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25/05/2023 | FRANCE | N°21/03326

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section a, 25 mai 2023, 21/03326


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 21/03326 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IFMS



AL



TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE NIMES

05 juillet 2021 RG :18/02456



Compagnie d'assurance QBE EUROPE



C/



[B]



















Grosse délivrée

le

à Me Menard-Chaze

Selarl Guillemin











COUR D'AP

PEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A



ARRÊT DU 25 MAI 2023





Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NIMES en date du 05 Juillet 2021, N°18/02456



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



M. André LIEGEON, Conseiller, a entendu ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/03326 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IFMS

AL

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE NIMES

05 juillet 2021 RG :18/02456

Compagnie d'assurance QBE EUROPE

C/

[B]

Grosse délivrée

le

à Me Menard-Chaze

Selarl Guillemin

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

ARRÊT DU 25 MAI 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NIMES en date du 05 Juillet 2021, N°18/02456

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

M. André LIEGEON, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre

M. André LIEGEON, Conseiller

M. Nicolas MAURY, Conseiller

GREFFIER :

Mme Céline DELCOURT, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision, en présence de Carla D'AGOSTINO, greffière stagiaire.

DÉBATS :

A l'audience publique du 16 Mars 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 25 Mai 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

Compagnie d'assurance QBE EUROPE, société anonyme de droit belge au capital de 1.129.061.50,00 euros dont le siège social est sis [Adresse 5] (Belgique), enregistrée à la Banque-Carrefour des Entreprises sous le n0 0690.537.456, RPM Bruxelles, prise en sa succursale en France, dont l'établissement principal est sis [Adresse 6], immatriculée au RCS de Nanterre sous le n°842 689 556, venant aux droits de la société de droit anglais QBE INSURANCE (EUROPE) LIMITED,

en qualité d'assureur de Mme [S] [P] à l'enseigne TECHNIC PISCINES

[Adresse 6]

[Localité 2] / LA DEFENSE

Représentée par Me Sophie MENARD-CHAZE, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Marie-laure MARLE-PLANTE, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMÉ :

Monsieur [L] [B]

né le 14 Décembre 1949 à [Localité 4] (ALGERIE)

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Stéphane GUILLEMIN de la SELARL GUILLEMIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 26 Janvier 2023

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre, le 25 Mai 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DU LITIGE

Suivant un bon de commande signé le 26 novembre 2015, M. [L] [B] a fait l'acquisition auprès de Mme [S] [P], exerçant en nom personnel sous l'enseigne TECHNIC PISCINES, d'une piscine coque polyester de marque ABORAL, avec volet immergé et ce pour un montant de 16.550 EUR TTC.

Les travaux ont été réalisés le 26 février 2016 et ont donné lieu à une facture en date du 30 avril 2016.

Une pompe à chaleur a également été commandée.

Par courrier recommandé avec avis de réception du 11 août 2016, M. [L] [B] s'est plaint de désordres affectant la piscine et de l'absence d'installation de la pompe à chaleur.

Il n'a pas été donné suite à ce courrier et à l'initiative de l'assureur protection juridique de M. [L] [B], une expertise amiable a été mise en 'uvre.

Le cabinet CYNDEXIA a remis le 21 novembre 2016 un rapport mentionnant l'existence de désordres consistant dans la présence d'une amorce de renflement latéral affectant les deux longueurs du bassin et localisée à une profondeur de 40/50 cm du fil d'eau.

Par courrier recommandé du 17 février 2017, de nouveaux désordres affectant le volet roulant de la piscine ont été dénoncés par M. [L] [B].

Il n'a pas été remédié aux désordres et c'est ainsi que ce dernier a assigné en référé Mme [S] [P] aux fins d'obtenir l'instauration d'une expertise.

Par ordonnance de référé du 3 mai 2017, une expertise judiciaire a été confiée à M. [A].

Le rapport d'expertise a été déposé le 9 février 2018.

