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07/07/2023 | FRANCE | N°21/03590

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section b, 07 juillet 2023, 21/03590


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 21/03590 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IGJ3



CS



TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX D'UZES

24 août 2021

RG :20-001



[U]



C/



[S]











COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B



ARRÊT DU 07 JUILLET 2023





Décision déférée à la Cour : Jugement du Tr

ibunal paritaire des baux ruraux d'UZES en date du 24 Août 2021, N°20-001



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Mme Corinne STRUNK, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a r...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/03590 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IGJ3

CS

TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX D'UZES

24 août 2021

RG :20-001

[U]

C/

[S]

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B

ARRÊT DU 07 JUILLET 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal paritaire des baux ruraux d'UZES en date du 24 Août 2021, N°20-001

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Corinne STRUNK, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre

Mme Corinne STRUNK, Conseillère

M. André LIEGEON, Conseiller

GREFFIER :

Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 09 Mai 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 07 Juillet 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANT :

Monsieur [G] [A] [U]

exerçant en son nom propre sous l'enseigne 'Elevage des [U]'

né le 04 Avril 1964 à [Localité 5]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représenté par Me Frédéric BASSOMPIERRE, avocat au barreau de CARPENTRAS

INTIMÉE :

Madame [J] [WI] [P] [S] épouse [W]

née le 27 Novembre 1958 à [Localité 8]

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Localité 10]

Représentée par Me Olivier CONSTANT, avocat au barreau de NIMES

Statuant en matière de baux ruraux après convocation des parties par lettres simples et lettres recommandées avec avis de réception du 15 mars 2023.

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre, le 07 Juillet 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.

EXPOSE DU LITIGE :

Depuis le 1er juin 2008, M. [G] [U] est éleveur de chevaux, inscrit à la MSA, et fait pâturer à ce titre une trentaine de juments poulinières camarguaises et quelques lamas sur des parcelles appartenant à Mme [J] [W], situées [Adresse 7] à [Localité 10].

Souhaitant reprendre une activité agricole, Mme [W] a demandé à M. [U] de libérer les parcelles occupées.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 24 janvier 2020, M. [G] [U] a revendiqué un droit au bail.

Mme [W] a résilié de manière unilatérale le contrat de prêt à usage avec effet au 1er février 2020 et M. [G] [U] a été mis en demeure de quitter les lieux par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 17 février 2020.

Par requête reçue le 24 avril 2020, M. [G] [U] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux d'Uzès aux fins de voir, au visa des articles L.411-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime, constater l'existence d'un bail rural verbal le liant à Mme [J] [W] depuis l'année 2009 et dire que ledit bail est susceptible de renouvellement dans les conditions fixées par les articles L.411-5 et suivants du même code.

Par jugement contradictoire en date du 24 août 2021, le tribunal paritaire des baux ruraux d'Uzès a :

- débouté M. [G] [U] de sa demande principale en requalification en bail rural du contrat le liant à Mme [W];

- s'est déclaré en conséquence incompétent pour se prononcer sur la demande subsidiaire de délai pour quitter les lieux et sur la demande reconventionnelle en expulsion;

- déclaré sans objet les demandes reconventionnelles subsidiaires de Mme [J] [W];

- condamné M. [G] [U] à verser à Mme [J] [W] la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile;

- dit que M. [G] [U] conserve la charge des dépens;

- rappelé que la présente décision est assortie de l'exécution provisoire de plein droit.

Par déclaration reçue le 22 septembre 2021 au greffe de la cour, M. [G] [U] a interjeté un appel limité de ce jugement seulement en ce qu'il a jugé qu'il ne rapportait pas la preuve d'une contrepartie onéreuse relativement à la mise à disposition des parcelles appartenant à Mme [W].

L'affaire a été appelée à l'audience du 9 mai 2023.

A cette audience, M. [G] [U], en sa qualité d'appelant, représenté par son conseil, expose ses prétentions et moyens et s'en rapporte à ses conclusions en date du 18 avril 2023 pour le surplus.

