La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/07/2023 | FRANCE | N°20/03061

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section b, 07 juillet 2023, 20/03061


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 20/03061 - N° Portalis DBVH-V-B7E-H3QM



CS



TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX D'ANNONAY

19 novembre 2020

RG :51-19-0003



[F]



C/



[S]

[S]

[S]













COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B



ARRÊT DU 07 JUILLET 2023





Décisio

n déférée à la Cour : Jugement du Tribunal paritaire des baux ruraux d'ANNONAY en date du 19 Novembre 2020, N°51-19-0003



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Mme Corinne STRUNK, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 20/03061 - N° Portalis DBVH-V-B7E-H3QM

CS

TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX D'ANNONAY

19 novembre 2020

RG :51-19-0003

[F]

C/

[S]

[S]

[S]

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B

ARRÊT DU 07 JUILLET 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal paritaire des baux ruraux d'ANNONAY en date du 19 Novembre 2020, N°51-19-0003

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Corinne STRUNK, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre

Mme Corinne STRUNK, Conseillère

M. André LIEGEON, Conseiller

GREFFIER :

Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 09 Mai 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 07 Juillet 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANT :

Monsieur [Z] [F]

né le 20 Novembre 1990 à [Localité 15]

La Tuilière

[Adresse 7]

[Localité 2]

Comparant,

assisté de Me Emilie GUILLON de la SELARL BANCEL GUILLON, avocat au barreau d'ARDECHE

INTIMÉES :

Madame [N] [L] [H] [S] épouse [W]

née le 31 Décembre 1949 à [Localité 15]

[Adresse 16]

[Localité 10] - GRECE

ayant pour avocat Me Jean michel DREVON, avocat au barreau d'ARDECHE

Madame [M] [A] [S] épouse [J]

née le 11 Novembre 1952 à [Localité 12]

[Adresse 5]

[Localité 1]

ayant pour avocat Me Jean michel DREVON, avocat au barreau d'ARDECHE

Madame [P] [X] [K] [S] épouse [R]

née le 02 Décembre 1957 à [Localité 14]

[Adresse 3]

[Localité 8]

ayant pour avocat Me Jean michel DREVON, avocat au barreau d'ARDECHE

Statuant en matière de baux ruraux après convocation des parties par lettres simples et lettres recommandées avec avis de réception.

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre, le 07 Juillet 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.

EXPOSE DU LITIGE :

Par requête en date du 3 septembre 2019, M. [Z] [F] a fait convoquer, devant le tribunal paritaire des baux ruraux d'Annonay, Mme [N] [W] née [S], Mme [M] [S] épouse [J] et Mme [P] [R] née [S] (ci-après dénommée l'indivision [S]), propriétaires indivises de la parcelle cadastrée section ZB n° [Cadastre 9], [Adresse 11], sise à [Localité 12]) afin de voir juger l'existence d'un bail à ferme verbal, outre voir assurer sa jouissance paisible des lieux et, à défaut, être indemnisé des travaux et plantations entrepris.

Par jugement contradictoire en date du 24 septembre 2020, le tribunal paritaire des baux ruraux d'Annonay a :

-jugé n'y avoir lieu à sursis à statuer,

-constaté que l'incident de faux concerne un tiers à la procédure (M. [S] [J]) non appelé à la cause, obstacle à l'examen dudit incident,

-jugé n'y avoir lieu à réouverture des débats pour régularisation, la vérification d'écriture étant sans incident sur le fond du litige,

-constaté que [S] [J] est désigné par le demandeur comme signataire du document manuscrit du 24 novembre 2017, du document dactylographié du 15 mars 2018 et du bulletin de mutation MSA du 1er janvier 2018,

-constaté que cette affirmation est corroborée par le courrier de l'étude notariale,

-constaté que M. [S] [J] n'a pas la qualité de propriétaire indivisaire de la parcelle en cause,

-constaté que celui-ci n'est pas titulaire d'un mandat exprès et spécial à même de lui donner la qualité de mandataire habilité à représenter les indivisaires pour la souscription d'un bail à ferme,

-débouté, en conséquence, M. [Z] [F] de l'intégralité de ses réclamations formées exclusivement contre les trois propriétaires indivisaires,

-débouté pareillement l'indivision [S] de toutes ses demandes reconventionnelles,

-jugé n'y avoir lieu à indemnité de l'article 700 du code de procédure civile ni à exécution provisoire,

-condamné M. [Z] [F] aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration en date du 27 novembre 2020, M. [Z] [F] a interjeté appel du jugement rendu en toutes ses dispositions.