Sur la base de ce rapport, M. [L] [B] a assigné devant le tribunal de grande instance de NÎMES Me [E] [I], pris en sa qualité de liquidateur de Mme [S] [P], et la compagnie QBE, assureur de Mme [S] [P], aux fins d'obtenir, sur le fondement de la garantie de parfait achèvement et subsidiairement, sur le fondement de l'article 1792 du code civil, le paiement de la somme de 9.062,73 EUR au titre des travaux de reprise, outre une indemnité procédurale.

Par jugement du 5 juillet 2021, le tribunal judiciaire de NÎMES a :

- déclaré l'action de M. [L] [B] recevable au titre de la garantie de parfait achèvement,

- déclaré recevable l'intervention volontaire principale de la société QBE EUROPE aux lieu et place de la compagnie QBE,

- mis hors de cause la compagnie QBE INSURANCE (EUROPE) LIMITED,

- condamné la société QBE EUROPE à payer à M. [L] [B] la somme de 3.644,80 EUR TTC au titre de la réparation du désordre et de la remise en état,

- condamné la société QBE EUROPE à payer à M. [L] [B] la somme de 1.500 EUR au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société QBE EUROPE aux dépens recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- débouté les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Par déclaration du 2 septembre 2021 enregistrée au greffe le 6 septembre 2021, la société QBE EUROPE a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'intervention volontaire principale de la société QBE EUROPE aux lieu et place de la compagnie QBE et mis hors de cause la compagnie QBE INSURANCE (EUROPE) LIMITED.

Par ordonnance du 22 novembre 2021, le conseiller de la mise en état a constaté le désistement de la société QBE EUROPE concernant son appel dirigé à l'encontre de Me [E] [I], ès qualités de liquidateur de Mme [S] [P].

Aux termes des dernières écritures de la société QBE EUROPE SA/NV notifiées par RPVA le 30 novembre 2021, il est demandé à la cour de :

- vu le jugement du tribunal judiciaire de NÎMES du 5 juillet 2021,

- dire et juger l'appel de la société QBE EUROPE SA/NV recevable et bien fondé,

Sur les désordres invoqués concernant la piscine :

Au principal :

- vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile,

- vu l'absence de réception et de demande tendant à la faire juger,

- vu l'article 1792-6 du code de procédure civile,

- dire et juger que le tribunal judiciaire de NÎMES a statué extra petita concernant la date de réception de l'ouvrage,

- dire et juger irrecevables et en tout cas mal fondées les prétentions de M. [L] [B] du chef de la garantie de parfait achèvement comme du chef de la garantie décennale qui ne trouvent à s'appliquer que post-réception,

A titre subsidiaire :

- dire et juger que la société QBE EUROPE SA/NV n'est pas tenue à garantie pendant la période de garantie de parfait achèvement,

A titre très subsidiaire :

- dire et juger que la société QBE EUROPE SA/NV ne doit pas plus sa garantie au titre de la responsabilité civile générale,

En conséquence, et dans tous les cas :

- réformer le jugement du tribunal judiciaire de NÎMES du 2 septembre 2021 en ce qu'il a condamné la société QBE EUROPE SA/NV en qualité d'assureur de la société TECHNIC PISCINES, à prendre en charge le préjudice de M. [L] [B] à hauteur de 3.644,80 EUR TTC, outre 1.500 EUR au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens de l'instance,

Et ce faisant,

- débouter en tout état de cause M. [L] [B] de ses demandes,

- condamner M. [L] [B] à payer et porter à la société QBE EUROPE SA/NV la somme de 3.000 EUR en application de l'article 700 du code de procédure civile et par équité, outre les entiers dépens sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile, en ce compris les dépens de première instance ainsi que les dépens de l'ordonnance de référé du 3 mai 2017 (RG : 17/00158) .

