils soulèvent que le défaut d'entretien des points d'eau, revendiqué par M. [K] au titre de pratique agricole de gestion de l'eau, est, à tout le moins localement, très inhabituelle et de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds affermé et constitue, dans tous les cas, un défaut d'entretien mettant en péril le fonds loué et justifiant la résiliation du bail à ce titre. Ils expliquent que les trois points d`eau ne sont pas visibles sans traverser en raison de la végétation buissonnante et arbustive composée d`essences hygrophiles, voire aquatiques pour partie, implantées dans les points d'eau eux-mêmes, rappelant que l'absence d'accès à l'eau pour le bétail est considérée comme une maltraitance pouvant entraîner la saisie d'un cheptel. Enfin, ils exposent que le défaut d'entretien des points d'eau revendiqué par M. [K] au titre de pratique agricole de gestion de l'eau est localement inhabituelle et de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds.

Enfin, ils rappellent que le troupeau de M. [K] n'a pas à se trouver sur des parcelles hors du bail et qu'il encourt tout à la fois un risque pénal et un risque civil s'il n'y veille, ayant cru bon de ne pas installer de clôture entre la parcelle [Cadastre 3], hors du bail et les parcelles n°[Cadastre 4] et [Cadastre 5] incluses dans le bail.

Il est expressément renvoyé aux conclusions déposées par les parties pour un exposé complet de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS :

Sur la demande de résiliation du bail à ferme pour défaut d'entretien de nature à compromettre la bonne exploitation :

En application de l'article L411-31 2° du code rural et de la pêche maritime, le bailleur ne peut demander la résiliation du bail notamment que s'il justifie d'agissements du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds, notamment le fait qu'il ne dispose pas de la main-d'oeuvre nécessaire aux besoins de l'exploitation. Il est indiqué, in fine, que ces motifs de résiliation ne peuvent être invoqués en cas de force majeure ou de raisons sérieuses et légitimes.

Au cas d'espèce, les intimés motivent leur demande de résiliation du bail rural par un défaut d'entretien des parcelles louées soutenant que celui-ci est de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds. Ils dénoncent l'absence d'entretien des clôtures sur l'ilot n°1, des parcelles mais également de trois points d'eau en présence d'une végétation très abondante.

Le tribunal paritaire des baux ruraux a, dans une première décision rendue le 30 novembre 2021, retenu que 'le transport réalisé sur les lieux... ne mettait pas en exergue de manquements tels du fermier à même de compromettre à ce jour l'exploitation du fonds rural ; que la compromission du fonds doit en effet s'apprécier au regard de l'ensemble rural donné à bail et non isolément parcelle par parcelle, la résiliation judiciaire ne pouvant morceler cet ensemble et par elle-même constituer un risque subséquent de mise en cause de la viabilité d'une exploitation ou son efficience ; que par suite, la résiliation requise pour partie du fonds ou sa totalité sur ce fondement ne peut être à ce jour admise ; que cependant, les travaux d'entretien sont patents et que l'absence de réalisation de ceux-ci dans un bref délai pourrait, sous réserve de bris et/ou d'inaccessibilité accrue de clôtures outre de perte réelle de sources ou l'une d'entre elles, être susceptible de compromettre l'exploitation rurale'.

Dans le jugement déféré rendu le 15 avril 2022 , les premiers juges ont retenu l'existence de désordres imputables à un défaut d'entretien du fermier jugeant que les détériorations constatées, à savoir l'endommagement de la clôture située sur les parcelles AT [Cadastre 10] et AT [Cadastre 13], ainsi que le défaut d'entretien de deux points d'eau, compromettent la bonne exploitation du fonds.

Fort de ce constat, les premiers juges ont donc accueilli favorablement la demande de résiliation.