L'appelant souhaitait voir de la cour qu'elle reconnaissance à titre principal l'existence d'un bail verbal et à titre subsidiaire qu'elle constate l'existence d'un enrichissement sans cause lié aux travaux de défrichement et de plantation réalisés sur la parcelle litigieuse sollicitant ainsi la condamnation solidaire des intimées au paiement de la somme totale de 91.583 euros.

Dans leurs conclusions du 4 mars 2021, l'indivision [S] sollicitait de la cour la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [Z] [F] de l'intégralité de ses demandes et le réformer pour le surplus.

Les consorts [S] saisissaient la cour des demandes suivantes :

-constater qu'aucun accord n'est jamais intervenu entre les parties sur la mise à disposition d'une parcelle agricole ;

-constater qu'aucun accord n'est jamais intervenu entre les parties sur le montant d'un fermage ;

-dire et juger qu'il n'a jamais existé le moindre bail entre les parties ;

-dire et juger que M. [Z] [F] occupe la parcelle leur appartenant illicitement depuis début 2018 ;

-ordonner l'expulsion de M. [Z] [F] et de tous occupants de son chef, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

-fixer à la somme de 3 460 € le montant de l'indemnité annuelle d'occupation de la parcelle, propriété de l'indivision [S] ;

-condamner M. [Z] [F] à leur payer la somme de 12 110 € en indemnisation de l'occupation de la parcelle leur appartenant ;

-condamner le même à leur payer la somme de 9 500 € correspondant à la remise en état du terrain suivant rapport d'expertise [U] ;

-condamner M. [Z] [F] à leur payer une somme de 10 380 € en indemnisation de la dégradation phytosanitaire de la parcelle ;

-condamner le même à leur payer une somme de 5 000 € en réparation de leur préjudice moral distinct de leur préjudice matériel lié à un sentiment de dépossession et injustice ;

-à titre subsidiaire, désigner tel expert qu'il plaira aux fins de déterminer les travaux nécessaires à la remise en état de la parcelle leur appartenant, en chiffrer le coût et la durée ;

-à titre infiniment subsidiaire, si la cour par extraordinaire impossible venait à faire droit aux principes des demandes indemnitaires formées par M. [Z] [F], il y aurait lieu d'en ramener le quantum de la somme de 7 368,41 € ;

-en tout état de cause, condamner M. [Z] [F] à leur payer la somme de 3 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

Ils soutenaient notamment :

- que M. [Z] [F] a fait passer une multitude d'engins sur leur propriété et qu'ils sont donc bien fondées à en solliciter la remise en état ; qu'il ne saurait être admis comme l'a retenu le tribunal, que les travaux réalisés sur la parcelle auraient conféré une plus-value, dès lors que l'essentiel des travaux cités ont consisté à réaliser des chemins d'accès aux parcelles de M. [Z] [F], celui-ci préférant détériorer les parcelles des autres que les siennes ; que le fait que le rapport d'expertise [U] n'est pas été réalisé contradictoirement, ne saurait les priver de la moindre indemnisation et ce, d'une part, parce que ce rapport a été régulièrement communiqué aux débats et soumis à la contradiction et, d'autre part, parce que M. [Z] [F] savait pertinemment qu'il n'avait aucun droit sur cette parcelle ;