Aux termes des dernières écritures de M. [L] [B] notifiées par RPVA le 19 janvier 2023, il est demandé à la cour de :

- vu les présentes conclusions et les pièces produites aux débats,

- vu les désordres affectant l'ouvrage livré à M. [L] [B],

- vu la responsabilité civile professionnelle de Mme [S] [P],

- vu les conditions générales du contrat d'assurance,

- dire et juger que les déformations de la coque de la piscine résultent d'une mauvaise pose de la coque imputable à TECHNIC PISCINES,

- dire et juger que la société QBE EUROPE SA/NV était l'assureur de l'entreprise TECHNIC PISCINES durant l'année 2016,

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de NÎMES en ce qu'il a déclaré recevable l'intervention volontaire de la société QBE EUROPE SA/NV en lieu et place de la compagnie d'assurances QBE et mis la société QBE EUROPE LIMITED hors de cause,

A titre principal,

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de NÎMES en ce qu'il a déclaré l'action de M. [L] [B] recevable au titre de la garantie de parfait achèvement,

A titre d'appel incident,

- réformer le jugement du tribunal judiciaire de NÎMES en ce qu'il a débouté M. [L] [B] de sa demande relative à la pose de la pompe à chaleur,

- réformer le jugement du tribunal judiciaire de NÎMES quant au quantum de la condamnation prononcée par ladite juridiction au titre de la réparation du désordre et de la remise en état des lieux,

En conséquence,

- condamner la société QBE EUROPE SA/NV, venant aux droits de la compagnie d'assurances QBE, assureur de l'entreprise TECHNIC PISCINES, à payer à M. [L] [B] la somme de 9.062,73 EUR TTC (soit 3.491 EUR TTC pour les déformations de la coque de la piscine et l'installation de la pompe à chaleur et 5.571,73 EUR TTC au titre des travaux d'aménagement qui devront à nouveau être réalisés autour de la piscine),

A titre subsidiaire et à titre d'appel incident,

- réformer le jugement du tribunal judiciaire de NÎMES en ce qu'il a débouté M. [L] [B] de sa demande subsidiaire consistant à dire et juger que les désordres affectant la piscine de M. [L] [B] relèvent de l'article 1792 du code civil,

- réformer le jugement du tribunal judiciaire de NÎMES en ce qu'il a débouté M. [L] [B] de sa demande relative à la pose de la pompe à chaleur,

En conséquence,

- dire et juger que les désordres affectant la piscine de M. [L] [B] relèvent de l'article 1792 du code civil,

- condamner la société QBE EUROPE SA/NV, venant aux droits de la compagnie d'assurances QBE, assureur de l'entreprise TECHNIC PISCINES, à payer à M. [L] [B] la somme de 9.062,73 EUR TTC (soit 3.491 EUR TTC pour les déformations de la coque de la piscine et l'installation de la pompe à chaleur et 5.571,73 EUR TTC au titre des travaux d'aménagement qui devront à nouveau être réalisés autour de la piscine),

En tout état de cause,

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de NÎMES en ce qu'il a condamné la société QBE EUROPE SA/NV à payer à M. [L] [B] la somme de 1.500 EUR au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de NÎMES en ce qu'il a condamné la société QBE EUROPE SA/NV aux dépens recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de NÎMES en ce qu'il a ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- condamner la société QBE EUROPE SA/NV à la somme de 3.000 EUR sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

- condamner la société QBE EUROPE SA/NV aux entiers dépens de l'instance d'appel.

Pour un rappel exhaustif des moyens des parties, il convient, par application de l'article 455 du code de procédure civile, de se référer aux dernières écritures des parties notifiées par RPVA.

Par ordonnance du 24 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 janvier 2023.

