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22/06/2023 | FRANCE | N°22/01268

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 1ère chambre, 22 juin 2023, 22/01268


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS















ARRÊT N°



N° RG 22/01268 - N°Portalis DBVH-V-B7G-IMYV



ET-AB



TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE PRIVAS

18 février 2022

RG:21/00588



[T]



C/



[L]

[I]

[L]

[I]





























Grosse délivrée

le 22/06/2023

à Me Jean-michel D

IVISIA













COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

1ère chambre





ARRÊT DU 22 JUIN 2023





Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PRIVAS en date du 18 Février 2022, N°21/00588



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Mme Marie-Pierre FOURNIER,...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/01268 - N°Portalis DBVH-V-B7G-IMYV

ET-AB

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE PRIVAS

18 février 2022

RG:21/00588

[T]

C/

[L]

[I]

[L]

[I]

Grosse délivrée

le 22/06/2023

à Me Jean-michel DIVISIA

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

1ère chambre

ARRÊT DU 22 JUIN 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PRIVAS en date du 18 Février 2022, N°21/00588

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre,

Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère,

Mme Séverine LEGER, Conseillère,

GREFFIER :

Audrey BACHIMONT, Greffière, lors des débats, et Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 02 Mai 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 22 Juin 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANT :

Monsieur [G] [T]

[Adresse 4]

[Localité 12]

Représenté par Me Jean-michel DIVISIA de la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉS :

Monsieur [D] [L]

né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 12]

[Adresse 9]

[Localité 10]

Assigné à étude le 23 mai 2022

sans avocat constitué

Madame [C] [I]

née le [Date naissance 3] 1984 à [Localité 11]

[Adresse 6]

[Localité 8]

Assignée à étude le 20 Mai 2022

sans avocat constitué

Monsieur [J] [L]

né le [Date naissance 5] 1937 à [Localité 2]

[Adresse 13]

[Localité 2]

Assigné par PV 659 cpc le 30 Mai 2022

sans avocat constitué

Monsieur [Y] [I]

né le [Date naissance 7] 1984 à [Localité 14]

[Adresse 6]

[Localité 8]

Assigné à étude le 20 Mai 2022

sans avocat constitué

ARRÊT :

Arrêt rendu par défaut, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 22 Juin 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par acte sous seing privé du 9 novembre 2018, MM. [J] et [D] [L], vendeurs, ont conclu une promesse synallagmatique de vente avec Mme [C] [S] épouse [I], acquéreur, établie en un seul exemplaire conservé par Me [G] [T], notaires à [Localité 12].

La vente a été réitérée devant Me [T] par acte authentique du 12 mars 2019 entre MM. [J] et [D] [L], vendeurs, et M et Mme [I], acquéreurs.

Par actes du 4, 11 et 25 février 2021, Mme [C] [I] et M.[Y] [I] ont assigné MM. [J] et [D] [L] et Me [G] [T] notaire devant le tribunal judiciaire de Privas afin d'obtenir l'annulation de la vente et afin de voir engagée la responsabilité du notaire, sur le fondement des articles 1240 et 1137 du Code civil.

Par jugement réputé contradictoire du 18 février 2022, le tribunal judiciaire de Privas a :

- déclaré nulle la vente consentie par MM. [J] et [D] [L] à M. [Y] [I] et Mme [C] [S], épouse [I] et reçue le 12 mars 2019 par Me [G] [T], notaire à [Localité 12], d'un tènement foncier situé sur la commune d'[Localité 2] (Ardèche) ;

- dit que MM. [J] et [D] [L] devront restituer à M. [Y] [I] et Mme [C] [S], épouse [I], la somme de 15 000 euros, correspondant au prix du tènement foncier vendu ;

- dit que M. [Y] [I] et Mme [C] [S], épouse [I], devront restituer à MM. [J] et [D] [L], le tènement foncier acquis par eux ;

- débouté M. [Y] [I] et Mme [C] [S], épouse [I], de leurs demandes de réparation portant sur le prêt souscrit par eux et ses accessoires, les frais d'architecte et le préjudice de jouissance ;

- débouté M. [Y] [I] et Mme [C] [S], épouse [I], de leur demande de condamnation portant sur les frais d'une éventuelle exécution forcée du jugement ;

- condamné Me [G] [T] à payer à M.[Y] [I] et Mme [C] [S], épouse [I], le montant des frais afférents à la promesse de vente du 9 novembre 2018 et à l'acte authentique de vente du 12 mars 2019 ainsi que celui des émoluments et honoraires qui lui ont été versés à ce titre et dont ils ont supporté la charge ;

- condamné Me [G] [T] à payer à M.[Y] [I] et Mme [C] [S], épouse [I], la somme de 2 000 euros au titre du préjudice moral ;

- condamné Me [G] [T] à payer à M.[Y] [I] et Mme [C] [S], épouse [I], la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

- condamné Me [G] [T] aux dépens.

