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15/06/2023 | FRANCE | N°22/04133

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section a, 15 juin 2023, 22/04133


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 22/04133 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IVGF



AL



JUGE DE L'EXECUTION DE NIMES

24 novembre 2022 RG :18/00122



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COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A



ARRÊT DU 15 JUIN 2023





Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge de l'exécution de NIMES en date du 24 Novembre 2022, N°18/00122



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



M. André LIEGEON, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/04133 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IVGF

AL

JUGE DE L'EXECUTION DE NIMES

24 novembre 2022 RG :18/00122

[J]

C/

[J]

Grosse délivrée

le

à SCP Laick Isenberg ...

SCP AKCIO BDCC ...

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

ARRÊT DU 15 JUIN 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge de l'exécution de NIMES en date du 24 Novembre 2022, N°18/00122

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

M. André LIEGEON, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre

Madame Virginie HUET, Conseillère

M. André LIEGEON, Conseiller

GREFFIER :

Mme Céline DELCOURT, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 13 Avril 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 15 Juin 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

Madame [T] [F] [J]

née le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 3]

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par Me Henri-Laurent ISENBERG de la SCP LAICK ISENBERG JULLIEN SAUNIER GARCIA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉ :

Monsieur [L] [R] [M] [J]

né le [Date naissance 2] 1944 à [Localité 3]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représenté par Me Pascale COMTE de la SCP AKCIO BDCC AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

STATUANT EN MATIÈRE D'ASSIGNATION À JOUR FIXE

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre, le 15 Juin 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DU LITIGE

Par arrêt du 19 mai 2015, la cour d'appel de LYON, statuant sur renvoi de la Cour de cassation, a, dans le litige opposant M. [L] [J] à Mme [T] [J], sa s'ur, au sujet du règlement de la succession de leurs deux parents, condamné Mme [T] [J] à payer à M. [L] [J] la somme de 119.014,38 EUR au titre de la restitution de loyers pour la période du 14 octobre 1995 au 31 décembre 2010 et la somme de 34.997,76 EUR en deniers ou quittances valables pour les années 2011 à 2013, ainsi qu'au paiement de la somme de 3.000 EUR sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Cet arrêt a été signifié le 10 décembre 2015 à Mme [T] [J] selon les modalités de l'article 658 du code de procédure civile.

Suivant un commandement de payer valant saisie en date du 28 juin 2018, publié au service de la publicité foncière de [Localité 6] le 22 août 2018 volume 2018 S numéro 53, M. [L] [J] a, pour obtenir paiement de l'ensemble des sommes dues, engagé à l'encontre de Mme [T] [J] une procédure de saisie immobilière portant sur le lot n°30 dépendant d'un immeuble en copropriété sis à [Localité 7]), [Adresse 4].

Par un jugement en date du 27 juin 2019, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de NÎMES a :

- ordonné mainlevée et radiation de l'hypothèque judiciaire publiée le 4 août 2011 volume 2011 V N°2562,

- débouté Mme [T] [J] de sa demande de nullité du commandement,

- constaté la validité de la procédure de saisie immobilière engagée,

- constaté la réunion des conditions des articles L. 311-2 et L. 311-6 du code des procédures civiles d'exécution,

- dit que la créance de M. [L] [J] est retenue pour un montant de 145.799,91 EUR se décomposant comme suit :

- restitution des loyers du 14 octobre 1995 au 31 décembre 2010 : 119.014,38 EUR

- restitution des loyers pour 2001-2003 : 21.785,46 EUR

- article 700 (CA de LYON) : 3.000 EUR

- article 700 (CA de NÎMES et non de LYON comme indiqué par erreur) : 2.000 EUR

- accordé à Mme [T] [J] un délai de deux ans pour le paiement des sommes dues,

- dit que la procédure de saisie immobilière est suspendue pour une durée maximale de deux ans,

- dit qu'elle sera remise au rôle par M. [L] [J],

- réservé les autres demandes.