-qu'ils sont bien fondés à solliciter une indemnisation pour l'occupation indue de la parcelle sur la base de la valeur locative telle que définie par l'arrêté préfectoral du 27 septembre 2005 ; que la cour pourra également constater, à la lecture des pièces de l'appelant, que celui-ci a allègrement utilisé sur la parcelle en cause des produits chimiques interdisant toute valorisation des cultures bio dans les trois ans qui suivront son départ ; qu'enfin cette occupation illicite pendant plusieurs années et malgré les interdictions faites leur cause un préjudice moral distinct de leur préjudice matériel ;

-que s'agissant des demandes indemnitaires de M. [Z] [F], celui-ci n'hésite pas à présenter des demandes qui correspondent, non pas aux travaux faits sur la parcelle litigieuse, mais aux travaux réalisés sur l'ensemble des parcelles qu'il exploite ; que M. [Z] [F] n'a jamais demandé à l'administration d'autorisation pour défricher, qui a été accordée à l'indivision uniquement le 19 mars 2019 par arrêté préfectoral ; qu'il n'hésite pas à solliciter une indemnisation pour des travaux sur une parcelle qu'il savait pertinemment occuper sans droit ni titre et dont il avait été fait sommation de déguerpir ; qu'elles ne se sont nullement enrichies et ont bien au contraire vu leurs parcelles se dégrader par les malversations de l'appelant ; qu'enfin l'essentiel des travaux réalisés ont consisté en l'aménagement de chemin d'accès à la parcelle voisine.

Par arrêt contradictoire et mixte du 11 mars 2022, la Cour d'appel de Nîmes a confirmé le jugement rendu le 24 septembre 2020 par le tribunal paritaire des baux ruraux d'Annonay, en toutes ses dispositions, à l'exception de celles ayant débouté les parties de leur demande de condamnation à des dommages et intérêts, à une indemnité d'occupation et à une indemnité au titre des frais irrépétibles et ayant condamné M. [Z] [F] aux dépens, puis statuant à nouveau, avant dire-droit, a ordonné une expertise judiciaire, désigné à cet effet M. [T] [E], a sursis à statuer sur les demandes en condamnation à des dommages et intérêts, à une indemnité d'occupation ainsi qu'aux frais irrépétibles, et réservé les dépens.

Le rapport d'expertise définitif a été déposé le 23 novembre 2022.

L'affaire a été appelée à l'audience du 13 décembre 2022, puis renvoyée au 9 mai 2023.

A cette audience, M. [Z] [F], en sa qualité d'appelant, assisté de son conseil, expose ses prétentions et moyens et s'en rapporte à ses conclusions en date du19 avril 2023 pour le surplus.

Il sollicite de la cour, au visa des articles L 411-1du code rural et 1156 et 1303 du code civil, la condamnation solidaire de Mme [W], Mme [J] et Mme [R] au paiement des sommes suivantes:

- 19.114,85 euros au titre des travaux de défrichage et de plantation de la parcelle ZB n°[Cadastre 9] en vertu de l'enrichissement sans cause;

- 540 euros au titre de la réfection d'un mur en pierre sèche;

- 1.973 euros au titre de travaux d'enrochement;

- 7.088 au titre des travaux d'entretien de la vigne avant son entrée en production;

- 10.000 euros au titre de la perte de ses droits de plantation;

- 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire.

M. [F] sollicite que les intimées soient également déboutées de leurs autres prétentions et il demande à la cour de fixer une indemnité d'occupation égale à la somme de totale de 540 euros.

Au soutien de ses demandes, M. [F] considère que l'indivision [S] a bénéficié d'un enrichissement, à savoir une plantation de vignes en AOC [Localité 13] sur une parcelle initialement en friche et ce alors que l'indivision ne bénéficie d'aucun droit de plantation.

Il avance encore avoir subi un appauvrissement en ayant financé l'intégralité du défrichement et de la plantation si bien qu'ainsi plantée, la parcelle, initialement à l'abandon et en état de friche, a une valeur quatre fois supérieure.