M. [G] [U] souhaite, au visa des dispositions des articles L.411-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime et de l'article L.491-1, voir la cour :

- juger que les attestations et pièces produites par lui caractérisent en droit un faisceau d'indices précis et concordant établissant la mise à disposition à titre onéreux par Mme [J] [W] de parcelles à son profit aux fins d'exploitation agricole;

- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a jugé qu'il ne rapportait pas la preuve d'une contrepartie onéreuse relativement à la mise à disposition des parcelles appartenant à Mme [W]:

Statuant à nouveau,

- juger qu'il est titulaire d'un bail rural verbal portant sur les parcelles appartenant à Mme [J] [W] telles que reprises dans son relevé d'exploitation du 30 janvier 2020;

- juger que ledit bail est susceptible de renouvellement dans les conditions fixées par les articles L.411- 5 et suivants du code rural et de la pêche maritime;

- débouter Mme [W] de ses prétentions subsidiaires incidentes en ce qu'elle sollicite d'une part un arriéré de loyers de 36.000 € et d'autre part la résiliation du bail rural pour défaut d'entretien avec expulsion de M. [U];

- la condamner à lui verser la somme de 4.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais des procès-verbaux de constats dressés les 20 février 2020, 15 et 26 février 2021.

L'appelant entend tout d'abord souligner le comportement agressif et les méthodes expéditives et peu courtoises de Mme [W] passant outre des règles de formalisme, notamment la délivrance d'une sommation d'avoir à quitter les lieux, maltraitant ses animaux à plusieurs reprises, et dont les man'uvres, les mensonges multiples et les actes de malveillance ne donnent peu de crédit à ses propos et à ses affirmations selon lesquelles elle ne lui aurait consenti qu'un simple « prêt à usage ou commodat ».

Sur l'appel principal, il soulève que l'article L.411-1 du code rural précise que l'existence d'un bail rural peut être rapportée par tous moyens tels que présomptions, indices, témoignages soumis à l'appréciation souveraine des juges du fond.

Il soutient être titulaire d'un bail rural verbal portant sur les parcelles appartenant à Mme [J] [W] telles que reprises dans son relevé d'exploitation du 30 janvier 2020, susceptible de renouvellement dans les conditions fixées par les articles L.411-5 et suivants du code rural et de la pêche maritime. Il ajoute que les attestations et pièces produites par ses soins caractérisent en droit un faisceau d'indices précis et concordant établissant la mise à disposition à titre onéreux par l'intimée de parcelles à son profit aux fins d'exploitation agricole.

Il assure qu'en l'espèce, la nature agricole de l'exploitation ne paraît pas discutable puisque la jurisprudence constante considère que l'occupation de parcelles à titre onéreux pour faire pâturer des chevaux d'élevage constitue une activité agricole au sens de l'article L.311-1 entrant dans le champ d'application du statut du fermage, alors qu'il est régulièrement inscrit auprès de la MSA depuis l'année 2008.

Sur la demande de paiement des loyers, M. [U] indique que la prétention de l'intimée au titre de son appel incident est soumise à la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil de telle sorte qu'elle est irrecevable à réclamer des loyers antérieurs au mois de mai 2016 tout en soulignant le caractère totalement fantaisiste de cette demande puisque, dans l'hypothèse où la Cour retiendrait à juste titre l'existence d'un bail rural verbal, cela suppose et implique nécessairement la survenance du versement d'une réelle contrepartie. Or, il relève que Mme [W] ne s'est jamais plainte de retard quelconque de règlement des loyers auprès de lui, lequel a continué à régler à compter du mois de mars 2020 par l'envoi mensuel de chèques d'un montant de 250 € sans qu'elle ne les encaisse, préférant à l'évidence les règlements en espèces.

Sur la demande de résiliation du bail au titre d'un défaut d'entretien, il rappelle que le code rural ne sanctionne pas directement les manquements du preneur aux obligations nées du bail, ces manquements ne devenant des motifs de résiliation que pour autant qu'ils auraient compromis la bonne exploitation du fonds.

Il relève que la preuve du défaut d'entretien ne saurait résulter de constatations effectuées sur les parcelles louées sans l'autorisation du preneur ou du juge et qu'en conséquence, les constatations effectuées par huissier de justice qui, à la requête de Mme [W], a pénétré sur les parcelles louées, hors sa présence, sans son autorisation, ni autorisation judiciaire, sont nulles.

Il ajoute être allé au-delà de ses obligations de preneur en effectuant divers travaux comme le dégagement du portail d'entrée ou encore le nettoyage du puits de Mme [W], qu'il a très correctement assuré l'entretien régulier des terres louées pendant plus de 10 ans.