Statuant sur l'appel de M. [L] [J] limité à l'octroi de délais de paiement et à la suspension de la procédure de saisie immobilière, la cour d'appel de NÎMES, par un arrêt en date du 14 janvier 2021, a « dans la limite de sa saisine, confirmé le jugement déféré » et y ajoutant, condamné ce dernier au paiement de la somme de 1.500 EUR sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel.

Suite à cet arrêt, M. [L] [J] a saisi le juge de l'exécution en matière de saisie immobilière près le tribunal judiciaire de NÎMES aux fins de reprise de la procédure de saisie immobilière et de fixation d'une date d'audience de vente forcée.

Par jugement du 12 mai 2022, la validité des effets du commandement valant saisie du 28 juin 2018 a été prorogée pour une durée de cinq ans.

Par jugement du 24 novembre 2022, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de NÎMES a :

- fait droit à la demande de rectification de diverses erreurs matérielles affectant le jugement d'orientation du 27 juin 2019,

- débouté Mme [T] [J] de sa demande tendant à voir déclarer irrecevable la demande de reprise d'instance,

- débouté Mme [T] [J] de sa demande de sursis à statuer,

- débouté Mme [T] [J] de sa demande de compensation,

- laissé à la charge de Mme [T] [J] le paiement des frais de mainlevée et de radiation de l'hypothèque publiée le 4 août 2011,

- ordonné la vente forcée du bien saisi selon les modalités prévues au cahier des conditions de vente,

- dit que l'immeuble saisi pourra être visité en présence de tout huissier de justice territorialement compétent mandaté par le créancier poursuivant,

- dit que, si nécessaire, l'huissier de justice mandaté pourra être assisté d'un serrurier et de la force publique,

- autorisé les experts mandatés par le créancier poursuivant à pénétrer à nouveau dans l'immeuble saisi, en présence de l'huissier de justice requis par le créancier, afin de permettre d'établir ou d'actualiser les diagnostics exigés par la législation et la réglementation en vigueur,

- dit qu'il sera procédé à l'adjudication à l'audience du 23 mars 2023 à 9h30 devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de NÎMES,

- dit que les dépens de la procédure seront employés en frais privilégiés de vente.

Autorisée à cet effet par ordonnance du 3 janvier 2023, Mme [T] [J] a fait assigner à jour fixe M. [L] [J], par acte du 28 mars 2023, devant la cour d'appel de NÎMES.

Aux termes des dernières écritures de Mme [T] [J] notifiées par RPVA le 13 avril 2023, il est demandé à la cour de :

- juger l'appel de Mme [T] [J] recevable en la forme et justifié au fond,

Y faisant droit,

- réformer le jugement du 24 novembre 2022 en ce qu'il a :

- débouté Mme [T] [J] de sa demande de sursis à statuer,

- débouté Mme [T] [J] de sa demande de compensation,

- laissé à la charge de Mme [T] [J] le paiement des frais de mainlevée et de radiation de l'hypothèque publiée le 4 août 2011,

- ordonné la vente forcée du bien saisi selon les modalités prévues au cahier des conditions de vente,

- dit que l'immeuble saisi pourra être visité en présence de tout huissier de justice territorialement compétent mandaté par le créancier poursuivant,

- dit que, si nécessaire, l'huissier de justice mandaté pourra être assisté d'un serrurier et de la force publique,

- autorisé les experts mandatés par le créancier poursuivant à pénétrer à nouveau dans l'immeuble saisi, en présence de l'huissier de justice requis par le créancier, afin de permettre d'établir ou d'actualiser les diagnostics exigés par la législation et la réglementation en vigueur,

- dit qu'il sera procédé à l'adjudication à l'audience du 23 mars 2023 à 9h30 devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de NÎMES,

- dit que les dépens de la procédure seront employés en frais privilégiés de vente.