Il réclame le remboursement des frais engagés se référant au devis fourni par l'entreprise Ceptentrional, qui lui paraît plus conforme au chiffrage de l'expert, critiquant ainsi le fait que l'expert a pratiqué de manière systématique une décôte sur les sommes retenues dans le devis sans plus de justification et a omis le remboursement des dépenses engagées au titre des travaux de débroussaillage.

Sur l'indemnité d'occupation, il affirme qu'elle doit être fixée en fonction de la terre nue afin de prendre en compte le temps nécessaire pour que les vignes rentrent en production. Il considère ainsi que l'indemnité doit être fixée à la somme de 40 euros par année d'exploitation de 2018 à 2020 puis à la somme de 540 euros pour l'année 2021. Il propose ainsi une somme de 540 euros à ce titre.

Il souligne enfin que l'expert judiciaire ne retient aucun poste de préjudice en lien avec la remise en état de la parcelle puisqu'il n'y a eu aucune dégradation et remarque que les intimées ne justifient aucunement de ce qu'elles doivent exploiter cette parcelle en bio de sorte que l'indemnisation au titre de la dégradation phytosanitaire du terrain doit être rejetée.

Mme [N] [W] née [S], Mme [M] [J] [S] et Mme [P] [R] née [S] n'ont pas comparu à l'audience du 9 mai 2023 et n'ont pas adressé à la cour de nouvelles conclusions.

L'affaire a été mise en délibéré au 7 juillet 2023.

MOTIFS :

Sur les demandes indemnitaires présentées par M. [F] :

Pour rappel, dans l'arrêt mixte en date du 11 mars 2022, la cour d'appel de Nîmes a infirmé le jugement déféré en ce qu'il a débouté les parties de leur demande de condamnation à des dommages et intérêts, et d'une indemnité d'occupation.

Cette juridiction a considéré que ' le défrichement de la parcelle et la plantation de pieds de vigne ont de manière incontestable modifié l'état de la parcelle en cause et ont nécesssairement obligé M. [Z] [F] à engager des dépenses'.

* Sur l'enrichissement sans cause :

L'article 1303 du code civil énonce qu' 'en dehors des cas de gestion d'affaires et de paiement de l'indû, celui qui bénéficie d'un enrichissement injustifié au détriment d'autrui doit, à celui qui s'en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l'enrichissement et de l'appauvrissement'.

Il est justifié au cas d'espèce que M. [F] a engagé sur la parcelle litigieuse des travaux de défrichement, de plantation de pieds de vigne et d'entretien qui bénéficient aujourd'hui aux intimées en l'absence de reconnaissance d'un bail rural verbal au profit de l'appelant.

Le rapport d'expertise expose en ce sens que M. [F] a exploité la parcelle ZB [Cadastre 9], propriété de l'indivision [S], située sur un côteau avec des terrasses en pierres sèches. Ce terrain jouxte les parcelles ZB [Cadastre 4] et ZB [Cadastre 6], qui sont également exploitées par l'appelant.

Ces parcelles forment un ilot traversé par deux chemins qui les desservent. La parcelle ZB [Cadastre 9] est traversée par un chemin communal, qui a donné lieu à un enrochement le long dudit accès exécuté par l'appelant. La parcelle ZB [Cadastre 9] a nécessité également des travaux d'aménagement suivis de la plantation de 988 ceps de vigne, prestations exécutées par l'appelant.

La réalisation de ces travaux et de prestations d'entretien ont incontestablement entraîné une valorisation du fonds, qui ne profitera pas à M. [F].

L'expert judiciaire relève en effet que la parcelle ZB [Cadastre 9] présentait une valeur de 6003 euros avant la réalisation des travaux. Considérant la plantation de vignes de [Localité 13] et la jeunesse du cépage, il a estimé que la valeur de la parcelle après travaux est de 24.012 euros, soit une plus-value de 18.009 euros.

Il est donc légitime que l'appelant puisse obtenir une indemnité couvrant les frais engagés dans ces divers travaux agricoles qui bénéficient aujourd'hui à l'indivision [S].

