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29/06/2023 | FRANCE | N°22/00327

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section a, 29 juin 2023, 22/00327


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 22/00327 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IKMS



AL



TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PRIVAS

14 janvier 2022 RG :20/02218



[P]



C/



S.A.R.L. KMBC































Grosse délivrée

le

à Me Demoly

Me Penant











C

OUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A



ARRÊT DU 29 JUIN 2023





Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de PRIVAS en date du 14 Janvier 2022, N°20/02218



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



M. André LIEGEON, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/00327 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IKMS

AL

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PRIVAS

14 janvier 2022 RG :20/02218

[P]

C/

S.A.R.L. KMBC

Grosse délivrée

le

à Me Demoly

Me Penant

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

ARRÊT DU 29 JUIN 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de PRIVAS en date du 14 Janvier 2022, N°20/02218

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

M. André LIEGEON, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre

Mme Laure MALLET, Conseillère

M. André LIEGEON, Conseiller

GREFFIER :

Mme Céline DELCOURT, Greffière, lors des débats et Mme Véronique LAURENT-VICAL, Greffière, lors du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 11 Mai 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 29 Juin 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANT :

Monsieur [L], [Y] [P]

né le 31 Janvier 1956 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Frédéric DEMOLY, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'ARDECHE

INTIMÉE :

S.A.R.L. KMBC immatriculée au RCS d'Aubenas sous le n° 451 911 713 agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Henry Louis PENANT, Postulant, avocat au barreau d'ARDECHE

Représentée par Me David HERPIN, Plaidant, avocat au barreau de VALENCE

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 13 Avril 2023

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe de la Cour et signé par Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre, le 29 Juin 2023.

EXPOSE DU LITIGE

M. [L] [P] a accepté, en date du 14 octobre 2015 un devis descriptif et estimatif établi par la SARL KMBC pour la construction d'une maison individuelle avec garage, suivant plans fournis par ses soins, d'un montant de 259.029,03 EUR TTC.

Les travaux ont été réceptionnés le 15 juin 2017 sans réserve.

Par ailleurs, la SARL KMBC a réalisé pour le compte de M. [L] [P] divers travaux selon trois devis acceptés :

- devis du 27 décembre 2016 d'un montant de 7.500 EUR HT portant sur la réalisation de travaux d'électricité (complément électricité en dehors de la norme C 15-100) ;

- devis du 22 octobre 2016 d'un montant de 11.500 EUR intitulé « travaux supplémentaires » portant sur divers travaux de pose d'une climatisation, pose d'un enduit dans le garage, pose d'un plafond suspendu dans le garage, réalisation d'un contour de la maison, mise en 'uvre d'une récupération d'eau pluviale, mise en 'uvre d'un delta MS et pose de gouttières ;

- devis du 31 juillet 2017 d'un montant de 6.500 EUR HT intitulé « travaux supplémentaires et modifications » portant sur la démolition d'un rang d'agglomérés et réalisation d'une arase béton sur terrasse non accessible côté Nord, la fourniture et pose d'une couvertine pour acrotère de terrasse en Alu Blanc laqué fixée sur arase, la pose de pierres sur des murs, la réalisation d'un aménagement autour de la baignoire en béton cellulaire, la pose d'une hotte de cuisine, la fourniture et la pose de deux sèche-serviettes en inox, la réalisation d'un terrassement de remblais autour de la construction et la fourniture et pose d'accessoires de finition (baguettes de finitions).

Ces travaux ont donc été exécutés par la SARL KMBC.

En date du 6 août 2019, la SARL KMBC a émis une facture d'un montant de 25.800 EUR TTC correspondant aux trois devis précités.

Cette somme est demeurée impayée, malgré une mise en demeure adressée le 24 juillet 2020.

Par acte du 1er octobre 2020, la SARL KMBC a fait assigner M. [L] [P] devant le tribunal judiciaire de PRIVAS en paiement du solde des travaux.

Par un premier jugement avant dire droit du 2 septembre 2021, le tribunal a ordonné la réouverture des débats à l'effet de permettre aux parties de conclure sur le moyen relevé d'office d'irrecevabilité devant le tribunal de la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de la SARL KMBC soulevée par M. [L] [P].