Statuant à nouveau,

- vu l'article 378 du code de procédure civile,

- ordonner un sursis à statuer sur la demande de M. [L] [J] tendant à la reprise de la procédure de saisie immobilière et ce dans l'attente de l'issue des opérations de compte, liquidation et partage des successions des père et mère des parties ordonnées par les jugements du tribunal de grande instance de NÎMES des 3 novembre 1995 et 13 septembre 1996,

En conséquence,

- débouter M. [L] [J] de ses demandes tendant à :

- voir ordonner la vente forcée du bien saisi selon les modalités prévues au cahier des conditions de vente,

- dire que l'immeuble saisi pourra être visité en présence de tout huissier de justice territorialement compétent mandaté par le créancier poursuivant,

- dire que, si nécessaire, l'huissier de justice mandaté pourra être assisté d'un serrurier et de la force publique,

- autoriser les experts mandatés par le créancier poursuivant à pénétrer à nouveau dans l'immeuble saisi, en présence de l'huissier de justice requis par le créancier, afin de permettre d'établir ou d'actualiser les diagnostics exigés par la législation et la réglementation en vigueur,

- dire qu'il sera procédé à l'adjudication à l'audience du 23 mars 2023 à 9h30 devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de NÎMES,

- dire que les dépens de la procédure seront employés en frais privilégiés de vente.

comme étant ni fondées, ni justifiées,

- condamner M. [L] [J] au paiement des frais de mainlevée et de radiation de l'hypothèque judiciaire définitive publiée le 4 août 2011 volume 2011 V numéro 2562, se substituant au provisoire publié le 25 octobre 2006 volume 2006 V numéro 3794,

- plus généralement, débouter M. [L] [J] de ses demandes, fins et conclusions comme étant non fondées,

- condamner M. [L] [J] au paiement de la somme de 5.000 EUR sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux dépens.

Aux termes des dernières écritures de M. [L] [J] notifiées par RPVA le 6 avril 2023, il est demandé à la cour de :

- vu les articles L. 311-2 et L. 311-4 du code des procédures civiles d'exécution,

- vu les articles R. 322-4, R. 322-15 à R. 322-29 du code des procédures civiles d'exécution,

- vu l'article 1355 du code civil,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 24 novembre 2022 par le juge de l'exécution de NÎMES,

- vu l'autorité de la chose jugée,

- déclarer irrecevable la demande de Mme [T] [J],

- débouter Mme [T] [J] de ses autres demandes,

- désigner tout commissaire de justice territorialement compétent et requis par le créancier, pour assurer les visites du bien saisi,

- renvoyer l'affaire devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de NÎMES aux fins de fixation par celui-ci de la date de l'audience à laquelle il sera procédé à la vente aux enchères publiques des droits et biens immobiliers visés au commandement de payer valant saisie immobilière du 28 juin 2018, sur la requête de M. [L] [J],

- condamner Mme [T] [J] à payer la somme de 3.000 EUR au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [T] [J] aux entiers dépens.

Pour un exposé exhaustif des moyens développés par les parties, il convient, par application de l'article 455 du code de procédure civile, de se référer aux dernières écritures des parties notifiées par RPVA.

Mme [T] [J] a adressé, en date du 12 mai 2023, une note en délibéré à la Cour. Cette note, transmise directement, n'ayant pas été autorisée par la Cour, elle sera écartée au visa de l'article 445 du code de procédure civile.