MOTIFS

SUR LA DEMANDE D'INDEMNISATION AU TITRE DES DESORDRES AFFECTANT LA PISCINE ET DES AMENAGEMENTS PAYSAGERS

Dans son jugement, le premier juge indique que la réception des travaux est intervenue le 30 avril 2016 et que le désordre affectant la coque de la piscine et consistant dans le gondolement à plus ou moins mi-hauteur des côtés longitudinaux a été dénoncé par M. [L] [B] suivant un courrier recommandé du 11 août 2016 adressé au constructeur, demande étant faite à ce dernier d'intervenir pour mettre fin au désordre. Il ajoute que ce désordre a bien été notifié dans le délai d'un an suivant la réception fixée au 26 février 2016 et relève de la garantie de parfait achèvement prévue à l'article 1792-6 du code civil. Il précise par ailleurs que M. [L] [B] a agi dans les délais prescrits en la matière et que la garantie de la société QBE EUROPE SA/NV est due au titre de sa responsabilité civile, selon l'attestation d'assurance et les conditions générales de la police, de sorte que cette dernière doit être tenue au paiement de la somme de 3.644,80 EUR TTC qui comprend la somme de 837,33 EUR au titre de la remise en état des lieux pour les aménagements paysagers réalisés par le demandeur.

La société QBE EUROPE SA/NV fait valoir que l'existence d'une réception n'est pas avérée et que le tribunal a statué extra petita en fixant judiciairement la réception au 30 avril 2016, alors même qu'aucune demande ne lui avait été présentée en ce sens. Elle ajoute que les demandes de M. [L] [B] ne peuvent donc prospérer au titre des fondements post-réception invoqués. A titre subsidiaire, elle soutient que l'assurance responsabilité civile souscrite ne couvre pas la garantie de parfait achèvement, le défaut d'achèvement ne résultant pas d'un aléa et ladite garantie constituant une garantie légale et d'ordre public qui ne relève pas du contrat d'assurance. Au surplus, elle indique que la première demande permettant l'application de la garantie de parfait achèvement formée par M. [L] [B] correspond à l'assignation du 3 mai 2018, de sorte que l'action fondée sur la garantie de parfait achèvement est irrecevable pour avoir été formée hors délai. Sur le fond, elle conteste encore la qualité de tiers de M. [L] [B] qui est maître de l'ouvrage et souligne qu'il n'est pas question de dommages aux existants, de dommages corporels ou de dommages immatériels consécutifs, ce qui exclut toute garantie au titre de la responsabilité civile, la police ne garantissant pas par ailleurs les travaux dont le coût est réclamé.

En réplique, M. [L] [B] fait valoir que le tribunal n'a pas fixé judiciairement la date de réception, ne venant que confirmer cette date retenue par l'expert, et souligne que la réception est intervenue tacitement. Par ailleurs, il expose qu'ainsi que l'a retenu le premier juge, le désordre relève bien de la garantie de parfait achèvement et que son action est recevable pour avoir été diligentée dans les délais prescrits, l'ordonnance de référé du 3 mai 2017 ayant fait courir un nouveau délai d'un an, après l'interruption intervenue du fait de la délivrance de l'assignation en référé. Il indique encore que la garantie responsabilité civile couvre les désordres dénoncés dans le cadre de la garantie de parfait achèvement. Il précise que M. [L] [B] a bien la qualité de tiers au sens du contrat et soutient que les dommages ainsi que leurs conséquences résultant de la faute commise par ce dernier doivent en conséquence donner lieu à réparation, les conditions générales n'excluant pas l'indemnisation de tels dommages et les exclusions de garantie ne concernant que les situations dans lesquelles aucune faute n'a été commise, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. M. [L] [B] fait valoir également que le tribunal a fait une fausse appréciation du montant de son préjudice en ne faisant pas droit à sa demande concernant les ouvrages situés autour de sa piscine. A titre subsidiaire, il relève que la garantie responsabilité décennale de la police peut être mise en 'uvre, rappelant que celle-ci couvre les conséquences des dommages évolutifs et futurs.

L'article 1792-6 alinéa 1 du code civil dispose : « La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement. »

Il est constant, en application de ces dispositions, que la réception peut intervenir tacitement, avec ou sans réserves, en cas de volonté non équivoque du maître de l'ouvrage d'accepter les travaux.