Par déclaration du 6 avril 2022, Me [G] [T] a interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance du 14 décembre 2022, la procédure a été clôturée le 18 avril 2023 et l'affaire fixée à l'audience du 2 mai 2023.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS

Par conclusions notifiées par voie électronique le 6 mai 2022, Me [T] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a:

- condamné Me [G] [T] à payer à M.[Y] [I] et Mme [C] [S], épouse [I], le montant des frais afférents à la promesse de vente du 9 novembre 2018 et à l'acte authentique de vente du 12 mars 2019 ainsi que celui des émoluments et honoraires qui lui ont été versés à ce titre et dont ils ont supporté la charge ;

- condamné Me [G] [T] à payer à M.[Y] [I] et Mme [C] [S], épouse [I], la somme de 2 000 euros au titre du préjudice moral ;

- condamné Me [G] [T] à payer à M.[Y] [I] et Mme [C] [S], épouse [I], la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

Statuant à nouveau et en toute hypothèse,

- débouter les époux [I] de toutes demandes complémentaires présentées à son encontre,

- condamner les intimés à lui payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile au niveau de la cour la somme de 3 000 euros.

Me [T] fait valoir essentiellement qu'il n'a commis aucun manquement à son devoir de conseil de nature à mettre en oeuvre sa responsabilité civile professionnelle puisqu'il démontre que Mme [I] a volontairement modifié la condition suspensive en dépit des nombreuses mises au point qu'il a pris la précaution d'effectuer.

La déclaration et les conclusions d'appel ont été signifiées au époux [I] et à MM. [D] et [J] [L] par actes du 21, 23 et 30 mai 2022.

Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Liminairement, il sera rappelé que l'appel ne porte que sur la responsabilité professionnelle retenue à l'encontre de Me [T], les intimés n'ayant pas constitué et donc n'ayant pas formé appel incident.

L'annulation de la vente litigieuse est ainsi définitivement jugée.

1-Sur la faute du notaire

Me [T] fait grief au premier juge d'avoir retenu à son encontre une faute alors que le notaire n'est pas tenu d'attirer l'attention de son client sur des données qui sont déjà connues de lui de sorte qu'une partie ne peut demander réparation d'un préjudice qu'elle ne pouvait ignorer à la date de l'acte prétendument dommageable. Il indique que si la rédaction de la promesse de vente est l'oeuvre du notaire, les modifications de la condition suspensive ne le sont pas.

Il ajoute que c'est à tort qu'il a imputé au notaire le fait de ne pas avoir alerté les acquéreurs sur les conséquences de leur renonciation à la condition suspensive d'obtention d'un permis de construire, alors que les acquéreurs avaient par une clause de l'acte rédigé, reconnu la nécessité d'obtenir au préalable des renseignements d'urbanisme et avaient néanmoins demandé l'établissement de l'acte ; qu'ils avaient au surplus, fait indiquer par le notaire qui leur avait pourtant réclamé l'autorisation d'exercer la profession d'éleveur canin sur le terrain vendu et la copie du permis de construire, qu'ils ne faisaient pas de l'obtention d'obtenir une quelconque autorisation préalable d'urbanisme une condition de réalisation de la vente s'étant au demeurant renseignés par eux mêmes, et enfin avaient fait mentionner qu'ils avaient obtenu l'autorisation d'exercer la profession d'éleveur canin sur le terrain vendu et ne pouvaient donc ignorer qu'en l'absence de condition suspensive, sans permis de construire et l'autorisation d'exercer la profession d'éleveur canin dont elle dépendait, ils seraient dans l'impossibilité de réaliser la construction projetée et d'exercer cette profession.

Il est de jurisprudence constante que le notaire est tenu d'éclairer les parties et d'appeler leur attention, de manière complète et circonstanciée, sur la portée et les effets ainsi que sur les risques des actes auxquels il est requis de rédiger et/ou de donner la forme authentique .

Il incombe au notaire de rapporter la preuve de l'exécution de son devoir de conseil.