Mme [J] [S] épouse [W], en sa qualité d'intimée et appelante sur incident, représentée par son conseil, expose ses prétentions et moyens et s'en rapporte à ses conclusions en date du 3 mai 2023 pour le surplus.

L'intimée demande à la cour, au visa des articles L.411.31 du code rural et 1766 du code civil, de :

A titre principal,

- confirmer le jugement du 24 août 2021 du tribunal paritaire des baux ruraux en ce qu'il rejette la demande de reconnaissance de bail rural de M. [U],

et en conséquence,

- le débouter de l'ensemble de ses demandes,

A titre d'appel incident, réformer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'expulsion,

Et statuant à nouveau sur ce point,

- prononcer l'expulsion de M. [U] ou de tout occupant de son chef, de l'ensemble des parcelles occupées avec au besoin l'assistance de la force publique,

- le condamner à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire un bail verbal devait être reconnu,

- condamner M. [U] à lui payer la somme de 36 000 euros à titre du fermage,

- prononcer la résiliation judiciaire du bail à ferme aux torts exclusifs de M. [U],

- prononcer l'expulsion de M. [U] ou de tout occupant de son chef, de l'ensemble des parcelles occupées avec au besoin l'assistance de la force publique,

Dans tous les cas,

- condamner M. [U] lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et le condamner aux entiers dépens, en ce y compris les frais liés aux constats d'huissier.

Mme [J] [S] épouse [W] entend souligner, à titre préalable, qu'elle conteste fermement toutes les accusations formulées à son encontre par M. [U], indiquant que ce dernier a progressivement tenté de l'intimider, donné court à un comportement violent à son égard. Elle relate avoir été victime d'une agression ayant fait l'objet d'une plainte déposée aux services de la Gendarmerie Nationale et entraînant une ITT de neuf jours au regard des lésions importantes.

A titre préalable, elle rappelle que M. [U], sans aucun accord écrit, occupe toujours ses terres, alors qu'elle souhaite reprendre une activité, lui créant ainsi un préjudice économique, et que le jugement déféré, revêtu de l'exécution provisoire, n'a pas reconnu l'existence d'un bail rural.

Elle sollicite, à titre principal, la confirmation du jugement déféré sur l'absence de bail verbal rappelant que l'exploitant, qui sollicite la reconnaissance d'un bail rural, a la charge de la preuve de la réunion des conditions nécessaires à cette qualification, à savoir la mise à disposition d'un immeuble à usage agricole et à titre onéreux. Elle ajoute qu'il incombe ainsi à l'exploitant de rapporter la preuve de la commune intention des parties sur le principe d'une mise à disposition des biens considérés et sur un fermage, et de la volonté non équivoque de lui consentir un bail rural afin qu'une activité agricole soit exercée sur les biens loués par lui.

Elle soutient que les critères du bail verbal ne sont pas réunis en l'espèce, en l'absence d'intention commune des parties de conclure un bail verbal s'agissant d'un simple prêt à usage conformément à l'article 1875 du code civil, en l'absence de délimitation précise des terres mises à disposition, en l'absence de paiement d'un fermage, M. [U] étant défaillant dans la preuve d'un paiement régulier. Elle conteste pour ce faire la valeur probante des attestations produites et s'agissant d'éventuels paiements, elle soutient qu'ils correspondent à l'acquisition de matériel auprès des époux [W] (cuve) par M. [U].

Ensuite, l'intimée soutient que M. [U] n'est entré en possession des terres qu'à partir de 2013 et non en 2009, comme il le revendique.

Elle nie également l'existence des travaux prétendument réalisés sur la propriété par l'appelant et explique que si tel était le cas, ils ne démontreraient pas l'existence d'un bail, et aucun avantage d'un point de vue juridique ne peut en être tiré.

Elle ajoute que la preuve du bail n'est pas plus rapportée par une affiliation à la MSA ni par l'inscription des terres à l'administration agricole et qu'en conséquence, M. [U] est occupant sans droit ni titre, justifiant ainsi l'expulsion de celui-ci pour laquelle elle forme un appel incident.

Enfin, elle évoque avoir subi un préjudice pour lequel elle sollicite des dommages-intérêts étant donné que M. [U] se maintient abusivement dans les lieux l'empêchant de reprendre son activité et sans assurer leur entretien.