L'appelant souligne en premier lieu les contradictions du tribunal paritaire puisque dans une première décision il affirme que les manquements du fermier ne compromettent pas l'exploitation du fonds rural pour ensuite déclarer le contraire et accueillir la demande en résiliation du bail rural. En second lieu, M. [K] prétend que les désordres invoqués ne sont pas suffisamment importants pour entraîner la résiliation du bail alors que seules quelques parcelles sont concernées par le défaut d'entretien allégué.

En l'espèce, le bail rural porte sur 12 parcelles de terrains agricoles situées sur la commune de [Localité 19] cadastrées section AS [Cadastre 14], [Cadastre 15] (classe 01), [Cadastre 15] (classe 02), [Cadastre 4], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9] représentant l'ilot 2 et section AT [Cadastre 10], [Cadastre 11], [Cadastre 12] et [Cadastre 13] constituant l'ilot 1, le tout pour une superficie totale de 7ha 25a 91ca

Lors du transport sur les lieux réalisé le 9 juin 2021 par le tribunal paritaire des baux ruraux, il a été relevé les éléments suivants:

- sur l'état des parcelles: 'aucune ne présente un envahissement par de la végétation susceptible de compromettre son exploitation (fauchage)';

- sur l'état des points d'eau :

* sur le premier point d'eau: il s'agit d'une 'baignoire alimentée en eau par un tuyau...; il est impossible d'accéder à la source elle-même compte-tenu d'une clôture envahie de végétation et de la végétation elle-même (arbustes, ronciers, arbrisseaux et arbres). La végétation est dense';

* second point d'eau: 'c'est une zone de végétation plus dense et variée au milieu d'un pré. Aucun ouvrage quelconque n'est identifiable (pas de tuyau, de baignoire ou de muret). Après recherche, le point d'eau est trouvé envahi complètement par la végétation...';

- sur l'état des clôtures :

* 'pour une parcelle, la clôture a été déplacée en bordure de route par le bailleur lui-même. Celle-ci ne marque donc plus la limite entre la parcelle louée et celle maintenue en possession du bailleur. Les brebis accèdent librement par suite à la partie boisée non-visée dans le bail';

* 'pour des parcelles constituées de parties herbeuses et de parties taillis/bois, le bailleur soutient que le bail ne donnait à exploiter pour le preneur que les parties herbeuses. Toutefois, aucune clôture n'a jamais été posée entre ces différentes parties:

- première partie: la clôture située en limite de parcelle sur la partie herbeuse est en place et clôt le terrain; il n'y a pas de détériorations sérieuses et/ou importantes susceptibles d'affecter sa fonction. Le léger et partiel envahissement de végétation de la clôture est susceptible d'être contenu et pour partie résolu après la fauche et le pacage des brebis sur la parcelle;

- seconde partie: la clôture est majoritairement envahie par la végétation: arbustes, arbrisseaux, ronciers, branches cassées. La végétation concernée n'est pas récente. Il ne s'agit pas d'une repousse nouvelle... En cette partie, la clôture est encore en place mais n'est plus accessible en de nombreux endroits. Elle commence à souffrir du poids des végétaux et des branches cassées'.

Si les griefs initiaux relatifs à l'état des parcelles n'ont pas été vérifiés dans le cadre du transport sur les lieux établissant en effet qu' 'aucune ne présente un envahissement par de la végétation susceptible de compromettre son exploitation (fauchage)', cet état des lieux a toutefois mis en évidence un envahissement par la végétation des deux points d'eau ainsi que de la clôture située sur l'ilot 1, qui concerne les parcelles AT [Cadastre 10] et AT [Cadastre 13].

En effet, le premier point d'eau est envahi d'une végétation dense constituée d'arbustes, de ronciers, d'arbrisseaux et d'arbres; le deuxième point est, quant à lui, complètement envahi par la végétation. Leur accessibilité est compromise tant pour le bétail que pour l'homme. De même, une partie des clôtures de l'ilot 1, dont l'existence se trouve menacée par la présence d'arbres pesant sur elle et de branches ayant chuté qui reposent sur les fils métalliques et les piquets, est aussi inaccessible du fait de la présence d'une végétation envahissante.