Par un second jugement du 14 janvier 2022, le tribunal judiciaire de PRIVAS a :

- débouté M. [L] [P] de sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture et de renvoi à la mise en état,

- déclaré irrecevable la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en paiement de la SARL KMBC soulevée par M. [L] [P],

- condamné M. [L] [P] à payer à la SARL KMBC la somme de 25.800 EUR TTC au titre de la facture de travaux du 6 août 2019, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 juillet 2020, date de distribution par LRAR de la mise en demeure du 24 juillet 2020 et jusqu'à parfait paiement,

- débouté M. [L] [P] de sa demande de dommages-intérêts,

- condamné M. [L] [P] à payer à la SARL KMBC la somme de 1.500 EUR en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la SARL KMBC de sa demande tendant à dire qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision et en cas d'exécution par voie extra-judiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application de l'article A 444-32 de l'arrêté tarifaire des huissiers de justice du 26 février 2016 seront supportées par M. [L] [P] en sus de l'indemnité mise à sa charge sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [L] [P] aux entiers dépens.

Par déclaration enregistrée au greffe le 2 février 2022, M. [L] [P] a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions.

Aux termes des dernières conclusions de M. [L] [P] notifiées par RPVA le 5 avril 2022, il est demandé à la cour de :

- vu les dispositions de l'article L. 218-1 du code de la consommation,

- vu les dispositions des articles L. 231-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation,

- vu les pièces produites aux débats,

- déclarer recevable et bien fondé l'appel régularisé par M. [L] [P] à l'encontre du jugement rendu le 14 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de PRIVAS,

- réformer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- juger prescrite l'action intentée par la SARL KMBC à l'encontre de M. [L] [P],

- dire et juger fautive l'absence de conclusion d'un contrat de construction de maison individuelle,

En conséquence,

- débouter la SARL KMBC de l'intégralité des prétentions formulées à l'encontre de M. [L] [P],

- condamner la SARL KMBC à verser à M. [L] [P] la somme de 28.483 EUR à titre de dommages et intérêts,

En toutes hypothèses,

- condamner la SARL KMBC à verser à M. [L] [P] la somme de 3.000 EUR en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes des dernières conclusions de la SARL KMBC notifiées par RPVA le 22 avril 2022, il est demandé à la cour de :

- vu l'article 1103 du code civil,

- vu les pièces versées aux débats,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de PRIVAS en date du 14 janvier 2022, et en conséquence,

- débouter M. [L] [P] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- condamner M. [L] [P] à payer à la SARL KMBC la somme de 25.800 EUR, outre intérêts au taux légal à compter du 24 juillet 2020, date de la première mise en demeure restée infructueuse,

Y ajoutant,

- condamner M. [L] [P] à payer à la SARL KMBC la somme de 3.000 EUR sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,

- condamner M. [L] [P] aux entiers dépens de l'instance.

Pour un rappel exhaustif des moyens développés par les parties, il convient, par application de l'article 455 du code de procédure civile, de se référer à leurs dernières écritures notifiées par RPVA.

Par ordonnance du 19 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 avril 2023.

MOTIFS

SUR LA RECEVABILITE DU MOYEN TIRE DE LA PRESCRIPTION DE L'ACTION DE LA SARL KMBC

Dans son jugement, le tribunal, après avoir rejeté la demande de réouverture des débats présentée par M. [L] [P], a relevé d'office le moyen d'irrecevabilité de la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par ce dernier dans ses conclusions au fond, et après avoir recueilli les observations des parties dans le respect du principe du contradictoire, a déclaré irrecevable cette fin de non-recevoir. Il relève que ce dernier n'a pas saisi le juge de la mise en état de cette fin de non-recevoir, et ce en contravention avec les dispositions de l'article 789 du code de procédure civile dans sa version applicable à compter du 1er janvier 2020 qui confère une compétence exclusive au juge de la mise en état, à l'exclusion de toute autre formation, pour statuer sur les fins de non-recevoir.

Critiquant ce chef de jugement, M. [L] [P] soutient que le principe de loyauté des débats institué notamment par l'article 780 du code de procédure civile n'a pas été respecté. Il précise qu'il appartient au juge de la mise en état d'attirer l'attention d'une partie sur la nécessité de répondre à un moyen de droit qui n'a pas été débattu, alors même qu'il pourrait avoir une incidence sur la solution du litige, ou de suggérer à une partie d'apporter des précisions sur des éléments de fait qui sont demeurés sans réponse. Il ajoute que dans le cas où cette irrecevabilité n'aurait pas échappé à la SARL KMBC avant les débats à l'audience du 15 juin 2021, celle-ci aurait pareillement manqué au principe de loyauté, ce qui constituerait alors une faute. Il souligne qu'en tout état de cause, ces différentes défaillances le privent d'un procès équitable au sens de l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme. Il indique encore que la cour étant désormais saisie, il lui appartient d'étendre sa compétence à l'examen de cette fin de non-recevoir et de dire, par conséquent, l'action de la SARL KMBC prescrite, au visa de l'article L. 218-1 du code de la consommation.