A titre subsidiaire, elle indique que, si la cour reconnaît l'existence d'un bail rural depuis 2009, M. [U] serait redevable d'un fermage à hauteur de 250 € par mois depuis le début de l'année 2009, avec effet rétroactif, et aurait également des obligations notamment celles d'entretenir le terrain. Elle précise à ce titre que la rétroactivité est possible lorsque la demande fait suite à la reconnaissance d'un bail.

Elle soulève enfin le défaut de l'obligation d'entretien, constaté par procès-verbal de constat d'huissier de justice, causant des dommages à la propriété ainsi que des nuisances aux exploitations voisines. Elle soutient donc l'existence d'une faute entraînant la résiliation du bail sur le fondement des article L.411-31 du code rural et 1176 du code civil.

Il est expressément renvoyé aux conclusions déposées par les parties pour un exposé complet de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS :

- Sur l'existence d'un bail rural verbal :

L'article L 411-1 du code rural et de la pêche maritime définit le bail rural comme la mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter.

La preuve de l'existence d'un bail doit être rapportée par celui qui l'invoque.

Par ailleurs, l'article L411-4 du même code dispose : « les contrats de baux ruraux doivent être écrits. A défaut d'écrit (') les baux conclus verbalement (') sont censés faits pour neuf ans aux clauses et conditions fixées par le contrat type établi par la commission consultative des baux ruraux (...) ».

Ainsi, le bail non écrit n'est pas nul et la preuve du bail verbal peut être administrée par tous moyens.

Le premier juge a considéré que M. [U] ne démontrait pas la contrepartie onéreuse de la mise à disposition des parcelles litigieuses, contestant sur ce point le caractère probant des attestations produites, et a débouté l'appelant de sa demande.

En appel, M. [U] allègue de l'existence d'un faisceau d'indices caractérisant l'existence d'un bail rural à caractère onéreux constitué des éléments suivants : l'étendue des parcelles présentant une surface de plus de 11 hectares, l'absence de relations amicales pouvant expliquer la mise à disposition à titre gratuit de parcelles présentant une superficie conséquente, la mise en oeuvre d'aménagements depuis 2009 pour sécuriser la présence des chevaux, l'entretien des parcelles, la déclaration à la MSA de l'exploitation desdites parcelles et l'existence de témoignages attestant du règlement d'un loyer mensuel de 250 euros versés directement en espèce à l'intimée, outre une somme de 20 euros par mois pour la location d'un hangar.

En l'état, l'existence d'un bail rural suppose en premier lieu la mise à disposition de parcelles à usage agricole en vue de les exploiter.

En l'espèce, M. [U] revendique l'existence d'un bail rural verbal depuis l'année 2009 tandis que Mme [W] évoque la mise à disposition de terres à compter de 2013 seulement.

Le premier juge a retenu une mise à disposition de parcelles appartenant à Mme [W], situées sur la commune de [Localité 10], à compter de l'année 2013 retenant d'une part que l'intimée a la capacité juridique de conclure un contrat sur l'ensemble des ces terres depuis 2010, outre le fait qu'elle a cessé son activité d'élevage de brebis en 2010 pour occuper un emploi salarié à compter du 24 juin 2013, et d'autre part que l'appelant reconnaît, dans le cadre d'une plainte déposée le 10 février 2020, louer ces terres depuis l'année 2010.

Ce point n'est pas sérieusement discuté par les parties, qui ne versent en appel aucun élément de preuve contraire de sorte qu'il conviendra de retenir une occupation par M. [U] sur les parcelles appartenant à l'intimée depuis l'année 2013, date à laquelle il est certain que l'intimée a cessé toute activité sur les parcelles lui appartenant.

Par ailleurs, il n'est pas contesté que M. [U] occupe des parcelles de nature agricole pour y exercer une activité agricole consistant en l'élevage de chevaux.

Pour le surplus, les parties s'opposent sur les parcelles concernées, ainsi que la nature de cette occupation.

Il appartient donc à M. [U] de démontrer qu'il bénéficie d'un bail à ferme sur les parcelles invoquées dans ses écritures, lesquelles ont été mises à sa disposition, à titre exclusif et à titre onéreux, en vue de les exploiter. Il importe dès lors que soit démontrée une rencontre des volontés entre les parties au contrat.

En l'espèce, la première difficulté tient à la démonstration d'une rencontre des volontés entre les parties sur les parcelles concernées par cette éventuelle location.