Cet état, dressé dans le cadre du transport réalisé au contradictoire des parties, révèle un défaut d'entretien que l'appelant conteste, soutenant pour sa part que les parcelles ont été louées dès l'origine dans cet état, ce qui ne peut être vérifié au moyen d'un état des lieux d'entrée qui n'a pas été établi par les parties.

Cependant, les constatations faites lors du transport sur les lieux ont mis en évidence que cet envahissement est postérieur à la prise de possession des terres en raison de la nature de cette végétation et des détériorations relevées. En effet, si la végétation concernée, à savoir des arbustes, des arbrisseaux, des ronciers et des branches cassées, n'est pas récente comme le relève la juridiction paritaire et caractérise de ce fait un défaut manifeste d'entretien, pour autant son stade de développement ne révèle pas une présence antérieure à l'année 2010, année de prise d'effet du bail, comme l'illustrent les photographies produites aux débats. M. [K] ne verse, quant à lui, aucune pièce permettant de conforter ses allégations ou de remettre en cause les éléments susvisés .

Au regard de ces considérations, il convient de retenir l'existence d'un défaut d'entretien des deux points d'eau et de la clôture des parcelles cadastrées section AT n°[Cadastre 10] et [Cadastre 13] imputables au fermier.

Ceci étant, ce défaut d'entretien ne peut justifier à lui seul la résiliation du bail qu'à charge pour les intimés de démontrer que les agissements de leur fermier sont de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds.

Pour le tribunal paritaire des baux ruraux, comme cela résulte de sa première décision, si ce défaut d'entretien n'est pas 'suffisant eu égard à la compromission du fonds...,ceux-ci sont d'une double nature (clôture et points d'eau) et susceptibles à court/moyen terme en l'absence d'interventions (travaux) de compromettre l'exploitation (perte des sources et absence de clos)'.

Dans la décision entreprise, le tribunal a considéré que 'l'absence de réalisation de travaux d'entretien depuis le constat mené sur les lieux fait la démonstration de la persistance de ce défaut d'entretien et en conséquence d'une aggravation inéluctable des désordres relevés ; que ceux-ci par leur nature et persistance (perte de points d'eau, clôtures plus à même de réaliser leur fonction) compromettent la bonne exploitation des fonds et de leur valeur'.

L'appelant conteste cette analyse.

En l'état, la compromission du fonds doit s'apprécier au regard de l'ensemble rural donné à bail et il sera constaté à cet égard que l'état d'entretien des 12 parcelles n'est nullement contesté. Ainsi, en-dehors d'un défaut d'entretien des deux points d'eau et de la clôture des parcelles cadastrées section AT n°[Cadastre 10] et [Cadastre 13], l'exploitation des parcelles données à bail ne donne lieu à critique.

Par suite, la résiliation requise ne peut être à ce jour admise sur le seul constat du risque de dégradation d'une clôture et d'un envahissement de deux sources alors que rien n'établit le risque de perte réelle de deux points d'eau, qui doit s'apprécier au jour de la demande en justice et qui n'est pas caractérisé à ce jour. En effet, aucun document ni pièce ne démontre le risque encouru de perte de point d'eau en lien avec la présence d'une végétation abondante. De même, il n'est pas démontré en quoi la dégradation possible de la clôture est susceptible de compromettre la bonne exploitation du fonds et justifier la résiliation du bail sous peine de revêtir un caractère disproportionné.

En conséquence, la résiliation du bail rural ne saurait être encourue en l'absence de preuve d'une compromission du fonds. La décision déférée sera donc infirmée sur ce point.