En réplique, la SARL KMBC conteste l'argumentation développée par M. [L] [P] et fait sienne la motivation du premier juge, relevant par ailleurs qu'il n'y a eu aucune déloyauté de la part de qui que ce soit.

L'article 789 du code de procédure civile, dans sa version applicable au présent litige, dispose :

« Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :

(') 

6° Statuer sur les fins de non-recevoir.

(')

Les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non-recevoir au cours de la même instance à moins qu'elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état. »

En l'occurrence, il est acquis que M. [L] [P] n'a pas saisi le juge de la mise en état de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription, sur le fondement de l'article L. 218-1 du code de la consommation, de la demande en paiement de la SARL KMBC.

Selon l'article 780 du code de procédure civile, le juge de la mise en état a mission de veiller au déroulement loyal de la procédure, spécialement à la ponctualité de l'échange des conclusions et de la communication des pièces.

Comme l'a relevé à bon droit le premier juge, l'obligation de loyauté prévue par ces dispositions n'impose pas au juge de la mise en état de s'assurer à la place des parties de la recevabilité des moyens soulevés, au besoin en suggérant l'application des dispositions légales adaptées, dès lors que cela le conduirait à préserver les droits de l'une des parties au détriment de l'autre, au mépris de son devoir d'impartialité. Pas davantage, les dispositions de l'article 782 du code de procédure civile ne font obligation au juge de la mise en état d'inviter les parties à soulever devant lui les fins de non-recevoir. En outre, il ne peut être fait grief à la SARL KMBC, qui n'a en charge que la préservation de ses intérêts, de ne pas avoir, pour le cas où elle aurait eu conscience de l'erreur ou de l'oubli commis, alerté M. [L] [P] sur la nécessité de soumettre au juge de la mise en état en charge de l'instruction de la procédure sa fin de non-recevoir, n'ayant pas à pallier sa carence procédurale.

Aussi, aucune déloyauté ne peut être retenue en l'espèce et M. [L] [P] n'est pas fondé, en considération de ces éléments, à soutenir qu'il a été privé de son droit à un procès équitable garanti par l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré M. [L] [P] irrecevable en sa fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en paiement de la SARL KMBC.

SUR LA DEMANDE EN PAIEMENT DE LA SARL KMBC

Dans son jugement, le premier juge condamne, au visa des articles 1103, 1353 et 1231-6 du code civil, M. [L] [P] au paiement de la somme de 25.800 EUR TTC correspondant aux trois devis objet du litige. Il relève que les travaux ont été exécutés et que ce dernier ne conteste ni l'existence des contrats, ni la réalisation effective des travaux et pas davantage leur qualité. Il indique encore que M. [L] [P] ne rapporte pas la preuve du paiement de la facture du 6 août 2019.

Dans ses écritures, M. [L] [P] oppose la prescription biennale prévue à l'article L. 218-1 du code de la consommation. Il relève encore que les travaux dont s'agit auraient dû être prévus dans le contrat de construction de maison individuelle et que même s'ils ont été exclus du marché initial, de bonne ou de mauvaise foi, il est patent que ces travaux ont dû nécessairement être accomplis avant la réception du 15 juin 2017, de sorte que le point de départ de la prescription a commencé à courir à compter de cette date et non à compter de la date de facturation tardive du 6 août 2019, étant précisé concernant le devis du 15 juin 2017 que celui-ci n'a pas date certaine et que la date indiquée procède nécessairement d'une man'uvre de la part de la SARL KMBC, à l'instar de la facturation tardive.

En réplique, la SARL KMBC soutient qu'aucune prescription n'est acquise et précise, s'agissant de travaux exécutés en dehors du contrat de construction de maison individuelle, que le point de départ de la prescription correspond au jour de l'émission de la facture, soit au 6 août 2019. Elle ajoute par ailleurs qu'elle n'a pas omis des prestations dans l'élaboration du devis accepté le 14 octobre 2015, les devis objet du litige se rapportant à des prestations nullement indispensables à l'opération de construction.