M. [U] se prévaut de l'occupation des parcelles situées sur la commune de [Localité 10] qui représentent une superficie de plus de 11 hectares et ce moyennant le paiement d'un loyer mensuel de 250 euros. Il produit en ce sens un relevé d'exploitation adressé à la MSA.

Mme [W], qui est propriétaire d'un ensemble immobilier d'une superficie de plus de 11 hectares situé sur la commune de [Localité 10], soutient pour sa part avoir prêté sans contrepartie financière uniquement les parcelles longeant la route sans que celles-ci n'intègrent les bâtis et d'autres terres dont elle a la propriété. Elle conteste la mise à disposition de l'ensemble de ses terres comme le soutient l'appelant, qui représentent plus de 11 hectares, et qui comprennent son mas ainsi que des parcelles plantées de vignes.

A titre liminaire, il sera indiqué que la déclaration à la MSA de parcelles louées ne peut suffire à caractériser l'existence d'un bail rural ni d'ailleurs l'assiette de cette location bien que M. [U] fasse état dans le relevé d'exploitation de la mise à disposition de 11 ha 31a 08 ca s'agissant de simples éléments déclaratifs unilatéraux.

Il est manifeste que M. [U] ne démontre pas la mise à disposition de l'ensemble des parcelles appartenant à l'intimée ni d'ailleurs que la superficie revendiquée est bien de 11 hectares comme il le revendique dans ses écritures. Il est en effet difficilement envisageable que la location porte sur l'habitation occupée par l'intimée ainsi que sur l'exploitation de parcelles de vignes, dont Mme [W] est propriétaire, qui n'est pas en lien avec l'activité de l'appelant et qui sont intégrées dans les 11 hectares.

M. [U] ne démontre pas l'emprise du bail rural verbal dont il revendique l'existence étant précisé que Mme [W] réclamait en 2020 dans une procédure en référé , la libération des parcelles cadastrées section E n°[Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 3], qui représentent une superficie de 42a 50 ca au regard du relevé d'exploitation communiqué par l'appelant.

Force est de constater l'absence de rencontre de volontés sur l'emprise de la location revendiquée, qui est un élément essentiel du bail rural.

Il ne suffit pas davantage pour l'appelant de démontrer qu'il occupe les lieux et qu'il prend en charge l'exploitation de parcelles pour établir la preuve d'un bail. En effet, la seule exploitation par un agriculteur d'une parcelle de terre ne suffit à démontrer l'existence d'un bail à ferme, car le titre en vertu duquel cette exploitation intervient peut s'expliquer par une situation autre que celle de l'existence d'un bail, hypothèse soutenue par l'intimée qui parle d'un prêt à usage ou commodat.

De même, la réalisation d'aménagements pour le confort de son élevage ne peut suffire à établir l'existence d'un bail rural. Si M. [U] justifie de la réalisation de travaux d'aménagement sur deux parcelles, comme cela résulte du procès-verbal d'huissier dressé le 20 février 2020, notamment par la pose de clôtures, portails, barbelés, traverses, afin d'accueillir les chevaux et lamas, cela ne saurait caractériser l'existence d'un bail ni la volonté non équivoque du propriétaire de lui consentir un fermage.

En effet, si aucun texte spécial n'affirme que l'accord sur le prix conditionne la validité du bail, encore faut-il qu'il y ait à un moment une rencontre des volontés entre les parties sur la nature du fermage, sa forme ou son montant. Or, M. [U] ne démontre pas que les investissements ou travaux, dont il fait état, ont été demandés par l'intimée, ni que le principe même d'un fermage sous cette forme ait été accepté.

Or, pour démontrer l'existence d'un bail à ferme verbal, M. [U] doit encore faire la preuve du paiement d'un fermage, et donc du caractère onéreux de la mise à disposition.

A cet égard, l'appelant produit des copies de chèques adressés à l'intimée en règlement du fermage des terres à compter du mois de mars 2020 jusqu'au mois d'avril 2021 qui sont toutefois insuffisantes à justifier de l'existence d'un bail rural et ce d'autant qu'elles ont été établies postérieurement à la naissance du présent contentieux.

M. [U] verse également aux débats diverses attestations au soutien de sa demande en reconnaissance d'un bail verbal, dont la valeur probante est contestée par l'intimée qui a déposé plainte le 11 mai 2021 pour fausses déclarations :

- Mme [I] [X] affirme que 'M. [U] loue les terres de Mme [W] depuis 2009... les terrains sont très bien entretenus par les chevaux... les clôtures sont également en bon état... M. [U] a également fabriqué un embarcadère qui ... permet d'embarquer plus facilement les juments'.