MOTIFS

SUR LE SURSIS A STATUER, LA COMPENSATION DES DETTES ET LA VENTE FORCEE

Pour rejeter la demande de sursis à statuer, le premier juge expose qu'en application des articles 73 et 74 du code de procédure civile, une demande de sursis à statuer constitue une exception de procédure qui doit être présentée, à peine d'irrecevabilité, avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, sauf pour son auteur à démontrer la date à laquelle il a eu connaissance du fait justifiant selon lui la demande de sursis à statuer. Il ajoute qu'au cas d'espèce, Mme [T] [J] a présenté lors de la première audience d'orientation une défense au fond en contestant le montant des sommes dues, ainsi que le taux majoré des intérêts, de sorte que la demande de sursis à statuer n'a pas été formulée avant toute défense au fond. Par ailleurs, il indique que Mme [T] [J] avait connaissance, antérieurement à sa demande de sursis à statuer, de ce que les opérations de compte, liquidation et partage des successions n'étaient pas terminées, et considère en conséquence, au vu de ces éléments, que cette demande de sursis à statuer est irrecevable. Il relève encore que Mme [T] [J] ne justifie d'aucune diligence en vue de parvenir à un partage de la succession et qu'aucun événement susceptible d'avoir une incidence sur la procédure de saisie immobilière en cours ne peut donc être invoqué, ce qui doit conduire au rejet de la demande de sursis à statuer.

Aux termes de ses écritures, Mme [T] [J] soutient qu'en relevant que la demande de sursis à statuer n'avait pas été soulevée in limine litis sans recueillir les observations des parties sur ce point, le premier juge a méconnu les dispositions de l'article 16 du code de procédure civile. Elle ajoute qu'en tout état de cause, cette demande a été incontestablement présentée in limine litis à la suite des conclusions de reprise de la procédure de saisie immobilière aux fins de fixation de la date de l'audience de vente forcée.

Au soutien de sa demande, Mme [T] [J] fait également valoir que les successions des père et mère des parties ne sont toujours pas réglées et indique que M. [L] [J] est redevable à ce jour d'une somme de 140.939,11 EUR, au titre de fermages dus pour la période 1994-2021. Elle précise sur ce point qu'elle est légataire, selon un testament authentique de sa mère du 28 février 1994, des 2/3 de la quotité disponible, et que les comptes entre les parties ne pourront être faits qu'à l'occasion de la liquidation des intérêts des héritiers, étant encore observé qu'elle est aussi titulaire d'une créance d'assistance familiale envers la succession de sa mère. Elle souligne que dans ce contexte, M. [L] [J] a intérêt à bloquer les opérations de partage tout en poursuivant dans le même temps la procédure de saisie immobilière, ce qui est inique et justifie qu'il soit sursis à statuer sur la demande de l'intéressé tendant à la reprise de la procédure de saisie immobilière.

Elle soutient encore, concernant les fermages dus, qu'aucune prescription n'est acquise, celle-ci ayant été interrompue par la délivrance des commandements de payer signifiés les 29 décembre 2008, 26 décembre 2013 et 18 décembre 2018 à l'intimé, et note que M. [L] [J] n'a d'ailleurs jamais contesté leur existence à l'occasion des opérations d'expertise de M. [X], expert désigné par le tribunal de grande instance de NÎMES dans le cadre du règlement des successions. Elle indique, sur ce point, qu'en application de l'article 2258 du code civil, elle dispose toujours de l'action en paiement des fermages et peut donc à bon droit se prévaloir d'une créance à ce titre. Elle rappelle également, au visa de l'article 2251 ancien du code civil, que le rapport des dettes constituant une opération de partage, la dette n'est pas exigible pendant la durée de l'indivision et ne peut donc se prescrire avant la clôture des opérations de partage, de sorte que M. [L] [J] est incontestablement redevable des fermages dus depuis 1994 jusqu'à la clôture des opérations. De plus, elle prétend que selon une donation par préciput et hors part du 8 mars 1995, son droit à une rétribution pour l'aide, l'assistance et l'hébergement de sa mère pendant 19 ans a été reconnu et matérialisé par la propriété de l'immeuble et par la perception des loyers au décès de cette dernière, ce qui exclut tout remboursement des loyers par elle perçus. Enfin et de surcroît, elle indique que la restitution des loyers ordonnée par la cour d'appel de LYON est soumise à la prescription quinquennale de l'article 2277 ancien du code civil, de sorte que M. [L] [J] ne peut prétendre qu'aux loyers postérieurs au 28 juin 2013 et jusqu'au 31 décembre 2018.