En l'espèce, il n'est pas contesté qu'aux termes de la promesse synallagmatique de vente une condition suspensive au bénéfice de M. et Mme [I] acquéreurs a été rédigée prévoyant : 'l'obtention du droit d'exercer la profession d'éleveur canin et de construire une maison d'habitation et un bâtiment agricole sur le terrain vendu. Un permis de construire sera délivré à cet effet' ; que les parties signataires rayeront de cette rédaction les mentions suivantes : 'et de construire une maison d'habitation et un bâtiment agricole ' et 'Un permis de construire sera délivré à cet effet'.

Les acquéreurs ont donc renoncé à ces mentions et laisseront seulement la mention de 'pouvoir exercer (sa ) profession d'éleveur canin'.

Or, en présence d'une promesse de vente à la rédaction de laquelle il avait prêté son concours et stipulant que les acquéreurs renoncent expressément à toute condition suspensive d'obtention du permis de construire, il appartenait au notaire, eu égard à l'opération poursuivie par ses clients et notamment par Mme [I], de les mettre en garde sur les conséquences de cette renonciation en cas de refus de délivrance du permis de construire.

De même aux termes de l'acte authentique, alors que le notaire avait réclamé par courrier à Mme [I] la confirmation qu'elle avait obtenu l'autorisation d'exercer son métier d'éleveur canin sur le terrain objet de la vente, il a mentionné aux titre des conditions particulières que: 'l'acquéreur déclare avoir obtenu l'autorisation d'exercer la profession d'éleveur canin sur le terrain vendu' alors même que cette autorisation n'avait pas été délivrée car dépendant de l'obtention du permis de construire. En présence d'une telle clause ne faisant certes état que d'une déclaration mais qui pouvait laisser penser aux acquéreurs qu'il n'y avait pas de véritable obstacle à leur projet et que l'autorisation d'exercer finirait par leur être délivrée, il lui appartenait de mettre en garde les acquéreurs sur le risque encouru et d'ajouter à cette clause cet avertissement de sorte qu'ils n'en ignorent et qu'ils s'assurent ainsi de l'acceptation du risque encouru. En effet, le comportement des acquéreurs difficilement compréhensible, a été consécutif à une information incomplète sur la portée de leur renonciation ou de leur déclaration délivrée par le notaire qui ne leur a pas permis ainsi, d'appréhender ce qui en résulterait pour eux de se porter acquéreur d'un bien sans pouvoir exercer l'activité souhaitait à défaut de pouvoir construire.

Il s'en déduit que c'est à juste titre que le tribunal a retenu que le notaire avait commis une faute.

2-Sur le préjudice

Les conséquences d'un manquement à un devoir d'information et de conseil ne peuvent s'analyser qu'en une perte de chance dès lors qu'il n'est pas certain que mieux informé, le créancier de l'obligation d'information se serait trouvé dans une situation différente et plus avantageuse.

Le seul préjudice indemnisable est en l'espèce la perte de chance pour les acquéreurs de n'avoir pu, mieux informés, renoncer à acquérir le bien litigieux ou de l'acquérir à d'autres conditions.

En l'absence des intimés qui sont réputés avoir confirmé la décision déférée, la cour ignore quelles étaient les demandes de M et Mme [I] en première instance et le jugement qui leur a alloué des dommages et intérêts ne renseigne pas plus sur la liquidation du préjudice opéré par le premier juge accordant simplement aux demandeurs à l'instance les frais d'actes litigieux et les honoraires de notaire ainsi qu'un préjudice moral à hauteur de 2000 euros.

La cour ne peut par voie de conséquence statuer sur le préjudice sans connaître la demande initiale de M et Mme [I] et demander au notaire de présenter ses observations sur le préjudice de perte de chance.

Il y a lieu par voie de conséquence de surseoir à statuer sur la préjudice alloué et la condamnation du notaire à des dommages et intérêts.

Les dépens et la demande au titre des frais irrépétibles seront réservés.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Infirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour ;

Statuant à nouveau,

Avant dire droit,

- ordonne la réouverture des débats aux fins d'inviter Me [T] à présenter ses observations sur l'éventuel préjudice de perte de chance subi par les acquéreurs et à produire les dernières écritures de première instance des époux [I] ;

-dit qu'à défaut de pourvoir les produire ces dernières seront demandées par le greffe de la Ière chambre de la cour d'appel au greffe du Tribunal judiciaire de Privas afin d'être versées au dossier ;

Réserve les dépens et la demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

Renvoie l'examen de l'affaire à l'audience du Jeudi 12 Octobre 2023 à 8h30 .

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22/01268
Date de la décision : 22/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-22;22.01268 ?
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