- [L] [M], employé de l'appelant, qui atteste que 'M. [G] [U] loue les terres à Mme [J] [W] depuis 2009 pour y faire pâturer ses juments...j'aide régulièrement M. [U] à l'entretien des clôtures réalisées de piquets de châtaignier...à plusieurs reprises, j'ai pu constater le règlement en espèces de la main à la main à Mme [J] [W] du loyer mensuel pour les terres mais également celui du petit hangar qu'il loue pour y garer la bétaillère poids lourds'.

- [F] [E] témoigne du fait que 'M. [U] [G] occupe les terres de Mme [W] depuis 2009 et l'ai déjà vu s'acquitter de loyers à plusieurs reprises de 250 euros par mois... il gare également son camion bétaillère sous un hangar appartenant également à Mme [W] pour un loyer de 20 euros par mois'.

- [H] [Y] indique que 'depuis de nombreuses années (2009), M. [U] occupe les terrains de Mme [W] moyennant un loyer qu'il verse chaque mois en espèces. Il entretient régulièrement les terres et je lui donne un coup de main pour les clôtures et le débroussaillage...';

- [K] [V], conjointe de l'appelant, certifie que 'M. [U] paie bien un loyer de 250 euros mensuels à Mme [W] [J] depuis que je le côtoie, il s'avère que j'ai même donner en main propre certains loyers comme le loyer de mai 2019 et les mois de juillet et août 2019 à Mme [W] de la part de M. [U]...';

- [Z] [T] évoque des faits qui sont sans lien avec le présent litige;

- [O] [N] atteste 'avoir loué à Mme [J] [W] 15 hectares de prairies pour son élevage ... pour la somme de 300 euros (2008) par mois. Après une visite chez elle, j'ai installé mes chevaux. Ensuite, elle m'a indiqué que le loyer était en liquide et je n'ai jamais eu de quittance...';

- [R] [D] évoque des faits qui sont sans lien avec le présent litige;

- [B] [C] déclare 'connaître M. [G] [U] depuis 10 ans pour avoir effectué chez lui des stages dans le cadre de mes études. A cette occasion, j'ai pu constater le paiement du fermage. J'ai également vu M. [G] [U] entretenir les parcelles';

L'attestation de Mme [X] n'est pas suffisamment circonstanciée pour caractériser le caractère onéreux de cette mise à disposition. Est évoquée en effet l'existence d'une location sans que celle-ci n'apporte de précisions complémentaires relatives au loyer, au règlement... de sorte que ce témoignage n'a aucune valeur probante.

Le témoignage de Mme [O] [N] porte sur des faits qui lui sont propres, dont la véracité n'est nullement démontrée, et qui ne sont pas susceptibles de justifier du caractère onéreux de l'occupation des parcelles au profit de l'appelant.

S'agissant des témoignages de [L] [M], [B] [C], [K] [V] et [F] [E], le lien entretenu avec l'appelant justifie une réserve quant à la valeur probante de leur attestation, outre le fait que M. [W] a déposé plainte contre les témoins pour fausses déclarations. M. [M] est employé de l'appelant et entretient un lien de subordination évident. Mme [C] est conjointe de l'appelant si bien que les déclarations sont à apprécier avec réserve compte-tenu de l'existence d'intérêt commun. [B] [C], sans être employée de M. [U], a néanmoins été à plusieurs reprises sa stagiaire et dès lors soumise à son autorité. Enfin, M. [E] indique dans ses déclarations aider M. [U] laissant supposer l'existence d'un lien de subordination.

De plus, les témoignages de Mme [C], M. [E] ou M. [M] ne sont pas suffisamment circonstanciés, lesquels évoquent des règlements sans plus de précision, pour justifier du caractère onéreux de l'occupation alors même que l'appelant est défaillant dans la preuve d'un paiement.

S'agissant de l'attestation établie par M. [Y], les propos écrits revêtent un caractère déclaratif dont rien ne laisse supposer que l'intéressé ait été le témoin d'un éventuel paiement.

Il résulte de ce qui précède que M. [U] est défaillant dans la démonstration d'une mise à disposition à titre onéreux des parcelles appartenant à Mme [W] et donc de l'existence d'un bail rural verbal à son profit. Tel que précisé plus avant, la seule occupation et exploitation des dites terres par l'appelant ne saurait suffire à démontrer la conclusion d'un bail à ferme verbal et peut revêtir différentes autres qualifications qu'il n'appartient pas à la cour de déterminer.