En réplique, M. [L] [J] expose que le premier juge était bien saisi d'un moyen tendant à voir déclarer irrecevable la demande de sursis à statuer formulée par Mme [T] [J]. A cet égard, il souligne que le fait que l'intéressée ait, lors de la première audience ayant donné lieu au jugement du 27 juin 2019, fondé sa demande sur les dispositions de l'article 1343-5 du code civil, et invoque désormais celles de l'article 378 du code de procédure civile, à supposer qu'il soit applicable en matière de saisie immobilière, est inopérant puisque sa demande tend aux mêmes fins, à savoir le sursis aux poursuites, et a été déjà examinée. Il ajoute que l'irrecevabilité est donc, comme il l'a précédemment soutenu, encourue de ce chef.

En outre, il fait valoir, sur le fond, que la demande de Mme [T] [J] n'est pas fondée. Il précise que cette dernière ne détient aucune créance au titre de prétendus fermages impayés et relève, sur ce point, qu'aucune demande à ce titre n'a jamais été formulée lors des instances ayant donné lieu aux jugements des 3 novembre 1995 et 13 septembre 1996 qui ont ordonné le partage des successions. Il indique également que toute action à ce titre est désormais prescrite et que le commandement du 29 décembre 2018 n'a pas eu d'effet interruptif, s'agissant d'un simple commandement de payer délivré sur le fondement de l'article L. 411-31 du code rural qui n'a pas été suivi d'une action et a fortiori d'un acte d'exécution, et qu'il en va de même des deux autres commandements. Par ailleurs, il soutient que son courrier du 17 décembre 1997 adressé à l'expert ne peut plus avoir d'effet interruptif et que les dispositions de l'article 2251 ancien du code civil n'ont pas vocation à s'appliquer, en l'absence de toute demande formée au titre des fermages lors des instances en partage. Il fait également valoir qu'il appartenait en tout état de cause à Mme [T] [J] de mettre en 'uvre, concernant les opérations de liquidation des successions, toutes diligences pendant le cours des délais accordés, ce qu'elle n'a pas fait. Il précise encore que les décisions rendues ont autorité de chose jugée concernant le montant de sa créance, ce qui interdit à Mme [T] [J] de venir la contester en raison d'une prétendue prescription, et note, au surplus, que celle-ci ne relève pas des dispositions de l'article 2277 du code civil, mais est régie par la prescription de droit commun avec application des dispositions transitoires de l'article 26-II de la loi du 27 juin 2008, de sorte qu'il disposait à compter du 19 mai 2015 d'un délai de 10 ans pour agir, ce qui exclut toute prescription. Enfin, il observe que le moyen tiré de la donation invoquée par l'appelante est inopérant, s'agissant d'une donation ayant donné lieu à la sanction du recel successoral.

A titre liminaire, il sera observé qu'aux termes de ses écritures, Mme [T] [J] ne conclut pas à l'annulation du jugement déféré, alors même que la violation alléguée par le juge du principe du contradictoire énoncé à l'article 16 du code de procédure civile est sanctionnée, lorsqu'elle est caractérisée, par la nullité de la décision de première instance. Aussi, il n'y a pas lieu, la cour n'étant saisie d'aucune demande d'annulation, de se prononcer sur la violation alléguée.

Dans son jugement du 27 juin 2019 confirmé en appel, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de NÎMES a :

- statué sur divers incidents,

- fixé le montant de la créance à la somme de 145.799,91 EUR,

- accordé un délai de deux ans à Mme [T] [J] sur le fondement de l'article 1343-5 du code civil pour lui permettre de régler cette somme,

- dit en conséquence que la procédure de saisie immobilière était suspendue pour une durée de deux ans,

- dit qu'elle sera remise au rôle par M. [L] [J] et réservé les autres demandes.