L'expert judiciaire a décrit dans son rapport les diverses prestations exécutées par l'appelant qu'il a chiffrées de la manière suivante :

- réparation du mur en pierres sèches sur une longueur de 20 m vérifiée par l'expert judiciaire au moyen de photographies produites par l'appelant; il a retenu une indemnité de 540 euros considérant que cette prestation a nécessité 36 heures de travail sur une base horaire de 15 euros ;

- enrochement opéré sur une longueur de 26 mètres de long, dont 21 mètres se situent sur la parcelle de l'indivision [S], pour le soutènement situé au-dessus du chemin communal; cette opération a donné lieu à la livraison de pierres et à l'exécution de travaux par l'entreprise Gruat TP; l'expert a chiffré les frais engagés à la somme de 1 973 euros couvrant une journée de minipelle (7 h au prix unitaire de 67euros/heure) , la minipelle avec chauffeur (7,5h sur la base d'un prix unitaire de 27 euros par heure) et la fourniture d'enrochement (51,72 tonnes au prix de 27 euros la tonne) ;

- défrichage et plantation qui comprend l'abattage des arbres, le déssouchage, l'élimination des racines, le broyage ou le brûlage des végétaux ainsi que la préparation du sol pour la plantation sur une surface de 13a 40ca; la prestation est chiffrée par l'expert à la somme de 12.115 euros comprenant notamment un préjudice arrêté à la somme de 6030 euros pour le défrichage et la préparation du sol ;

- entretien de la vigne avant son entrée en production donnant lieu à des frais arrêtés à la somme de 1631 euros ;

- première année de production: l'expert relève que l'opération d'épillonage et celle relative à la taille du printemps 2022 ont été réalisées avant le transfert des surfaces à l'indivision [S]; le coût de cette prestation a été chiffrée à la somme de 564 euros.

En parallèle, l'expert judiciaire a tenu compte des recettes tirées de l'exploitation de la parcelle ZB [Cadastre 9]. La production déclarée a été pour l'année 2021 de 8,01 hl à 493 euros/hl soit une recette de 3.950 euros.

Il en résulte un investissement net supporté par l'appelant d'un montant de 17.766 euros.

M. [F] ne conteste pas les sommes de 540 euros et 1973 euros telles que fixées par l'expert judiciaire au titre de la réfection du mur en pierres sèches et de l'enrochement.

Pour le surplus, il critique essentiellement les éléments chiffrés retenus par l'expert considérant qu'il les a réduit sans justification en comparaison des sommes mentionnées aux devis établis par l'entreprise Ceptentrional.

Estimant que cette diminution systématique n'est nullement motivée ni expliquée par l'expert, il demande la prise en compte des sommes figurant au devis tout en sollicitant le rajout de deux prestations omises consistant pour la première aux travaux de débroussaillage qu'il chiffre à la somme de 3.953 euros, et pour la deuxième au temps passé pour transporter le matériel, défricher et planter la parcelle.

Il sollicite ainsi les sommes de :

- 19.114,85 euros au lieu de la somme de 12.115 euros au titre des travaux de défrichage et plantation;

- 4.893 euros au lieu de la somme de 1.631 euros au titre de l'entretien de la vigne avant son entrée en production;

- 2.195 euros au lieu de la somme de 564 euros au titre de l'entretien de la vigne en première production.

En l'état, sur la question des travaux omis par l'expert, M.[F] n'explique pas en quoi la prestation liée au débroussaillage de la parcelle diffère de l'opération consistant au défrichage, qui a été comptabilisée par l'expert dans le cadre des prestations assurées par l'appelant. Cet argument sera donc écarté.

S'agissant de la demande liée au temps passé pour la réalisation de différentes opérations, l'expert propose une indemnisation intégrant nécessairement la durée d'exécution des prestations dont il n'est pas démontré par l'appelant qu'elle ait été sous-estimée. Il convient en conséquence de rejeter ce grief.