En l'occurrence et ainsi que l'indique à juste titre l'intimé, le premier juge, qui était saisi de la contestation portant sur la réception des travaux, n'a pas fixé judiciairement la réception de l'ouvrage à la date du 30 avril 2016, mais a retenu à bon droit, M. [L] [B] ayant pris possession de l'ouvrage et réglé l'intégralité des sommes dues (le dernier versement est en date du 30 avril 2016), ce qui n'est pas contesté, que la réception était intervenue à cette date, ladite réception devant s'entendre d'une réception tacite et sans réserves. Aussi, le tribunal n'a pas statué extra petita, ce qui rend inopérant le moyen développé à ce titre par la société QBE EUROPE SA/NV.

Il est de principe que la réception constitue le point de départ des garanties légales prévues par les articles 1792 et suivants du code civil.

L'article 1792-6 alinéas 2 et suivants du code civil énonce :

« La garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an, à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception.

Les délais nécessaires à l'exécution des travaux de réparation sont fixés d'un commun accord par le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur concerné.

En l'absence d'un tel accord ou en cas d'inexécution dans le délai fixé, les travaux peuvent, après mise en demeure restée infructueuse, être exécutés aux frais et risques de l'entrepreneur défaillant.

L'exécution des travaux exigés au titre de la garantie de parfait achèvement est constatée d'un commun accord, ou, à défaut, judiciairement.

La garantie ne s'étend pas aux travaux nécessaires pour remédier aux effets de l'usure normale ou de l'usage. »

De ces dispositions, il ressort que la garantie de parfait achèvement, qui est due par l'entrepreneur indépendamment de toute faute, prévoit tout d'abord une phase amiable, puis une phase pré-contentieuse où, à défaut d'accord ou en cas de non respect des délais convenus, le maître de l'ouvrage peut, après une mise en demeure restée infructueuse, faire exécuter les travaux par un autre entrepreneur aux frais et risques de l'entrepreneur défaillant, cette dernière phase pouvant, le cas échéant, être suivie d'une phase contentieuse visant à obtenir la condamnation de l'entrepreneur principal à exécuter sous astreinte les travaux, au remboursement des frais exposés en cas de préfinancement des travaux par le maître de l'ouvrage ou au paiement d'une provision en vue de leur réalisation.

Par ailleurs, il est constant que le délai d'un an prévu par l'article 1792-6 précité, qui court à compter de la réception, constitue un délai à la fois de dénonciation et d'action, et est uniquement susceptible, ayant la nature d'un délai de forclusion, d'interruption.

Comme l'a noté le premier juge, M. [L] [B] a notifié à TECHNIC PISCINES, suivant une lettre recommandée avec avis de réception du 11 août 2016, le désordre affectant la coque de la piscine, lui demandant de bien vouloir, sous quinzaine, procéder aux réparations nécessaires. Aussi, il a bien été satisfait à la dénonciation de ce désordre dans le délai d'un an à compter de la réception tacite intervenue le 30 avril 2016 qui constitue le point de départ du délai de forclusion. Ce délai a été interrompu, conformément à l'article 2241 du code civil, par l'assignation en référé expertise du 1er mars 2017 délivrée à Mme [S] [P] et son assureur après que dans le cadre de l'expertise amiable diligentée, l'entreprise a fait connaître qu'elle n'entendait pas intervenir, et par application de l'article 2242 du code civil, un nouveau délai d'un an a commencé à courir à compter du 3 mai 2017, date de l'ordonnance. Aussi, à la date du 3 mai 2018, date de l'assignation de la compagnie QBE, l'action n'était pas forclose.