L'audience du 22 septembre 2022, si elle a donné lieu à un nouveau jugement du 24 novembre 2022 déféré à la cour, ne constitue pas pour autant, selon le principe de l'unicité de l'audience d'orientation, une nouvelle audience d'orientation et il en va de même de l'audience devant la cour.

Aux termes de l'article 378 du code de procédure civile, la décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine.

Par ailleurs, il est de principe, en application des articles 73 et 74 du code de procédure civile, qu'une demande de sursis à statuer est une exception de procédure qui doit être présentée, à peine d'irrecevabilité, avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir.

En l'occurrence, il est constant, aucune discussion n'existant sur ce point, que Mme [T] [J] n'a pas sollicité, lors de la première audience devant le juge de l'exécution, qu'il soit sursis à statuer dans l'attente du règlement des successions de ses parents, mais a uniquement demandé, après avoir soulevé la nullité du commandement aux fins de saisie immobilière et contesté la créance de M. [L] [J], l'octroi de délais de paiement. Aussi, sa demande de sursis à statuer, qui ne se confond pas avec la demande d'octroi de délais de paiement dès lors que son objet n'est pas rigoureusement identique, n'a pas été présentée, étant encore rappelé que la seconde audience devant le juge de l'exécution ne constitue que la prolongation de la première audience, avant toute défense au fond.

Il s'ensuit que c'est à bon droit que le premier juge a déclaré Mme [T] [J] irrecevable en sa demande de sursis à statuer, observation étant encore faite que l'intéressée, qui avait intérêt à ce que le règlement des successions de ses parents avance, ne justifie pas avoir entrepris la moindre démarche en ce sens.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [T] [J] de sa demande de sursis à statuer.

Concernant la demande de compensation dont le débouté est également critiqué, il sera relevé qu'ainsi que l'a noté à juste titre le premier juge, Mme [T] [J] ne justifie pas avoir engagé la moindre action en vue d'obtenir, pour le compte de l'indivision successorale, le paiement par M. [L] [J] des fermages que celui-ci devrait, et il importe peu, aucune demande n'ayant par ailleurs jamais été formulée à ce titre dans le cadre des instances ayant donné lieu aux jugements des 3 novembre 1995 et 13 septembre 1996, qu'elle dispose encore, le cas échéant, d'une telle action. Aussi, elle ne justifie, étant encore observé que les droits des parties ne pourront être définitivement fixés que dans le cadre du règlement définitif desdites successions, d'aucune créance certaine, liquide et exigible au sens des dispositions des articles 1347 et 1347-1 du code civil. A l'inverse, il sera souligné que la créance de M. [L] [J], qui procède d'un titre exécutoire, a été définitivement fixée par le jugement du 27 juin 2019 devenu irrévocable, en l'absence de tout appel incident sur ce point de Mme [T] [J], ce qui exclut toute contestation quant à son montant et rend totalement inopérant, s'agissant de la procédure de saisie immobilière dont est saisie la cour, l'ensemble des observations formulées au titre de la prescription quinquennale des loyers et de la donation consentie. Aussi, la créance de M. [L] [J] est, contrairement à la créance alléguée par Mme [T] [J], certaine, liquide et exigible.

Dès lors, le jugement déféré sera également confirmé en ce qu'il a débouté Mme [T] [J] de sa demande de compensation, ordonné la vente forcée du bien saisi et fixé les modalités relatives à la vente.

SUR LES FRAIS DE MAINLEVEE ET DE RADIATION

Pour rejeter la demande de Mme [T] [J] tendant à la condamnation de M. [L] [J] au paiement des frais de mainlevée et de radiation de l'hypothèque judiciaire définitive publiée le 4 août 2011 Volume 2011 V numéro 2562, se substituant à l'hypothèque provisoire publiée le 25 octobre 2006 V numéro 3794, et laisser à sa charge lesdits frais, le premier juge expose que l'hypothèque judiciaire était nécessaire au moment où elle a été prise afin de garantir la créance de M. [L] [J] qui n'était pas honorée.