Enfin, sur la réduction systématique des sommes figurant aux devis établis par l'entreprise Ceptentrional, il s'avère que les prix proposés concernent des prestations réalisées sur des surfaces plus importantes (25 a) que la parcelle concernée (19a 08ca), mais également que certaines opérations ne sont pas comptabilisées par l'expert.

Ainsi, à titre d'exemple, s'agissant de l'entretien du vignoble, le devis proposé par l'appelant comprend l'épillonnage manuel sur les trois années de non-production, soit une somme de 1360 euros, alors que la réalisation de cette opération n'est pas prévue par l'expert judiciaire et que le caractère obligatoire de cette prestation n'est pas démontré par l'appelant.

En l'état, en l'absence d'éléments pertinents de nature à remettre en cause l'appréciation de l'expert judiciaire, il convient de dire que l'investissement net supporté par M. [F] est d'un montant de 17.766 euros, somme à laquelle il peut prétendre dans le cadre de l'enrichissement sans cause.

En conséquence, il y a lieu de condamner l'indivision [S] au paiement de cette somme.

* Sur les droits de plantation :

Au titre des préjudices subis, M. [F] revendique la perte de droits de plantation et réclame la somme de 10.000 euros.

L'expert judiciaire explique que les droits de plantation sont nécessaires pour planter mais ne présentent pas de valeur intrinsèque. Il précise que ces droits suivent la parcelle lors de la plantation et ce n'est que lors d'un arrachage que le droit de plantation revient au propriétaire initial.

Au cas présent, M. [F] a utilisé 19 a 08 ca de droits de plantation pris dans sa dotation de droits gratuits pour planter la parcelle ZB [Cadastre 9].

Le fait d'avoir procéder à la plantation de ceps sur une parcelle, dont il n'est pas propriétaire ni locataire, prive M. [F] de ses droits à plantation, qui sont aujourd'hui attachés à la parcelle ZB [Cadastre 9], propriété de l'indivision [S], étant précisé qu'ils auraient été néanmoins perdus au terme du bail rural sauf à ce que les bailleurs acceptent que soit procédé à l'arrachage des pieds de vigne, ce qui reste à ce jour une simple hypothèse.

Par ailleurs, l'expert relève en page 20 du rapport que 'M. [F] fait partie des publics prioritaires pour l'attribution de nouveaux droits gratuits ce qui devrait lui assurer le bénéficie des droits dont il pourrait avoir besoin pour ses plantations futures'.

Aussi, en l'absence de préjudice certain, l'appelant sera débouté de la demande indemnitaire présentée de ce chef.

Sur les demandes reconventionnelles présentées par les intimées :

A titre liminaire, il sera dit que la procédure étant orale, la cour d'appel est saisie des dernières conclusions écrites notifiées par RPVA le 4 mars 2021 et reprises oralement par le conseil de l'indivision [S] à l'audience du 11 janvier 2022.

Il s'ensuit que la cour doit statuer sur les prétentions et moyens présentés par les intimées dans le cadre de leurs dernières écritures aux termes desquelles il ait sollicité l'expulsion de l'appelant de la parcelle indûment occupée, ainsi que l'allocation d'une indemnité d'occupation outre des dommages et intérêts destinés à réparer les dégradations commises sur la parcelle litigieuse ainsi que leur préjudice moral.

* Sur l'expulsion :

Conformément à l'arrêt du 11 mars 2022, la cour d'appel de Nîmes a rejeté la reconnaissance d'un bail rural verbal liant les parties.

Il s'ensuit que M. [F] a occupé sans droit ni titre la parcelle cadastrée section ZB [Cadastre 9] [Adresse 11], sise à [Localité 12].

Il résulte néanmoins du rapport d'expertise que l'indivision [S] a repris l'exploitation de la parcelle en cause en 2022 si bien que la mesure d'expulsion s'avère inutile au regard du départ volontaire de M. [F].

La demande d'expulsion assortie d'une astreinte sera en conséquence rejetée.