Il y a lieu, en conséquence, de confirmer la décision entreprise de ce chef.

- Sur la demande d'expulsion :

La première juridiction s'est déclarée incompétente pour statuer sur la demande en expulsion de M. [U] en considération de l'existence d'un prêt à usage des parcelles.

En application des dispositions de l'article L 491-1 du code rural et de la pêche maritime, le tribunal paritaire des baux ruraux est seul compétent pour connaître des contestations entre bailleurs et preneurs de baux ruraux relatives à l'application des titres 1er à VI et VIII du livre IV du présent code relatifs au bail à cheptel, au bail domaine congéable, au bail à comptant, au bail emphytéotique et au contrat d'exploitation de terres à vocation pastorale.

Il s'ensuit que la première condition est l'existence d'un bail rural liant les parties, bail figurant parmi la liste énoncée ci-dessus.

A ce titre, la qualification du bail étant un préalable, et si le tribunal paritaire des baux ruraux est compétent, en application de l'article 75 du code de Procédure civile pour qualifier un contrat de bail rural le cas échéant, il doit néanmoins décliner sa compétence s'il constate l'inexistence d'un contrat de bail rural entre les parties.

En l'occurrence , compte-tenu de l'absence de bail rural, le tribunal paritaire des baux ruraux n'est pas compétent pour connaître de la demande en expulsion de M. [U].

La décision entreprise sera confirmée sur ce point.

- Sur la demande de dommages et intérêts :

Mme [W] réclame une indemnisation du préjudice subi du fait de l'occupation sans droit ni titre par M. [U] des parcelles litigieuses et ce en dépit de la résiliation du contrat de prêt à usage à effet au 1er février 2020 et de la mise en demeure de quitter les lieux adressée par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 17 février 2020. Elle soutient en outre un défaut d'entretien des parcelles dont les fossés exposant que celui-ci laisse les parcelles se développer.

En l'état, cette demande ne saurait prospérer sur le fondement de l'occupation sans droit ni titre dans la mesure où l'intimée peut réclamer paiement d'une indemnité pour compenser cette occupation illicite durant ces trois années. De plus, elle ne caractérise pas l'existence d'un préjudice distinct ouvrant droit à indemnisation sur ce fondement.

S'agissant du défaut d'entretien,, elle produit trois procès-verbaux de constat datés des 20 février 2020, 25 août 2021 et 19 mai 2022 dont il résulte notamment la présence de 'ronces, de [U], de pousses de peuliers, de génêts...d'arbres en limite de propriété dont les branches tombent sur la ou les propriétaires riveraines, un bassin rempli d'eau verte et sale, le tuyau donnant sur le bassin ne coule pas' et que 'le ruisseau n'est pas nettoyé et le puits ne fonctionne pas'.

Ces constatations portent, s'agissant du deuxième et troisième constat, sur les parcelles situées sur la droite en entrant dans la propriété ainsi qu'à l'arrière de la villa et à l'arrière du hangar de gauche étant relevé que s'agissant du premier procès-verbal, il n'est pas donné d'indications précises sur les terres concernées.

Ceci étant, l'identification des parcelles n'est nullement précisée en sorte qu'il n'est pas possible de vérifier que les terres décrites sont bien celles occupées par M. [U].

En l'absence de preuve d'un quelconque préjudice, Mme [W] sera déboutée de sa demande en indemnisation.

- Sur les frais accessoires :

Le jugement entrepris sera confirmé sur le sort des dépens et celui de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelant, qui succombe, sera condamné aux entiers dépens. Il n'est pas justifié que les procès-verbaux de constat, dont la valeur probatoire fait défaut dans le présent litige, soient mis à la charge de M. [U].

L'équité commande qu'il soit accordé à l'appelante la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 24 août 2021 par le tribunal paritaire des baux ruraux d'Uzès,

Y ajoutant,

Déboute Mme [J] [W] de son appel incident, de ses demandes d'indemnisation et d'intégration des procès-verbaux de constat aux dépens,

Condamne M. [G] [U] à verser à Mme [J] [W] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [G] [U] aux dépens d'appel.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section b
Numéro d'arrêt : 21/03590
Date de la décision : 07/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-07;21.03590 ?
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