Aux termes de ses écritures, Mme [T] [J] critique ce chef de jugement. Elle fait valoir que si le jugement du 27 juin 2019 a ordonné à bon droit la radiation et la mainlevée de cette inscription qui n'était plus causée à la suite de l'arrêt de la cour de cassation du 29 mai 2013 cassant l'arrêt de la cour d'appel de NÎMES du 7 juin 2011 et de l'arrêt de la cour d'appel de LYON du 19 mai 2015 réformant le jugement du 7 février 2008, il a cependant omis de statuer sur sa demande tendant à l'imputation de ces frais à M. [L] [J]. Elle précise qu'il importe peu que l'hypothèque était justifiée à la date de l'inscription, selon le jugement, cette circonstance étant indifférente.

En réplique, M. [L] [J] soutient que l'hypothèque était parfaitement régulière et justifiée à la date de son inscription en l'état des décisions rendues puisque le pourvoi n'a pas d'effet suspensif. Il ajoute que si l'arrêt du 7 juin 2011 a été partiellement cassé, la cour d'appel de LYON, cour de renvoi, n'a pas supprimé la condamnation prononcée au titre de la restitution des loyers et des intérêts ayant couru, cause de l'inscription, mais a simplement modifié le calcul de la créance, de sorte que Mme [T] [J] ne peut se prévaloir de ces décisions. Enfin, il indique que c'est toujours le débiteur qui supporte les frais de mainlevée et de radiation d'une inscription d'hypothèque, sauf si elle est était infondée et injustifiée.

Dans le cas présent, la prise d'une inscription d'hypothèque définitive n'était pas disproportionnée de sorte que par application de l'article L. 111-7 du code des procédures civiles d'exécution dont les conditions sont à apprécier à la date à laquelle le juge statue, M. [L] [J] pouvait y avoir recours. Au demeurant, le principe même de cette inscription n'est pas discuté par Mme [T] [J]. Toutefois, il sera relevé que l'arrêt de la cour d'appel de NÎMES du 7 juin 2011 servant de fondement à l'inscription d'hypothèque définitive du 4 août 2011 ayant fait l'objet d'une cassation, les frais de radiation et de mainlevée de l'inscription d'hypothèque définitive doivent, ainsi que le soutient l'appelante, rester à la charge du créancier, le fait que la cour d'appel de renvoi ait ensuite condamné Mme [T] [J] au paiement de loyers étant sans incidence.

Il s'ensuit que la charge des frais de mainlevée et de radiation doit être supportée par M. [L] [J].

Le jugement déféré sera donc infirmé de ce chef.

SUR L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE

Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur des parties qui seront donc déboutées de leurs prétentions formées à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant après débats en audience publique par mise à disposition au greffe, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

ECARTE la note en délibéré adressée le 12 mai 2023 par Mme [T] [J],

CONFIRME le jugement du 24 novembre 2022 du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de NÎMES en toutes ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a laissé à la charge de Mme [T] [J] le paiement des frais de mainlevée et de radiation de l'hypothèque publiée le 4 août 2011,

et statuant à nouveau de ce seul chef,

CONDAMNE M. [L] [J] au paiement des frais de mainlevée et de radiation de l'inscription de l'hypothèque judiciaire définitive publiée le 4 août 2011 volume 2011 V numéro 2562, se substituant à l'inscription d'hypothèque provisoire publiée le 25 octobre 2006 volume V numéro 3794,

et y ajoutant,

RENVOIE l'affaire devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de NÎMES pour qu'il soit procédé, à la requête de M. [L] [J], à la vente des droits et biens immobiliers visés au commandement de payer valant saisie immobilière du 28 juin 2018,

DIT n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT que les dépens seront employés en frais privilégiés de vente.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section a
Numéro d'arrêt : 22/04133
Date de la décision : 15/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-15;22.04133 ?
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