* Sur l'indemnité d'occupation :

Les intimées réclament la fixation de l'indemnité annuelle d'occupation de leur parcelle à la somme annuelle de 3 460 € ainsi que la condamnation de M. [Z] [F] à leur payer la somme de 12 110 € correspondant au montant de l'indemnité totale sur la période d'occupation ayant débuté en 2018. Elles se réfèrent à l'arrêté préfectoral du 27septembre 2005 pour définir cette valeur locative.

M. [F] s'oppose au montant sollicité par l'indivision [S] considérant que la valeur locative doit être calculée en référence à une parcelle nue.

En l'état, l'arrêté préfectoral précise la valeur locative avec détermination des maxima et minima des terrains nus en fonction de leur classement en terres et prés, cultures spécialisées, vignes...

Cette classification et la valeur locative applicable sont difficilement transposables à la parcelle ZB [Cadastre 9] qui a nécessité de nombreux travaux de défrichage pour être opérationnelle.

Il convient dès lors d'écarter l'application de cet arrêté préfectoral au profit de la valeur locative telle qu'elle résulte de l'expertise judiciaire.

L'expert évoque un usage selon lequel, lors d'un aménagement de parcelle de ce type, un fermage de 50 euros par an est réglé au propriétaire de la parcelle tant que la vigne n'est pas entrée en production de vin d'appellation, soit la quatrième année.

Il relève que la location des années 2018, 2019 et 2020 aurait été de 50 euros par an et que les parties semblaient d'accord pour un fermage de 7hl/an quand la vigne serait en production, soit une somme de 525 euros.

Considérant que l'indemnité d'occupation représente 80% de la valeur locative en présence d'un bail précaire, il propose de retenir une indemnité de 40 euros par an de 2018 à 2020 et la somme de 420 euros par an en 2021 soit une somme totale de 540 euros.

Dans ses écritures, l'appelant demande à voir fixer le montant de l'indemnité d'occupation à cette somme. Il n'est produit aucun élément permettant de rejeter l'appréciation proposée par l'expert qui sera donc entérinée.

Il convient en conséquence de condamner M. [F] à la somme de 540 euros au titre de l'indemnité d'occupation de 2018 à 2021 inclus.

* Sur la dégradation de la parcelle :

Les intimées réclament une somme de 9500 euros nécessaire à la remise en état de la parcelle ainsi que des dommages et intérêts d'un montant de 10.380 euros en indemnisation de la dégradation phytosanitaire de la parcelle.

Elles considèrent en effet que leur terre a été utilisée et dégradée afin de réaliser des chemins d'accès aux parcelles appartenant à M. [F] (ZB [Cadastre 4] et ZB [Cadastre 6]) et que l'utilisation de produits chimiques leur interdit toute valorisation des cultures bio dans les trois ans qui suivront le départ de l'appelant.

Si l'expert affirme que les travaux ont permis une valorisation de la parcelle par la réalisation d'une plus-value, il relève néanmoins que l'exploitation émanant de M. [F] a occasionné à l'indivision [S] deux préjudices, qui doivent être réparés par l'appelant.

Le premier tient au fait que l'indivision [S] a fait une demande en viticulture biologique qui ne peut prospérer immédiatement du fait de l'utilisation de produits phytosanitaires par M. [F]. Ainsi, si la conversion vers l'agriculture biologique a débuté en 2022 , elle ne permettra la vente de la première récolte commercialisable en bio qu'à compter de 2024, soit une perte de revenu pour l'exploitant de l'ordre de 2.290 euros (40hl/ha x 0,1908 ha x 150e/hl x 2 ans).

M. [F] est donc redevable de cette somme à l'égard de l'indivision [S].

La seconde s'explique par les aménagements réalisés par l'appelant, qui ont été envisagés de manière globale pour l'ensemble de l'ilôt, et ont entraîné une dégradation des conditions d'exploitation de la parcelle ZB [Cadastre 9]. L'expert note ainsi que des murs de pierre ont été détruits volontairement dans l'aménagement et affirme que l'indivision [S] ne peut exploiter la parcelle litigieuse compte-tenu des aménagements réalisés par l'appelant.