Ceci étant, le fermier est soumis à une obligation d'entretien des parcelles louées, qui englobent dans le cas présent, deux points d'eau et une clôture fragilisés par la présence d'une végétation abondante. Il est nécessaire que M. [K] assure ainsi l'accessibilité aux points d'eau ainsi que leur dégagement pour éviter le redéploiement de la source vers d'autres points du fait du développement du réseau racinaire de la végétation en place. De même, il doit assurer l'entretien de la clôture par un dégagement de la végétation qui l'entoure et qui repose sur les fils et les piquets qui la constituent.

Le défaut d'entretien est ici patent et il convient en conséquence de condamner M. [K] à accomplir des travaux de nettoyage de la végétation de toute nature y compris branches et arbres cassés sur :

* les deux points d'eau visités lors du transport sur les lieux du 9 juin 2021 afin de permettre l'accès auxdits points d'eau;

* les clôtures ceignant les parcelles section AT n° [Cadastre 10] et AT n°[Cadastre 13] à [Localité 19] (07) afin de permettre la sauvegarde des fils, maillages et poteaux, outre leur accessibilité.

M. [K] devra réaliser ces travaux d'entretien dans un délai de deux mois suivant le prononcé de la présente décision et passé ce délai, sous astreinte de 50 euros par jour de retard pendant un délai de 6 mois au regard de l'inertie dont il a fait preuve suite à la décision prononcée le 30 novembre 2021.

Il sera dit qu'à l'expiration de ce délai, les époux [X] seront autorisés à faire effectuer lesdits travaux aux frais du preneur.

Enfin, les intimés demandent à la cour qu'il soit fait injonction à M. [K] de ne pas laisser son bétail, grand ou petit, entrer sur la parcelle n°[Cadastre 3] section AS à [Localité 19] en prenant toutes mesures techniques nécessaires, le tout sous astreinte de 100,00 euros par pénétration constatée,

En l'état, il n'est nullement démontré la présence du troupeau de M. [K] sur cette parcelle dont la protection n'est plus assurée du fait du déplacement de la clôture, assurant le clos du bois de la parcelle AS n°[Cadastre 3], par les bailleurs qui ont reconnu expréssement l'avoir portée en limite de route.

Cette demande n'étant nullement fondée sera rejetée.

Sur les demandes accessoires :

Il convient de confirmer le sort des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile tel qu'il a été apprécié par le tribunal paritaire des baux ruraux.

L'équité commande en appel de ne pas faire droit aux demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [K], qui succombe partiellement, sera condamné aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu le 15 avril 2022 par le tribunal paritaire des baux ruraux d'Annonay sauf en ce qu'il a débouté les parties de la demande formée au titre des frais irrépétibles et condamné M. [L] [K] aux dépens, dispositions qui sont confirmées,

Statuant à nouveau des chefs réformés,

Déboute [T] [X] et [D] [C] de leur demande en résiliation du bail pour défaut d'entretien de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds,

Constate un défaut d'entretien imputable au preneur et condamne M. [L] [K] à accomplir des travaux de nettoyage de la végétation de toute nature y compris branches et arbres cassés sur :

* les deux points d'eau visités lors du transport sur les lieux du 9 juin 2021 afin de permettre l'accès auxdits points d'eau ;

* les clôtures ceignant les parcelles section AT n° [Cadastre 10] et AT n°[Cadastre 13] à [Localité 19] (07) afin de permettre la sauvegarde des fils, maillages et poteaux, outre leur accessibilité.

Dit que M. [L] [K] devra réaliser ces travaux d'entretien dans un délai de deux mois suivant le prononcé de la présente décision et passé ce délai, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, qui courra pendant un délai de 6 mois,

Dit qu'à l'expiration de ce délai de deux mois, les époux [X] seront autorisés à faire effectuer lesdits travaux aux frais du preneur,

Déboute [T] [X] et [D] [C] de leur demande portant sur la parcelle n°[Cadastre 3] section AS à [Localité 19],

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [L] [K] aux entiers dépens.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section b
Numéro d'arrêt : 22/01656
Date de la décision : 07/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-07;22.01656 ?
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