M. [L] [P] n'est pas recevable, pour les motifs précités, à soulever la prescription de l'action en paiement de la SARL KMBC. A cet égard, il sera noté, concernant les prestations objet des devis litigieux, que ce dernier ne tire de conséquence de leur absence d'intégration dans le devis initial qu'au titre de la prescription, ne soutenant à aucun moment que ceux-ci devraient rester à la charge du constructeur, à défaut d'avoir été budgétés. Surabondamment et en tout état de cause, il sera relevé, ainsi que le soutient la SARL KMBC, que les prestations figurant sur les devis litigieux apparaissent distinctes de celles qui sont mentionnées dans le contrat initial et qui concernent l'ensemble des lots de gros 'uvre et de second oeuvre, et souligné que M. [L] [P], à qui incombe la charge de la preuve, ne démontre pas, la date de réalisation de ces prestations étant à cet égard indifférente, leur caractère indispensable, ne fournissant notamment aucun avis technique permettant, prestation par prestation, de vérifier ce caractère indispensable.

Concernant ces travaux, il n'est pas discuté que ceux-ci ont bien été exécutés et qu'aucune réserve n'a jamais été émise, ce qui est encore le cas devant la cour. C'est donc à bon droit, au visa des articles 1103 et 1353 du code civil, que le tribunal a condamné M. [L] [P] à payer à la SARL KMBC la somme de 25.800 EUR TTC.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a condamné M. [L] [P] à payer à la SARL KMBC la somme de 25.800 EUR TTC, avec intérêts au taux légal à compter du 27 juillet 2020, date de distribution par LRAR de la première mise en demeure.

SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE

Dans son jugement, le premier juge rejette la demande en dommages-intérêts de M. [L] [P] au titre du non-respect par la SARL KMBC des dispositions des articles L. 231-1 et L. 232-1 du code de la construction et de l'habitation. Il rappelle que ces dispositions d'ordre public qui s'imposent au contrat de construction de maison individuelle sans fourniture de plan sont prévues à peine de nullité du contrat, nullité qui constitue l'unique sanction prévue en cas de violation desdites dispositions. Il ajoute qu'au cas d'espèce, M. [L] [P], qui se prévaut de l'irrégularité du contrat de construction de maison individuelle du 9 avril 2015, ne conclut pas à la nullité du contrat. Il précise qu'il ne peut donc être alloué des dommages-intérêts sur ce fondement et que c'est par conséquent uniquement au regard des règles de la responsabilité contractuelle de droit commun qu'il y a lieu de se prononcer. Il indique encore que si les devis litigieux sont effectivement en lien étroit avec le contrat de construction individuelle et si les prestations qu'ils contiennent auraient pu être intégrées au contrat initial, il n'est cependant pas démontré, le tribunal n'ayant pas par ailleurs à se prononcer sur la constitution d'une infraction pénale et l'existence de poursuites pénales engagées à l'encontre de la SARL KMBC n'étant aucunement établie, que la SARL KMBC aurait commis des man'uvres frauduleuses destinées à détourner volontairement les dispositions d'ordre public des articles précités, de sorte qu'aucune faute contractuelle de surcroît lourde ou dolosive ne peut être imputée à la SARL KMBC sur ce point. Par ailleurs, il souligne que la privation définitive de droit dont se prévaut M. [L] [P] fait référence à un préjudice qui est incertain, ni né ni prévisible, en l'absence de désordres, et que le préjudice résultant du non bénéfice des garanties attachées à un contrat de construction de maison individuelle comme celui découlant de la privation de garanties liées aux prestations exécutées en dehors de celui-ci est hypothétique. Enfin, il relève que M. [L] [P] ne développe aucun moyen au soutien d'une quelconque perte de chance.