Ainsi que le fait valoir l'appelante, l'échec de la phase amiable n'a été suivi d'aucune mise en demeure de la part de M. [L] [B], lequel n'a pas fait par ailleurs procéder à la réalisation des travaux par une autre entreprise, ni sollicité la condamnation de Mme [S] [P] à leur exécution sous astreinte ou au paiement d'une provision, de sorte que si celui-ci a bien agi dans le délai d'un an en assignant l'intimée par acte du 3 mai 2018, il n'a toutefois pas respecté les conditions de mise en 'uvre de la garantie de parfait achèvement. Surabondamment, il sera rappelé que la garantie de parfait achèvement a le caractère de réparation en nature et que si une demande indemnitaire, qui ne vise pas au remboursement de travaux engagés par le maître de l'ouvrage en application de l'article 1792-6 du code civil, peut être formée en réparation de désordres apparus après la réception pendant le délai d'un an, une telle demande ne peut l'être que sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour faute prouvée qui n'est pas invoqué au cas d'espèce, ou le cas échéant, sur celui des garanties décennale ou biennale.

Dès lors et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'application de la garantie responsabilité civile générale du contrat d'assurance souscrit auprès de l'appelante, les demandes présentées par M. [L] [B] au titre de la garantie de parfaitement achèvement ne peuvent être accueillies.

A titre subsidiaire, M. [L] [B] se prévaut des dispositions de l'article 1792 du code civil.

L'article 1792 alinéa 1 du code civil dispose : « Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. »

Dans son rapport, l'expert indique que la coque de la piscine présente des déformations en forme d'ondes de direction horizontale avec des écarts d'ordre centimétrique au maximum sur les parties planes des deux grands côtés de la coque, sans fissuration ni éclatements visibles du gelcoat, en lien avec un défaut de pose et en particulier de mise en 'uvre du remblai périphérique. Il ajoute que les conséquences de ces déformations sont exclusivement d'ordre esthétique. Par ailleurs, il précise, en réponse au dire déposé par M. [L] [B], que ce défaut de pose est limité à une mise en place incorrecte des remblais qui ont légèrement déformé les flancs de la coque entre les renforts horizontaux par l'effet de tassements complémentaires maintenant stabilisés, et qu'une potentielle évolution défavorable conduisant à la gravité requise pour caractériser un désordre de nature décennale dans ce délai d'épreuve de l'ouvrage est très improbable.

Les désordres évolutifs sont des désordres de la gravité de l'article 1792 du code civil, réalisés et dénoncés dans le délai décennal mais qui vont se poursuivre et provoquer de nouveaux dommages postérieurement à l'expiration de ce délai, donc à un moment où la prescription sera acquise.

En l'occurrence, le désordre affectant la coque ne répond pas à cette définition dès lors qu'il ne présente pas à ce stade, selon les indications de l'expert, de caractère décennal, n'ayant qu'un caractère esthétique et ne remettant pas en cause la solidité de l'ouvrage, ni sa destination. En outre, il sera noté que M. [L] [B] ne justifie pas, à la date de la clôture de l'instruction, d'une aggravation de la déformation des flancs de la coque et pas davantage, de l'impossibilité dans laquelle il se trouverait d'utiliser la piscine.

Par ailleurs, est qualifié de désordre décennal futur un désordre qui présentera de façon certaine dans le délai de dix ans à compter de la réception un caractère décennal.

Or dans le cas présent, tel n'est pas le cas au vu des éléments de réponse fournis par l'expert qui ne sont contredits par aucune pièce ou avis technique contraire.

En conséquence, la responsabilité décennale de Mme [S] [P] n'étant pas engagée, la demande d'indemnisation présentée sur ce fondement à l'encontre de la société QBE EUROPE SA/NV ne peut davantage prospérer.

Il sera donc fait droit à l'appel formé par la société QBE EUROPE SA/NV et statuant à nouveau, M. [L] [B] sera débouté de sa demande d'indemnisation présentée au titre des dommages affectant la coque de la piscine. En outre et par voie de conséquence, il sera débouté de sa demande d'indemnisation présentée, dans le cadre de son appel incident, au titre des travaux d'aménagement paysager, et le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef.