Au regard de ce constat, l'expert propose deux modalités quant à la remise en état de la parcelle dans son état antérieur, soit par l'arrachage complet des vignes, soit par la réalisation d'aménagements pour que la parcelle puisse être exploitée dans les conditions fixées par l'indivision [S].

L'expert s'oriente vers la seconde solution compte-tenu des difficultés à réaliser la première option et du coût qu'elle suppose alors que la vigne arrive en production, option retenue par la cour d'appel compte-tenu des difficultés pour revenir à l'état initial, c'est-à-dire à un bois à l'état naturel, et du coût généré par l'arrachage au détriment de l'exploitation d'une vigne arrivant en pleine production.

Dans le cadre de cette seconde option, l'expert propose la réalisation d'aménagements permettant d'exploiter la parcelle ZB indépendamment des parcelles ZB [Cadastre 4] et [Cadastre 6] ce qui passe par la séparation physique de la propriété de M. [F]. Il propose donc la réalisation d'une bande de séparation de 5 mètres de large, pour un montant de 2500 euros (page 21 du rapport).

Il sera dit que M. [F] est redevable de cette somme à l'égard de l'indivision [S].

Pour finir, l'expert relève l'existence de travaux d'entretien des murs en pierre sèches non effectués par M [F] qu'il chiffre à la somme de 600 euros (40heures de travail sur une base horaire de 15 euros). Cette somme sera également mise à la charge de l'appelant.

En conséquence, il convient de condamner M. [F] à la somme totale de 5.390 euros au titre de la remise en état de la parcelle ZB [Cadastre 9].

* Sur le préjudice moral :

Les intimées se prévalent d'un préjudice moral occasionné par la perte de jouissance de la parcelle ZB [Cadastre 9] de 2018 à 2021 et de la frustration générée par la présence de l'appelant.

Si l'occupation sans droit ni titre de la parcelle est réelle, M. [F] a néanmoins été condamné au paiement d'une indemnité pour compenser cette occupation illicite durant ces quatre années.

En l'occurrence, les intimées ne caractérisent pas l'existence d'un préjudice distinct ouvrant droit à indemnisation. Elles seront donc déboutées de leur demande.

Sur les demandes accessoires :

Il convient de condamner l'indivision [S], qui succombe partiellement, à payer à M. [F] une somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui comprendont le coût de l'expertise judiciaire.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Vu l'arrêt rendu le 11 mars 2022 par la cour d'appel de Nîmes,

Vu le dépôt du rapport d'expertise le 23 novembre 2022,

Statuant à nouveau,

Déboute M. [Z] [F] de la demande indemnitaire au titre de la perte des droits de plantation,

Déboute l'indivision [S] de la demande d'expulsion et celle de dommages-intérêts présentée au titre du préjudice moral,

Pour le surplus,

Condamne solidairement Mme [N] [W] née [S], Mme [M] [S] épouse [J] et Mme [P] [R] née [S] à payer à M. [Z] [F] la somme de 17.766 euros au titre de l'enrichissement sans cause,

Condamne [Z] [F] à régler à Mme [N] [W] née [S], Mme [M] [S] épouse [J] et Mme [P] [R] née [S] la somme de 540 euros au titre de l'indemnité d'occupation due de 2018 à 2021 inclus,

Condamne [Z] [F] à régler à Mme [N] [W] née [S], Mme [M] [S] épouse [J] et Mme [P] [R] née [S] la somme de 5.390 euros au titre du préjudice matériel lié à ,a parcelle ZB [Cadastre 9],

Condamne solidairement Mme [N] [W] née [S], Mme [M] [S] épouse [J] et Mme [P] [R] née [S] à payer à M. [Z] [F] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne solidairement Mme [N] [W] née [S], Mme [M] [S] épouse [J] et Mme [P] [R] née [S] aux entiers dépens qui comprendont le coût de l'expertise judiciaire.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section b
Numéro d'arrêt : 20/03061
Date de la décision : 07/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-07;20.03061 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award