Dans ses écritures, M. [L] [P] critique l'analyse du tribunal. Il soutient, au visa de l'article L. 231-1 du code de la construction, que la SARL KMBC n'était pas en droit d'assumer, dans le cadre d'un simple marché de travaux, la construction d'une maison d'habitation, et relève que le devis du 9 avril 2015 ne fait pas mention des obligations imposées par la loi pour un contrat de construction de maison individuelle, ni des garanties dues au maître de l'ouvrage. Il ajoute que la SARL KMBC a ainsi détourné la législation applicable pour limiter ses obligations à son égard, la preuve en étant encore rapportée par la multiplication des devis établis. Il précise que c'est à tort que le premier juge lui a fait grief de ne pas avoir soulevé la nullité du contrat dès lors que celle-ci aurait entraîné l'absence de garantie décennale, et fait valoir que la SARL KMBC ne pouvait ignorer les obligations lui incombant en application de l'article L. 231-1 du code de la construction et de l'habitation, obligations qui imposent au constructeur de maison individuelle la souscription d'une assurance décennale beaucoup plus chère que dans le cadre d'un simple marché de travaux. Il en déduit que c'est un choix économique qui a conduit la SARL KMBC à s'affranchir volontairement des obligations prévues par l'article L. 231-1 du code de la construction. Il soutient encore que s'il n'a pas subi de préjudice à ce titre puisqu'aucun événement particulier ne s'est produit sur le chantier de nature à mobiliser l'assurance décennale, il n'en demeure pas moins que la faute civile de la SARL KMBC est manifeste et doit être sanctionnée, ne serait-ce que par une indemnisation de principe, ajoutant qu'il ignorait que le contrat proposé détournait la loi d'ordre public et était susceptible de générer un préjudice très important en cas de défaillance de l'entreprise ou d'effondrement de l'ouvrage.

En réplique, la SARL KMBC conclut au rejet des moyens développés par l'appelant. Elle fait valoir que la réalisation de la maison a bien fait l'objet d'un contrat signé conformément à l'article L. 231-1 du code de la construction et de l'habitation et qu'il n'y a donc eu aucune carence contractuelle, ni aucun délit pénal. Par ailleurs, elle fait sienne l'analyse du premier juge quant à l'absence de faute et souligne que M. [L] [P] fait fi des principes de la responsabilité civile qui imposent la preuve d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les deux. Elle ajoute que l'intéressé ne s'est jamais plaint de ses prestations qui ne sont affectées d'aucun désordre, ni malfaçon, et note que le tribunal a justement relevé qu'il ne démontrait pas l'existence d'un préjudice.

Le marché de travaux accepté le 14 octobre 2005 ne satisfait pas aux dispositions d'ordre public des articles L. 231-1, L. 232-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation concernant le formalisme et les mentions devant figurer dans le contrat de construction de maison individuelle, de sorte qu'il est manifeste que la SARL KMBC a commis une faute en s'affranchissant de leur application.

Il est de principe, ainsi que l'a relevé le premier juge, que la sanction du non-respect de ces dispositions d'ordre public est la nullité du contrat. Toutefois, il est constant que le maître de l'ouvrage peut ne pas demander la nullité du contrat mais l'allocation de dommages-intérêts en raison du préjudice directement subi par la violation de ces dispositions qui tendent à protéger l'acquéreur (Civ 3° 01/03/1983 n°81-15.222).

En l'occurrence, il importe de relever que M. [L] [P] ne justifie, alors même que la charge de la preuve lui incombe, d'aucun préjudice né et actuel en lien avec le non-respect des dispositions d'ordre public des articles précités, n'alléguant par ailleurs aucune perte de chance. En outre, il sera observé qu'il reconnaît ne subir aucun préjudice en lien avec les travaux exécutés qui ne sont affectés d'aucun désordre ni malfaçon.

Il s'ensuit, le juge ne pouvant par ailleurs prononcer à titre de « sanction » une « indemnisation de principe », que la demande en dommages-intérêts présentée par l'appelant n'est pas fondée.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [L] [P] de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts.

SUR L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE

Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions concernant l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [L] [P], qui succombe, sera débouté de sa demande présentée sur ce fondement.

En cause d'appel, une indemnité de 1.000 EUR sera allouée à ce titre à la SARL KMBC.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant après débats en audience publique par mise à disposition au greffe, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de PRIVAS rendu le 14 janvier 2022 en toutes ses dispositions,

et y ajoutant,

DEBOUTE M. [L] [P] de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [L] [P] à payer à la SARL KMBC en cause d'appel la somme de 1.000 EUR sur ce même fondement,

CONDAMNE M. [L] [P] aux entiers dépens d'appel.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section a
Numéro d'arrêt : 22/00327
Date de la décision : 29/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-29;22.00327 ?
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