SUR LA DEMANDE D'INDEMNISATION AU TITRE DE LA POMPE A CHALEUR

Dans son jugement, le tribunal rejette la demande de M. [L] [B] présentée au titre de la pompe à chaleur en relevant d'une part, que la facture du 5 mars 2016 d'un montant de 1.200 EUR TTC la concernant ne mentionne aucune prestation de service, et d'autre part, qu'il n'est pas démontré que la prestation de l'entreprise TECHNIC PISCINES s'étendait à l'installation de cet équipement.

Aux termes de ses écritures, M. [L] [B] soutient que la prestation de l'entreprise TECHNIC PISCINES comprenait à la fois le coût de la pompe à chaleur, d'une valeur d'environ 450 EUR, et le prix de sa pose évalué par l'expert à 850 EUR. Il ajoute qu'à la suite du refus de l'entreprise TECHNIC PISCINES de procéder à cette installation, il a fait appel à l'entreprise ALBE OCCITANIE, ce qui lui a occasionné un coût supplémentaire de 1.101 EUR TTC.

En réplique, la société QBE EUROPE SA/NV conclut au débouté de la demande. Elle rappelle notamment le dispositif de ses écritures développées en première instance et tendant à ce qu'il soit relevé que le défaut de pose était apparent à la réception et ne relève d'aucune de ses garanties.

L'entreprise TECHNIC PISCINES a livré une pompe à chaleur Poolex One modèle 60 devant servir à chauffer l'eau de la piscine, suivant une facture du 5 mars 2016 de 1.200 EUR TTC réglée intégralement le 7 mars 2016 par M. [L] [B].

Ainsi que cela ressort de l'attestation de M. [R] [X], peintre étant intervenu en même temps que l'entreprise TECHNIC PISCINES chez M. [L] [B] pour y effectuer des travaux, la pose de la pompe à chaleur Poolex One modèle 60 incombait également à cette dernière, selon la conversation qu'il avait eue avec son personnel, ce que retient également l'expert qui souligne que cette dernière était seule à intervenir pour la réalisation de la piscine. Aussi, il convient, la société QBE EUROPE SA/NV ne formulant par ailleurs aucune observation à ce sujet, de considérer que la pose de la pompe à chaleur faisait partie de la prestation devant être réalisée.

Ce défaut de pose était cependant apparent lors de la réception tacite intervenue à la date du 30 avril 2016. Or aucune réserve n'a alors été faite par M. [L] [B] qui n'a notifié ce défaut d'installation ainsi que ceux affectant la coque que dans son courrier recommandé du 11 août 2016.

Il en résulte que ce vice apparent a été purgé lors de la réception tacite, ce qui fait obstacle à toute revendication le concernant.

Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [L] [B] de sa demande présentée à ce titre.

SUR L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société QBE EUROPE SA/NV à payer à M. [L] [B] la somme de 1.500 EUR sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [L] [B], qui succombe, sera débouté de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En équité, il ne sera pas fait application de ces dispositions en faveur de la société QBE EUROPE SA/NV.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement , contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

INFIRME le jugement du tribunal judiciaire de NÎMES du 5 juillet 2021 en ce qu'il a condamné la société QBE EUROPE à payer à M. [L] [B] la somme de 3.644,80 EUR TTC au titre des frais de reprise de la piscine et la somme de 1.500 EUR au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et l'a condamnée aux dépens recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau de ces seuls chefs,

DIT que la réception tacite et sans réserves des travaux est intervenue le 30 avril 2016,

DEBOUTE M. [L] [B] de sa demande d'indemnisation des travaux de reprise de la piscine formée au titre de la garantie de parfait achèvement et de la garantie décennale,

Le DEBOUTE en outre de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [L] [B] aux dépens de première instance qui comprendront les frais d'expertise et de référé et seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

CONFIRME pour le surplus de ses dispositions soumises à la cour le jugement du 5 juillet 2021 du tribunal judiciaire de NÎMES,

et y ajoutant,

DIT n'y avoir lieu à l'application en cause d'appel de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [L] [B] aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section a
Numéro d'arrêt : 21/03326
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;21.03326 ?
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